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L’avis de Samah Karaki, docteure en neurosciences.

Face à elle, Sarah Saldmann, avocate et chroniqueuse.

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Transcription
00:00 Des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien.
00:02 Faux.
00:03 Partiellement vrai.
00:04 Les personnes les plus pauvres sont fainéantes et profitent du système.
00:07 Faux.
00:08 Un peu vrai.
00:10 Je m'appelle Sarah Salman, je suis avocate au barreau de Paris, chroniqueuse aux grandes
00:14 gueules chez RMC et auteur du livre "Se protéger c'est gagner" aux éditions Robert Laffont.
00:19 Chaque individu pourrait vivre comme il l'entend.
00:21 J'espère.
00:22 Vrai.
00:23 Je suis Sama Karaki, je suis docteur en neurosciences et auteur de l'essai "Le talent est une
00:29 fiction" aux éditions Jean-Claude Lattès.
00:32 On peut réussir si on le veut vraiment.
00:34 Non.
00:35 Faux.
00:36 Totalement vrai.
00:37 Le mythe du self-made man existe.
00:39 Faux.
00:40 Vrai.
00:41 Nous sommes tous égaux.
00:42 Faux.
00:43 Faux.
00:44 Augmenter sa classe sociale est une fiction.
00:47 Vrai et faux.
00:48 C'est pas une fiction mais c'est assez rare.
00:52 L'intelligence est un talent inné.
00:54 Faux.
00:55 Assez vrai.
00:57 Les riches sont déconnectés de la réalité.
00:59 Pas nécessairement.
01:00 Ça dépend lesquels.
01:02 Les hommes et les femmes peuvent réussir à l'égalité si on y met les moyens.
01:07 Pas de raison que ça n'arrive pas.
01:09 Faut vraiment que le système y mette du sien.
01:12 Le système patriarcal creuse l'égalité des chances de réussite entre les hommes et
01:15 les femmes.
01:16 Complètement oui.
01:17 Vrai.
01:18 Faux.
01:19 Les femmes subissent ce système patriarcal notamment sur la réussite professionnelle.
01:21 Vrai.
01:22 Un peu vrai.
01:23 Les riches ont le mérite d'avoir réussi.
01:25 Faux.
01:26 Non.
01:27 C'est pas nécessairement vrai.
01:28 Tout dépend comment ils ont obtenu leur argent.
01:29 Ne pensez pas une seule seconde que si demain vous réussissez vos investissements ou votre
01:34 start-up, la chose est faite.
01:37 Non.
01:38 Parce que vous aurez appris dans une gare.
01:43 Et une gare, c'est un lieu où on croise.
01:46 Les gens qui réussissent, c'est les gens qui ne sont rien.
01:49 Est-ce qu'on se retrouve dans un système où la réussite dicte ce qu'on obtient de
01:58 la vie ?
01:59 Est-ce que ce système est juste ?
02:00 Est-ce qu'il est logique qu'on obtienne plus de choses de la vie grâce à la réussite
02:04 ?
02:05 Déjà, quand on entend cette vidéo, on comprend que la réussite telle qu'elle est prononcée
02:09 par le président de la République correspond à une forme de réussite qui est, je pense,
02:14 pour lui, une réussite économique.
02:15 Et qu'il y a une confusion très grave entre ce qu'on a et ce qu'on est.
02:19 Et donc, quand il ne dit pas les gens qui n'ont rien, il dit les gens qui ne sont rien.
02:22 Et donc, en fait, ce n'est pas juste ce qu'on obtient de par notre réussite, mais aussi
02:26 ce qu'on est dans notre être.
02:28 Donc, il y a une confusion entre l'estime qu'on peut porter à un être humain dans
02:32 sa complexité et puis à l'évaluation qu'on peut mesurer sa richesse ou sa réussite,
02:39 notamment scolaire ou professionnelle.
02:40 Je pense qu'il oublie de préciser qu'il y a une dichotomie entre la réussite personnelle
02:44 et professionnelle.
02:45 Donc, là où je vous rejoins, c'est qu'il parle uniquement de la réussite professionnelle
02:48 et purement économique.
02:50 Il y a quand même une petite dose de mépris et de condescendance quand on entend cet extrait.
02:54 Mais je comprends ce qu'il veut dire et je pense que quand on veut, on peut et on peut
02:59 s'élever économiquement.
03:00 Tu ne penses pas que quand on veut, on peut ?
03:03 Absolument pas parce que...
03:04 C'est qu'on ne l'a pas voulu assez alors ?
03:06 Non, c'est parce qu'avant de vouloir, il faut avoir accès à cette volonté.
03:11 Ça veut dire qu'il faut qu'on ait accès au capitaux informationnels qui nous précisent
03:15 d'ailleurs où on met cet effort, c'est-à-dire que cet effort, on le place dans un environnement
03:21 qui nous présente les voies, nous facilite l'accès aux voies.
03:25 Donc, le travail est nécessaire, mais il ne résume pas.
03:28 Et cette volonté est nécessaire, mais on ne peut pas réduire la trajectoire humaine
03:34 à cette disposition individuelle.
03:36 Parce qu'on est, d'ailleurs, on peut regarder des études à la fois sociologiques et à
03:42 la fois neuroscientifiques qui nous montrent que des enfants à partir de l'âge de 5-6
03:46 ans sont déjà déterminés beaucoup plus que par leur potentiel d'origine à réussir
03:52 ou pas dans les voies que le système finalement évalue comme étant les voies de valeur,
03:58 de prestige et donc selon ce que dit le président de la République, ce sont les voies d'entrepreneuriat
04:03 et de réussite économique.
04:04 Et donc, est-ce qu'un enfant de 5-6 ans n'a pas assez voulu ou ne va pas assez vouloir
04:09 ou est-ce que déjà on ne peut pas parler des moyens qui sont déjà à cet âge-là
04:14 et c'est un sociologue comme Bernalahi qui travaille sur la société, les privilèges
04:21 de naissance ne sont pas très différents de l'aristocratie, la méritocratie et donc
04:25 une autre forme de tyrannie qui, cette fois par contre légitime les inégalités sociales
04:30 en y renvoyant à l'individu, à son effort et à sa volonté, mais en fait c'est toujours
04:36 les conditions d'origine qui déterminent beaucoup plus notre position d'art à l'arrivée.
04:41 En fait, vous mettez le déterminisme au cœur de votre réflexion, ça veut dire qu'en
04:45 fonction de où on est, ça va déterminer toute notre vie.
04:48 Donc ce que vous appelez déterminisme, moi je l'appelle misérabilisme, dans la mesure
04:53 où à 5-6 ans, évidemment on n'a pas le choix, mais après, c'est toute la dynamique
04:57 de Sartre de se dire qu'on n'est pas défini par le passé, on est défini par ce que l'on
05:02 est, et c'est ce que disait Roosevelt aussi, les gagnants mettent les moyens, les perdants
05:06 mettent les excuses.
05:07 Donc toute sa vie on se dit "c'est parce que je suis née dans la mauvaise place, c'est
05:11 parce que j'ai eu ça".
05:12 Et bien évidemment on va nulle part, c'est à nous de trouver les ressources qui sont
05:16 gouvernées par des éléments extrinsèques et qui vont être façonnés par l'environnement,
05:20 mais c'est à nous, au fond de nous, de trouver la ressource pour s'élever et de pas toujours
05:23 se dire "c'est parce que".
05:25 Parce qu'avec cette dynamique, on oublie qu'il y a des gens qui sont partis de rien,
05:28 et qui sont arrivés très très haut.
05:29 Et il ne faut pas oublier que le milieu social, on se dit par exemple "ils ont tout eu".
05:32 Le capital économique, le capital social, le capital culturel.
05:35 Et bien parfois dans les familles les plus modestes, c'est là où on a la famille la
05:39 plus aimante.
05:40 Et ça, ça vaut tout.
05:41 Et ça, les gens ne le voient pas aussi.
05:42 Donc il y a ce que l'on voit, et ce que l'on sait.
05:44 Et c'est ça aussi qu'il faut prendre en considération je crois.
05:46 Alors j'entends le terme "misérabilisme" et je vais le remplacer par "réalisme".
05:50 Ça veut dire que, je ne vais pas citer Roosevelt, parce que pourquoi citer Roosevelt ?
05:54 Parce que je l'aime beaucoup.
05:56 Oui voilà, mais c'est personnel.
05:57 On peut citer en fait l'ensemble d'états actuels de connaissances sur ce que font
06:02 les inégalités à notre cerveau.
06:04 Ça veut dire à ce cerveau sur lequel reposent nos compétences.
06:07 Et en fait, la nourriture même que nous avons dans ce foyer, l'amour d'ailleurs, que
06:11 je rajoute à ces capitaux que nous n'avons pas d'une manière égale, le soutien, les
06:16 capitales informationnelles, culturelles, sociales, économiques, l'espace que nous
06:20 avons pour réviser nos cours, la profession de nos parents bien sûr, si on regarde un
06:25 peu les chiffres en France, on voit que ça n'a pas trop bougé.
06:28 Et donc en fait, tout cela n'est pas un déterminisme fataliste.
06:32 Tout cela a une étendue écrasante par rapport à ce que nous pouvons en tant qu'individu
06:38 amener.
06:39 Ça ne signifie pas qu'il n'y a pas de survivants.
06:41 Mais ces survivants, en fait on parle de biais de survivants quand on dit qu'il y a quelques
06:46 personnes qui échappent à une condition et on considère que ces personnes-là vont
06:51 en fait biaiser la représentativité du réel.
06:54 Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui arrive des classes populaires qu'on va dire que la
06:58 mobilité sociale existe.
07:00 Et donc ce n'est pas fataliste et je tiens à le préciser, je ne dis pas qu'il n'est
07:04 pas possible de contrer ce déterminisme.
07:06 Justement, ça se doit passer par une prise de conscience de la présence de ce déterminisme
07:11 structurel qui nous permet, et l'histoire le montre, de nous organiser collectivement
07:16 pour les soulever.
07:17 Ça veut dire que quand les femmes par exemple se sont dit « il y a quelque chose qui fait
07:20 que nous n'avons pas accès aux mêmes privilèges et aux mêmes rétributions sociales que les
07:24 hommes », ce n'est pas une femme qui a dit « je vais travailler de moi-même et je vais
07:29 contrer mes déterminismes ».
07:30 En fait, il y a eu une organisation collective qui a suivi cette prise de conscience.
07:34 Et donc en fait, le déterminisme n'est pas fataliste, il est par contre, il ne peut être
07:39 démantelé que par une prise de conscience suivie d'une organisation collective.
07:42 Alors je suis assez d'accord sur la prise de conscience, mais ça montre que si certains,
07:45 ce que vous appelez survivants, que je qualifierais de héros plus que de survivants, quand on
07:51 part de rien et qu'on arrive très haut, pour moi, ça force l'admiration.
07:54 Donc si certains ont réussi, l'idée c'est de se dire qu'on peut tous y arriver.
07:57 Moi je pense qu'il faut voir le verre à moitié plein et pas à moitié vide.
08:00 Si on regarde les statistiques des grandes écoles, bien sûr que vous avez raison, on
08:03 regarde les professions des parents, on prend l'École Nationale de l'Administration,
08:07 effectivement les enfants d'ouvriers je crois que c'est moins de 5% il me semble, pour
08:10 ne pas dire moins de 1%.
08:11 Donc là vous avez raison.
08:13 Mais plutôt que de voir les choses de façon négative en se disant "les chiffres sont
08:17 là, tout est comme ça", je pense qu'il faut aller de l'avant et se dire "oui, quand
08:21 on veut, on peut".
08:22 Et je vais vous dire, les classes modestes ont une chose en plus que n'ont pas les gens
08:25 aisées, ils ont la rage.
08:26 La rage de réussite.
08:28 Et ça je vais vous dire, c'est ce qui vous permet d'aller encore plus loin.

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