• il y a 6 mois
Cette semaine, Sabrina Perquis reçoit Paul El Kharrat pour revenir sur son expérience de la prise en charge du syndrome d'Asperger en France.

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00:00 Bonjour à tous, très heureuse de vous retrouver sur Top Santé Télé où chaque semaine j'ai le plaisir de recevoir une personnalité publique
00:06 pour évoquer son parcours santé et aujourd'hui je suis avec Paul Elkarrat.
00:10 Bonjour Paul, merci d'avoir accepté mon invitation.
00:12 Figure emblématique et grand gagnant des 12 coups de midi, depuis cette expérience vous enchaînez les médias et vous avez écrit plusieurs livres, on reviendra dessus.
00:28 Et vous êtes aujourd'hui chroniqueur aux grosses têtes, Paul merci d'être avec nous, je suis très contente de vous recevoir.
00:33 Bonjour et merci de m'accueillir ici pour parler santé.
00:38 Exactement, vous êtes bien, tout va bien, bien installé ?
00:41 Oui pour l'instant ça va.
00:42 Bon alors c'est parfait parce que je vais commencer par faire un grand bond vers le passé et je vais revenir à l'âge de 3 ans
00:48 où les médecins vous détectent un handicap de nature cognitive, c'est bien ça ?
00:52 Justement ce n'est pas un handicap cognitif, c'est une différence d'ordre neurologique,
01:04 c'est des connexions neurologiques différentes et en l'occurrence une bonne partie des personnes porteuses d'autisme n'ont pas de retard mental.
01:12 En l'occurrence ceux qui sont porteurs du syndrome d'Asperger, ancienne dénomination,
01:19 pour dessiner les gens qui ont un syndrome autistique qui est plus léger que le syndrome d'infantile ou de canner.
01:26 Donc en l'occurrence une bonne partie de ces autistes n'a pas de retard mental et ont même parfois une avance sur les personnes de leur âge
01:37 et ont des comorbidités, c'est à dire peuvent avoir des TDAH, peuvent avoir une douce enceinte intellectuelle ou autre.
01:45 Donc oui c'est quand même un facteur qui au quotidien inscrit dans cette société peut s'apparenter à un handicap.
01:56 Et alors vous c'est à l'âge de 16 ans que vous êtes diagnostiqué autiste Asperger, c'est ça ?
02:02 Oui c'est tout à fait cela.
02:03 Et alors on va dire que c'est presque la période la pire de l'adolescence ?
02:07 Oui à peu de choses près oui, on est dans une phase acharnière entre l'adolescence et l'âge adulte.
02:17 J'ai 16 ans, je suis encore en Martinique, je suis au lycée et on me détecte après une batterie d'examens que je suis porteur d'autisme,
02:28 autisme Asperger et autisme de haut niveau.
02:31 Forcément après 13 années d'errance diagnostique, une fois que j'obtiens ce résultat, cette dénomination,
02:40 c'est quand même un soulagement pour moi et une partie de ma famille, en l'occurrence ma mère,
02:47 parce qu'évidemment à force de tâtonner dans le noir, on a enfin la lumière sur ce que j'ai et ça c'est réconfortant on va dire.
02:55 Ça permet de mettre en place un suivi, ça permet de mettre en place des possibilités pour être on va dire plus intégré dans le système éducatif on va dire.
03:10 Ça permet de comprendre, de chercher ce que c'est, en tout cas la définition comment ça se manifeste,
03:19 de mettre en place des aménagements pour les personnes dites différentes et ceux qui ont du mal à suivre ou qui ont du mal à prendre les cours ou qui ont du mal à se concentrer.
03:32 On leur ajoute par exemple un tiers temps etc.
03:35 Chose que j'avais déjà.
03:37 Notamment pour les diplômes ?
03:38 Oui voilà par exemple, ce que j'avais déjà en amont.
03:42 Donc au final, les classes en plus, petits comités pour les examens, ça c'est quelque chose qui m'a permis d'être dans de meilleures dispositions pour réussir on va dire,
03:55 même si c'est assez timide.
03:58 On vous pose le diagnostic à 16 ans, donc l'autisme Asperger, on sait qu'il existe plusieurs formes d'autisme.
04:05 Est-ce qu'on prend le temps de vous expliquer les différents types d'autisme ou pas du tout ?
04:09 Non, parce qu'on est quand même des millions voire des milliards à être porteurs d'autisme.
04:16 Autisme Asperger, on vous explique ce que c'est, la différence avec les autres types d'autisme ?
04:22 Non, au final il y a une forme d'autisme par personne, donc il y a des millions et des millions de formes d'autisme différentes
04:31 qui sont réunies sur un tronc commun où évidemment il y a des critères qui sont souvent analogues avec la plupart des autres personnes porteurs d'autisme
04:46 et c'est ça qui fait partie du tronc commun de ce qu'est l'autisme.
04:49 Après, évidemment, quand on prend les ramicelles, les racines de l'arbre, ce sont des millions et des millions de différences d'ordre invisible
05:02 qui ne sont pas les mêmes d'un individu à l'autre.
05:06 Et oui, il n'y a aucune autre personne qui me ressemble, au même titre que si on prend une autre personne avec autisme,
05:12 elle ne sera jamais tout à fait identique à une autre.
05:17 Chacun est différent. Et la particularité de l'autisme Asperger pour ceux qui ne connaissent pas bien ?
05:23 La différence, c'est une question de curseur. Il peut y avoir déficit intellectuel, il peut y avoir retard mental,
05:36 et c'est quelque chose qui est difficile à... Comme je disais, le curseur est difficilement réglable, la jauge est compliquée à saisir.
05:48 En fait, on va du syndrome de Canner au syndrome d'Asperger, c'est-à-dire du plus lourd au plus léger
05:54 en ce qui concerne les difficultés d'ordre social, les difficultés avec les habiletés sociales, avec la famille,
06:03 à verbaliser ses émotions, ses sentiments, etc. Voilà, ses désirs, ses souhaits, ses demandes, etc.
06:14 Et oui, quand on parle de l'autisme infantile, l'autisme de Canner, qui peut évidemment se répercuter à l'âge adulte,
06:22 parce que beaucoup de personnes Canner ne deviennent pas Asperger du jour au lendemain.
06:28 Il y en a même qui restent Canner toute leur vie, donc à des niveaux assez compliqués, on va dire, dans le spectre de l'autisme,
06:36 dans le trouble du spectre de l'autisme, le TSA. Et c'est un peu, en fait, le syndrome de Canner où la personne est très lourdement atteinte,
06:45 on est un peu dans la zone rouge de l'autisme, et puis plus on avance, et plus la zone s'éclaircit, devient verte,
06:52 on est peut-être plus intégré, on a plus les codes sociaux, on est plus dans un mimétisme social qu'une personne qui n'arrive pas à s'exprimer,
07:05 à parler, enfin à s'exprimer si, mais à verbaliser ses envies ou ses demandes, ses recommandations, etc. Et avoir des crises, des crises nerveuses,
07:23 se taper la tête contre les murs, par exemple, pour signifier un désaccord ou un quelconque énervement ou un mal-être, évidemment,
07:33 de toute façon, c'est indéniable, c'est symptomatique d'un mal-être, c'est révélateur d'une situation mentale très compliquée,
07:41 et donc forcément, le curseur part du rouge au vert, et évidemment, c'est jamais un état stable quand on est porteur de tige,
07:50 moi je pense, après, c'est peut-être une nouvelle manière de visualiser la chose, même pour les spécialistes, même pour les psychiatres,
07:58 mais moi je vois la chose un peu comme un curseur qui, à mesure où tu es pris par plein de... où tu as autour de toi,
08:08 vous voyez, vous avez autour de vous des gens de confiance, des gens qui vous mettent à l'aise, des gens qui sont patients, qui sont tolérants,
08:15 qui acceptent la différence, etc. Et vous êtes dans un monde qui est ouvert, qui est honnête, qui est tolérant, etc.
08:23 Où il n'y a pas de faux semblants, et où tout est bien coordonné, où il n'y a rien d'illogique, où tout est rationnel, etc.
08:33 Je pense que le cerveau d'un individu dit autiste, évidemment, s'améliore drastiquement parce qu'il sera dans de bonnes conditions.
08:42 A contrario, quand tu as toutes les mauvaises conditions qui ne sont pas... toutes les mauvaises conditions sont alignées,
08:48 et toutes les bonnes conditions ne sont pas requises, malheureusement, je pense qu'il y a ce qu'on appelle une désévolution.
08:55 Qui déclenche quelque chose.
08:57 Une désévolution, c'est-à-dire qu'au lieu d'améliorer l'état de santé de l'individu, ça va le rendre encore plus...
09:05 ça va accentuer son mal-être et le rendre plus autiste qu'il ne l'est.
09:10 Entre guillemets, c'est la symbolique, c'est la formulation que je donne, mais en l'occurrence,
09:16 une personne peut justement être totalement indétectable concernant l'autisme, parce qu'il se sera fondu dans la masse,
09:24 pour toutes les raisons que j'ai pu citer, et puis d'autres qui, à un moment donné, on le verra forcément,
09:29 ou même on le voit de prime abord, parce qu'il en est fortement imprégné, c'est très marqué sur sa personne.
09:36 Justement, on parle de l'impact qui est très fort sur les relations sociales,
09:40 pourtant la période du lycée, c'est de loin être la période où les gens sont vraiment bienveillants,
09:46 les camarades, les professeurs, comment ça s'est passé pour vous ?
09:50 Je ne dirais pas que tout le monde est bienveillant et ouvert à la différence, entre guillemets,
09:57 mais me concernant, j'ai été plutôt bien cerné, entouré par mes camarades, par les professeurs, etc.
10:06 Il faut dire que je suis arrivé en cours d'année à Grenoble, en provenance de la Martinique,
10:12 et c'est vrai que c'était, qu'entre les deux lieux de résidence, les deux lieux de vie, la nouveauté, l'hiver, le froid,
10:23 avec la chaleur et l'humidité, ce n'est pas vraiment des choses analogues.
10:28 Et donc forcément, j'ai été pris par la dépression, rattrapé par la dépression.
10:34 J'ai passé une très mauvaise année, c'est désagréable,
10:38 puisque la nouveauté m'a fortement marqué et ne m'a pas plu.
10:43 Et donc, j'ai dû être accompagné en premier lieu par les professeurs,
10:49 mais surtout, et je ne l'en remercierai jamais assez, l'infirmière qui m'a épaulé, qui m'a pris sous son aile.
10:57 L'infirmière scolaire ?
10:58 Oui, voilà, c'est ça.
11:00 Donc quand je n'allais pas très bien, je me rendais à l'infirmerie et je conversais avec elle.
11:06 Il y a des choses qui ont été mises en place à ce moment-là au lycée ?
11:10 Comme je le disais, j'avais le droit à quelques aménagements,
11:21 j'avais le droit à plus de temps sur les évaluations,
11:25 j'étais dans une salle à petits comités pendant le bac.
11:29 Ce genre de choses, ce n'est pas extrême, mais c'est déjà un petit pas fait vers les gens comme moi.
11:42 Et comment est-ce que vous gérez encore aujourd'hui les moments un peu plus difficiles ?
11:46 C'est ça, c'est de vous isoler un petit peu, de rester à vos propres occupations ?
11:51 Moi, j'aime bien m'occuper, essayer de faire en sorte que le temps passe vite,
11:55 même s'il passe très vite. Il y a certains jours où ce n'est pas toujours agréable de ne rien faire,
12:04 d'être un peu désœuvré et d'être dans le fargneant.
12:09 Pourtant, vous faites plein de choses !
12:11 Oui, bien sûr, mais il y a certains moments où je suis dans le creux de la vague,
12:15 je n'ai pas forcément l'envie de faire telle ou telle action,
12:21 et je me laisse facilement prendre par l'ennui.
12:25 L'ennui, ça me fait un peu souffrir, on va dire.
12:30 Donc, quelque part, vous êtes plus à l'aise quand ça bouge, quand il y a plein de choses qui vous animent ?
12:34 Souvent, souvent j'aime bien. Et puis, ça peut être des choses répétitives,
12:38 ça peut être les mêmes activités.
12:41 Moi, du moment que l'activité me plaise, tu peux me la mettre matin, midi et soir, ça ne me dérange pas.
12:46 Vous vous éclatez ?
12:47 Oui, j'aime bien. En l'occurrence, écrire Ferdélis, c'est quelque chose qui me satisfait beaucoup,
12:54 et donc je le fais sans discontinuer.
12:57 Comment vous voyez aujourd'hui l'évolution de la prise en charge de l'autisme en France ?
13:02 La prise en charge est toujours un peu, comme je le dis souvent,
13:08 elle est un peu timide, elle n'est pas plénière, on va dire.
13:14 Il manque de l'implication, il manque du savoir-faire, il manque la connaissance.
13:22 Du coup, il manque la prise en charge par extension.
13:26 Et ça ne fait pas de nous le pays le plus avancé dans le domaine de la prise en charge des personnes avec autisme.
13:33 La Belgique, le Canada et l'Australie, par exemple, sont peut-être un peu plus en avance que nous, malheureusement.
13:41 Mais oui, en France, c'est tout.
13:44 C'est encore du boulot.
13:45 Oui, oui, oui.
13:46 Et par exemple, puisque vous avez plein d'activités, c'est quelque chose dans lequel vous aimeriez vous investir ou pas plus que ça ?
13:52 Déjà, ça fait plusieurs années que je m'investis en dispensant de mes témoignages et de mes connaissances sur le domaine de l'autisme,
14:02 et j'ai demandé justement à des familles de m'écouter, de m'entendre, de me jalouser ou de me respecter.
14:09 Je ne sais pas, ça dépend.
14:11 Je dis ça simplement parce que le fait que je sois une personnalité dite publique qui est réussie et qui s'exprime un tant soit peu correctement
14:21 et qui n'est pas non-verbal, ça peut donner quelques jalousies à des parents qui ne s'en sortent pas avec leur enfant autiste.
14:29 Mais je n'ai pas la prétention de parler, de m'identifier et de parler au nom de toutes les personnes avec autisme
14:37 parce que je ne représente entièrement que moi-même.
14:42 Mais par mes prises de parole, par mes prises de position, j'essaie aussi de montrer que rien n'est joué, tout est encore possible, permis.
14:54 Ça prend énormément de temps, on apporte forcément tous les bons outils, tous les bons matériaux pour créer des...
15:02 pour faire évoluer la psyché d'un individu autiste.
15:07 Mais en tout cas, moi, par ce que j'exprime, j'essaie de leur donner espoir et courage et contenance.
15:16 Et j'y arrive un tant soit peu vu que tout ce que les gens me témoignent, c'est de la gratitude, de l'amabilité et de la bienveillance.
15:24 Donc je suis très content.
15:27 Bon, et quand on parle de gratitude, de bienveillance, je suis obligée de vous poser la question depuis votre médiatisation.
15:34 Est-ce que c'est plus facile avec les femmes ?
15:38 Je ne sais pas, je...
15:40 C'est une vraie question, Paul !
15:42 Est-ce que c'est plus facile ?
15:44 Non. Je ne veux pas dire oui.
15:47 Alors les possibilités sont peut-être plus importantes.
15:51 Dans la finalité, ça ne marche pas aussi bien que je l'aurais souhaité.
15:55 Mais dans les possibilités de rencontre, elles sont plus importantes.
15:59 Ah voilà, ça crée quand même une facilité dans la médiatisation.
16:01 Oui, voilà, c'est ça, c'est ça. Oui, oui, oui.
16:04 Avant, j'étais dans mon coin, on n'osait pas trop s'approcher de moi.
16:07 Maintenant, je suis toujours dans mon coin, mais à la lumière.
16:10 Donc les gens me voient, mais dans la vie courante quotidienne, je suis toujours chez moi, enfermé, je ne sors pas trop.
16:18 Et puis quand il y a un groupe humain, je suis un peu en dehors, je ne suis pas dedans.
16:22 Moi, je suis quelqu'un qui observe et qui analyse beaucoup de l'extérieur, mais je ne suis pas dans les conversations, etc.
16:27 Moi, j'écoute plus.
16:29 Après, ça m'arrive évidemment de discuter et de répondre, etc.
16:33 Parce que les gens viennent vers moi et qu'ils sont intéressés par ce que je raconte, etc.
16:37 Mais pour répondre à la question, j'ai beaucoup plus de possibilités de rencontre et d'échange.
16:44 Ça ne veut pas dire que l'essai est transformé, si je peux parler en termes rugbistiques.
16:50 Ça ne se transforme que très rarement, on va dire.
16:57 À cause des problèmes qui sont inhérents à ma personne, le fait que je sois aussi très enclin à l'observation poussée,
17:09 et surtout le fait que je sois un éternel insatisfait.
17:14 C'est-à-dire que dès qu'il y a quelque chose qui est susceptible de ne pas aller, ça peut me freiner.
17:19 - Vous inconforter. - Oui, voilà, c'est ça.
17:21 - Merci Paul, merci d'avoir été avec nous.
17:23 Vos deux derniers livres sont disponibles, "Bienvenue dans mon monde" et "Celui-ci que j'ai en main", "Crime et mystère de France".
17:28 Un petit mot sur ce livre ?
17:30 - Très bien.
17:33 Pour ceux qui aiment l'histoire, la criminologie, les faits divers, les affaires criminelles, etc.
17:42 Que ce soit à Paris, comme j'ai pu l'écrire avant, et en France, qui est sortie fin d'année dernière, courriez-y.
17:49 Vous apprendrez beaucoup de choses, de nouveaux détails historiques et sanglants,
17:54 et surtout une approche historiographique et contextuelle assez intéressante.
18:02 - Je rappelle qu'il est aux éditions Harper.
18:05 Et puisque je l'ai dans les mains, je vais le garder et le lire, si vous le permettez.
18:09 - Avec grand plaisir, allez-y.
18:11 - Encore merci. - Merci à vous, et à très bientôt.
18:15 - À très bientôt, et moi je vous retrouve très vite sur Top Santé Télé.
18:17 - C'est ça.
18:19 [Musique]

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