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Court métrageTranscription
00:00 L'ambiance est joyeuse en ce 9 juillet 1934.
00:03 Une foule d'officiels, accompagnés de leurs épouses,
00:07 se presse pour célébrer l'achèvement des travaux du chemin de fer Congo-Océan,
00:11 qui relie Bras-à-Ville à Pointe-Noire, sur la côte atlantique.
00:15 Pour la France, le rêve devient réalité.
00:23 La voie de communication permettra l'acheminement des richesses naturelles de ces colonies
00:28 vers la métropole.
00:30 Quand on est confronté à raconter une histoire,
00:34 parce que c'est notre métier en tant que documentariste,
00:37 et là en l'occurrence l'histoire d'une construction qui s'est passée
00:41 il y a plus d'un siècle au Congo-Bras-à-Ville,
00:44 on est confronté à la question "comment raconter cette histoire ?"
00:47 à la question de la mise en scène.
00:49 Ensuite se pose la question des archives.
00:52 Un ami passionné de livres me dit qu'il y a chez un bouquiniste
00:57 à Toulouse, un album qui est très grand, en cuir, magnifique,
01:03 qui a été réalisé par le gouverneur général d'Afrique équatoriale à l'époque,
01:08 Raphaël Antonetti, qui est un des protagonistes de cette histoire,
01:13 qui a été réalisé à l'occasion de l'inauguration de cette voie ferrée,
01:18 et qui montre le chantier avant, pendant et après sa réalisation
01:28 tout au long des 500 km de construction de voie ferrée de Bras-à-Ville à Pointe-Noire.
01:34 Et en gros cet album a été réalisé pour répondre au scandale
01:38 qui s'est produit à la fin des années 20 suite aux articles d'André Gide,
01:45 puis d'Albert Londres, qui dénonçait le taux de mortalité extrêmement élevé
01:50 sur ce chantier dû entre autres au fait que ces ouvriers
01:53 travaillaient uniquement à la main, à la pioche ou à la barre de mine,
01:57 mais aucun outil électrique.
02:01 Et tout le texte de cet album est pour la promotion des bienfaits
02:08 de la colonisation, et sur le fait que les ingénieurs blancs
02:14 ont bien travaillé.
02:16 Le livre en revanche passe sous silence la déportation massive,
02:20 le travail forcé et la perte de milliers de vies humaines,
02:24 celles des travailleurs africains.
02:27 Particulièrement meurtriers, le chantier du Congo-Océan révèle à lui seul
02:32 la puissance dévastatrice du système colonial.
02:35 J'ai appris en lisant un livre d'un Américain qui s'appelle
02:39 "The Forest of No Joy" qu'aux archives à Roubaix du Monde du Travail,
02:46 dans les archives de l'entreprise de construction Spie-Batignolles,
02:51 ils avaient pris des photographies.
02:54 Et du coup, nous avons, je dis nous, c'est avec la documentaliste
02:58 Pauline Carleroux qui a fait un travail énorme, contacté non seulement
03:04 les archives du Monde du Travail, mais écrit aux responsables
03:10 des archives de l'entreprise pour avoir l'autorisation non seulement
03:15 de les consulter, mais de les utiliser pour un documentaire.
03:19 Et on est arrivé là-bas et on a vu ces albums photos
03:22 qui sont de toutes petites photos, qui constatent effectivement
03:26 l'état cadavérique des ouvriers sur le chantier, l'état maladif,
03:32 l'état épouvantable de ces jeunes gens qui ont été attrapés
03:36 parfois à plus de 2000 km de là.
03:39 Le travail pouvait à cette époque être mécanisé.
03:45 Mais il était plus économique pour la société des Batignolles
03:48 de faire travailler ainsi des hommes remplaçables à merci,
03:51 plutôt que d'acheminer difficilement des engins dans la forêt.
03:55 Suite à ça, il y a eu un nouveau miracle, c'est que la documentaliste
04:01 a retrouvé deux films de propagande qui eux aussi ont été réalisés
04:07 pour répondre au scandale. Il y a un film du ministère des colonies
04:11 de l'époque et l'autre fait par un ingénieur qui dit
04:15 "attendez, il y a un scandale avec Albert Londres, c'est complètement faux,
04:19 il y a peut-être été, mais c'est pas vrai" et il filme le chantier
04:23 pour montrer comment on traite bien les hommes.
04:26 Et c'est incroyable comme ces films de propagande, avec le temps
04:30 qu'il faut que l'on fasse son travail, et sans que j'ai besoin de dire
04:34 tout de suite qu'il s'agit d'images de propagande, je les utilise
04:37 dans l'autre sens, elles montrent là encore les terribles conditions
04:41 de travail d'hommes qui sont nus, qui n'ont pas de bottes,
04:45 qui n'ont pas de vêtements et qui ont juste des barres à mine
04:48 pour travailler une roche extrêmement rude, à pic.
04:52 Et du coup j'ai tenté de tresser ce qu'on découvre dans les archives
04:57 en France, et le paysage de cette voie ferrée aujourd'hui,
05:03 puisque la partie la plus difficile, celle qui traverse le massif
05:09 du Mayon, est depuis peu à l'abandon.
05:12 Il aura fallu 13 années pour construire seulement 512 kilomètres.
05:19 Il est impossible en revanche de connaître le nombre de victimes.
05:24 Entre 17 000 et 23 000 ouvriers auraient trouvé la mort
05:28 lors de la construction de la voie ferrée.
05:31 Sous-titrage ST' 501
05:34 [Musique]