• il y a 7 mois
L'écrivain Raphaël Enthoven était l'invité de BFMTV ce dimanche soir.

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00:00 Bonsoir Raphaël Antoven. Bonsoir Benjamin Duhamel. Merci beaucoup d'être avec nous ce soir. Vous êtes philosophe, je rappelle votre dernier livre
00:05 "L'esprit artificiel" aux éditions de
00:08 de l'Observatoire. Beaucoup de sujets à aborder avec vous ce soir. Je voudrais d'abord qu'on parle de l'Eurovision.
00:13 Petit résumé pour ceux qui peut-être n'ont pas suivi, la Suisse a gagné.
00:17 Israël a obtenu un soutien important du public mais on a aussi entendu
00:21 des huées pendant la prestation de la candidate. On a vu ce qui lui est arrivé à Eden Golan,
00:28 candidate confinée à son hôtel, transportée dans des convois ultra sécurisés, alors que des manifestants demandaient son exclusion.
00:35 Ces manifestants, Raphaël Antoven, est-ce qu'ils défendaient la cause palestinienne
00:39 ou est-ce que c'était, pour dire les choses clairement, une forme d'antisémitisme débridé ?
00:44 Non, ils dégradaient la cause palestinienne parce que même si on souhaite l'exclusion de quelqu'un de là à organiser des manifestations monstrueuses
00:51 pour l'obtenir,
00:53 il y a une disproportion délirante. Non, ils ne défendent pas la cause palestinienne, ils
00:57 disqualifient la cause palestinienne pour des décennies.
01:00 Pourquoi ils le disqualifient ?
01:01 Parce que c'est monstrueux.
01:03 Eden Golan, qu'est-ce qu'elle a ? Elle est belle, elle est pacifique, elle a du talent, elle est juive, elle est au carrefour de tous les
01:08 ressentiments, elle fait l'objet de toutes les détestations,
01:10 des détestations irrationnelles, mais au-delà d'elle-même,
01:14 au-delà d'elle, ce qui est en jeu dans cette histoire, c'est l'État d'Israël, c'est-à-dire que c'est le droit pour cet État d'avoir
01:21 des athlètes, d'avoir des chanteurs, d'avoir des universités,
01:26 c'est-à-dire que c'est un processus permanent, constant de
01:30 délégitimation de cet État,
01:33 auquel on dénie en somme le droit d'exister, de chanter.
01:37 C'est-à-dire que vous dites
01:38 protester et demander l'exclusion d'Israël de l'Eurovision,
01:41 ça ne peut pas être critiqué, dénoncer ce qui est en train de se passer à Gaza, c'est forcément nié à l'État d'Israël, le droit d'exister.
01:48 Il n'y a pas de marche possible.
01:50 C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas de criminaliser la défense de Gaza, c'est pas ça l'enjeu.
01:55 On a raison de défendre les enfants de Gaza et ce qui se passe à Gaza, et on a raison de s'en indigner, on a raison d'y oeuvrer,
02:02 mais une chose est de défendre Gaza,
02:06 d'apporter son soutien à la cause des Gazaouis,
02:09 tout autre est de réclamer l'exclusion d'une chanteuse parce qu'elle est juive.
02:14 Tout autre, et c'est ce point de bascule qui est insupportable,
02:19 c'est-à-dire que, et c'est ce point de bascule qui empêche le débat même sur Gaza,
02:22 comment voulez-vous penser contre vous-même quand vous êtes accusé de choses absurdes comme d'un génocide ou d'apartheid ?
02:31 Comment voulez-vous vous-même...
02:32 On reviendra dans un instant sur ces mots.
02:34 On reviendra sur ces mots, mais moi ce qui me fascine c'est, encore une fois, au-delà de cette chanteuse,
02:39 c'est ce qu'elle signifie que l'on veut faire taire, et ce qu'elle signifie en l'occurrence, c'est pas un génocide,
02:46 ce qu'elle signifie c'est le droit à l'existence d'un État minuscule qui est une exception démocratique dans un monde de brut.
02:52 Et on reviendra évidemment sur ce qui est en train de se passer à Gaza avec l'offensive israélienne à Rafa.
02:57 Quand on regarde ce qui s'est passé autour du concours de l'Eurovision et notamment les pays qui ont protesté
03:01 quant à la présence d'Israël, la Finlande, l'Irlande, les Pays-Bas, la Grèce,
03:05 est-ce qu'il y a un risque, Raphaël Antoven, que, au fond, Israël soit mise au banc des nations ?
03:11 Je lisais un article dans l'Express ou une tribune qui se posait la question "Israël va-t-il devenir un État paria ?"
03:17 Mais pardon, si on regarde par exemple les résolutions des Nations Unies,
03:22 on s'aperçoit qu'une majorité d'entre elles concernent Israël et qu'aucune concerne des États scandaleux, des États totalitaires.
03:29 Pourquoi ? Il y a un peu de poids de mesure ?
03:31 Israël a toujours été mis d'une certaine manière au banc des nations.
03:33 Son existence est intolérable.
03:35 L'existence de ce havre démocratique, encore une fois dans un espace qui ne l'est pas, est intolérable, est insupportable.
03:43 Ce pays a toujours été mis au banc des nations.
03:45 Le problème, c'est que du coup, quand on défend le droit de ce pays à exister,
03:50 on est immédiatement rangé dans le camp des gens qui sont agressifs.
03:54 Alors que défendre le droit de ce pays à exister, c'est défendre le droit d'une démocratie à exister,
03:59 c'est-à-dire d'un pays, le seul pays du Proche-Orient où les Arabes ont le droit d'afficher leur orientation sexuelle
04:07 ou de critiquer leur gouvernement sans aller en prison, c'est Israël.
04:10 Donc c'est ça qu'on déteste, c'est ça qu'on combat.
04:15 Et défendre Israël, ce n'est pas défendre Israël, c'est défendre tout simplement un havre démocratique dans un espace qui ne l'est pas.
04:21 En tout cas, le débat a également eu lieu en France avec un parti politique, un mouvement, la France Insoumise,
04:26 qui a demandé l'exclusion d'Israël du concours. C'est quoi pour vous ?
04:30 Est-ce que c'est de l'opportunisme électoral, un soutien sincère à la cause palestinienne ?
04:37 Qu'est-ce que cela dit, cette façon qu'a eue la France Insoumise de monter au créneau quant à ce concours de l'Eurovision ?
04:44 La France Insoumise épouse toutes les infamies depuis le 7 octobre.
04:49 Elle diffuse les fake news du Hamas en refusant d'ailleurs de retirer des postes qui ont été démentis,
04:55 et ensuite, dont on s'est aperçu qu'ils étaient faux.
04:57 Vous pensez à quoi ?
04:58 Le bombardement imaginaire de l'hôpital Al-Ali par un missile israélien, qui était en réalité une roquette palestinienne,
05:05 qui avait fait 15 morts et non pas 500 morts. Les Insoumis qui ont tweeté sur cette affaire ont laissé leur poste.
05:10 Encore aujourd'hui, à l'heure où je vous parle, les postes qui dénoncent les 500 morts causés par les bombardements israéliens existent toujours.
05:17 Les Insoumis diffusent les fake news.
05:19 Il y a des victimes civiles, on va en parler dans un instant.
05:21 C'est un autre débat. Une chose est de reconnaître la... Justement, nous sommes privés de la liberté de reconnaître les victimes civiles
05:27 par l'énormité du mensonge et de la propagande qui vient recouvrir ce fait.
05:32 Les Insoumis, depuis le 7 octobre, diffusent les fake news du Hamas,
05:39 et applaudissent des étudiants qui interdisent l'accès aux amphithéâtres des juifs,
05:44 et participent d'un mouvement d'interdiction globale, réclament pour les athlètes israéliens de défiler sans bannière.
05:52 Justement, parce que vous évoquez ce qu'ils demandent quant aux Jeux olympiques,
05:56 l'argument de la France Insoumise, c'est de dire qu'il faut traiter Israël comme la Russie a été traitée après l'invasion de l'Ukraine en 2022.
06:02 Au fond, il n'y a pas de raison d'avoir un traitement différencié. Ce parallèle-là, est-ce qu'il est valable ?
06:09 Non, il n'a aucun sens. Il n'a aucun sens. Que je sache, il n'a aucun sens.
06:15 L'Ukraine n'a pas commis un pogrom en Russie, jusqu'à nouvel ordre.
06:19 L'invasion de l'Ukraine n'est pas la réplique à une agression ahurissante, au plus ahurissant attentat terroriste,
06:26 qui est eu lieu depuis le 11 septembre. Donc non, cette comparaison n'a évidemment aucun sens.
06:31 Les ambitions de l'URSS sont des ambitions colonisatrices. En Israël, en l'occurrence, c'est une guerre qu'ils n'ont pas voulue.
06:37 C'est une guerre... Comme disait le comique américain Bill Maher, qui a beaucoup de talent,
06:42 Israël pourrait commettre un génocide, mais elle ne le fait pas.
06:46 Alors que le Hamas voudrait commettre un génocide, mais ne le peut pas. C'est à ça que nous assistons.
06:51 Donc les Insoumis, ils épousent toutes les causes les plus immondes depuis le 7 octobre.
06:56 Ils applaudissent à tout ce qui est inacceptable. Et puis avec un argument, qui est un argument tellement bidon qu'il faut le dénoncer quand même,
07:02 qui est de dire, si vous croyez que nous sommes antisémites, comme l'antisémitisme est un délit,
07:07 alors faites-nous un procès, bien sûr. Ce sont les mêmes à hurler contre les micro-agressions, vous savez,
07:13 qui donnent aux gens le sentiment d'un racisme systémique. Ce sont les mêmes qui vous traitent de raciste ou de harceleur à tout bout de champ,
07:18 sans vous faire de procès pour autant. Mais par ailleurs...
07:21 - Juste pour que les choses soient claires, vous vous dites, la France insoumise est un mouvement politique antisémite ?
07:25 - La France insoumise est le premier parti antisémite de France. La France insoumise est un parti antisémite aujourd'hui.
07:30 Quand on accueille Salah Amouri, par exemple, le Palestinien qui a été condamné en Israël pour avoir planifié l'exécution d'un rabbin,
07:36 quand on l'accueille en héros et en déporté, c'est le mot qu'ils ont employé,
07:40 quand on voit la main du Likoud derrière les élections britanniques,
07:44 quand on accuse BFM d'avoir les opinions de son patron Patrick Drahi,
07:48 quand on fait ça, on ne dit rien d'illégal. On ne dit rien d'illégal, on ne dit rien qui justifie un procès,
07:55 mais on est antisémite. On est antisémite. L'antisémitisme...
07:58 - C'est-à-dire que vous considérez, puisque vous parlez d'un mouvement en prenant celui qui est le leader,
08:02 vous considérez que Jean-Luc Mélenchon est antisémite ?
08:04 - Ecoutez, je ne veux pas donner de nom parce que...
08:06 - Non, mais pour que les choses soient lises, vous dites "la France insoumise est le premier mouvement antisémitiste".
08:10 C'est une accusation, pour le coup, qui est lourde ?
08:13 - Non, c'est une évidence, une porte ouverte qu'on enfonce. Jean-Luc Mélenchon,
08:17 alors on va dire les choses précisément, Jean-Luc Mélenchon est le gourou non-élu d'un mouvement,
08:23 d'un mouvement à mon avis sectaire, d'un soviet déguisé en secte,
08:27 qui par ailleurs, depuis le 7 octobre, rivalise d'antisémitisme à tous égards,
08:33 dans tous les registres, dans tous les domaines, et de façon très insidieuse.
08:37 Par exemple, quand Thomas Porte, le député insoumis, dit à un français juif qui se fait agresser
08:43 "toute votre place est en France", n'en doutez pas, comme si ça n'allait pas de soi.
08:47 Quand on fait des choses comme ça, quand on écrit des choses comme ça, on est antisémite.
08:51 Mais on ne fait rien que la loi contre-dise.
08:53 - Raphaël Antoven, juste parce que vous avez commencé en balayant cet argument de la pénalisation.
09:00 Si un insoumis était sur ce plateau, il vous répondrait, malgré tout,
09:03 que ce que vous dites est lourd, que l'antisémitisme n'est pas cible de poursuite, de condamnation,
09:09 que c'est un délit. Est-ce qu'on peut... Qu'est-ce que vous répondez à cela ?
09:13 - Il faut bien comprendre ceci. De la même manière qu'il existe, si j'ose dire, à leurs yeux,
09:20 un racisme systémique qui repose sur quantité de micro-agressions,
09:25 qu'il est très facile d'être raciste sans s'en apercevoir.
09:28 Le racisme est un délit, naturellement, mais on ne fait pas de procès pour cela.
09:32 L'antisémitisme, c'est la même histoire. L'antisémitisme, c'est la même histoire.
09:36 Quand vous faites... Quand vous reprenez, par exemple, comme David Guiraut,
09:40 l'imagerie soralienne des dragons célestes, quand vous faites cela,
09:45 eh bien, vous envoyez un message très clair aux antisémites qui savent ce que ça veut dire,
09:50 tout en vous présentant sous une façade honorable.
09:53 Eh bien, vous participez du climat délétère et antisémite dans lequel nous vivons aujourd'hui.
09:58 Oui, la France insoumise a toute sa responsabilité dans la façon dont, aujourd'hui,
10:03 les Juifs de France ont peur de sortir, ne donnent pas leur nom, se cachent ou retirent leur kippa, oui.
10:09 - Raphaël Antoven, parmi les conséquences du conflit au Proche-Orient,
10:11 il y a aussi la situation en France dans les universités.
10:13 La Sorbonne a encore été évacuée mardi dernier par les forces de l'ordre,
10:16 alors que des militants et étudiants pro-palestiniens l'occupaient.
10:20 On a dit beaucoup de choses sur ces étudiants à Sciences Po ou ailleurs,
10:24 qu'ils étudiaient dans les temples du wokisme, si tant est qu'on puisse le définir.
10:31 Ils étaient des présumés islamo-gauchistes.
10:34 Est-ce que ce n'est pas aussi une mobilisation sincère d'une classe d'âge
10:39 qui veut montrer son émotion quant à ce qui est en train de se passer à Gaza ?
10:44 Est-ce qu'il n'y a pas dans le débat public une façon trop rapide de tracer une équivalence
10:48 entre le fait de se mobiliser à Sciences Po, à la Sorbonne ou ailleurs,
10:51 et le fait de flirter immédiatement avec une forme d'antisémitisme ?
10:54 Vous avez raison.
10:56 C'est même très important de ne pas le faire,
10:57 parce qu'il ne faut pas criminaliser une opinion qui est légitime entre toutes.
11:01 Donc évidemment, vous avez raison.
11:03 Mais prenons un exemple.
11:05 L'exemple des fameuses mains rouges qui ont été brandies à Sciences Po.
11:09 Les premiers...
11:10 Alors, peut-être pour ceux qui nous regardent, pour préciser,
11:12 on a vu des étudiants de Sciences Po avoir les mains rouges avec de la peinture rouge
11:17 quand ils se mobilisaient devant la porte de Sciences Po Paris.
11:21 Certains y ont vu une référence à ce qui était arrivé à Ramallah au début des années 2000.
11:28 C'est en 2000.
11:29 En 2000.
11:30 Alors qu'un Palestinien, après avoir massacré deux soldats israéliens,
11:35 s'était montré à la fenêtre à Ramallah avec ses mains rouges.
11:38 Et c'est une image qui, évidemment, avait beaucoup choqué.
11:40 Les étudiants qu'on a interrogés sur ce plateau disaient qu'on n'avait pas ça,
11:44 qu'on ne connaissait pas cette image.
11:46 C'est ça qui est intéressant.
11:47 Et ces mains rouges-là, elles ont aussi été utilisées dans d'autres cas.
11:50 Eux disaient "il ne faut pas nous faire ce procès-là".
11:52 Bien sûr, il ne faut pas nous faire ce procès-là.
11:54 Je ne doute pas que les premiers à se peindre les mains en rouge ne connaissaient pas cette référence.
12:00 D'abord, ils n'étaient pas nés en 2001, en général.
12:03 Donc je ne doute pas qu'eux ignorent cette référence.
12:05 En revanche, il n'est pas doute non plus que ceux qui leur glissent l'idée de se peindre les mains en rouge
12:10 pour dire "stop au carnage à Gaza, sache très bien ce qu'ils font
12:14 et sache très bien l'image qu'ils renvoient aux tueurs, aux antisémites avérés, aux fous furieux".
12:20 C'est une image qui a deux entrées.
12:22 L'antisémitisme raffole de ce double standard.
12:25 On se présente l'air de dire "stop au carnage à Gaza"
12:28 et en réalité ce qu'on montre, c'est des paumes rougies comme à Ramallah en 2000.
12:31 C'est-à-dire qu'on montre une image qui signifie "tuons des juifs".
12:34 Mais alors, ce qui est intéressant dans cette histoire,
12:37 ce sont les étudiants qui, de bonne foi, se sont peints les mains en rouge au début
12:41 pour dire "stop au carnage à Gaza" et qu'on a renseigné sur le sens de cette image,
12:45 sur le sens possible de cette image, et qui, sachant cela, ont persisté à se peindre les mains en rouge.
12:53 Et c'est ça...
12:54 Je ne crois pas que... Enfin, peut-être que les images me corrigeront,
12:57 mais je ne crois pas avoir revu ce type de mobilisation de la France.
13:00 Là où vous avez raison, c'est que quand on leur demandait s'ils allaient continuer,
13:03 ils ne disaient pas "non, non, on arrête".
13:05 Il y a ça, et puis on a retrouvé les mêmes à la Sorbonne.
13:07 On a retrouvé quelques jours plus tard les mêmes à la Sorbonne.
13:09 Moi, ce qui m'intéresse, ce sont les gens qui le font en connaissance de cause.
13:12 Ce sont les gens qui savent que cette image signifie aussi "tuons des juifs"
13:17 et "viscérons des juifs", et qui continuent, malgré ça, de produire cette image.
13:22 Et c'est ça qui me fascine, parce que ça, c'est l'équivalent d'une conversion.
13:26 C'est-à-dire qu'on est accompagné dans son chemin de conversion
13:29 par quantité de bon sentiment, par quantité d'analogie, par quantité de référence.
13:33 "Oui, ça veut dire autre chose", etc.
13:35 On est accompagné dans un chemin qui est un chemin vers une conversion qui est un milieu de prière.
13:39 - Mais Raphaël Antoven, je pense aussi à ceux qui nous regardent et qui, peut-être, ont de la compassion sincère.
13:44 Ça veut dire que dans aucune des mobilisations, vous n'avez vu quelque chose de sain, de normal, de légitime.
13:51 On est forcément tout de suite ramené à des slogans pour le moins tendancieux,
13:57 ou à ce type de scène-là. Il n'y a pas d'entre-deux possible.
13:59 - Mais il y a un entre-deux possible.
14:01 Il y a un entre-deux possible, c'est l'entre-deux de tous les gens qui ont lutté pour la cause palestinienne
14:05 pendant des années, pacifiquement, au nom d'une injustice,
14:09 qui ont manifesté, comme moi, contre les colonies, contre les implantations,
14:14 qui ont manifesté contre le gouvernement de Netanyahou.
14:17 Il y a quantité de choses à dire, ce gouvernement.
14:19 - Et d'ailleurs, dans votre journal "Frontières", il y a des éditos extrêmement sévères...
14:22 - Sur Netanyahou, on a fait un dossier, on était les premiers à sortir le dossier
14:25 sur la réforme de la justice qui a été abandonnée, Dieu merci, maintenant.
14:28 On est les premiers à taper sur Netanyahou, mais il y a...
14:32 Une chose est de critiquer Netanyahou, de démontrer le rôle délétère qu'il joue là-dedans,
14:40 et de voir à quel point lui-même a intérêt à ce que la guerre continue.
14:44 Tout ça est très utile, mais en revanche, indexer le 7 octobre
14:51 sur la politique de Netanyahou, c'est monstrueux.
14:54 On n'explique pas l'éventrement de femmes enceintes
14:59 par une décision désastreuse d'un gouvernement d'extrême droite.
15:02 Les deux univers ne sont pas commensurables.
15:05 - On parlait il y a un instant de la France insoumise,
15:07 je voudrais qu'on voit la une de "Frontières", votre journal cette semaine.
15:10 Vous consacrez cette édition à Rima Hassan, en tout cas c'est elle qui est en une,
15:15 je rappelle, juriste franco-palestinée, dans 7e position sur la liste de la France insoumise
15:19 pour les élections européennes.
15:20 Elle était à votre place il y a une semaine sur ce même plateau.
15:24 Qu'est-ce qui justifie qu'elle fasse la une de "Frontières" ?
15:28 Pourquoi provoque-t-elle tant de réactions dans le champ politique,
15:34 mais même bien au-delà, depuis qu'elle a pris cette décision
15:37 de s'investir avec la France insoumise ?
15:40 - D'abord, c'est une personnalité charismatique,
15:44 qui est en position éligible, et qui dit des choses
15:47 qui à mon avis sont extrêmement dangereuses,
15:50 et qui reprend par exemple jusqu'au lexique du Hamas
15:54 quand elle parle du sacrifice,
15:57 qui continue de parler de génocide à Gaza,
16:01 ou d'apartheid à propos d'Israël.
16:04 C'est quelqu'un qui, pour moi, dit des choses extrêmement dangereuses,
16:07 et dont il est important de montrer d'abord
16:11 ce que sont ses origines véritables,
16:14 elle a un peu enjolivé la chose,
16:17 donc il faut remettre les choses en place,
16:19 on le raconte dans son portrait.
16:22 C'est quelqu'un qui mérite à tous égards qu'on s'intéresse à elle,
16:26 qu'on déconstruise son argumentaire,
16:29 qu'on déconstruise parfois ce qu'il y a de fantasmatique
16:32 dans l'iconographie insoumise,
16:34 qui s'est emparée de Rima Hassan, qui en a fait un symbole.
16:37 Voilà, c'est une personnalité...
16:40 - Pour bien comprendre, il y a un problème pour vous
16:43 que la question palestinienne soit mise au cœur des Européennes ?
16:46 Parce qu'encore une fois, quand on leur pose la question,
16:48 ils disent "écoutez, ce sujet-là existe,
16:50 certes il n'y a pas forcément de lien direct entre les compétences
16:52 de l'Union Européenne et ce qui se passe à Gaza,
16:54 mais c'est un sujet dans le débat public, et donc nous nous en saisissons".
16:57 - Non, qu'on se saisisse de ce sujet, et surtout en ce moment,
17:00 ça me paraît inévitable, que les élections européennes
17:03 soient parasitées par cette question, ça me paraît inévitable,
17:06 c'est une évidence, qu'en revanche, ces élections et cet enjeu-là,
17:09 qui n'est pas l'enjeu des élections européennes,
17:12 qui polarise à ce point le débat qu'on ne parle plus que de ça désormais,
17:16 ça me paraît désolant, tout simplement.
17:19 Il ne s'agit pas de criminaliser l'opinion d'en face,
17:23 nous périssons de la criminalisation de l'opinion d'en face.
17:27 Mais on est en présence aujourd'hui d'un débat qui est impossible.
17:32 - Pardon, Raphaël Antoine, quand vous faites une une
17:35 en disant "Rima Hassan, Masterclass, Hamas",
17:37 c'est pas que vous criminalisez le camp adverse,
17:39 mais de fait, cette polarisation existe aussi,
17:41 ça veut dire que vous assimilez directement
17:43 une candidate insoumise à un mouvement terroriste ?
17:47 - La polarisation nous est imposée par quelqu'un
17:51 qui justifie ce qui s'est passé,
17:53 la polarisation nous est imposée par des gens
17:56 qui valident les prédations du Hamas,
18:00 ou qui reprennent son discours,
18:02 la polarisation nous est imposée par l'emploi du terme "génocide"
18:07 à propos de ce qui se passe à Gaza.
18:09 - Sur ces mots "génocide", "apartheid",
18:12 comment est-ce qu'on peut faire pour mettre de la rationalité dans le débat ?
18:16 - C'est impossible.
18:17 - Quand semble-t-il ?
18:18 - C'est impossible. L'accusation de "génocide" à Gaza n'a aucun sens.
18:23 - Pour encore une fois continuer la discussion que j'avais avec Rima Hassan
18:26 la semaine dernière, pour dire les choses,
18:27 la Cour internationale de justice, saisie par l'Afrique du Sud,
18:30 a demandé à Israël de prendre des mesures conservatoires
18:36 pour éviter que les Palestiniens, en parlant d'un risque génocidaire.
18:41 Mais effectivement, aucune instance internationale n'a statué sur le fait qu'il y avait un génocide.
18:46 - Il y avait un génocide. Il n'y a pas de génocide à Gaza.
18:48 Il y a eu un génocide ouïgour, il y a eu un génocide arménien,
18:51 il y a eu un génocide juif, il y a eu des génocides au XXème siècle,
18:55 il n'y a pas de génocide à Gaza.
18:57 Il n'y a pas de génocide à Gaza, j'y peux rien.
18:59 Ça reste faux. On peut le répéter à l'infini,
19:02 il n'y a pas de génocide à Gaza.
19:04 Il n'y a pas de génocide et les informations que l'on a aujourd'hui nous viennent du Hamas,
19:08 les chiffres qui nous sont fournis nous viennent du Hamas.
19:11 On connaîtra vraisemblablement la vérité ou un peu plus de vérité sur le nombre de morts sur place,
19:17 mais l'intention génocidaire... - Qui sont très nombreux.
19:20 - Il faut bien dire aux gens qui nous regardent... - Qui sont très nombreux, Raphaël Antoven.
19:22 - Très nombreux ! Mais c'est épouvantable ce qui se passe à Gaza.
19:25 C'est épouvantable ce qui se passe à Gaza.
19:27 Seulement, on n'a même pas la liberté de le dire
19:29 puisque en face on a des gens qui disent que c'est un génocide.
19:31 Quand vous vous adressez à des gens qui vous disent "c'est un génocide",
19:34 vous ne pouvez plus discuter.
19:36 Vous ne pouvez que dire une chose, c'est que non, ce n'est pas un génocide.
19:39 Ce sont peut-être des crimes de guerre qui seront documentés
19:42 parce qu'on a affaire à une démocratie.
19:44 Mais c'est épouvantable ce qui se passe à Gaza.
19:46 Seulement, encore une fois, on est privé de la liberté de le dire
19:50 par des gens qui emploient des mots dont ils savent pertinemment qu'ils n'ont aucun sens.
19:55 En l'occurrence, parler de génocide ou d'apartheid à propos d'Israël,
19:59 c'est monstrueux et c'est absurde.
20:00 On parlera de la situation à Arafat dans un instant.
20:03 Juste avant, toujours sur les répliques sismiques en France de la situation à Gaza,
20:09 je voudrais qu'on parle du sort de Guillaume Meurisse.
20:11 Aujourd'hui, la radio France Inter est en grève,
20:13 notamment à la suite de la suspension de l'humoriste
20:16 qui a réitéré sa phrase polémique sur Benjamin Netanyahou.
20:20 Les réactions sont contrastées.
20:22 Sophia Aram parle d'une blague pourrie.
20:24 François Morel, autre humoriste présent sur l'antenne de France Inter,
20:27 lui prend plutôt la défense de Guillaume Meurisse.
20:30 Cette suspension, est-ce que ce n'est pas...
20:32 Demi-mot.
20:33 Tout en disant quand même qu'il y a une forme d'inquiétude.
20:36 Est-ce que c'est une attente à la liberté d'expression, cette suspension ?
20:39 Écoutez, comment vous dire ?
20:43 Moi, j'ai toujours été hostile à l'exclusion de Guillaume Meurisse.
20:49 On ne vire pas un humoriste pour une mauvaise blague.
20:51 C'est-à-dire que j'ai toujours été hostile au tour disciplinaire que peuvent prendre ces affaires-là.
20:56 Je pense qu'il n'y a aucun motif disciplinaire d'exclure Guillaume Meurisse.
20:59 Enfin, je ne les vois pas.
21:01 Donc la décision de Radio France me paraît en elle-même excessive,
21:05 ou en tout cas difficilement justifiable.
21:07 Ils vont se débrouiller avec ça.
21:08 C'est leur problème, c'est leur affaire.
21:10 Moi, j'ai toujours été hostile à ça.
21:13 Après, vous n'êtes pas obligé, sur une chaîne, d'accueillir un humour pourri.
21:22 Vous n'êtes pas obligé d'accueillir un humour...
21:24 La particularité de Guillaume Meurisse, c'est qu'il n'a vraiment pas de talent.
21:27 Et qu'il le remplace par une forme d'insolence
21:30 qui lui permet de pousser des cris d'indignation plutôt que des éclats de rire, si vous voulez.
21:34 Mais bon, qu'une chaîne décide qu'après tout, un humoriste sans talent
21:43 pourrait peut-être aller s'exercer ailleurs, ça ne me paraîtrait pas choquant.
21:46 Mais que la présidence de Radio France invoque la discipline
21:51 et comme Zeus brandisse la foudre et remette 20 balles dans la machine,
21:56 ça me paraît absurde.
21:58 Il n'y avait pas lieu de le virer, pour cette raison-là, en tout cas.
22:01 Cela dit, encore une fois, moi, je n'aime pas l'humour de Guillaume Meurisse.
22:04 J'ai le droit encore de le dire.
22:06 Parce que vous voyez les réactions aussi.
22:08 On vous entend et pour le coup, votre position est très claire.
22:10 Certains disent que ceux qui dissertent ou qui fustigent à longueur de journée la cancel culture
22:16 sont un peu moins sonores sur le sort de Guillaume Meurisse.
22:20 Ce n'est pas vrai.
22:22 Ce n'est pas vrai justement d'ailleurs.
22:24 Là encore, Radio France a mis tout le monde en situation d'obligation
22:28 de défendre Guillaume Meurisse justement.
22:30 Non, ce n'est pas vrai.
22:32 Et précisément, au nom des mêmes principes, on peut s'opposer à cela.
22:36 Mais il y a vraiment deux registres.
22:39 Il y a la question disciplinaire.
22:41 Je ne sais pas quels arguments ils vont invoquer pour exclure Guillaume Meurisse.
22:47 Ils disent notamment, en tout cas c'est ce qu'explique France Inter, qu'il y a réitération.
22:51 Et que certes, Radio France, que certes la plainte avait été classée.
22:56 Mais qu'en tout cas, l'Arkhom s'était saisi de ce qui avait été dit par Guillaume Meurisse dans un premier temps.
23:01 Et donc qu'il y avait un risque que l'Arkhom se manifeste de nouveau.
23:05 Bon courage pour plaider ça.
23:07 Que dans le cadre du renouvellement ou d'une proposition nouvelle sur une chaîne,
23:13 un humoriste qui a longtemps travaillé sur cette chaîne quitte cette chaîne.
23:16 J'ai moi-même travaillé 13 ans à France Culture.
23:18 Je n'ai pas lancé des manifs quand j'en suis parti.
23:21 Si vous voulez, que le renouvellement d'une chaîne passe par le renouvellement des gens qui sont à l'antenne,
23:26 ça ne me paraît pas choquant.
23:28 Et ceci, pour le coup, ne serait pas une atteinte à la liberté d'expression.
23:32 Non, ce sont des choix éditoriaux.
23:34 Raphaël Antoven, je voudrais qu'on parle donc de la situation à Gaza,
23:36 alors qu'Israël a lancé une offensive sur Rafa, malgré les menaces du président américain Joe Biden de cesser les livraisons d'armes.
23:42 Si même les États-Unis, alliés historiques d'Israël, en sont à cette menace,
23:46 c'est que la situation est particulièrement grave, notamment dans cette partie de l'enclave à Rafa ?
23:53 C'est épouvantable. C'est épouvantable.
23:56 C'est un million et demi de gens amassés les uns sur les autres,
24:00 qui font l'objet d'une offensive, avec au milieu d'eux, en plus, des terroristes qui sont cachés,
24:06 qui les prennent comme pliés humains.
24:08 C'est une tragédie. Je n'ai aucun avis là-dessus.
24:11 Sinon que c'est une tragédie.
24:13 C'est une fuite en avant du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.
24:16 Je ne sais pas.
24:17 Votre journal "Franc-Tireur" écrit à de multiples reprises.
24:20 Nous, on n'a pas arrêté de taper sur Netanyahou, si vous voulez.
24:22 Mais une chose est de taper sur Netanyahou, tout autre est de dire que c'est un génocidaire.
24:26 Ce mot-là me paraît employé ici avec peu de prudence.
24:30 Mais que Netanyahou ait besoin et intérêt à prolonger la guerre, ça me paraît une évidence.
24:37 Qu'il soit dans une logique de fuite en avant,
24:40 c'est possible, je ne sais pas.
24:42 Je n'ai pas les éléments.
24:44 Ils doivent empêcher le Hamas de reproduire ce qu'il a fait,
24:47 donc détruire les bataillons du Hamas.
24:49 Si ça passe par Rafa, ça passe par Rafa,
24:52 mais ça reste une tragédie que vous voulez vous conduire.
24:55 Quand la diplomatie française appelle au cessez-le-feu,
24:58 est-ce que sur ce point-là, vous considérez qu'elle parle juste, qu'elle a la bonne position ?
25:03 Non, moi je pense qu'il n'y a pas de cessez-le-feu avant la libération des otages.
25:06 Je ne vous connais de l'encontre.
25:08 C'est ce qu'elle demande. Pour être très précis, elle dit cessez-le-feu avec évidemment libération des otages.
25:12 Dans ces conditions, il n'y a pas de problème, effectivement.
25:14 Je ne doute pas d'ailleurs que si demain matin, le Hamas libère les otages,
25:17 il y aurait un cessez-le-feu, au moins un temporaire, bien sûr.
25:21 Mais parler de cessez-le-feu sans parler de libération des otages,
25:24 c'est-à-dire ce pays, Israël, est en apnée depuis le 7 octobre,
25:27 depuis que des bébés ont été emmenés dans la bande de Gaza.
25:31 Donc bien sûr, il n'y a pas de cessez-le-feu sans libération des otages.
25:36 On ne peut pas oublier les otages là-dedans.
25:38 Le cessez-le-feu n'est pas une fin en soi.
25:41 Le cessez-le-feu, c'est le résultat d'un processus de discussion.
25:45 Mais les discussions ne sont possibles qu'à partir du moment où ce kidnapping monstrueux cesse
25:49 et où on peut se mettre à la même table.
25:51 Au fond, Raphaël Antoine, pour terminer, ce qui est terrible dans ce conflit,
25:54 c'est, au-delà évidemment de la situation humanitaire, du drame du pogrom du 7 octobre,
26:00 c'est cette impression que les deux camps ne peuvent plus se parler,
26:06 même quand il s'agit de débattre du Proche-Orient, qu'ils n'utilisent plus les mêmes mots,
26:10 qu'ils n'ont plus cette capacité à avoir la moindre langue commune.
26:15 Comment on sort de cette impossibilité à dialoguer ?
26:18 Je ne sais pas, mais il n'y a que la guerre. Il n'y a plus de dialogue.
26:21 Il n'y a que la polarisation. Il n'y a pas de dialogue aujourd'hui.
26:24 Le dialogue n'est pas possible.
26:25 Le dialogue n'est pas possible par la démesure des mots qui sont employés.
26:28 Encore une fois, le dialogue serait possible entre un défenseur de l'argumentaire des Palestiniens
26:34 et un défenseur de l'argumentaire israélien.
26:36 Mais quand vous avez face à face quelqu'un qui défend Netanyahou
26:41 et de l'autre côté quelqu'un qui parle de génocide ou d'apartheid,
26:45 il n'y a pas de débat possible. Le débat n'est pas possible.
26:49 La seule victoire ici, c'est de reconquérir la possibilité de débattre,
26:53 de reconquérir la possibilité de discuter.
26:56 Mais pour ça, il faut renoncer à l'emploi de mots qui sont inadaptés à la situation
27:03 et qui empêchent tout.
27:05 Merci beaucoup, Raphaël Antoven, d'avoir été l'invité de C'est pas tous les jours dimanche.
27:09 Je rappelle votre livre "L'esprit artificiel aux éditions de l'Observatoire"
27:13 et "La Une" de Franck Tireur, que nous avons donc eu l'occasion de commenter,
27:17 sur Rima Hassan.

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