• il y a 6 mois
Pendant plus de trois millions d’années, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont prélevé directement dans la nature ce qui était nécessaire à leur alimentation. Mais il y a 10 000 ans, l’apparition au Néolithique de l’agriculture et de l’élevage a totalement transformé notre mode de subsistance et ouvert une nouvelle ère de développement pour l’humanité. Second volet.

En Anatolie centrale, l’archéologue turc Ali Umut Türkcan dirige les fouilles du site de Çatal Höyük, l’une des plus anciennes zones urbaines exhumées à ce jour. Outre la présence d’animaux d’élevage (moutons, chèvres), celle de formes domestiquées de blé, de différentes céréales (petit épeautre, avoine) et de légumineuses (pois chiches, lentilles) représente une découverte importante. Difficile cependant de déterminer comment ces aliments végétaux étaient consommés par les 5 000 à 8 000 personnes qui y auraient vécu entre 7 200 et 5 950 avant J.-C. Ancienne conservatrice du musée de Bibracte, Anne Flouest a entrepris de reconstituer des recettes à partir des résultats de découvertes archéologiques et d’expérimentations qu’elle réalise. Ce changement de mode de vie et d’alimentation est-il celui d’une population spécifique qui aurait migré, ou s’est-il propagé par acculturation ? À l’université de Vienne, l’anthropobiologiste Ron Pinhasi a imaginé un moyen de répondre à cette question en comparant l'ADN des populations néolithiques en Europe, au Proche et au Moyen-Orient avec celles du Paléolithique. L’anthropologue biologiste Alain Froment s’intéresse notamment aux différences anatomiques entre chasseurs-cueilleurs et éleveurs-agriculteurs tandis qu’à Paris Céline Bon, paléogénéticienne au Muséum national d'histoire naturelle, étudie les mutations les plus importantes survenues au Néolithique dans notre génome. Mélanie Roffet-Salque, ingénieure chimiste à l’université de Bristol, débusque quant à elle les traces de lait dans des tessons de poterie vieux de plusieurs dizaines de millénaires. De son côté, Dan Dediu, phonéticien au laboratoire de recherche de l'université de Barcelone, explique comment les nouvelles préparations alimentaires, moins difficiles à mastiquer, ont eu une incidence sur la production des sons du langage.

Category

Personnes
Transcription
00:00 [Musique]
00:26 Manger. Depuis la nuit des temps, se nourrir est une des préoccupations premières de notre espèce.
00:33 Pendant plus de 3 millions d'années, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont prélevé dans la nature ce qui était nécessaire à leur alimentation.
00:43 Mais il y a 10 000 ans, l'apparition de l'agriculture et de l'élevage va totalement transformer notre mode de subsistance
00:53 et provoquer une révolution qui va bouleverser notre histoire.
00:57 Une nouvelle ère va s'ouvrir pour l'humanité, celle du néolithique.
01:05 Là on a la domestication du feu, la domestication des céréales. On est gros dans le temps.
01:20 Il a été démontré qu'ici, il y avait eu domestication et consommation de moutons, de chèvres, de cochons ou encore d'autres espèces comme les chevaux.
01:29 Depuis 10 ans, de nouvelles fouilles archéologiques et les progrès des techniques de recherche et d'analyse
01:38 ont permis de développer et d'affiner la connaissance des comportements de nos ancêtres en matière d'alimentation.
01:45 Avec nos méthodes, on arrive à voir les traces de lait qui sont dans des tessons qui ont des millénaires.
01:51 Grâce à ces recherches, les scientifiques ont émis de nouvelles hypothèses sur les liens entre alimentation et évolution anatomique, cognitive et sociale.
02:01 Avec le néolithique, il y a un appauvrissement considérable de la richesse de l'alimentation.
02:08 Quand on regarde les squelettes, on voit des signes d'anémie.
02:14 L'alimentation, c'est quand même un des fondements de la biologie des êtres vivants de façon générale.
02:19 Il y a une énorme pression de sélection sur ce paramètre.
02:22 Quelles sont les conséquences de ce nouveau mode de vie néolithique, né dans le croissant fertile,
02:28 une zone à cheval sur le Proche et le Moyen-Orient, lorsqu'il se diffuse vers l'Ouest et jusqu'en Europe ?
02:34 Quels vont être les nouveaux aliments consommés ?
02:37 Quels sont les effets de ce nouveau régime alimentaire sur notre état de santé, sur la démographie humaine,
02:43 sur l'organisation sociale ?
02:45 À quel point souligne-t-elle la capacité d'adaptation de notre espèce ?
02:50 Cette enquête commence à Cataloyuk, en Anatolie centrale, un lieu emblématique de cette révolution néolithique.
03:13 L'un des éléments qui signe le néolithique est l'apparition des premières zones d'habitat densément construites.
03:20 Et Cataloyuk est l'une des plus anciennes exhumées à ce jour.
03:24 Les datations en carbone 14 d'artefacts retrouvés sur le site témoignent d'une occupation sédentaire
03:31 à partir de la fin du 8e millénaire avant Jésus-Christ.
03:39 Alain Froman, médecin, anthropobiologiste et ancien conservateur des collections au Musée de l'Homme,
03:45 vient prendre connaissance des dernières fouilles réalisées sur le site.
03:48 Il y retrouve Ali Umut Turkan, l'archéologue turc qui supervise les recherches.
04:06 Donc ici, on voit clairement un mur ?
04:09 Oui, c'est bien un mur.
04:10 Là, avec des briques ?
04:11 Avec du plâtre.
04:12 Et aussi on aperçoit le trou laissé par une poutre.
04:18 Quand ils voulaient construire une nouvelle maison, ils démolissaient la partie supérieure de l'ancienne
04:25 et se servaient des gravats pour niveler et reconstruire.
04:34 En 1958, les britanniques James Mallard, David French et Alan Hall découvrent Chatteloyouk lors d'une fouille.
04:44 Avec 14 hectares, c'est à ma connaissance le plus grand tel néolithique du Moyen-Orient
04:54 et de l'Europe du Sud, et peut-être du monde.
05:00 Le néolithique, c'est plusieurs composantes. C'est la domestication des plantes, des animaux,
05:05 c'est la sédentarisation, c'est la fabrique de poterie, c'est un outillage qui change, la pierre polie.
05:11 La transition néolithique s'est faite progressivement, pas au même rythme,
05:16 mais pas tout à fait à la même époque selon les continents.
05:19 C'est la première fois dans l'humanité que ça arrive.
05:28 Sur ce site, la domestication existe depuis le début.
05:33 On a prouvé qu'ici, il y avait eu la consommation de moutons, de chèvres, de cochons
05:42 ou encore d'autres espèces comme des chevaux.
05:45 Ces espèces ont une place essentielle dans l'alimentation des habitants, surtout pour l'apport en graisse.
05:55 Les ovins et les caprins constituent la principale source de protéines.
05:59 Mais le plus important à Çatalhöyük, ce sont toutes les formes domestiquées du blé et de différentes céréales.
06:11 Par exemple, du petit épaule ou de l'amidonier, de l'avoine.
06:22 On retrouve aussi des légumineuses comme des pois, des pois chiches, des lentilles.
06:29 Au néolithique, on va avoir une restriction à des choses qui sont beaucoup plus rentables
06:47 en termes de calories, en termes de facilité d'accès, de production.
06:51 L'agriculture vous permet non seulement de consommer ce qui est disponible, mais de fabriquer des nouveaux champs.
06:57 Mais si vous prenez une prairie et que là, vous semez du blé là où il n'y en avait pas, c'est ça l'agriculture.
07:03 C'est le geste de fabriquer de la ressource même là où il n'y en avait pas.
07:07 Et puis c'est bien sûr la multiplication de la ressource.
07:10 Par exemple, si je plante un grain de maïs, je récolte un épi de maïs, donc peut-être 200 grains.
07:15 Donc j'ai multiplié par 200 ma capacité de production.
07:19 Au néolithique, le changement de nourriture va se concentrer vers des super aliments, super céréales, etc.
07:27 On est plus limité par la capacité de portage de l'environnement naturel.
07:32 On est en train de fabriquer son propre environnement.
07:35 Ici, c'est une nouvelle zone fouillée l'année dernière.
07:46 Selon vous, ceci est une rue, donc c'est une structure urbaine ?
07:50 Oui, une structure urbaine. Et là, il y a un autre quartier.
07:55 Et ça, ce sont les niveaux supérieurs, les plus récents ?
07:58 Oui, les niveaux supérieurs de ce monticule.
08:01 Le processus s'étend sur 1200 ans avec 16 couches successives d'urbanisation
08:06 qui s'échelonnent entre 7200 avant Jésus-Christ et 5950 avant Jésus-Christ.
08:12 Sur certaines périodes, entre 5000 et 8000 personnes vivaient dans cette ville,
08:16 ce qui est un chiffre très élevé pour l'époque. On l'observe pratiquement qu'ici.
08:20 Deux phénomènes contribuent à cette augmentation de population.
08:27 La sédentarisation et l'amélioration de l'accès aux ressources alimentaires.
08:39 Les sociétés de chasseurs-cueilleurs sont stables, donc font peu d'enfants.
08:43 Soit parce qu'il y a une forte mortalité infantile,
08:46 soit tout simplement parce qu'eux-mêmes régulent leur natalité
08:49 en espaçant les naissances et en prolongeant l'allaitement.
08:53 À partir du moment où les gens se posent, ils peuvent augmenter leur fécondité.
08:57 Les scientifiques ont estimé que la population mondiale
09:05 a multiplié par 25 au néolithique en moins de 5000 ans
09:09 pour atteindre peut-être 2 millions de personnes en Europe
09:12 4000 ans avant Jésus-Christ.
09:14 Si les fouilles archéologiques permettent d'identifier quels sont les aliments
09:18 consommés par cette population du néolithique,
09:21 il est plus compliqué de déterminer comment ceux-ci étaient préparés, consommés.
09:26 Pourtant, comprendre les techniques utilisées dans la cuisine
09:31 permet aussi de mieux cerner le mode de vie de nos ancêtres.
09:35 Cette approche est la spécialité d'Anne Floueste,
09:38 ancienne conservatrice du musée de Bibract.
09:41 Elle cherche à reconstituer les recettes du passé
09:44 à partir des résultats de découvertes archéologiques,
09:47 mais aussi d'expérimentations qu'elle réalise.
09:50 - Allez, je teste ce beau silex que tu m'as ramené tout le long,
09:56 de frissini je crois. - Oui, de frissini.
09:58 - Ça ne coûte plus rien.
10:00 - J'en reviens un peu.
10:02 Découper, préparer les aliments, ça se fait au couteau,
10:09 alors en silex, mais va s'en rajouter la céramique,
10:13 qui est quand même la grande invention géniale du néolithique,
10:17 puisqu'on a la première matière artificielle,
10:20 qui est remarquable, puisqu'avec de l'argile, de l'eau et du feu,
10:25 on va pouvoir faire un récipient qui résiste au feu et qui est étanche.
10:29 D'où la cuisine bouillie.
10:31 Cuire à l'eau, que ce soit au néolithique, que ce soit aujourd'hui,
10:37 la viande se comporte pareil.
10:39 Je vais le laisser cuire plusieurs heures, minimum trois heures,
10:44 parce que quelle que soit l'époque, la viande, il faut le même temps
10:47 pour que le collagène se décompose et que la viande ne soit pas dure.
10:54 Puis avec le bouillie, on va avoir les mélanges aussi,
10:57 la cuisine mélangée, avec ce mélange de légumes et de viande,
11:01 ce mélange de liquide et de solide.
11:04 Tout ça, on ne l'avait pas au paléolithique, on n'a que le grillé.
11:08 Je pense que ces associations changent énormément
11:15 les apports nutritifs et puis la façon de vivre aussi.
11:21 L'archéologie expérimentale permet d'appréhender les gestes,
11:25 les méthodes de préparation, de retrouver les saveurs.
11:28 Autant d'éléments qui ont pu influencer les choix des hommes du néolithique
11:32 lorsqu'ils ont privilégié certains aliments plutôt que d'autres.
11:36 Mais ce changement de mode de vie et de l'alimentation
11:40 est-il celui d'une population spécifique qui aurait migré
11:44 ou s'est-il propagé de groupes humains en groupes humains par acculturation ?
11:49 À l'université de Vienne, Ron Pinazzi a imaginé un moyen de répondre à cette question.
11:54 Il a décidé de comparer l'ADN des populations néolithiques en Europe,
11:59 au Proche et Moyen-Orient, avec celles qui ont précédé cette révolution.
12:04 Le premier défi à relever était de récolter des échantillons d'ADN de bonne qualité
12:10 sur des squelettes provenant de toute cette zone géographique
12:14 et sur une échelle de temps allant du 11e millénaire au 5e millénaire avant Jésus-Christ.
12:20 Avec mon équipe, nous cherchons le meilleur endroit où l'on puisse trouver de l'ADN préservé.
12:27 Et nous nous sommes intéressés à l'un des os les plus denses du corps humain, l'os temporal.
12:33 Il se trouve ici, dans l'oreille interne.
12:38 On y trouve de l'ADN qui est situé dans le corps humain.
12:42 On y trouve de l'ADN qui est 100 fois mieux conservé qu'ailleurs.
12:46 Avec un petit sableur, on commence le nettoyage et l'extraction,
13:01 jusqu'à isoler ce qu'on appelle le limaçon, qui est ensuite réduit en poudre.
13:11 L'analyse de plusieurs centaines de ces échantillons a permis de constituer une base de données
13:16 à partir de laquelle l'équipe de Ron Pinazzi a répertorié l'ADN des populations néolithiques
13:21 dans l'espace et dans le temps.
13:24 Ils ont également comparé l'ADN de ces populations avec celle de chasseurs-cueilleurs
13:31 présents sur les mêmes zones géographiques avant l'apparition du néolithique.
13:37 Le scénario qui ressort de nos recherches sur l'ADN ancien est qu'il y avait une population,
13:42 disons de chasseurs-cueilleurs, et une autre nouvelle qu'on peut appeler des fermiers.
13:47 Eh bien, nous avons démontré que cette nouvelle population a complètement remplacé l'ancienne.
13:52 On ne sait pas comment s'est produit ce remplacement.
13:55 Ça a peut-être été violent, ou ce sont les chasseurs-cueilleurs qui sont partis.
13:59 Toujours est-il qu'on ne constate aucun mélange génétique entre les deux populations.
14:05 Ces gens, ces fermiers, sont arrivés en Europe du Sud et ont apporté avec eux l'agriculture.
14:11 Ils sont tous identiques génétiquement.
14:14 Il y a eu plusieurs vagues dont l'une passe par la Méditerranée et l'autre par le corridor du Danube.
14:29 Toutes les populations du néolithique, en Europe comme au Proche et Moyen-Orient,
14:34 auraient donc une origine génétique commune.
14:37 Les premiers éleveurs-agriculteurs sont apparus dans la région du croissant fertile,
14:42 puis ont progressivement migré vers l'ouest.
14:45 Ils ont peu à peu pris la place des populations locales en créant leurs colonies,
14:50 transportant leur mode de vie, leurs bétails, leurs graines de céréales,
14:54 leurs techniques d'élevage et d'agriculture, leur alimentation.
14:59 Mais un tel bouleversement du régime alimentaire et du mode de vie de ces populations d'éleveurs-agriculteurs,
15:05 a-t-il un impact également sur leur physiologie ?
15:09 Des différences anatomiques apparaissent-elles entre chasseurs-cueilleurs du paléolithique
15:15 et éleveurs-agriculteurs du néolithique ?
15:18 Les populations de chasseurs-cueilleurs du paléolithique sont les plus récentes
15:24 dans la région du croissant fertile.
15:28 C'est l'une des questions sur laquelle s'est également penchée Alain Frommand.
15:34 Ici nous sommes dans les réserves du musée de l'Homme.
15:42 Nous y conservons des milliers d'ossements, notamment de l'époque néolithique.
15:48 Ici c'est un fémur qui va nous renseigner sur un élément important de la santé, qui est la stature.
15:57 C'est donc un excellent marqueur, puisqu'on sait que la taille est fonction bien sûr de la génétique,
16:06 mais également des conditions dans lesquelles l'individu a grandi.
16:14 Ça nous renseigne non seulement sur l'âge de la personne, sur son régime alimentaire,
16:19 mais également sur les maladies qu'elle a pu traverser.
16:22 Est-ce que vous avez un autre radius entier ?
16:32 Oui, celui-ci est complet aussi.
16:34 Parfait.
16:35 Ici c'est un individu du paléolithique, c'est un chasseur-cueilleur.
16:40 Ici, cet os-là provient d'un site néolithique.
16:45 On voit bien ici, entre ces deux os, la différence de robustesse.
16:49 Donc devant celui-ci correspond un individu assez rablé, assez trapu, assez musculeux.
16:56 On voit bien les insertions tendineuses qui ont bien modelé la surface osseuse.
17:02 Et celui-ci qui est beaucoup plus gracile et qui a une activité musculaire visiblement moins forte.
17:10 Quand on regarde des centaines de squelettes, qu'ils soient du paléolithique ou du néolithique,
17:17 on peut voir des tendances se dégager.
17:19 Par exemple, au paléolithique supérieur, où les gens sont mobiles ou sont chasseurs,
17:23 ce sont de véritables athlètes.
17:25 Ils sont assez robustes, ils sont grands de taille, ils ont un régime alimentaire riche et diversifié.
17:31 Au néolithique, on voit d'abord un abaissement de la stature,
17:35 qui est lié d'une part à des différences de régime alimentaire,
17:38 à un régime beaucoup plus stéréotypé, qui est basé en général sur une seule céréale.
17:44 Et des activités qui sont beaucoup moins athlétiques,
17:47 qui sont des activités d'agricoles et de fermiers.
17:52 Donc quelque chose de certainement moins intense, mais plus répétitif.
17:59 On peut analyser également les empreintes que l'activité musculaire imprime sur les os.
18:07 Alors ici, je recherche des traces de lésions de type arthrose,
18:14 puisqu'évidemment le fémur, ça supporte le poids du corps.
18:23 Au néolithique, l'activité musculaire change.
18:29 Évidemment, la pratique agricole n'est pas celle d'un chasseur-cueilleur mobile.
18:36 Donc on a des gestes plus stéréotypés.
18:39 Et puis, chez les femmes, visiblement, des lésions au niveau des genoux et des chevilles,
18:45 qui correspondent à la position accroupie de celle qui doit écraser le corps.
18:52 Celle qui doit écraser du grain sur une meule.
18:56 Donc ça donne un certain nombre d'impressions sur les os longs, sur les facettes articulaires,
19:03 par lesquelles on peut déduire non seulement les postures,
19:07 mais également l'intensité de ces postures et leurs conséquences sur la biologie du squelette.
19:20 A Catalhoyuk, les chercheurs ont accès à un matériel archéologique exceptionnel.
19:26 De nombreux squelettes ont pu être exhumés sur le site,
19:30 car les habitants enterraient leurs morts dans des fosses creusées directement sous le sol de leur maison.
19:49 Durant les fouilles réalisées entre 1960 et 2017,
19:55 815 individus du néolithique ont été retrouvés.
20:00 En ajoutant les 15 squelettes exhumées lors des fouilles de l'année dernière,
20:05 ce sont près de 830 individus. C'est énorme !
20:09 Grâce notamment à l'étude de ces ossements,
20:13 Alain Froment a pu relever d'autres signes d'une santé dégradée des habitants
20:18 directement liées à ce nouveau régime alimentaire du néolithique.
20:22 Car si l'agriculture permet de couvrir les besoins essentiels,
20:26 la nourriture moins diversifiée est responsable de carences.
20:30 On voit des signes d'anémie.
20:33 Et là, bien sûr, les anthropologues se sont demandé ce qui avait pu se passer.
20:37 On pense à des carences.
20:39 Le régime de l'agriculteur est plutôt pauvre en protéines et plus riche en glucides.
20:44 C'est un appauvrissement du point de vue des apports en vitamines
20:48 et aussi éventuellement en oligo-éléments.
20:51 Je suis en train d'examiner la denture d'une jeune femme néolithique.
21:01 De même qu'un os peut raconter la vie de quelqu'un,
21:05 une dent ou un ensemble de dents peut raconter comment cette personne a vécu.
21:10 Et si la personne qui est en train de maturer cette dent vit des conditions difficiles,
21:16 vit un épisode de stress, famine ou infection grave,
21:21 c'est un peu comme le cerne de croissance d'un arbre,
21:24 ça va imprimer une marque sur cette dent.
21:28 Et ici, on voit une incisive un peu atteinte,
21:33 deux prémolaires bien atteintes,
21:35 et ensuite la canine également atteinte.
21:40 Et puis les carences en fer génèrent des anémies
21:44 et on voit sur le crâne ou sur le toit des orbites des micro-perforations
21:48 qui ont été mises en relation avec cette carence en fer.
21:51 C'est assez net, on a des critères qui nous disent que les gens sont malportants.
21:59 Tout ça explique une croissance retardée et une plus petite stature.
22:07 Quand on regarde l'état général de la santé,
22:09 on remarque des traces d'infection buccale et de perte de dents.
22:13 Souvent, au néolithique, il y a dans la farine des petits grains de silice de la meule
22:23 qui a servi à écraser le grain.
22:25 Et donc ça, c'est très abrasif pour les dents,
22:28 ça les aplatit comme ça, ça fait une table presque plate.
22:31 Donc ici, on voit sur la canine et sur la première prémolaire,
22:36 on voit déjà des caries naissantes au collet.
22:39 C'est aussi une porte d'entrée pour les infections
22:42 puisque les microbes de la bouche peuvent entrer et même se répandre dans le sang,
22:47 faire des septicémies.
22:49 Donc l'hygiène buccale, c'est quelque chose de capital dans la santé des individus.
22:54 Au néolithique, avec surtout cet apport de glucides et de mastications différentes,
23:01 on voit que globalement, la santé buccodentaire se dégrade.
23:06 Si le développement de l'agriculture et de l'élevage
23:10 apporte une amélioration des conditions de vie de l'humanité,
23:14 le changement de régime alimentaire peut aussi avoir des effets préjudiciables
23:19 sur le développement des individus, sur leur état de santé.
23:23 Et ce n'est pas tout, car l'agriculture et l'élevage
23:27 impliquent pour les habitants du néolithique un contact quotidien avec les animaux domestiques.
23:32 Il y a les troupeaux, bien sûr, ovins, bovins,
23:36 mais aussi toutes les espèces attirées par le stockage de nourriture,
23:39 comme les rongeurs ou celles domestiquées, comme les chiens et les chats.
23:43 Alors, quelles sont les conséquences de cette nouvelle promiscuité
23:47 entre les hommes et les animaux sur la santé humaine ?
23:51 Une promiscuité qui est même représentée sur certaines fresques reconstituées à Cataloyuk.
23:57 Les animaux sauvages sont des réservoirs de virus et de bactéries énormes
24:01 depuis toujours. Au niveau du néolithique, on partage sa vie avec les animaux.
24:06 Ils sont dans la maison, le contact est beaucoup plus étroit,
24:09 et là, on observe certainement, à cause de l'augmentation de population,
24:14 un schéma d'infection assez différent.
24:17 Je pourrais prendre l'exemple de la rougeole,
24:20 parce qu'elle n'est pas étrangère à ce site-ci.
24:22 La rougeole, au départ, la forme sauvage, c'est ce qu'on appelle la peste bovine.
24:28 Et ce virus de la peste bovine a généré le virus de la rougeole humaine.
24:33 On pense que c'est vers le néolithique, où il y a ce contact,
24:36 on le voit dans les peintures, ce contact avec les oraux et les bovidés sauvages,
24:40 il y a eu ce passage à l'homme. Et donc, à cause de cet effectif de population
24:45 qui n'a rien à voir avec celui du paléolithique,
24:47 les virus ont le temps d'aller infecter des nouvelles personnes,
24:50 et le virus se maintient dans la population.
24:53 Donc le schéma infectieux épidémique du néolithique est radicalement différent
24:57 de celui du paléolithique.
24:59 Le mouton transmet la maladie du charbon, le porc et le poulet la grippe,
25:08 le chien la rage, le cheval le tétanos.
25:11 Au néolithique se répandent la tuberculose, la variole, le paludisme,
25:17 la peste, la lèpre, la syphilis.
25:20 Plus de 180 maladies font leur apparition avec l'agriculture et l'élevage.
25:27 Mais en dépit de ces carences et de ces nouvelles maladies,
25:31 l'expansion démographique humaine a continué au néolithique.
25:35 Les organismes, se seraient-ils adaptés à ces nouvelles menaces ?
25:40 À Paris, Céline Bon, paléogénéticienne au Muséum national d'histoire naturelle,
25:53 a étudié les mutations les plus importantes qui surviennent au néolithique dans notre génome.
25:59 Le principe de la paléogénétique c'est d'étudier l'ADN,
26:03 mais d'individus, d'humains en ce qui me concerne, qui vivaient il y a longtemps.
26:07 Et donc on va retrouver de l'ADN qui est dégradé.
26:09 Et à partir de ce matériel génétique, on va pouvoir reconstituer différents phénomènes,
26:13 donc les phénomènes de mouvements de population, migration, métissage, etc.
26:18 Les phénomènes d'adaptation à un nouvel environnement,
26:20 en voyant comment certains variants génétiques ont évalué en fréquence dans le temps.
26:24 L'alimentation, c'est quand même un des fondements de la biologie des êtres vivants de façon générale.
26:32 Donc on peut imaginer qu'il y a une énorme pression de sélection sur ce paramètre.
26:36 Les changements dans l'alimentation vont changer les environnements dans lesquels les gens se situent,
26:42 et donc conduire à des nouvelles pressions de sélection,
26:44 et donc à la sélection de nouveaux variants génétiques.
26:47 L'environnement, le mode de vie des individus, ont un impact sur le génome des populations
26:53 en provoquant, sélectionnant des mutations génétiques,
26:57 ou en favorisant l'expression de certains gènes jusque là silencieux.
27:02 Ce sont les variants génétiques.
27:07 Donc ça, nous on va en voir la trace dans l'alimentation.
27:12 Le premier changement, c'est la participation des gens à l'alimentation.
27:16 C'est l'apparition en très grande fréquence, là tout de suite, d'un variant qui est associé à une couleur de peau claire.
27:23 Les populations avaient plutôt une couleur de peau foncée.
27:33 Et à partir du Néolithique, changement radical,
27:36 on voit quasiment 100% de la population qui a le variant associé à une couleur de peau claire.
27:45 On a une explication qui peut être une explication d'adaptation à l'alimentation Néolithique associée à cette couleur de peau.
27:52 L'alimentation des chasseurs-cueilleurs, elle était relativement variée,
27:56 elle était plus riche en protéines d'origine animale, et donc elle était plus riche en vitamine D.
28:01 À partir du Néolithique, on se met à avoir une alimentation qui est moins variée,
28:09 qui est beaucoup plus riche en amidon, donc moins riche en vitamines et moins riche en nutriments de façon générale.
28:15 La vitamine D, indispensable au corps humain, peut être synthétisée par notre corps lorsqu'il est exposé à la lumière du soleil.
28:23 Or, une peau claire augmente cette capacité de production par rapport à une peau foncée.
28:29 Alors, pour compenser cette carence en vitamine D, liée à une alimentation issue de l'agriculture et de l'élevage,
28:36 la couleur de peau des premières populations Néolithiques dans le croissant fertile, qui était foncée, va s'éclaircir.
28:44 Donc on peut imaginer qu'à partir du moment où les populations du Néolithique n'avaient plus cette présence de vitamine D liée à l'alimentation,
28:53 on a eu toute une pression de sélection qui s'est activée pour sélectionner les individus qui avaient la couleur de peau plus claire,
29:00 et donc qui synthétisaient plus facilement de la vitamine D.
29:02 C'est cette population à la peau claire qui a essémé depuis le croissant fertile vers l'Europe.
29:10 Mais ce changement de couleur de peau n'est pas la seule transformation phénotypique liée à l'alimentation qui survient au Néolithique.
29:18 Une autre modification majeure est liée à l'apparition d'un nouvel aliment, le lait.
29:24 À partir du moment où on domestique des animaux, où on les élève, on peut prélever leur lait et on peut le consommer.
29:37 Mais pour digérer le lait, l'organisme des mammifères utilise une enzyme, la lactase, qui transforme le lactose en glucose.
29:46 La production de cette enzyme cesse normalement après le sevrage.
29:50 Or, ce qu'on voit chez les Européens, c'est à partir du Néolithique, une pression de sélection sur un variant qui permet de digérer le lait à l'âge adulte,
30:02 donc de continuer d'exprimer la lactase au rebours de ce qui est commun chez les mammifères.
30:07 Avec les années, une population capable de digérer le lait émerge.
30:12 À quelle vitesse ce nouvel aliment a-t-il été adopté par les populations du Néolithique ?
30:19 À quelle vitesse leur génome s'est-il transformé ?
30:25 Mélanie Rofessalk, chimiste au Centre de recherche de l'Université de Bristol, cherche des réponses dans la poterie néolithique retrouvées sur les sites de fouilles.
30:34 Il faut s'imaginer qu'à l'époque, être capable de digérer le lait ou ne pas digérer, peut être une question de vie ou de mort en fait.
30:49 La poterie est-elle une espèce de casserole du passé ?
30:53 Ces poteries, c'est vraiment la casserole du passé en fait.
31:04 Lorsqu'on cuisine dans des céramiques qui sont poreuses, on se retrouve avec les gras et les lipides qui pénètrent à l'intérieur des pores de la poterie.
31:16 On prend ces tessons qui ont plusieurs milliers d'années et on arrive à savoir ce qui a été préparé dans ces poteries archéologiques.
31:25 Avec nos méthodes, on arrive à voir les traces de lait qui sont dans des tessons qui ont des millénaires, qui ont même jusqu'à 10 000 ans.
31:37 Donc c'est quand même assez fort.
31:40 On va enlever la surface superficielle de la poterie afin d'être sûre que les lipides qu'on va analyser sont celles qui sont à l'intérieur du tesson et non pas des contaminations extérieures.
32:04 On va prélever environ 2 ou 3 grammes qui vont être ensuite réduits en poudre.
32:09 Charlie est en train de mettre du solvant dans le tesson qu'on vient de broyer et ensuite on va mélanger avec un vortex.
32:23 C'est cette couche qu'on va ensuite analyser.
32:31 À chaque fois qu'il y a un composé, il y a un petit pic.
32:33 On peut faire la distinction entre les graisses de ruminants et les graisses de non ruminants et on arrive à faire la distinction aussi entre les laits et les viandes.
32:45 On va ensuite mettre de la poudre dans le tesson.
32:53 On arrive à faire la distinction aussi entre les laits et les viandes.
32:56 En traçant la présence de lait dans les poteries retrouvées sur des sites néolithiques, l'équipe de Mélanie peut identifier quelles sont les populations qui consomment cet aliment, où elles vivent et à quelle période.
33:16 Ces résultats, croisés avec les recherches sur les mutations de notre génome néolithique, permettent d'établir une carte géographique et temporelle de la diffusion de la persistance de la lactase.
33:29 Typiquement pour la persistance de la lactase, qui est la pression de sélection la plus forte qu'on voit dans le génome humain aujourd'hui, quelques milliers d'années en suffit dans certaines régions pour avoir cette fixation.
33:44 Cette mutation est surtout présente dans les populations du nord de l'Europe, donc populations qu'on va retrouver dans les îles britanniques, Allemagne, Scandinavie, moins fréquentes dans les populations méditerranéennes.
33:56 Entre la domestication des animaux et l'adaptation de nos métabolismes à la consommation de leur lait, il s'écoule à peine 2000 ou 3000 ans.
34:11 Aujourd'hui, les scientifiques ne savent toujours pas pourquoi cette mutation est très présente dans certaines populations européennes et peu dans d'autres.
34:25 Ils ont eu en plus la surprise de découvrir que certaines populations, à la même époque, consommaient des produits laitiers sans être porteurs de la mutation.
34:36 Ce tesson a été découvert sur un site en Pologne, à Ludwinowo, et date du Néo-Littile, donc il a à peu près 7000 ans.
34:45 Ce tesson a été décoré par pincement, donc on voit clairement la trace et l'empreinte de la personne qui a fait la poterie, donc il y a 7000 ans. C'est très mou, oui.
34:59 On a analysé sur des sites des tessons de poterie qui étaient perforés et qui ressemblent étrangement à des faicelles modernes, et donc on a pu dire que ces poteries avaient été utilisées pour faire du fromage.
35:21 Et faire du fromage est le témoignage, chez ces populations, d'une autre innovation qui émerge au Néo-Littile, la transformation des aliments.
35:31 On a inventé des méthodes pour réduire le taux de lactose dans le lait. Par fermentation, le lactose disparaît en fabriquant des produits laitiers, comme par exemple le fromage ou le yaourt.
35:46 D'un côté, le génome de l'humanité évolue donc au Néo-Littile pour s'adapter à son nouveau régime alimentaire, et de l'autre, l'homme a réussi à contourner certaines limites imposées par sa propre physiologie en transformant les aliments.
36:00 Il met au point des techniques de conservation et de préparation culinaire, qui rendent les aliments plus digestes et maximisent leur qualité nutritive.
36:15 Moudre de l'orge.
36:17 Un autre aliment cuisiné, issu lui de la transformation des céréales, va faire son apparition au Néo-Littile.
36:25 Énergétique, mais aussi pratique, car facilement transportable et conservable, le pain de céréales va s'imposer comme aliment de base pour nourrir les populations.
36:37 On va faire un pain complet.
36:41 Très complet.
36:42 Très complet.
36:43 Oh oui, ça.
36:50 En fait, le blé et le lait, déjà, c'est deux super aliments. Le blé, il a du sucre, il a des protéines, il a des vitamines, et quand il est préparé, il peut en perdre un petit peu.
37:02 Mais, par exemple, la farine Néo-Littile, elle a une farine complète.
37:05 On va mettre ça à lever, tranquille.
37:10 Trop chaud.
37:11 Ces nouvelles préparations alimentaires ont toutes également une caractéristique commune, elle rend la nourriture plus molle, moins difficile à mastiquer.
37:37 Hum.
37:38 Cette particularité va, elle aussi, avoir des conséquences extraordinaires pour l'humanité.
37:58 [Musique]
38:09 Dan DeDieu, phonéticien au laboratoire de recherche de l'Université de Barcelone, a participé à la démonstration de l'une des plus spectaculaires et fascinantes d'entre elles.
38:20 On pensait que les langues d'aujourd'hui sont plus ou moins similaires avec les langues du passé.
38:26 Mais, dans les années 80, Charles Hockett, qui était déjà un des plus importants linguistes, il a proposé cette idée que les langues qui sont parlées par des populations qui pratiquent l'agriculture,
38:39 et les langues qui sont parlées par d'autres populations qui pratiquent pas l'agriculture, n'ont pas exactement le même type de phonème qu'ils utilisent.
38:47 Et plus explicitement que les labiodentaux, donc les sons comme "f", "v", "f", "v", "v",
38:57 les sons comme le "fv" sont bien plus fréquents dans les langues des populations qui pratiquent l'agriculture.
39:03 À l'origine de cette hypothèse, une constatation anatomique.
39:09 Au néolithique, la configuration de la mâchoire humaine se modifie.
39:15 Avant l'apparition de l'agriculture et de l'élevage, les mâchoires supérieures et inférieures des enfants étaient légèrement décalées.
39:27 Puis elles s'alignaient à l'âge adulte pour permettre un broyage optimal d'aliments durs.
39:40 Ici on a une série d'images qui capturent vraiment le changement dans le temps du type de mâchoire qu'on parle ici.
39:47 Le premier ici, c'est un cran paléolithique où on voit très bien le fait que c'est un "edge to edge bite".
39:55 Le deuxième ici, ça vient du Mésolithique et on voit aussi l'érosion dentaire et le "edge to edge bite".
40:02 Par contre, celui-ci, ça c'est quelqu'un qui vient de l'âge du bronze, donc après l'introduction de l'agriculture.
40:08 Et ici c'est très clair que les dents sont comme ça, comme chez moi par exemple.
40:12 Au Néolithique, avec une nourriture plus molle, le réalignement de la mâchoire cesse progressivement.
40:21 Les mâchoires supérieures et inférieures restent désormais légèrement décalées.
40:29 Or, la mâchoire participe à la production des sons du langage, des phonèmes, au même titre que la langue, les lèvres, le nez et bien entendu les cordes vocales.
40:39 Dan DeDue, à l'aide de l'anthropologue Scott Moisic, a cherché à mesurer l'impact de cette modification de la mâchoire
40:48 et à quantifier l'effort musculaire nécessaire pour produire certains sons.
40:53 Dans la production des sons labiodentaux comme le F et le V, ce qu'on doit faire c'est vraiment avoir presque un contact entre la lèvre inférieure et les dents supérieures pour produire le F et le V.
41:05 Et ça c'est plus facile si on est comme ça, donc si on a les dents inférieures un peu en dehors des dents supérieures que si on est comme ça.
41:14 La première chose qu'on a fait c'est vraiment de réaliser une simulation sur l'ordinateur, une simulation qu'on appelle biomécanique.
41:21 L'avantage de cette simulation biomécanique est qu'on peut mesurer tout l'effort de tous les muscles qui sont impliqués dans la production de ces sons.
41:29 C'est le « edge to edge bite », donc c'est la situation comme ça, et on voit la production d'un son dans la labiodentale.
41:38 Le modèle montre que l'effort musculaire nécessaire pour produire un F ou un V quand on est comme ça est plus important que si on est comme ça.
41:47 F
41:49 V
41:51 Or les linguistes ont établi que plus un son demande d'effort dans une langue, moins il est présent dans cette langue.
41:58 Le changement d'alimentation au néolithique en faisant évoluer la mâchoire aurait donc également fait évoluer les langues.
42:06 Nous sommes en Espagne, nous ne verrons probablement pas la Sagrada Familia.
42:11 Ce matin au petit déjeuner, j'ai pris des œufs, du bacon.
42:16 Pour confirmer cette hypothèse, l'équipe travaillant avec Dan DeDiou a parallèlement procédé à une évaluation statistique
42:24 en comparant la fréquence de séphonèmes F et V dans les langues des derniers peuples de chasseurs-cueilleurs qui vivent encore de nos jours.
42:36 Ils sont aussi remontés dans l'histoire des langues pour tenter de déterminer à quel moment ces sons sont apparus.
42:43 Ce que c'est très important de voir, c'est qu'à l'origine, il y a 8000 ans, la probabilité d'avoir des labiodentaux est très très très petite.
42:52 Mais après, ça va devenir de plus en plus importante et on peut corréler ces moments de changement avec la production de nourriture et de produits.
43:01 Ce qui est plus facile à marcher, donc l'introduction de l'agriculture.
43:06 Les résultats croisés de ces travaux à travers le monde permettent aujourd'hui d'affirmer qu'il y a bien eu une évolution du langage
43:28 liée à l'évolution du régime alimentaire avec l'apparition de l'agriculture et de l'élevage.
43:35 Mais au-delà de l'impact sur notre anatomie et ses conséquences sur notre langage, jusqu'où l'apparition de l'agriculture et de l'élevage nous a-t-elle transformé ?
43:51 Produire de la nourriture en quantité, facile à stocker, a aussi dans certains cas des conséquences sur l'organisation sociale.
43:59 En Bulgarie, sur les bords de la mer Noire, un site archéologique témoigne de profondes modifications dans ce domaine.
44:17 Nous sommes actuellement précisément sur le site d'une nécropole dite de Varna,
44:23 qui a été fouillée, dont les premières fouilles ont eu lieu à partir de 1972,
44:30 qui aujourd'hui, les fouilles ont été reprises l'année dernière.
44:38 Et on se trouve ici, au milieu du cinquième millénaire, hôtel colitique, entre à peu près 4500 et 4300 pour faire simple.
44:49 Laurence Manolacakis, archéologue française, participe aux recherches sur ce site depuis sa découverte,
44:58 aux côtés de l'équipe bulgare dirigée aujourd'hui par Vladimir Slavček.
45:07 Dans l'histoire de l'humanité, le courant fort qu'on voit, c'est qu'avec la néolithisation, l'agriculture, la sédentarisation,
45:16 au bout d'un moment, l'agriculture permet de stocker, et donc très vite, la possibilité de stocker du surplus.
45:25 Dans beaucoup d'endroits, en tout cas en Europe, au bout de 800 ans, 1000 ans de vie néolithique,
45:35 on voit émerger des activités de spécialistes, d'artisans.
45:39 Les surplus et les stocks permettent en effet, à partir du néolithique, de nourrir dans la communauté
45:46 des individus qui consacrent leur temps à autre chose que l'agriculture, comme des soldats ou des artisans.
45:52 Ça, c'est l'endroit que tu m'as montré ? Celui où il y a la tombe ?
46:00 Oui, c'est celle-là.
46:03 Ah, celle-là.
46:05 Et puis, il y a ces tombes-ci.
46:08 Ah, ok.
46:09 Celle-là, c'est la tombe 310. Là, il y a la 308 et là, la 309.
46:16 Jusqu'ici, 311 tombes ont été fouillées.
46:25 Voilà la tombe 307, dans laquelle on a retrouvé de la poterie et des pierres rituelles.
46:32 Et là, un regroupement d'ossements entre ces pierres et le crâne.
46:37 Et là, dans la vaisselle, on a trouvé une aiguille en cuivre et un petit tour de cou en serpentine.
46:51 Ah, c'est mignon comme tout.
46:54 C'est un peu comme un petit tour de cou.
46:57 C'est un petit tour de cou.
46:59 C'est un petit tour de cou.
47:01 C'est un petit tour de cou.
47:03 C'est un petit tour de cou.
47:05 C'est un petit tour de cou.
47:07 C'est un petit tour de cou.
47:09 C'est un petit tour de cou.
47:11 C'est un petit tour de cou.
47:13 C'est un petit tour de cou.
47:15 C'est un petit tour de cou.
47:17 C'est un petit tour de cou.
47:19 C'est un petit tour de cou.
47:21 C'est un petit tour de cou.
47:23 C'est un petit tour de cou.
47:25 C'est un petit tour de cou.
47:27 C'est un petit tour de cou.
47:29 C'est un petit tour de cou.
47:31 C'est un petit tour de cou.
47:33 C'est un petit tour de cou.
47:35 C'est un petit tour de cou.
47:37 C'est un petit tour de cou.
47:39 C'est un petit tour de cou.
47:41 C'est un petit tour de cou.
47:43 C'est un petit tour de cou.
47:45 C'est un petit tour de cou.
47:47 C'est un petit tour de cou.
47:49 C'est un petit tour de cou.
47:51 C'est un petit tour de cou.
47:53 C'est un petit tour de cou.
47:55 C'est un petit tour de cou.
47:57 C'est un petit tour de cou.
47:59 C'est un petit tour de cou.
48:01 C'est un petit tour de cou.
48:03 C'est un petit tour de cou.
48:05 C'est un petit tour de cou.
48:07 C'est un petit tour de cou.
48:09 C'est un petit tour de cou.
48:11 C'est un petit tour de cou.
48:13 C'est un petit tour de cou.
48:15 C'est un petit tour de cou.
48:17 C'est un petit tour de cou.
48:19 C'est un petit tour de cou.
48:21 C'est un petit tour de cou.
48:23 C'est un petit tour de cou.
48:25 C'est un petit tour de cou.
48:27 C'est un petit tour de cou.
48:29 C'est un petit tour de cou.
48:31 C'est un petit tour de cou.
48:33 C'est un petit tour de cou.
48:35 C'est un petit tour de cou.
48:37 C'est un petit tour de cou.
48:39 C'est un petit tour de cou.
48:41 C'est un petit tour de cou.
48:43 C'est un petit tour de cou.
48:45 C'est un petit tour de cou.
48:47 C'est un petit tour de cou.
48:49 C'est un petit tour de cou.
48:51 C'est un petit tour de cou.
48:53 C'est un petit tour de cou.
48:55 C'est un petit tour de cou.
48:57 C'est un petit tour de cou.
48:59 C'est un petit tour de cou.
49:01 C'est un petit tour de cou.
49:03 C'est un petit tour de cou.
49:05 C'est un petit tour de cou.
49:07 C'est un petit tour de cou.
49:09 C'est un petit tour de cou.
49:11 C'est un petit tour de cou.
49:13 C'est un petit tour de cou.
49:15 C'est un petit tour de cou.
49:17 C'est un petit tour de cou.
49:19 C'est un petit tour de cou.
49:21 C'est un petit tour de cou.
49:23 C'est un petit tour de cou.
49:25 C'est un petit tour de cou.
49:27 C'est un petit tour de cou.
49:29 C'est un petit tour de cou.
49:31 C'est un petit tour de cou.
49:33 C'est un petit tour de cou.
49:35 C'est un petit tour de cou.
49:37 C'est un petit tour de cou.
49:39 C'est un petit tour de cou.
49:41 C'est un petit tour de cou.
49:43 C'est un petit tour de cou.
49:45 C'est un petit tour de cou.
49:47 C'est un petit tour de cou.
49:49 C'est un petit tour de cou.
49:51 C'est un petit tour de cou.
49:53 C'est un petit tour de cou.
49:55 C'est un petit tour de cou.
49:57 C'est un petit tour de cou.
49:59 C'est un petit tour de cou.
50:01 C'est un petit tour de cou.
50:03 C'est un petit tour de cou.
50:05 C'est un petit tour de cou.
50:07 C'est un petit tour de cou.
50:09 C'est un petit tour de cou.
50:11 C'est un petit tour de cou.
50:13 C'est un petit tour de cou.
50:15 C'est un petit tour de cou.
50:17 C'est un petit tour de cou.
50:19 C'est un petit tour de cou.
50:21 C'est un petit tour de cou.
50:23 C'est un petit tour de cou.
50:25 C'est un petit tour de cou.
50:27 C'est un petit tour de cou.
50:29 C'est un petit tour de cou.
50:31 C'est un petit tour de cou.
50:33 C'est un petit tour de cou.
50:35 C'est un petit tour de cou.
50:37 C'est un petit tour de cou.
50:39 C'est un petit tour de cou.
50:41 C'est un petit tour de cou.
50:43 C'est un petit tour de cou.
50:45 C'est un petit tour de cou.
50:47 C'est un petit tour de cou.
50:49 C'est un petit tour de cou.
50:51 C'est un petit tour de cou.
50:53 C'est un petit tour de cou.
50:55 C'est un petit tour de cou.
50:57 C'est un petit tour de cou.
50:59 C'est un petit tour de cou.
51:01 C'est un petit tour de cou.
51:03 C'est un petit tour de cou.
51:05 C'est un petit tour de cou.
51:07 C'est un petit tour de cou.
51:09 C'est un petit tour de cou.
51:11 C'est un petit tour de cou.
51:13 C'est un petit tour de cou.
51:15 C'est un petit tour de cou.
51:17 C'est un petit tour de cou.
51:19 C'est un petit tour de cou.
51:21 C'est un petit tour de cou.
51:23 C'est un petit tour de cou.
51:25 C'est un petit tour de cou.
51:27 C'est un petit tour de cou.
51:29 C'est un petit tour de cou.
51:31 C'est un petit tour de cou.
51:33 C'est un petit tour de cou.
51:35 C'est un petit tour de cou.
51:37 C'est un petit tour de cou.
51:39 C'est un petit tour de cou.
51:41 C'est un petit tour de cou.
51:43 C'est un petit tour de cou.
51:45 C'est un petit tour de cou.
51:47 C'est un petit tour de cou.
51:49 C'est un petit tour de cou.
51:51 C'est un petit tour de cou.
51:53 C'est un petit tour de cou.
51:55 C'est un petit tour de cou.
51:57 C'est un petit tour de cou.
51:59 C'est un petit tour de cou.
52:01 C'est un petit tour de cou.
52:03 C'est un petit tour de cou.
52:05 C'est un petit tour de cou.
52:07 C'est un petit tour de cou.
52:09 C'est un petit tour de cou.
52:11 C'est un petit tour de cou.
52:13 C'est un petit tour de cou.
52:15 C'est un petit tour de cou.
52:17 C'est un petit tour de cou.
52:19 C'est un petit tour de cou.
52:21 C'est un petit tour de cou.

Recommandations