Dominique Podesta, spécialiste des ressources humaines associée au sein du cabinet Louis Dupont Transition, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils s'intéressent au nouveau congé de naissance qui remplacera bientôt le congé parental.
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00:00 - Si vous nous rejoignez Europe 1, il est 6h40. Votre interview éco, Dimitri Pavlenko, sur les congés de naissance, le congé parental, nouvelle formule annoncée par Emmanuel Macron.
00:08 Un congé utilisé par moins d'un père sur 100. Quelle indemnisation ? Pour en parler, vous recevez Dominique Podesta.
00:15 - Oui, indemnisation, entre autres aussi, combien de temps ça va durer. Bonjour Dominique Podesta.
00:19 - Bonjour Dimitri, merci de m'accueillir.
00:20 - Je vous en prie, bienvenue sur Europe 1. Vous êtes partenaire du cabinet Louis Dupont. Vous me disiez en rentraînement, 30 ans de DRH.
00:26 C'est ce titre que vous connaissez très très bien, ces sujets-là. Juste je précise, Kaminelle Louis Dupont, c'est du management de transition, l'intérim de cadre supérieur on va dire, mais c'est un petit peu moins joli.
00:36 Alors ce congé de naissance, il est censé voir le jour dans le prochain budget de la sécu, à la fin de l'année, à l'automne, pour une entrée en vigueur fin 2025.
00:44 Une concertation a démarré mercredi dernier, réunissant les syndicats, patronaux, de salariés, les associations familiales, les élus aussi.
00:51 Qu'est-ce qui se dessine Dominique Podesta, ça va ressembler à quoi ce congé de naissance ? Quel est l'enjeu aussi ?
00:57 - Alors, d'abord c'est après la naissance d'un enfant, ce moment où l'État fait en sorte que la maman ou le papa puissent avoir un temps supplémentaire pour soit organiser leur vie privée,
01:11 soit organiser aussi la logistique quand on travaille. C'est une vieille loi, la loi qui permettait d'avoir un congé parental jusqu'aux 3 ans de l'enfant, donc renouvelé chaque année.
01:22 Ça a rapporté que 400 euros, on était dans ces cas-là rémunérés assez faiblement, et surtout ça a autorisé les femmes, puisque le contrat est suspendu, à ne pas avoir besoin de la vie de l'entreprise pour prendre cette décision.
01:33 - Donc ça c'était le congé parental, 300, 448 euros par mois.
01:37 - Voilà, maintenant le gouvernement décide de faire progresser la natalité, ce qui n'est pas un sujet tout à fait de l'entreprise, c'est un sujet de la collectivité.
01:46 C'est d'ailleurs il y a 6 ans, je voyais, la commission européenne qui avait déjà imaginé un congé parental jusqu'aux 12 ans de l'enfant.
01:53 Donc il y a un sujet de natalité qui est le sujet de l'État, ce n'est pas le sujet de l'entreprise. Et le sujet des femmes notamment, et des hommes dans l'entreprise, il y en a deux.
02:01 Le premier c'est que quand on prend un congé parental, on s'absente après la naissance d'un enfant, c'est qu'on a un problème de logistique, on n'a pas de garde.
02:07 Il y a un problème de crèche.
02:08 - Le congé parental on ne le prend pas pour le bien de l'enfant, on le prend parce qu'on n'arrive pas à trouver un moyen de le faire garder ?
02:13 - On le prend pour cette option, on le prend pour une deuxième option qui est des choix de vie personnel, parce que la maman a envie de passer du temps avec son enfant,
02:22 parce qu'il y a des problématiques de travail, on ne peut pas gérer les horaires, ou parce que simplement elle a des problématiques aussi personnelles qui ne nous regardent pas.
02:30 - Mais il faut avoir les moyens.
02:31 - Oui, il faut avoir les moyens, ou arbitrer, parce que si vous ne payez pas la crèche et que vous êtes chez vous, vous avez un arbitrage dans votre équilibre financier.
02:39 - Je vais donner un chiffre quand même, le congé parental aujourd'hui c'est 13,7% des mamans qui le prennent, donc à peu près une maman sur 6, alors les pères 0,8%.
02:48 Moins d'un père sur 100 prend son congé parental.
02:50 - A l'échelle de l'Etat, ça paraît beaucoup, à l'échelle de l'entreprise, en fait c'est un épiphénomène, les femmes qui prennent leur congé parental, d'abord on ne les mesure pas.
02:58 - La réalité c'est quand vous êtes dans une entreprise où il n'y a que des hommes, par exemple, plus les travaux publics, vous avez peu de chances d'avoir des femmes.
03:03 Et les hommes ne le prennent pas, ils ont déjà bien progressé avec le congé paternité, donc il a fallu plusieurs années, donc ça avance, mais c'est sûr que perdre une rémunération c'est un vrai problème.
03:14 - Alors venons-en au congé de naissance, tel qu'il se dessine, j'en donne les grands contours, l'idée serait de partager la charge, 3 mois pour le père, 3 mois pour la mère,
03:22 et la rémunération, alors là on change de monde, ce serait 50% du salaire avec un plafond de 1900 euros par mois.
03:31 C'est vrai que financièrement c'est beaucoup plus attractif que le congé parental.
03:34 - Alors si mon calcul est bon, quand vous gagnez 2000 euros, 50% vous toucherez 1000, quand vous en gagnez 6, vous ne toucherez que 1900.
03:41 - Et si vous gagnez 1000 euros, vous gagnerez 500 euros par mois ?
03:44 - C'est ça, c'est 50% de la somme, donc c'est mieux qu'avant, donc il y aura probablement un phénomène supplémentaire.
03:51 Maintenant, la problématique dans laquelle on est dans les entreprises, c'est que,
03:56 1) quand vous êtes dans une grande entreprise et qu'une femme s'absente ou un homme s'absente, ça s'organise.
04:01 - La rémunération, dont on parle, l'indemnisation, c'est l'entreprise qui va la... ?
04:04 - Non, non, non, c'est la sécurité sociale, après l'entreprise pourra éventuellement...
04:08 - Abonder éventuellement, oui.
04:10 - Oui, c'est pas vraiment un sujet intéressant, parce que vous avez un taux de coût excessivement important quand vous abondez, pour peu de personnes concernées.
04:21 Donc les entreprises, elles doivent aussi arbitrer entre des investissements qu'elles vont donner qui peuvent avoir un effet d'aubaine ou d'annonce fort, pour très peu de femmes.
04:28 - Mais les boîtes n'anticipent pas un afflux soudain de parents se ruant sur le futur congé de naissance ?
04:34 - Non, non, parce qu'aujourd'hui, la problématique des femmes, c'est leur parcours de carrière.
04:38 Donc plus je m'absente, moins je suis présente, moins je suis en capacité de gérer mon employabilité, et puis je suis absente au moment où un poste se présente.
04:46 Donc l'objectif, c'est quand même de ne pas rester très longtemps à l'extérieur.
04:49 - Voilà, et on en revient au même sujet toujours, c'est-à-dire que, est-ce que ça n'est pas finalement ce congé de naissance,
04:54 une manière de "repimper" si vous me passez l'expression, le congé parental qui n'a pas un très très grand succès,
05:00 mais parce qu'il y a toujours un problème sur les modes de garde, on n'a pas assez de places en crèche, on n'a pas assez d'assistantes maternelles par endroits, etc.
05:06 - C'est très clair, moi je l'ai vu dans des entreprises, quand vous arbitrez entre financer le congé parental pour des femmes plutôt cadres,
05:14 ou attribuer des places en crèche, quand vous attribuez des places en crèche, vous avez 100% de satisfaction.
05:18 Et vous concernez 100% de vos mamans ou papas qui ont un enfant.
05:23 Quand vous vous adressez à abonder un congé parental, vous vous adressez à 13% de peut-être les 15% de femmes que vous avez, donc à personne.
05:31 Et pour autant vous avez le même coût.
05:33 Donc la grande opportunité de ce sujet, c'est de remettre sur la table une fois de plus les chartes de parentalité,
05:40 une fois de plus la problématique de la garde, qui est un des enjeux en fait...
05:44 - Qu'est-ce que c'est les chartes de parentalité ?
05:46 - Les chartes de parentalité, c'est-à-dire l'engagement de l'entreprise vis-à-vis des équilibres de vie,
05:53 et de favoriser la possibilité d'avoir ses enfants tout en travaillant, sa carrière,
05:59 et aussi faire en sorte que les hommes n'aient pas peur aussi de prendre leur congé,
06:03 et que leur manager ait un regard sur eux bien plus bienveillant.
06:06 - On est sur un effort budgétaire de quel ordre pour les entreprises qui s'engagent dans ces chartes de parentalité ?
06:13 Vous dites finalement que ça ne coûte pas plus cher que de gérer le congé parental,
06:17 et ça a cet avantage de réconcilier la parentalité, le fait d'avoir un enfant, avec son travail.
06:22 On n'est pas obligé de choisir, on peut avoir les deux.
06:24 - Oui, alors c'est difficile, parce que ça dépend des tailles d'entreprise,
06:27 mais une place en crèche c'est 6 000 euros par mois, pour faire très très court.
06:33 Mais si vous êtes en train de gérer une population de femmes qui représente 500 personnes,
06:38 ça va vous coûter 2 millions une mesure.
06:41 Mais 2 millions sur les crèches vous servent à 100% des demandes,
06:44 2 millions sur le congé parental vous servez à 2 femmes qui en ont besoin.
06:47 - Très intéressant, merci Dominique Podesta d'être venue au micro d'Europe 1 ce matin du cabinet Louis Dupont.
06:53 C'est une des questions qui a été posée par le syndicat,
06:57 mais qu'est-ce qu'on fait pour ceux qui ont des jumeaux, pour ceux qui ont des enfants handicapés ?
07:00 - Je pourrais vous en parler parce que j'en ai eu.
07:02 - Pour tout ça il faut des solutions spécifiques.
07:04 Merci Dominique Podesta d'être venue ce matin au micro d'Europe 1.
07:06 Bonne journée à vous !