Aujourd'hui dans "Punchline", Laurence Ferrari reçoit le professeur de criminologie Alain Bauer.
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00:00Alain Bauer, vous êtes professeur de Criminologie.
00:04Pardon, je me suis immédiatement reprise
00:06avant que vous ne fassiez les gros yeux.
00:09On est malheureusement en proie, dans l'actualité,
00:11à une succession d'agressions qui concernent des jeunes.
00:15Là, on a encore eu une jeune lycéenne à Toulouse
00:18qui a été agressée au couteau par une autre élève.
00:20Dieu merci, a priori, c'est une blessure superficielle au bras.
00:23Néanmoins, ces attaques au couteau se multiplient.
00:25Qu'est-ce qui se passe ? Il y a un effet copycat ?
00:27C'est-à-dire que tout le monde veut faire la même chose ?
00:29Ou est-ce qu'il y a quelque chose de plus profond ?
00:32D'abord, il y a un dispositif qui a commencé il y a déjà plusieurs années.
00:35Ça fait dix ans qu'il y a une inversion de cycles et de tendances
00:39extrêmement rapide, extrêmement intense,
00:41qui touche de plus en plus de personnes,
00:43qui crée de plus en plus de victimes,
00:45à la fois en homicide et en tentative d'homicide.
00:48Et il y a donc là un processus qui touche les jeunes
00:51comme les moins jeunes.
00:52C'est un processus de règlement de comptes généralisé
00:55qui dépasse très largement les opérations criminelles.
00:58Le couteau, c'est toujours ce qu'on a trouvé de plus simple.
01:01Les armes à feu sont certes beaucoup répandues,
01:03mais elles servent essentiellement
01:05au trafic de stupéfiants et aux crimes organisés.
01:07Elles se sont assez peu développées, à part les armes de chasse,
01:11qui elles-mêmes servent de temps en temps à régler
01:13quelques conflits de voisinage dans des conditions assez brutales,
01:16qui d'ailleurs amènent parfois des policiers et des gendarmes
01:19à être abattus en essayant de gérer ce qu'on appelle un forcené.
01:23Et puis, troisièmement, il y a un processus d'accélération
01:27de l'intensité et de la rapidité de la violence
01:29par les réseaux sociaux, les comptes fichards,
01:32et la incapacité...
01:34Les comptes fichards, les comptes dits affiches.
01:36C'est-à-dire des comptes qui dégradent
01:39vos petits camarades à l'école,
01:41produisent des photos désagréables
01:43ou des commentaires encore plus désagréables
01:45et qui poussent au paroxysme d'un passage soit à la honte,
01:50soit à la tentative de suicide, soit au harcèlement,
01:53et hélas, à la tentative...
01:56Enfin, à la violence physique sous toutes ses formes,
01:58qu'on voit d'ailleurs ici et là.
02:00Et puis, on a maintenant les adjoints du shérif,
02:02ceux qui veulent venger de supposées atteintes.
02:06Alors, certains à la religion,
02:08d'autres à la manière dont leur petite sœur
02:11pourrait ou ne pourrait pas avoir des copains ou des copines, d'ailleurs.
02:15Et puis d'autres...
02:17Là, ce sera un dépit amoureux à Toulouse.
02:18Oui, c'est ça.
02:19Un lycéen agressé par un autre lycéen au couteau.
02:22Non, mais c'est au couteau, ce n'est pas hypnotique, c'est ça.
02:24Oui, mais le surinage n'est pas né d'hier, si vous voulez voir.
02:27C'est une vieille histoire.
02:29Il se trouve qu'on l'avait régulé et réduit,
02:32vraiment domestiqué, si j'ose m'exprimer ainsi,
02:35pendant quasiment une petite centaine d'années.
02:38Les apaches, ça date des années 1900.
02:40Mais le retour de cycle, c'est 10 ans aujourd'hui.
02:43Et que cette explosion véritable,
02:45puisque en 2023, on a le plus mauvais chiffre
02:48des 50 dernières années en homicide et tentative d'homicide,
02:51tout ça, confondu.
02:53Et c'est un vrai sujet.
02:54Eugénie veut absolument réagir.
02:56Est-ce qu'on n'a pas trop tendance à attribuer aux réseaux sociaux
02:58et aux écrans une violence qui vient d'ailleurs ?
03:00Parce que je pense, par exemple, au cas de Viry-Châtillon
03:03ou au cas de Châteauroux,
03:05où il y a des jeunes extrêmement violents,
03:07là où on n'a pas d'affaires de réseaux sociaux,
03:08de rivalités sur Internet.
03:10Et j'ai parfois l'impression que le pouvoir politique
03:12utilise les écrans, les réseaux sociaux
03:15pour ne pas donner d'autres raisons
03:17et pour se dédouaner, quelque part,
03:18en disant que c'est la faute des réseaux sociaux.
03:20Il me semble qu'il y a une violence aussi, peut-être endémique,
03:23qui est peut-être certes amplifiée par les réseaux sociaux,
03:26mais qui existerait même sans réseaux sociaux.
03:27Alain Bauer ?
03:28C'est un effet d'amplification et d'intensification,
03:30mais sauf que ça élargit le champ
03:32et ça raccourcit le temps du passage à l'acte.
03:35Donc, on a un problème qui est l'effet d'amplification
03:38et d'intensification.
03:40Alors, vous avez raison, tout n'est pas né ou lié aux réseaux sociaux,
03:43mais la visibilité des choses,
03:44le moment où le passage à l'acte a lieu,
03:47n'est pas systématiquement lié à l'immédiateté
03:50de l'affichage ou de la mise en cause.
03:51C'est parfois une construction relativement longue.
03:54Donc, vous avez toujours des cas relativement isolés,
03:57mais quand vous regardez ce qui se passe,
03:58notamment dans les attaques au couteau en Grande-Bretagne,
04:01qui est vraiment l'antimodèle,
04:02là où ça a commencé le plus vite, là où c'est parcé le plus fort,
04:05là où quasiment la moitié des attaques,
04:08des 50 000 attaques ont eu lieu au couteau
04:13et qui fait l'objet d'une analyse assez fine
04:15de tous les services européens,
04:16parce qu'on considère que si ça se passe là-bas,
04:18c'est donc que ça va nous arriver aussi.
04:20On constate que l'effet amplificateur, intensificateur
04:23des réseaux sociaux est l'élément majeur
04:25du moment du passage à l'acte.
04:27Quelles étaient les raisons initiales ?
04:28C'est pas l'immigration.
04:30Non, parce qu'une partie importante
04:31sont des gens qui sont tous issus de l'immigration.
04:34On n'a pas cette problématique,
04:36puisque les Anglais ont des statistiques ethniques
04:38qui permettent de savoir qui est victime de qui,
04:40et avec un classement assez détaillé, d'ailleurs,
04:43parce que la plupart des ressortissants
04:45ne veulent pas être classés, par exemple,
04:47dans Blanc, vous avez des sous-catégories
04:49écossais, irlandais, anglais,
04:51donc le niveau de précision de l'enquête est très développé,
04:55et on se rend compte, justement, qu'il y a un problème d'âge,
04:58il y a un problème de jeunes mâles,
05:01c'est-à-dire des jeunes hommes,
05:02beaucoup plus que des jeunes filles,
05:04même si leur proportion augmente tendanciellement.
05:07On ne peut pas sous-estimer ce retour inattendu de la parité
05:11dans les affaires de violence physique,
05:13y compris les bandes de jeunes filles,
05:14mais surtout, vous avez des problématiques
05:17de règlement de compte liés à un événement particulier
05:19qui est soit la concurrence sur le réseau
05:21de la distribution de stupéfiants de toute nature,
05:25y compris chimiques,
05:26et deuxièmement, des règlements de compte entre individus
05:29liés à des questions d'honneur,
05:31ce qu'ils pensent entre l'honneur,
05:33ou l'honneur de leur petit-fils, etc.
05:34Et d'ailleurs, vous le voyez même en France,
05:36si vous regardez par ce qu'on sait
05:39des auteurs et des victimes, dans un certain nombre de cas,
05:42notamment, alors, je ne parle pas de Châteauroux,
05:45mais d'autres, eh bien...
05:46La mort de Matisse.
05:47Des Bretons qui se battent avec des Alsaciens,
05:53pour faire un résumé extrêmement...
05:54Louis de Raguenel, une petite question.
05:56Justement, je poursuis ce que disait Eugénie.
06:00Cette semaine, Europe 1 a révélé justement des statistiques
06:03qui avaient été recensées dans une note de la police judiciaire.
06:06Nadenh-Pégin.
06:07Exactement, et qui expliquait tout ce que vous venez de dire,
06:10et qui expliquait également
06:12qu'il y avait deux fois plus d'auteurs étrangers
06:16responsables d'attaques au couteau mortel
06:19que de ressortissants français.
06:21Vous allez dire auteurs,
06:22mais vous n'avez pas le chiffre des victimes,
06:23ce qui est le problème que les Anglais ont résolu.
06:26Oui, bien sûr.
06:27Mais sur les auteurs, c'est-à-dire qu'il y a quand même deux fois...
06:29Il y a une surreprésentation des étrangers
06:32dans les attaques au couteau mortel.
06:35Et ça veut quand même dire quelque chose ?
06:37Alors, ça veut dire quelque chose
06:38à contre que vous ayez une analyse simplement démographique
06:41qui permet de savoir si, effectivement,
06:43c'est un indicateur de l'origine ou c'est un indicateur de l'âge.
06:47Il se trouve que la démographie due à un propre désastre,
06:51qui est le nôtre,
06:52la non-production d'enfants, entre guillemets, dit de souches...
06:56Alors, j'aime pas beaucoup souches, c'est toujours un arbre mort,
06:58mais de racines, on va dire,
07:00par rapport aux vagues d'immigration
07:01qui sont essentiellement beaucoup plus masculines que les autres,
07:04y compris en deuxième et en troisième génération,
07:06par rapport au nombre d'enfants,
07:07fait que auteurs et victimes se ressemblent
07:10et que le problème est plus démographique qu'autre chose
07:13et que la question des origines peut être posée.
07:15Moi, elle m'a jamais posé de problème particulier.
07:17Il n'y a pas de tabou dans les questions qui sont posées,
07:20mais dans ce qu'on sait, et grâce notamment aux Anglais,
07:22on se rend compte que les auteurs et les victimes se ressemblent
07:25et qu'il y a une communautarisation de la violence physique
07:28qui est un sujet en soi
07:29et qu'on n'est pas dans une disproportion
07:31aussi importante que celle que vous indiquez.
07:33Ils sont beaucoup plus nombreux comme auteurs,
07:35mais ils sont aussi beaucoup plus nombreux comme victimes.
07:36Alors, Jean-Sébastien Fergiou, pour Alain Bauer.
07:38On parlait des réseaux sociaux,
07:39mais est-ce qu'il y a-t-il une responsabilité aussi
07:42de la représentation de la violence dans la culture pop de manière générale ?
07:46Il y a beaucoup de séries, on le voit sur Netflix, sur Amazon Prime,
07:48vous le disiez même sur les règlements...
07:49Surtout sur MyKanal.
07:51Les règlements de comptes.
07:52Si vous ne voulez pas parler de la responsabilité de MyKanal
07:55dans le développement des attaques aux coups de feu,
07:57je vous en laisse la liberté, Laurent.
08:00Mais est-ce qu'il comprime même Taylor Swift,
08:02la méga-star américaine,
08:04qui, dans chaque chanson, se venge de ses...
08:07Rapidement, Alain Bauer.
08:09En fait, dans la réalité, on n'a jamais eu autant...
08:12Les Etats-Unis font des méta-études depuis des dizaines d'années,
08:15car ils se posent cette question depuis des dizaines d'années,
08:17et ils ont démontré qu'on n'a jamais eu autant
08:20de meurtres, d'assassinats et d'agressions
08:22dans la télévision, dans les séries, etc.,
08:24et que le chiffre s'était effondré dans le même temps,
08:26parce qu'entre ce qu'on voit et ce qu'on reproduit,
08:30il y a un élément intermédiaire qui s'appelle...
08:32Mais tout dépend peut-être qui le voit,
08:33parce que les gens qui s'installent en Europe ou aux Etats-Unis...
08:36Rapidement, votre réponse, Alain.
08:38Je ne suis pas inquiet.
08:39Je pense que tout le monde voit tout, partout,
08:41et que le développement des téléphones
08:43amène à ce que l'âge de...
08:45Je voulais vous dire qu'on pouvait imaginer
08:47une espèce d'invalidation...
08:48C'est la fin de l'émission.
08:49Jusqu'à l'aventure termine.
08:50Je vous fais, les amis, un mot.
08:52On sait aujourd'hui qu'il y a un très faible effet
08:56de reproduction et de copycat.
08:57Il y a un très faible effet de pulsions irrésistibles,
09:01parce qu'on a vu un film.
09:02Le nombre de copieurs est extrêmement faible,
09:05notamment pour les crimes de sang.
09:08Par contre, il y a un problème de culture, de famille,
09:10parfois de contrôle social,
09:12de représentation de ce que l'État autorise et interdit.
09:15Et le fait de passer d'une culture de citoyen
09:17à une culture de consommateur,
09:19c'est-à-dire que tout se discute, tout se négocie,
09:21et il n'y a pas de règles particulières,
09:23ni de droits, ni de devoirs,
09:24est un élément qui a commencé à toucher les Etats-Unis,
09:26qui nous a touchés aussi, qui touche à peu près tout le monde,
09:28et qui est beaucoup plus important que ce qu'on voit ou pas à la télé.
09:31Par contre, il y a un élément très important,
09:32ce sont les jeux vidéo.
09:34Dans la capacité où on n'est pas responsable du film qu'on voit,
09:36dont on ne maîtrise ni le début ni la fin,
09:38et où quand on souffre, on souffre, quand on meurt, on meurt,
09:40et qu'on n'y peut rien,
09:42alors que dans une partie des jeux vidéo,
09:44on peut trouver les modalités de reproduire les éléments
09:47et à la fin de gagner malgré tout.
09:49Et cet élément-là a été posé comme un sujet de discussion ouvert
09:53par mes collègues qui ont étudié ces questions.
09:55Brillante analyse d'Alain Bauer.
09:56Au bout de l'enquête, saison 2,
09:57les plus grandes affaires criminelles passées au crible
09:59aux éditions Forbes.
10:00Merci beaucoup, Alain, d'être venu.