• il y a 7 mois
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Iannis Roder, professeur d’Histoire-géographie au collège à Saint-Denis et directeur de l’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean Jaurès, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Face à la pénurie de candidats au CAPES, le gouvernement choisit de recruter les profs à bac + 3 au lieu de bac + 5.

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Transcription
00:00 - Europe 1 matin - Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin
00:04 l'historien et enseignant Yanis Roder. - Bonjour Yanis Roder. - Bonjour.
00:09 - Bienvenue sur Europe 1, vous êtes professeur d'histoire-géographie niveau
00:12 collège à Saint-Denis, vous dirigez aussi l'observatoire de l'éducation de la
00:16 fondation Jean Jaurès. Comment sortir de la crise de recrutement des nouveaux
00:19 enseignants ? Depuis trois ans en effet chaque année l'éducation nationale
00:23 n'arrive pas à pourvoir tous les postes ouverts, on peine à trouver suffisamment
00:27 de candidats pour le CAPES, le concours de recrutement des profs de collège et
00:30 lycée. Bon et si la solution était tout simplement d'abaisser le niveau du CAPES,
00:35 c'est ce qui ressort des documents qu'Europe 1 s'est procuré. Alors vous
00:38 avez été juré du CAPES Yanis Roder, vous avez consulté le projet de futur
00:43 concours pour votre discipline notamment l'histoire-géo, bon qu'est-ce qui va
00:46 changer très concrètement ? - Très concrètement sur le contenu que
00:51 j'ai pu effectivement regarder, moi j'ai été frappé parce que j'ai passé moi le
00:56 CAPES puis l'agrégation mais j'ai travaillé pour préparer ces concours,
01:01 j'ai été, vous l'avez rappelé, juré de concours pendant quatre ans et nous
01:05 avions des questions qui étaient beaucoup plus pointues, beaucoup plus
01:08 précises que celles qui sont aujourd'hui proposées parce que celles qui sont
01:12 aujourd'hui proposées, si vous regardez bien, la Rome antique, la Grèce classique
01:16 etc. recouvrent jusqu'au 20e siècle l'ensemble du programme de collège. Il
01:21 n'y a plus de questions pointues qui appellent un travail de fond, un
01:28 travail minutieux, un travail de réflexion, un travail de réflexion sur
01:31 les problématiques et les enjeux de chaque question. On est sur des questions
01:34 qui sont extrêmement larges et donc de fait les étudiants auront à traiter des
01:40 questions extrêmement larges et non plus pointues. - Vous déplorez Yanis
01:44 Roder des enseignants à qui en fait on ne demande plus tellement de savoir
01:47 problématiser, c'est à dire poser les bonnes questions, savoir reformuler, trouver
01:52 du sens en fait à ce qu'ils vont enseigner à leurs élèves. Mais en fait
01:55 pourquoi c'est grave ? - Alors moi ça me pose vraiment problème parce que
02:00 effectivement l'histoire qui doit être enseignée doit être une histoire qui
02:04 amène à penser, qui amène à réfléchir, qui amène à questionner et qui amène à
02:09 produire, qui amène les élèves à produire des textes, à produire de
02:14 l'écrit, structuré, pensé, logique. On n'enseigne pas une histoire, événement si
02:20 vous voulez, on n'enseigne pas une histoire uniquement de fait. On essaie de
02:24 faire réfléchir sur l'histoire. Un bon enseignant est un enseignant qui pose une
02:28 vraie problématique et dans le mot problématique vous entendez le mot
02:31 problème, c'est à dire en quoi l'événement que nous allons voir ensemble avec les
02:36 élèves pose des questions, pose des questions auxquelles nous allons
02:40 répondre. Mais des questions qui posent des problèmes, qui posent des enjeux, qui
02:43 vont montrer des dynamiques, des processus, c'est à cela, c'est comme cela que l'on
02:47 fait d'abord apprécier l'histoire et qu'on fait comprendre à quoi sert
02:50 l'enseignement de l'histoire. Si nous avons des étudiants, des futurs enseignants
02:55 qui sont formés de manière très large, où on ne va pas vraiment travailler sur
03:00 justement les enjeux d'une question précise ou les dynamiques d'une
03:04 question pointue, et bien malheureusement, et c'est ce que j'ai
03:07 déjà pu voir en étant jury de Capès pendant quatre ans, la question de la
03:11 problématique et donc de l'intérêt qu'il y a à enseigner et surtout à
03:15 écouter les professeurs d'histoire, me semble-t-il, va s'amenuiser.
03:18 - Alors il y a un autre changement aussi qui est programmé, Yanis Roder, Emmanuel
03:22 Macron d'ailleurs l'avait annoncé le mois dernier, c'est que les candidats ne
03:26 passeraient plus le Capès à niveau master, donc bac +5, mais niveau licence
03:30 bac +3. Est-ce que d'après vous ça fait vraiment une grosse différence ?
03:34 - Oui ça fait une différence parce que la maturité intellectuelle n'est pas la
03:37 même, le savoir scientifique non plus, la capacité justement à poser les
03:43 questions, à poser les enjeux non plus. Avant on recrutait à bac +5
03:48 et puis avant pour l'agrégation par exemple à bac +4, on demandait d'avoir
03:53 fait un master, donc d'avoir réfléchi justement sur la recherche, ce que c'est
03:56 que la recherche en histoire, comment on écrit l'histoire, etc. Là on ne le fera
04:00 plus, là on ne le fera plus, je pense que c'est un problème et en même temps je
04:03 comprends les enjeux, les enjeux c'est de trouver des profs. Aujourd'hui c'est la
04:07 question. En les recrutant à bac +3, il est
04:10 évident qu'on va recruter des gens qui sont au départ moins bien formés, il faut
04:13 espérer que les deux ans qui suivent, ou les fonctionnaires, ou les
04:19 futurs professeurs vont être fonctionnaires, peut-être fonctionnaires
04:21 stagiaires, qu'ils pourront continuer à travailler sur le fond parce que le
04:25 problème c'est qu'on fait un enseignant d'abord, un bon enseignant d'abord avec
04:29 le fond. Vous savez j'espère qu'ils n'auront pas passé deux ans à faire de
04:32 la pédagogie parce que la pédagogie de mon point de vue c'est quand même très
04:35 mécanique alors que le savoir c'est quelque chose, c'est quelque chose qu'on
04:40 n'acquiert pas comme ça, c'est quelque chose qui demande du temps, qui demande
04:43 de l'investissement et qui est beaucoup plus difficile à obtenir.
04:45 - Alors le problème des pénuries de profs, puisque c'est quand même la question
04:50 qu'il s'agit de régler avec ces réformes, ce problème de pénurie en fait il a
04:53 toujours existé quand on regarde Yanis Roder. Est-ce qu'il faut reprocher au
04:56 gouvernement de chercher une solution quitte à abaisser le niveau de
05:00 recrutement ? Qu'est-ce que vous en pensez ?
05:01 - Ce qui est vrai quand on regarde le passé c'est que la pénurie de profs a
05:05 réellement commencé au moment où on a masterisé le recrutement, c'est-à-dire
05:10 qu'on est passé au niveau master. Effectivement avant il fallait
05:13 une licence, une maîtrise pour pouvoir passer les concours.
05:16 Mais on a vu, c'est Nicolas Sarkozy qui avait mis en place cette réforme,
05:22 on a vu effectivement le nombre de candidats chutés. Donc le fait d'aller
05:25 les chercher en licence, pourquoi pas, à condition de bien les
05:30 former. Or c'est la question que je pose avec des questions aux concours qui
05:34 relèvent, qui sont tellement larges que les étudiants n'auront pas la
05:40 possibilité vraiment d'avoir une réflexion de fond sur leur discipline et
05:44 sur les questions qui sont posées. Donc c'est cela moi le problème que je vois.
05:48 C'est pas tant le recrutement en licence, même si bien sûr il y a une question de
05:51 maturité, parce que cela existait avant. C'est surtout sur la manière dont on va
05:55 proposer aux élèves, enfin sur ce qu'on va proposer aux élèves en termes de concours
06:00 de recrutement. Et après il faut savoir quelle va être la
06:03 formation pendant les deux ans qui suivent. - Donc pour conclure, vous craignez
06:06 qu'on ne survole les programmes d'un peu plus haut encore que ce n'est le cas
06:10 aujourd'hui Yanis Roder ? - Oui, très clairement. Les questions telles qu'elles sont
06:14 posées au concours, je n'ai pas vu les autres
06:16 matières, les autres disciplines, mais très clairement j'ai l'impression que oui
06:20 ce sont des questions qui vont être aujourd'hui bien plus survolées que
06:23 réellement travaillées et qui ne vont pas permettre une formation
06:27 intellectuelle vraiment pointue dont les enseignants ont besoin. Parce qu'encore
06:32 une fois, un bon enseignant qui sait poser son autorité en
06:37 classe, il la pose d'abord avec son savoir scientifique.
06:40 - Merci beaucoup Yanis Roder, professeur d'histoire géographique. On peut lire
06:44 aussi également votre dernier ouvrage, le signal "Préserver la laïcité". Merci à
06:49 vous d'avoir été avec nous sur Europe.

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