Marie Portolano a eu envie de nous emmener au Louvre où une star a retrouvé sa place : c'est « La Liberté guidant le peuple », d'Eugène Delacroix. Pour en parler, elle reçoit Sébastien Allard, directeur du département peinture du musée.
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00:00Et il n'y a pas que le foot dans la vie, alors ce matin Marie, vous avez eu envie de nous emmener au Louvre, où une star vient de retrouver sa place, c'est la Liberté guidant le peuple de Delacroix.
00:08Et pour en parler, vous avez choisi ce matin de recevoir Sébastien Allard, qui est le directeur du département peinture du musée. Bonjour et bienvenue.
00:16Bonjour Sébastien Allard, merci d'être avec nous. Alors j'ai plein de questions à vous poser, parce que j'ai envie de tout savoir sur ce qui se passe vraiment au Louvre quand le Louvre n'est pas ouvert.
00:25Mais d'abord, donc ça faisait six mois que la Liberté guidant le peuple, le célèbre tableau de Jeanne Delacroix, était en restauration.
00:31Aujourd'hui, il retrouve sa place au Louvre. Six mois de restauration, c'est beaucoup ?
00:36Six mois de restauration, c'est beaucoup et peu. Alors c'est beaucoup parce que le tableau est absent. Pendant six mois, le public ne le voit pas.
00:43Et c'est exactement le temps qu'il faut pour faire les examens de laboratoire. On fait des radiographies avant de faire la restauration par deux restauratrices.
00:53Alors parce que là, c'est une restauration esthétique, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas vraiment de danger sur ce tableau, c'est vraiment pour lui redonner de la couleur.
01:00Comment vous choisissez les œuvres comme ça qui sont envoyées en restauration ?
01:03Alors on les choisit en fonction de... Quelquefois, il y a des problèmes d'état. Et puis, comme ici, des tableaux qui ont beaucoup, beaucoup, beaucoup jauni.
01:12Il y avait sur ce tableau jusqu'à huit couches de vernis qui sont des vernis modernes qui, avec le temps, jaunissent, qui s'empoussièrent.
01:20Et les couleurs, c'est ce qui fait l'essence même de l'Arbre de la Croix, étaient complètement enterrés. Le tableau était en quelque sorte caramélisé.
01:29Oui, il avait jauni. Il avait complètement jauni. Vous l'avez vu, là ? De quoi, le tableau ? Oui, de nouveau. Alors les couleurs, ça donne quoi ?
01:37Alors, on a retrouvé le drapeau bleu-blanc-rouge parce que le bleu était devenu vert. Le blanc était légèrement crème.
01:44Et on a retrouvé à la fois toute la gamme colorée de la Croix. Le tableau est entièrement peint autour du bleu, du blanc et du rouge.
01:51Même les chairs sont faites avec des petits traits bleu-blanc-rouge. Et puis, on a retrouvé aussi les plans, ce qui fait qu'on a le sentiment, là vraiment, que la liberté arrive sur nous.
02:01Elle est face à nous. C'est le sens de l'histoire. La liberté, soit on la suit, soit on est écrasé par elle.
02:07Vous êtes satisfait de la restauration et les visiteurs du Louvre vont pouvoir donc revoir avec toutes ces couleurs ce tableau.
02:14Il y a un autre tableau dont on parle beaucoup en ce moment, c'est la Joconde de Léonard de Vinci qui a remporté la palme du chef d'œuvre le plus décevant du monde.
02:23Oui.
02:24Qu'est-ce que ça vous fait d'entendre ça ?
02:26Ce n'est pas une surprise. Il y a différentes choses qui expliquent cette déception.
02:32La première, c'est que c'est une œuvre que la plupart des gens ont tellement vue sur des écrans, alors qu'on la pense plus grande, plus petite.
02:41La Joconde est aussi elle-même un petit peu jaune avec ses vernis.
02:45C'est vrai qu'il n'est pas toujours très évident de la voir parce qu'elle est dans sa vitrine blindée et qu'il y a beaucoup de monde.
02:53Justement, il y a tout un débat sur l'idée de peut-être la mettre dans une salle à part. Qu'en pensez-vous ?
02:58Effectivement, on réfléchit à des solutions qui permettraient de libérer l'aile de nom, celle où il y a aussi la liberté, la victoire de Samothrace,
03:10et de trouver un espace qui soit propre à la Joconde. On a mis une jauge aujourd'hui à 30 000 visiteurs par jour.
03:1673 % de nos fréquentations sont touristiques, donc on peut estimer que certains jours, 73 % de ces 30 000 viennent voir la Joconde.
03:23Donc, il faut lui trouver un espace.
03:25Quand est-ce qu'elle a été restaurée la dernière fois, la Joconde ?
03:27Il y a eu quelques restaurations esthétiques il y a une quarantaine, cinquantaine d'années, mais globalement, ça remonte à très longtemps.
03:37Il faudrait le faire, vous pensez ?
03:40Ces vernis sont un petit peu jaunes, mais ce n'est pas d'actualité.
03:42Vous êtes directeur du département peinture du musée du Louvre.
03:45Quand j'ai préparé cette interview, j'ai appris que vous n'aviez pas d'œuvre favorite.
03:49Ce n'est pas que je n'ai pas d'œuvre favorite, c'est que c'est comme avec ses enfants, il faut aimer tous ses enfants.
03:55Vous aimez toutes les peintures ?
03:57Oui, presque. Je mens un petit peu.
03:59C'est-à-dire que ça peut varier en fonction de mon humeur, du moment.
04:05Il y a quelques œuvres pour lesquelles j'ai une affection particulière, à commencer par les œuvres de Delacroix.
04:11Je suis un spécialiste de Delacroix.
04:13Il y a aussi un petit portrait qui est dans la grande galerie d'un artiste connu des spécialistes,
04:21mais peu connu du grand public, qui s'appelle Antonello de Messines, qui est un petit portrait d'homme.
04:28Le Comte d'Otière.
04:29Le Comte d'Otière, exactement, qu'on voit ici.
04:31Pourquoi vous l'aimez celui-là ?
04:33Parce qu'il a une force.
04:35Avec sa mâchoire serrée, on voit les muscles.
04:37Et puis, avec cette cicatrice, il a une présence qui est absolument extraordinaire.
04:42Théophile Gauthier, d'ailleurs, disait qu'après, on a fait autrement, mais on n'a jamais fait mieux.
04:47Donc, il est tout petit, mais vous avez l'impression que la personne est là avec vous.
04:52Est-ce qu'il y a une anecdote que vous avez envie de raconter ?
04:54Quelle est la chose la plus improbable que vous ayez vue au Musée du Louvre ?
04:57Alors, la chose… En fait, il se passe tellement de choses au Musée du Louvre que d'en déterminer une,
05:03les choses… Disons que l'anecdote la plus incroyable, c'est…
05:10Enfin, ce n'est pas tellement l'anecdote la plus incroyable.
05:13La chose, c'est quand les gens… C'est justement lié à la liberté,
05:17les gens qui ne savent pas ce que ça représente.
05:19En fait, il y a une grande… Parce qu'on ne sait pas si c'est la liberté, la France, la Révolution,
05:25la République, et c'est ça que je trouve assez extraordinaire.
05:30C'est ces tableaux qui se rechargent.
05:32Je dis que ce sont des tableaux qui se rechargent parce que chaque spectateur
05:36projette quelque chose de lui-même sur le tableau et sa propre interprétation.
05:42Il n'y a pas eu de demande en mariage ou des trucs comme ça ?
05:44Il n'y a pas… Peut-être, mais ça ne passe pas par nous.
05:49Alors, si, il y a des gens qui écrivent à la Joconde.
05:52Comme on écrit à Juliette, à Véronne, certaines personnes écrivent à la Joconde.
05:56Merci beaucoup Sébastien Allard d'avoir été avec nous.
05:58Vous êtes le directeur du département peinture du Musée du Louvre.
06:00On rappelle donc que la liberté vit dans le peuple.
06:02Retrouve ses quartiers au Louvre aujourd'hui.
06:04Merci beaucoup.
06:05Merci.
06:06Elle est comme le Père Noël, elle répond à la Joconde quand on lui écrit ou pas ?
06:08Je ne crois pas.
06:10Dommage, il faudra organiser ça.
06:12Pas toujours, pas toujours.
06:13Le Louvre sera ouvert pendant les JO ?
06:15Oui.
06:16Très bien. Merci beaucoup en tout cas.
06:17Merci à vous.
06:18On va suivre Paul Auster, la disparition de Paul Auster.
06:20Olivier Adlamberturi, vous l'avez bien connu.
06:22C'est donc un hommage très personnel et très touchant que vous allez rendre à l'écrivain américain.
06:26Ce sera dans quelques secondes.
06:27A tout de suite.