• il y a 3 jours
Environ 75 femmes ont essuyé des tirs de mortiers, pendant une soirée exclusivement féminine, dans la nuit du jeudi 31 au vendredi 1er novembre à la Bringue à Paris. @catio y était, elle nous raconte.
Transcription
00:00À un moment, je vois une explosion.
00:03Tout de suite, je vois que c'est un feu d'artifice,
00:04donc je ne m'inquiète pas forcément tout de suite.
00:06Moi, j'étais face au feu d'artifice.
00:07Il y a plein de choses qui se passent dans ma tête
00:09et avant même que je puisse vraiment réfléchir à ce qui est en train de se passer,
00:12le feu d'artifice d'après, il est dirigé directement vers nous,
00:15sur nous, sur la terrasse.
00:16Alors, je suis Katia, j'ai 27 ans
00:18et je vais vous raconter le jour où j'ai été victime d'un attentat masculiniste.
00:21Alors, c'était le 31 octobre 2024,
00:24c'était à la Bringue d'Halloween à Paris.
00:26En gros déjà, qu'est-ce que c'est une Bringue ?
00:27C'est une soirée en non-mixité meuf,
00:29ça veut juste dire qu'on est juste entre filles.
00:31Les gens qui ne sont pas des filles, qui ne sont pas des femmes,
00:34n'ont pas le droit de venir.
00:35Pourquoi ? En vrai, il y a plein de raisons.
00:37Pour qu'on se sente safe,
00:39pour qu'on puisse faire la fête entre nous tranquille.
00:41Je pense que je n'apprends ça à personne,
00:43que bon, aller en boîte quand il y a des mecs, quand il y a une meuf,
00:46tu te fais coller,
00:48tu peux même te faire insulter des fois selon comment tu es habillé.
00:50Tu peux mettre des trucs dans ton verre,
00:53tu t'empêches de danser comme tu veux.
00:54Enfin, tu dois faire tout le temps attention.
00:56Tout ça, c'est un peu une charge mentale.
00:58Et c'était en tout cas ce que moi et mes copines,
01:00on voulait faire en allant à la Bringue,
01:01c'était s'enlever cette charge mentale de la fête.
01:03On arrivait vers 1h du matin,
01:05et ça se passait super bien et tout.
01:08On allait prendre un verre, on allait danser,
01:10puis on allait fumer sur la terrasse.
01:13Et comme d'habitude, on parlait à des inconnus,
01:16des filles et tout, on se fait des copines
01:17parce que c'est super facile à ce genre de soirée
01:19puisque de toute façon, tu n'as pas peur des inconnus forcément,
01:22dans ce genre de soirée.
01:24À un moment, je vois une explosion.
01:26Tout de suite, je vois que c'est un feu d'artifice,
01:28donc je ne m'inquiète pas forcément tout de suite.
01:29Moi, j'étais face au feu d'artifice.
01:31Il y a plein de choses qui se passent dans ma tête
01:33et avant même que je puisse vraiment réfléchir
01:35à ce qui est en train de se passer,
01:36le feu d'artifice d'après, il est dirigé directement vers nous,
01:38sur nous, sur la terrasse.
01:40C'est le choc complet avec les filles.
01:42Le temps s'arrête.
01:44Moi, je n'y crois pas.
01:45Au début, je me dis que c'est une erreur.
01:48Je ne sais pas, vous savez, c'est un mortier d'artifice,
01:50donc c'est un espèce de tube en carton
01:52et c'est des choses qu'on plante au sol à la base.
01:54Le premier, je l'ai vu aller vers le siège.
01:55Je me dis bon, OK, et le deuxième, il était vers nous.
01:57Je me dis bon, il est tombé par terre le truc,
01:59donc ce n'est pas grave.
02:00La prochaine, on le replantait et ce sera fini.
02:02En fait, non, il y en a une deuxième, puis une troisième.
02:05On est toutes tétanisées.
02:06J'entends des cris.
02:07On commence à comprendre que du coup, c'est ciblé sur nous,
02:09vu que ça ne s'arrête pas et même que ça se rapproche.
02:12Il y a des filles qui escaladent la barrière
02:15et des filles qui courent vers l'entrée de la boîte.
02:17Moi, voyons que mes amies étaient tétanisées,
02:19qu'elles ne pouvaient pas bouger avec l'inconnu qui en parlait.
02:22Du coup, on a plongé sur mes amies pour les protéger.
02:24Je sens du coup sur mes bras, sur mes jambes,
02:26des flamèches, des morceaux de feu d'artifice
02:28qui m'atterrissent directement dessus.
02:30On boucle, on boucle et ça ne s'arrête pas.
02:31Je suis sûre que ça a duré que quelques secondes,
02:33mais quand on y est, ça a l'air de durer une heure en fait.
02:36Et ça me cramait de plus en plus.
02:37Je me dis bon, là, ça devient vraiment dangereux.
02:40En fait, ça se trouve, ça va me cramer les cheveux.
02:42Ça se trouve, on va brûler vivre.
02:43C'est peut-être que je dramatise à ce moment-là,
02:44mais en attendant, c'était quand même dangereux.
02:47Je commence à crier rentrez, rentrez, rentrez
02:49pour que les dernières filles qui restent, dont mes amies, rentrent.
02:52Parce que je ne me voyais pas courir toute seule vers l'entrée.
02:55Et puis, il faut aussi savoir que c'était quand même un risque de le faire
02:58parce que vu les attaquants, ils étaient proches de l'entrée.
03:02Rentrer à l'intérieur pour se protéger,
03:05ça voulait dire passer à côté d'eux.
03:06Donc potentiellement, ça pouvait être dangereux,
03:08mais perso, c'est la seule idée que j'ai eue.
03:10On s'envoie décider ça à ce moment-là.
03:11Et je ne regrette pas parce qu'au final,
03:13on a couru, on est rentrés.
03:15Et c'est ce qui a fait qu'on a été safe à l'intérieur.
03:18À peine quelques secondes après, ça s'est arrêté.
03:20Donc tant mieux.
03:21Avec les filles, on s'est toutes un peu regardées
03:24et complètement choquées en train de procéder à ce qui venait de se passer.
03:28C'est toujours dur de se rendre compte
03:30qu'on a été attaquées à cause de notre genre,
03:33juste parce qu'on était des meufs
03:35qui faisaient la fête et qui avaient décidé surtout de faire la fête sans eux.
03:39C'est toujours aberrant de voir qu'il y a des gars
03:43pour qui être soustrait d'un milieu leur est insupportable.
03:47Enfin, du moins assez pour attaquer des meufs, c'est un truc de fou.
03:51Et en vrai, ce n'est pas spécialement pertinent
03:53de savoir s'ils ont voulu nous tuer, nous blesser ou juste nous faire peur.
03:57Même si le projet, c'était juste nous faire peur,
04:00ça reste inadmissible parce que
04:03terroriser un groupe de personnes
04:06en fonction de leur appartenance à n'importe quel groupe,
04:10c'est la définition du terrorisme.
04:11Le mot est tellement instrumentalisé par l'extrême droite
04:16que pour un type d'attentat,
04:19tout le reste passe à la trappe.
04:21Pourtant, on parle bien d'attentat à la pudeur.
04:24Un attentat, ce n'est pas forcément tuer des gens,
04:26c'est essayer de commettre un crime envers quelqu'un.
04:29Un attentat à plein de choses, il y en a.
04:31Et ça, ça l'était.
04:33Là, il y a eu tentative de nous blesser,
04:34il y a eu tentative de nous terroriser,
04:36il y a eu tentative peut-être même de nous tuer,
04:37je ne sais pas, je ne m'avance pas.
04:39Mais en attendant, on est dans l'attentat.
04:41J'ai un message à faire passer,
04:43que les filles, il ne faut pas avoir peur.
04:45Vraiment pas.
04:45Il ne faut pas qu'on ait peur.
04:47Et j'ai un message aussi à faire passer aux gars,
04:50vous voyez ce que vos pères sont capables de faire,
04:53peut-être que c'est le moment de ne pas normaliser
04:56ce genre de comportement et de peut-être leur attraper la veste,
04:59en fait, quand il y a ce genre de choses qui passent.
05:01Et même si ce n'est pas vos potes,
05:03au moins le dénoncer sur les réseaux sociaux.

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