• il y a 8 mois
Julie a été v*olée par son coéquipier de natation lorsqu'elle était en sport étude. Elle raconte l'enfer qu'elle a vécue et dénonce l'omerta des violences s*xuelles dans le milieu du sport.
Transcription
00:00 C'est passé juste de gestes à me retrouver coincée dans une cabine,
00:03 à ne pouvoir rien faire, à être complètement bloquée
00:06 et à devoir subir des agressions et des viols.
00:08 J'ai débuté la natation quand j'avais 4 ans et demi,
00:11 en accompagnant mon père qui faisait de la rééducation après une opération du dos.
00:14 Rapidement, je me suis sentie super à l'aise dans l'eau
00:17 et j'ai découvert que c'est vraiment mon élément.
00:18 Du coup, je suis restée, j'ai continué à m'entraîner,
00:21 j'ai découvert une espèce de seconde famille dans le club de Sarcelles
00:24 et j'ai arrêté peu de temps après avoir passé mon DAC.
00:28 J'ai essayé de continuer à nager après,
00:30 mais c'était trop compliqué avec ce que j'avais vécu.
00:33 Et même encore maintenant, j'ai un peu du mal avec les piscines.
00:36 Donc c'était un coéquipier.
00:37 Au début, on était dans les mêmes groupes
00:38 et puis moi, je n'avais pas le même niveau que lui, il était plus fort que moi.
00:41 Donc il a nagé dans les groupes élites supérieurs à moi,
00:44 mais c'était les mêmes horaires d'entraînement plus ou moins,
00:47 on se retrouvait dans les vestiaires.
00:48 On était dans la même classe, donc en fait, quand on est en sport-études,
00:50 on était vraiment tout le temps ensemble.
00:52 Les faits ont commencé en seconde.
00:54 Quand on est rentré au lycée, tout avait un peu changé,
00:57 on n'était plus les mêmes personnes qu'on était au collège, etc.
00:59 Et ça a commencé très progressivement.
01:01 Au début, c'était que des gestes déplacés,
01:04 beaucoup de blagues, beaucoup de choses comme ça.
01:06 C'est monté en puissance de plus en plus.
01:07 Donc c'est passé juste de gestes à me retrouver coincée dans une cabine,
01:12 à ne pouvoir rien faire, à être complètement bloquée
01:15 et à devoir subir des agressions et des viols.
01:18 Au début, je ne comprenais pas ce qui se passait,
01:19 je ne comprenais pas ce qui m'arrivait,
01:21 je ne comprenais pas pourquoi ils faisaient ça.
01:23 Je me rappelle encore de la fois où,
01:25 prise en sursaut de lucidité ou je ne sais pas,
01:27 je lui ai dit "mais pourquoi tu fais ça ?"
01:30 Souvent le mot "pourquoi" revenait.
01:31 Et il m'a dit "mais parce que tu ne mérites que ça".
01:33 Et en fait, je l'ai totalement intégrée.
01:35 Je me disais "en fait, je ne mériterais que ce genre de choses toute ma vie,
01:38 c'était normal de subir ça".
01:41 Et c'est en voyant une brochure sur les violences sexuelles
01:44 qui était dans le bureau de l'infirmière du lycée,
01:46 qui avait marqué noir sur blanc la définition du viol
01:49 qui était "toute pénétration forcée".
01:51 Et c'est là que j'ai compris ce que je vivais.
01:52 Quand j'ai compris, il y a eu la honte qui était déjà très présente
01:56 parce que je pensais que c'était de ma faute,
01:57 que c'était moi qui ne méritais que ça.
01:59 La honte s'est multipliée parce que je me suis dit
02:01 "ah ouais, mais là en fait, je suis une victime, je suis faible".
02:04 J'ai laissé faire ça et je culpabilisais.
02:06 Je me disais "ça se trouve, il fait ça avec d'autres filles,
02:09 qu'est-ce que je fais ?"
02:11 Je sais pas, j'étais totalement perdue en fait.
02:13 J'ai essayé d'en parler un petit peu au club,
02:15 notamment à la vice-présidente du club qui m'a totalement rembarrée.
02:19 Comme je n'arrivais pas à prononcer les bons mots,
02:21 j'y suis allée de manière très maladroite.
02:24 Au début, j'ai demandé à ce que des vestiaires non mixtes soient rétablis,
02:27 qu'on puisse avoir un vestiaire fille et un vestiaire garçon.
02:30 On m'a dit que je faisais des ennuis pour rien
02:32 et que ça se passait très bien comme ça
02:34 et que de toute façon, ça allait continuer,
02:36 il n'y avait que moi qui me plaignais.
02:37 Ensuite, j'ai dit que...
02:38 Donc j'ai nommé ce garçon et j'ai dit que
02:40 c'était vraiment pas normal ce qui se passait,
02:42 qu'il m'embêtait, etc.
02:43 Elle m'a dit d'abord que j'étais jalouse,
02:45 notamment de son niveau sportif et puis de sa copine.
02:47 Elle m'a dit que de toute façon, c'était comme ça que les adolescents garçons
02:52 exprimaient leur intérêt pour les filles,
02:54 que c'était difficile de se retenir quand on était en maillot de bain
02:56 toute la journée entourée de jolies filles.
02:59 Quand j'ai pressé un petit peu,
03:00 on m'a dit que de toute façon, lui, il était dans une équipe supérieure
03:03 pour les interclubs notamment,
03:05 que de toute façon, il avait des meilleurs résultats que moi en natation
03:07 et que donc, il ne fallait pas que je fasse de vagues.
03:09 J'ai fini par porter plainte après une tentative de suicide
03:12 et un ultimatum de ma mère qui m'a dit,
03:15 écoute, soit tu en parles et tu essaies de "guérir",
03:19 soit on te fout de... Enfin, tu te laisses mourir, quoi.
03:22 Et du coup, je me suis dit, OK, effectivement,
03:24 quelles sont mes options ?
03:26 Enfin, qu'est-ce que je fais de ma vie ?
03:28 Donc là, je suis allée voir une psy.
03:30 J'ai commencé à travailler sur moi.
03:32 J'ai commencé à réussir à prononcer le mot "viol"
03:34 parce qu'on est à plusieurs années après et maintenant, j'arrive à en parler.
03:37 Mais sur le moment, même le mot "viol",
03:38 je n'arrivais physiquement pas à le sortir de ma bouche.
03:40 Donc, c'était un peu compliqué pour porter plainte.
03:42 Donc, quand j'ai vraiment réussi à faire ça,
03:45 la première chose que je me suis dit, c'est
03:46 "il ne faut pas que ça arrive à d'autres filles".
03:47 Qu'est-ce que je fais pour ne pas que ça arrive à d'autres filles ?
03:49 Ben, c'était porter plainte.
03:51 Je pensais être soulagée de porter plainte.
03:53 Et en fait, le moment où je suis sortie du commissariat,
03:56 où j'ai signé les papiers et où on m'a expliqué
03:58 quelles seraient les prochaines étapes de la procédure,
04:00 là, ça a été la crise de panique.
04:03 Enfin, il y avait tellement de choses à faire.
04:05 J'avais des rendez-vous avec le médecin légiste.
04:07 Il faut avoir un entretien avec un psychologue, avec un psychiatre.
04:10 Il faut revenir à l'assistante juridique.
04:12 Je me suis rendue compte à ce moment-là qu'en fait,
04:14 j'avais mis le doigt dans un nouvel engrenage
04:16 et qu'il allait falloir que je me batte,
04:17 puisqu'il est présumé innocent
04:19 et que nous, on est présumés menteuses.
04:21 Donc en fait, c'est nous les victimes
04:22 et c'est nous qui devons prouver qu'on ment pas.
04:24 Donc, ça va faire de très longues années
04:26 que le dossier est en cours de procédure.
04:28 Le dossier a d'abord été classé sans suite,
04:30 ce qui m'a tellement révoltée
04:32 qu'après avoir encaissé la nouvelle,
04:34 j'ai fait le travail moi-même d'enquête, on va dire.
04:37 J'ai contacté tous les gens avec qui j'avais complètement rompu
04:39 le contact de la natation,
04:40 pour savoir s'il y avait peut-être des gens
04:42 qui avaient vu des choses
04:44 ou qui étaient capables de témoigner de certaines choses,
04:46 notamment qui rentraient dans les cabines des filles,
04:48 puisque c'était quelque chose de très connu.
04:49 J'ai contacté de plus en plus de monde,
04:50 j'ai contacté des anciennes personnes du lycée
04:52 et en fait, finalement,
04:54 il y a une journaliste qui m'a contactée.
04:56 J'en ai parlé dans les médias
04:57 et c'est là que son nom est sorti.
04:59 Il a donné une interview
05:00 et c'est là aussi que le dossier a été réouvert.
05:03 Donc j'avais fait trop de vagues cette fois-ci.
05:05 Donc le procureur a décidé de réouvrir le dossier
05:07 et ils ont trouvé d'autres victimes.
05:09 Malgré ça, il est sous contrôle judiciaire
05:11 et j'attends des nouvelles de la justice.
05:13 Le problème des violences sexuelles dans le milieu du sport,
05:15 c'est que souvent les cadres autour ne sont pas formés
05:17 à écouter les paroles des victimes
05:19 et ne sont pas formés à prendre les bonnes mesures.
05:21 Et quand on voit que c'est toujours la performance
05:23 et l'image d'un club qui compte plus que des vies de victimes,
05:26 ça reste très difficile à avaler que ce soit ça en 2024.
05:29 Malgré tout, j'arrive à transformer ça
05:31 en quelque chose de positif.
05:32 J'essaie de faire changer les choses,
05:33 c'est aussi pour ça que je suis aujourd'hui.
05:34 Et c'est aussi pour envoyer des messages
05:36 auprès de personnes qui souffrent de ça en silence,
05:38 en leur disant qu'elles ne sont pas seules,
05:39 qu'il y a de plus en plus d'associations,
05:41 il y a de plus en plus de gens à qui elles peuvent parler,
05:43 même si elles ne veulent pas porter plainte.
05:44 Il y a des moyens de s'en sortir
05:46 et il y a des moyens de faire changer les choses.

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