Neon a rencontré un énorme succès avec son nouveau format vidéo, "La Bibliothèque est ouverte", diffusé sur ses plateformes. Ce format innovant invite des auteurs et autrices queer à discuter de sujets importants pour les communautés LGBTQ+. L'accueil de la série a été exceptionnel, suscitant un engagement et des réactions extrêmement positifs.
▶️ Sur TikTok, "La Bibliothèque est ouverte" a captivé plus de 50 000 spectateurs, recruté 500 nouveaux abonnés, enregistré plus de 700 interactions, 200 partages et 5 000 "j'aime", cumulant 457 heures et 48 minutes de visionnage.
▶️ Sur Instagram, la série a touché plus de 23 422 comptes, dont 11 102 n'étaient pas des abonnés préexistants, générant 40 000 vues.
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AmusantTranscription
00:00Le sexe, c'est un marqueur de réussite sociale, tu vois,
00:03et c'est là que ça me pose problème.
00:04Parce qu'en fait, on peut vivre sans sexe,
00:06et on peut vivre très heureux sans sexe.
00:13Coucou Néon, bienvenue dans ce nouveau format
00:15où j'invite des autoristes queers
00:16pour qu'on aborde ensemble des questions
00:18autour de la communauté LGBT+.
00:20On est le 6 avril
00:21et c'est la journée internationale de l'asexualité.
00:23Et à Néon, on s'est dit que c'était l'occasion d'en parler.
00:26Aujourd'hui, je reçois Anna Mongeau,
00:27autrice de Asexuel, paru en janvier 2024,
00:30aux Éditions Larousse.
00:31Salut Anna !
00:32Salut !
00:33Si je demande aux gens de citer des films
00:34où il y a des personnages gays, bi, lesbiennes ou trans
00:37qui sont mis en scène,
00:38je pense que la plupart des gens peuvent en citer quelques-uns.
00:40Mais pour l'asexualité,
00:41j'ai l'impression qu'il y a quand même un gros angle mort.
00:43Est-ce que toi, tu as des personnages asexuels
00:45qui te viennent en tête ?
00:46Là, ces dernières années,
00:47on en a deux, trois qui ont popé
00:49et qui sont vraiment assumés en tant qu'asexuels.
00:51Mais parce que, tu sais,
00:52ils sont toujours filmés sous un jour assez misérabiliste.
00:55Et après, il y en a aussi,
00:57mais qui ne sont pas assumés en tant qu'asexuels.
01:00Je pense notamment à Luffy dans One Piece,
01:04où vraiment, il y a même toute une histoire
01:05où justement, c'est le seul à ne pas être attiré
01:08par une femme qui est censée être désirée par tous et toutes.
01:12Et ça a été, en fait, à demi-mot validé par l'auteur.
01:14Mais ce n'est jamais obvious et sans débat.
01:17Toi, comment tu la définirais, l'asexualité ?
01:19En commençant par dire que c'est une orientation sexuelle,
01:21mais aussi un spectre.
01:23Donc, le fait d'être asexuel,
01:25c'est de ne pas ressentir d'attirance sexuelle pour autrui
01:28ou dans des circonstances très particulières.
01:30Donc, tu vois, tout au bout du spectre,
01:32il y a moi, par exemple, qui ne ressens aucune attirance,
01:34qui n'ai aucune libido, sans aucune circonstance.
01:37Et puis après, il y a des gens qui ne vont en avoir qu'en certains cas
01:40et qui se sentent, en fait, somme toute, en dehors de la norme.
01:43Tu évoques aussi, à un certain moment,
01:45des situations d'incompréhension auxquelles tu as été confronté,
01:48notamment ce garçon qui pensait que vous vous plaisiez,
01:50alors que pour toi, c'était juste un ami.
01:52Et tu parles justement d'une différence de langage entre vous deux.
01:55En fait, il me manque une clé,
01:56il me manque vraiment une langue que tous les autres parlent
01:59et que je ne parle pas.
02:00Mais c'est juste que quand on est asexuel,
02:02parce qu'on n'a pas notion de ce qui agite les autres,
02:05nos propres regards comme ceux des autres,
02:07on ne va pas les interpréter de la même façon.
02:09Les jeux de séduction peuvent nous échapper.
02:11Tu racontes dans ton livre que tu as été abusé par certains de tes copains,
02:14parfois pendant plusieurs mois,
02:15et que c'était aussi une violence que tu t'infligeais
02:18parce que tu te disais que si tu te forçais,
02:20peut-être que tu allais finir par pouvoir apprécier
02:22le fait d'avoir des rapports sexuels.
02:23C'est une situation qui est complexe,
02:26mais qui est commune à beaucoup d'asexuels.
02:29Et en fait, moi, je n'avais pas envie.
02:30Et puis, simplement, je me disais qu'en fait,
02:33vraiment, ça se trouve, c'est pareil pour tout le monde.
02:36Et ça se trouve, personne n'a vraiment envie.
02:38Il faut juste sauter à l'eau.
02:39Et puis l'eau, elle sera meilleure une fois dans la piscine.
02:41Et après, il n'y a que quand on est asexuel
02:43ou d'ailleurs quand juste on n'a pas envie de coucher
02:45et qu'on est dans une relation.
02:46En fait, il est beaucoup plus facile de se dire
02:49j'ai juste à prendre sur moi 15 minutes.
02:51Et en déficit, avec le recul, je me rends compte
02:53que se forcer, ça abîme énormément les relations.
02:56Mais je pense qu'à l'époque,
02:57je n'avais pas moyen de faire autrement.
02:59Au début du livre, tu écris
03:00« j'avance sans attirance sexuelle, sans désir,
03:03mais en pli d'un amour infini ».
03:05Est-ce que le fait d'être une personne asexuelle,
03:07du coup, ça ne donne pas aussi plus de force
03:09à vouloir se concentrer sur des choses
03:10que des personnes du coup, allosexuelles
03:12vont mettre moins au centre de leur vie ?
03:14Moi, je dirais que oui,
03:15mais je ne suis pas objective forcément.
03:17En fait, à partir du moment, tu vois,
03:18où il y a une différence dans le couple,
03:21ça fait qu'on va mettre beaucoup plus d'énergie
03:23pour s'entendre à côté.
03:24Avec Anthony, mon amoureux,
03:25on a vraiment construit, je le disais, notre nid.
03:28Mais notre nid, ce n'est pas que notre maison,
03:29c'est notre relation.
03:30C'est la manière dont on se retrouve,
03:31dont on se soutient, dont on s'écoute.
03:33Et tout ça, pour moi,
03:34c'est effectivement une démonstration d'amour
03:37qui est énorme et plus que peut-être...
03:39C'était mes éditrices qui m'avaient dit ça,
03:41se réconcilier sur l'oreiller, tu vois.
03:43Où elles m'avaient demandé « mais du coup,
03:44vous faites comment pour vous réconcilier ? »
03:46Et j'étais en mode « bah, on parle. »
03:49Il y a une séquence drôle aussi,
03:50où tu racontes qu'à un moment donné,
03:51tu as candidaté et travaillé dans un sex shop.
03:53C'était quoi cette démarche pour toi ?
03:55Qu'est-ce que ça voulait dire ?
03:56Mais mon petit, je dirais que c'était grave un acte manqué.
03:59C'est arrivé parce que j'accompagnais une pote,
04:01la vendeuse lui explique tous les jouets,
04:03les trucs, les machins.
04:04Et puis une pote, un jour, me dit
04:05« ah, j'aimerais trop m'acheter un sex shop. »
04:06Je lui dis « bah, je connais un magasin,
04:07viens, je t'emmène. »
04:08Et puis, je lui fais toute la démo,
04:10comme la vendeuse avait fait,
04:10puisque j'avais retenu.
04:11Puis une deuxième pote, une troisième pote.
04:13Et un jour, la responsable vient me voir à la sortie,
04:15elle me dit « bon, écoutez, si vous cherchez un tas,
04:16je vous embauche. »
04:17J'ai posé mon CV, elle m'a embauchée.
04:19Aujourd'hui, je sais que c'était surtout
04:21une façon pour moi de faire un peu d'anthropologie,
04:23de me rapprocher au plus près de ce que je ne comprenais pas
04:27et de ce qui m'échappait complètement.
04:28Est-ce que tu pourrais nous lire un extrait du livre
04:31qui, toi, te tient particulièrement à cœur ?
04:33Ouais, grave.
04:34Ça.
04:35Alors, vous voulez quelque chose de joyeux ou de pas joyeux ?
04:38Eh ben, quelque chose de joyeux.
04:40« Dans un couloir, la porte du placard s'est refermée sur nous
04:42et nous nous sommes retrouvés dans le noir l'un contre l'autre.
04:45Nous avions peu de place.
04:47Il était assis dos à la porte et j'étais assise sur lui,
04:49torse contre torse.
04:51Nous nous sommes embrassés immédiatement.
04:53Rapidement, sa respiration s'est accélérée,
04:55ses baisers sont devenus pressants et sa peau s'est échauffée.
04:58Il a soufflé dans mon cou et l'a embrassée.
05:00Son odeur, que j'avais sentie des dizaines de jours en classe,
05:02se mélangeait à celle du rhum.
05:04On était adolescents, il me plaisait, mais rien.
05:07Rien dans mon ventre, pas un frisson qui me dirait « j'en veux plus ».
05:11Au contraire, même, j'ai senti la répulsion monter
05:13pour celui que j'aimais bien et que je trouvais si attirant.
05:16Je voulais que ses mains se détachent,
05:17que sa bouche s'arrache de cette peau qui m'appartenait à peine.
05:20Et en même temps, je voulais vivre ce qui faisait battre ce cœur
05:23que je sentais juste là, dans le creux de mes homoplates. »
05:26Pourquoi t'as choisi cet extrait ?
05:28Il parle vraiment de cette ambiguïté entre l'envie d'avoir envie,
05:31le fait qu'on ait envie de ressentir ce que tout le monde ressent,
05:35on ait envie d'arriver à ce moment d'accomplissement
05:37avec la personne qui nous plaît.
05:39Mais quand vient le moment, il n'y a rien.
05:41Et c'est frustrant.
05:42Et en définitive, si on ne m'avait pas dit
05:44« ça doit se dérouler avec un rapport sexuel »,
05:46peut-être que juste le sentir contre moi, torse contre torse,
05:49tout ça, ça aurait suffi,
05:51comme ce qui me suffit aujourd'hui dans ma relation avec Anthony.
05:54C'est vrai que pour les personnes qui ressentent du désir et de l'attirance sexuelle,
05:57on ne se rend pas compte à quel point on vit aussi dans un monde
06:00avec tout un tas de représentations de la sexualité,
06:02qu'en fait, elle est omniprésente.
06:03Là où moi, ça me pose problème, c'est que toute cette société-là,
06:07elle crée une identité chez chacun et chacune
06:10qui ne leur appartient pas forcément,
06:12qui est que le sexe, il est nécessaire au bonheur,
06:14que le sexe, c'est en définitive l'équivalent que d'avoir une belle voiture,
06:18c'est un marqueur de réussite sociale, tu vois,
06:20et ce, dès le plus jeune âge.
06:22Et c'est là que ça me pose problème.
06:23Parce qu'en fait, on peut vivre sans sexe
06:25et on peut vivre très heureux sans sexe.
06:30Sous-titrage Société Radio-Canada