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Tous les samedis et dimanches soir, Pierre de Vilno reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 18h30 à 19h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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Transcription
00:00 "Europe 1 soir week-end" Pierre De Villeneau
00:03 Les débats de panorama jusqu'à 19h sur Europe 1 ici se profilait lentement une guerre de religion.
00:09 Mais oui, puisque jamais au cours d'une semaine, qui en plus marquait en l'occurrence la fin du ramadan,
00:13 on avait plus mis en exergue la religion dans les violences qu'on a vues, qu'on a entendues, qu'on a relatées ici même sur Europe 1.
00:21 A Bordeaux, ce jeune afghan qui tue des algériens parce qu'ils boivent de l'alcool.
00:25 A Montpellier, la petite Samara, 13 ans, tabassée parce qu'elle s'habillait à l'européenne et qu'elle ne voulait pas justement mettre des tenues musulmanes.
00:34 A Virichaty, en Chamsédine, tabassée jusqu'à la mort parce qu'il était amoureux d'une fille d'un autre groupe identitaire.
00:40 Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce que c'est lentement un retour des guerres de religion ?
00:46 Il n'y a pas besoin de poser des bombes ni d'utiliser des kalachnikovs.
00:49 Cette guerre se fait silencieuse à coups de lames, de barres de fer, de poings, des corps qui sont abandonnés comme ça dans des ruelles qu'on retrouve ensuite.
00:59 Nos invités ce soir, le théologien et philosophe Philippe Capel Dumont. Bonsoir.
01:04 - Bonsoir. - Merci d'être avec nous. Bonsoir également à mon confrère et essayiste Mohamed Sifawi. Bonsoir.
01:10 Tous les deux, vous avez en commun le fait de combattre l'islamisme radical. Cette chose que Georges Bensoussan avait à l'époque décrite comme les territoires perdus de la République.
01:23 Un livre qui a 20 ans maintenant. C'est vertigineux de savoir que ça a déjà 20 ans cet écrit.
01:29 Qu'est-ce qui se passe ? Comment est-ce que vous avez analysé cette semaine précisément, Mohamed Sifawi ? Est-ce que d'abord vous avez eu peur ?
01:37 D'abord, je n'analyse pas par petits segments historiques la situation de l'islam politique en France et dans le monde. Je l'analyse depuis 35 ans.
01:50 Ce qui s'est passé cette semaine est dans une sorte de cohérence et continuum idéologique que j'observe pour ma part depuis la fin des années 80.
02:01 Sauf que là, ce sont des enfants de 13 ans, 15 ans, c'est très jeune aussi.
02:06 Oui, mais désolé d'être un peu rabat-joie. Pour moi, ce n'est pas nouveau.
02:11 Pour moi, ce n'est pas nouveau. Vous savez, j'ai commencé ma carrière en Algérie.
02:16 Il est dommage que la société française et notamment ses élites n'aient pas regardé de très près ce qui s'y était passé durant les années 90.
02:27 On a considéré que c'était un conflit entre musulmans et que de ce point de vue, les Européens, les Occidentaux n'avaient absolument rien à y voir.
02:36 Et quand il était question de prendre parti, il y a eu certaines ambiguïtés.
02:42 Je vous rappelle que tout ce que nous avons vécu en France et tout ce qui a été vécu, y compris récemment en Israël, s'est déroulé en Algérie.
02:50 Des massacres de villageois, l'assassinat de religieux.
02:55 Les premiers catholiques qui ont été tués en Algérie, c'était en décembre 1994.
03:03 Quatre prêtres catholiques, trois Français et un Belge.
03:07 Quelques mois plus tard, en mars 1996, nous avons eu le drame des moines de Tibéride.
03:14 Ensuite, en août de la même année, en 1996, on a eu l'assassinat de Mgr Claverie à Oman.
03:20 Donc c'était une opération commandée, déjà, une organisation, et c'est bien de le rappeler.
03:26 J'essaie de vous donner une perspective.
03:28 C'est-à-dire que moi, à partir de cette expérience, j'ai eu l'occasion de voyager très loin, d'aller au Pakistan, en Afghanistan, de faire des enquêtes de terrain.
03:36 Et ce que j'ai essayé d'apporter très modestement comme proposition, c'est d'allier à la fois une connaissance et une formation universitaire empirique,
03:47 donc sur les textes islamistes, sur le corpus islamiste, et faire joindre ça à ce que je pouvais constater, comme je le disais, de façon empirique,
03:57 sur le terrain, en Algérie, au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen, et ensuite dans les quartiers en France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Belgique, et j'en passe.
04:05 Donc voilà, en réalité, pourquoi je ne suis pas surpris.
04:08 - Philippe Capel, est-ce que vous avez eu peur, cette semaine, c'est un peu la même question que je pose à vous,
04:15 est-ce que, comme Mohamed Sifawi le dit, il n'y a rien de nouveau, ou est-ce qu'il y a quand même un élément nouveau, en l'occurrence, la jeunesse des personnages ?
04:23 - Je suis d'accord avec Mohamed Sifawi pour considérer que la situation doit être appréciée sur des trajectoires longues.
04:30 Mais ceci n'interdit pas, et c'est peut-être différent avec vous, de décrypter une nouveauté dans ce qui se passe cette semaine.
04:38 Trajectoire longue, ça veut dire qu'on a affaire, en réalité, à trois types de rapports, dans l'islam, aux politiques.
04:43 Il y a l'islam de grand-papa, qui lorsqu'il arrive dans un pays, sait qu'il doit se soumettre aux lois du pays auquel il est accueilli.
04:50 - Donc c'est l'assimilation ?
04:51 - Ce sont les musulmans des années 60, jusqu'à la deuxième génération.
04:56 Il y a un islam qui est très spirituel, qui considère que privément, je n'ai pas à revendiquer la structuration de l'espace politique,
05:03 il revendique une aspiration pour les plus savants, l'école de Merkaba, le soufi, etc.
05:08 et qui vivent cinq prières par jour, de façon privée, et en tente de s'atténir à cela.
05:13 Et ça sert assez bien dans la vie politique. J'ai appris il y a quelques jours que, vous savez que dans l'armée française,
05:21 actuellement, alors nous parlons, il y a 20% de musulmans professionnels dans l'armée française,
05:26 dans le roi, c'est ce qui n'est pas rien, et qui sont tout à fait bien insérés, qui ne posent pas de problème.
05:30 Et ils sont très éloignés du 0,5 degré de la pensée wokiste.
05:38 Ce sont des gens qui sont tout à fait à l'aise avec la référence française.
05:42 Et puis il y a effectivement un troisième islam, qui a un rapport aux politiques.
05:46 Alors, on a du mal à le qualifier. Vous avez dit islam radical, on parle d'islam politique,
05:50 moi je parle d'islam totalitaire. Totalitaire.
05:53 Parce que précisément c'est la symétrie, l'antithétique des deux autres, si vous voulez précisément.
05:57 Qu'est-ce que c'est qu'un islam totalitaire ? C'est celui qui revendique à partir du texte religieux
06:02 la structuration de l'ensemble de l'espace politique, sans altérité éthique.
06:07 Puisqu'il y a la loi qui vient du ciel, l'homme doit suivre, quelle qu'il soit, cette loi, quel que soit le territoire.
06:13 Du même coup, l'islam totalitaire, il est conséquent avec lui-même, il n'est pas séparatiste, il est conquérant.
06:19 Et donc, on utilise du féminisme aujourd'hui pour éviter de nommer le danger qui est représenté,
06:25 souvent par des gens qui sont d'ailleurs incultes, qui sont parfois absolument pas formés.
06:29 Certains le sont, à l'extérieur sont manipulateurs, mais la plupart de ce jeune afghan qui demande à Bordeaux...
06:35 Aux Algériens, ils boivent...
06:37 C'est un analfabète, mais simplement il a lu sur internet qu'on doit tuer le mécréant.
06:42 C'est ça, c'est-à-dire qu'on a des textes religieux à qui on fait dire, pas n'importe quoi,
06:47 mais il y a plusieurs lectures des textes religieux, et en l'occurrence des textes coraniques.
06:52 Et après, il y a soit les imams qui prêchent un peu ce qu'ils veulent,
06:57 il y a eu différents exemples ces dernières semaines, ces derniers mois en France,
07:02 notamment l'imam Majoubi qui a été renvoyé en Tunisie, qui jusqu'à nouvel ordre ne reviendra pas en France.
07:07 Et puis, Mohamed Sefawi, il y a les réseaux sociaux, les fameux réseaux sociaux.
07:11 Il y a effectivement un certain nombre de facteurs qui ont joué, ou qui continuent de jouer un rôle amplificateur.
07:19 Et en vérité, nous ne sommes pas en désaccord. Je suis totalement en accord avec ce que vous dites.
07:26 C'est-à-dire que nous devons effectivement analyser...
07:29 Parce que je n'ai pas terminé.
07:31 Mais vous terminerez dans un instant.
07:33 Nous devons continuer, nous devons analyser ce phénomène.
07:37 Et effectivement, c'est un totalitarisme. Et quand on le dit, ce n'est pas un abus de langage, ce n'est pas pour être dans l'excès.
07:43 C'est véritablement l'approche scientifique, selon les critères que l'on apprend dans les instituts de sciences politiques,
07:49 qui nous enseigne de dire, ou qui nous incite à dire que l'islam politique, l'islamisme,
07:55 comme on l'appelle communément, est un totalitarisme.
07:58 Ce n'est pas la peine de rentrer... Ce serait compliqué dans les débats, je dirais, trop savant.
08:03 Mais c'est un totalitarisme. Il n'y a pas de discussion.
08:07 Partant de là, effectivement, la question qui se pose au-delà des réseaux sociaux,
08:12 c'est aujourd'hui de l'interrogation légitime.
08:15 C'est que nous avons une population qui veut comprendre.
08:18 Et hier, sans trahir une discussion que nous avons eue au téléphone avec Pierre Devino,
08:22 on a commencé à discuter un petit peu, parce qu'il voulait avoir mon avis.
08:26 Ce que j'ai répondu, et je vais le dire publiquement,
08:28 nous sommes dans un pays où l'élite est incapable de résoudre ce type de phénomène,
08:32 parce que nous avons tout simplement un effondrement de la pensée stratégique.
08:36 Pas seulement sur la question de l'islam politique, surtout.
08:39 Nous avons une élite qui n'est pas au niveau. Il faut le dire.
08:42 Comme vous dites, l'élite, ce n'est pas que l'éluctif.
08:44 L'élite politique, médiatique, l'élite intellectuelle, l'élite universitaire.
08:47 L'islam politique, vous savez, il n'y a pas un traitement de droite ou de gauche.
08:50 Il n'y a pas un traitement d'extrême droite et d'extrême gauche.
08:53 Nous sommes là, d'accord, parce que nous agissons comme deux praticiens.
08:56 Vous m'auriez mis n'importe qui en face, nous aurions polémiqué.
08:59 C'est ça la différence.
09:00 La différence, c'est qu'aujourd'hui, nous sommes dans un pays de la petite phrase, de la fun child.
09:05 - Je ne vous ai pas mis un polémisme, parce qu'ici, à Europe 1, on dit la vérité.
09:07 - Non, mais on essaie surtout d'être constructif.
09:10 - Et on fait de la pédagogie, on essaie d'expliquer aux gens ce qui se passe réellement.
09:13 - De répondre à l'attente légitime de la société qui veut comprendre des phénomènes complexes.
09:19 Nous devons lui dire, et je terminerai juste par ça, effectivement, qu'il y a plusieurs niveaux.
09:23 Il y a les musulmans, il y a des musulmans qui eux-mêmes souffrent de l'islam politique,
09:27 c'est-à-dire des gens qui sont croyants et pratiquants,
09:29 mais qui ne représentent absolument aucun danger pour personne.
09:32 Il y a ceux qui sont dans une approche conquérante.
09:36 Et il y a effectivement ceux, alors les salafistes...
09:39 - Et les premiers sont les victimes des secondes.
09:42 - Tout le monde est victime de l'islamisme.
09:46 - Accessoirement aussi ceux qui ont un culte modéré.
09:51 - Je n'ai pas l'occasion de l'exprimer,
09:53 il y a cinq grands chapitres désignés comme cibles dans la littérature d'islam politique.
09:58 Si vous voulez, je vous en parlerai après pour ne pas monobiliser la parole.
10:02 - C'est un moment qui nous faudrait trois heures.
10:04 - C'est que nous avons effectivement un totalitarisme qui vise indistinctement un peu tout le monde.
10:11 - Je reviendrai un petit peu plus loin parce que je revendique pour ma part
10:14 de pouvoir déchiffrer une nouveauté dans ce qui se passe,
10:16 dans l'obscur où nous voyons à travers cette semaine,
10:19 symboliquement, une importation d'un conflit qui est déjà présent dans les pays musulmans,
10:24 mais qui arrive en Europe, à la faveur de l'espace démocratique.
10:27 Pourquoi ? Parce que des musulmans que vous avez qualifiés de modérés,
10:31 en tout cas que j'appelle pour moi "spirituels",
10:34 qui acceptent les lois de la république,
10:36 se sentent une autorité nouvelle dans l'espace démocratique d'expression.
10:40 Et donc qu'est-ce qui se passe-t-il en ce moment ?
10:42 Il se passe l'importation d'un conflit déjà ancien,
10:45 mais qui trouve désormais en France un espace d'expression.
10:48 Et je pense que ce conflit va s'élargir, va se prononcer dans les mois et les années qui viennent.
10:54 Parce que je considère que les musulmans qui ne relèvent pas de cet islamisme totalitaire
11:00 vont demander la parole.
11:01 Et il faut absolument souhaiter qu'ils en souhaitent ainsi.
11:05 Alors...
11:06 - Vous êtes sûr de ça ?
11:08 - Oui...
11:09 - Quand il y a eu le 7 octobre, on s'est quand même beaucoup posé la question
11:12 de ce que faisaient les musulmans modérés à ne pas réagir à la barbarie perpétrée par le Hamas,
11:19 qui en l'occurrence, je parle sous votre contrôle Mohamed Sifawi,
11:22 est un mouvement terroriste,
11:24 qui a lui-même une lecture de certains textes en disant
11:29 "ben voilà, on nous demande de faire ceci en nous demandant de tuer les mécréants,
11:32 de tuer tout ce qui n'est pas en rapport avec notre idéologie".
11:36 Pourquoi est-ce que les musulmans modérés...
11:38 Alors on sait qu'il n'y a pas de clergé pour les musulmans...
11:42 Pourquoi il n'y a pas eu une marche dans Paris ou dans plusieurs villes de France en disant
11:47 "nous, nous ne nous revendiquons pas de ça" ?
11:50 - Parce que, si vous voulez, il y a une sorte d'injonction contradictoire.
11:54 Bon, ça ne vous a pas échappé, je suis d'origine algérienne,
11:58 je m'appelle Mohamed Sifawi,
12:00 dans les esprits de certains, je serai de fait musulman.
12:04 Il a fallu que je dise que j'ai un rapport à cette religion et aux autres,
12:10 assez détaché pour que les gens comprennent tout simplement
12:13 que musulman chez moi ce n'était pas un métier,
12:17 que même si j'étais spécialiste des mouvements islamistes,
12:20 ce n'était pas ma foi,
12:23 et que lorsque je vais manifester,
12:25 je ne souhaiterai pas qu'on considère que je manifeste "S-qualité" religieuse
12:29 ou prétendument religieuse, mais en tant que citoyen.
12:32 Et donc l'injonction contradictoire, si vous voulez,
12:34 c'est que nous sommes dans un pays laïque, effectivement,
12:36 une république où l'on demande à juste titre aux gens de s'intégrer,
12:39 voire de s'assimiler.
12:41 Il se trouve que l'assimilation est de fait une invisibilisation,
12:45 d'un point de vue identitaire,
12:46 parce que nous appartiens à ce moment-là.
12:48 - On renonce à certaines choses.
12:50 - Alors, quand les gens vont manifester sans, je dirais,
12:55 à juste titre, brandir un slogan en disant
12:58 "Les musulmans modérés, démocrates, qui aiment la république sont là",
13:02 ça serait ridicule.
13:03 Moi, j'ai manifesté aux côtés de mes amis,
13:07 et aux côtés de plusieurs personnes qui étaient là.
13:10 - Mais vous ne répondez pas à ma question.
13:12 - Mais si, je suis en train de répondre.
13:14 - Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu un mouvement général ?
13:16 - Le mouvement général n'aura jamais lieu.
13:18 - Pourquoi ?
13:19 - Parce que tout simplement, nous ne sommes pas en train de voir
13:21 la tangente qu'est en train de prendre,
13:23 notamment dans les quartiers les plus compliqués,
13:26 la pensée antirépublicaine,
13:29 qui est en train de s'installer comme une norme,
13:31 soit par la conviction, soit par la pression.
13:33 - Donc ça veut dire que les musulmans modérés
13:35 acceptent ce que dit l'islam radical,
13:38 ou est-ce qu'ils ont peur des représailles de l'islam radical ?
13:41 - Je vais encore essayer d'être plus clair.
13:44 Pour exprimer la pensée qui est la mienne,
13:46 ça fait 21 ans que je suis sous protection policière.
13:49 Ça n'a gêné personne.
13:51 On considère que c'est mon problème,
13:53 que ce n'est pas le problème de la société.
13:55 - Vous avez quand même mis en protection policière.
13:57 - Oui, mais c'est l'État.
13:58 Mais si vous voulez la société,
14:00 la société aujourd'hui,
14:01 est-ce que la société demain va s'émouvoir
14:04 du sort qui va être celui
14:06 de la personne, de la femme ou de l'homme
14:09 qui habite dans un quartier enclavé,
14:11 dans un ghetto ethno-religieux,
14:13 qu'on a laissé se constituer,
14:15 et auquel on va dire "Bon, manifeste-toi,
14:18 mais après, passez-moi l'expression, démerde-toi."
14:22 C'est-à-dire qu'on ne peut pas exiger des gens
14:25 de s'exprimer librement
14:27 si eux-mêmes ne sont pas dans un contexte
14:29 de liberté.
14:31 Regardez les gens qui s'expriment.
14:33 Les gens qui s'expriment, généralement,
14:35 ont la formation qu'il faut,
14:37 ont l'éducation qu'il faut,
14:39 et ont le milieu social qu'il faut.
14:41 C'est-à-dire qu'ils peuvent se permettre de s'exprimer
14:43 parce qu'ils n'habitent pas un ghetto,
14:45 parce qu'ils ne sont pas entourés de voyous,
14:47 parce qu'ils peuvent peut-être se permettre
14:49 d'aller se cacher quelque part, etc.
14:51 - Je pense que se pose aujourd'hui à l'islam,
14:55 plus que jamais, la question de savoir
14:57 du coup, il faut remonter pour rendre compte
14:59 de ce conflit interne à l'islam.
15:02 Faut-il remonter simplement
15:04 à des considérations sociologiques, politiques,
15:06 ou est-ce qu'il faut interroger aussi
15:08 le corpus de référence ?
15:10 Les hadiths, le Coran...
15:12 Vous savez comme moi, car vous êtes savant
15:14 sur ce sujet, que le Coran
15:16 comporte des contradictions internes,
15:18 des contradictions objectives que les imams
15:20 assument totalement, par exemple
15:22 la surate 2, 256,
15:24 point de contrainte en matière religieuse,
15:26 mais en même temps, vous avez en 1996
15:28 le Conseil des ministres arabes
15:30 de justice
15:32 qui confirme dans le code pénal
15:34 qu'il faut tuer les apostas.
15:36 Donc si vous voulez,
15:38 on a là des contradictions objectives.
15:40 Donc la question que je pose, d'un point de vue scientifique,
15:42 jusqu'où faut-il remonter
15:44 pour rendre compte de ce conflit
15:46 qui à mon avis est structurel,
15:48 qui n'est pas simplement anecdotique ou accidentel ?
15:50 Et donc c'est aux musulmans
15:52 de répondre à cette question-là.
15:54 - Je vais essayer de vous répondre,
15:56 c'est ce que j'essaie de faire à mon modeste niveau.
15:58 Je suis partisan de renverser la table.
16:00 Moi je ne suis pas partisan d'un compromis.
16:02 Moi je ne discute pas avec les totalitaires.
16:04 Parce que si on part du principe, c'est un totalitarisme.
16:06 Et c'est mon point de vue
16:08 depuis au moins 20 ans.
16:10 Je l'ai écrit, je l'ai rappelé,
16:12 je l'ai dit dans des émissions
16:14 télévisées, radios, etc.
16:16 Aujourd'hui, si vous avez face à vous
16:18 un totalitarisme, et c'est un totalitarisme,
16:20 il faut un vainqueur et un vaincu.
16:22 Et moi je ne veux pas être dans la peau du vaincu.
16:24 Et c'est pour ça que j'ai l'attitude
16:26 intellectuelle qui est la mienne.
16:28 Moi je considère qu'il n'y a absolument
16:30 aucune négociation, aucune discussion,
16:32 aucun compromis possible avec
16:34 la politique. - C'est là que je rejoins la question de
16:36 Pierre Devinot parce que
16:38 vous avez commencé l'entretien en nous questionnant
16:40 sur la peur. Mais il y a deux types de peur.
16:42 Il y a la peur. Moi j'ai connu un collègue
16:44 à la Sorbonne qui enseignait la fièvre
16:46 sur les mille mâles, qui m'a avoué qu'il s'était auto-censuré
16:48 pendant toute sa carrière,
16:50 par crainte de sa propre existence.
16:52 - C'est ce qui se passe dans les écoles aujourd'hui.
16:54 - Il y a la peur qui réellement...
16:56 Il y a autre chose, un autre phénomène très français
16:58 qu'il faut surtout avoir peur
17:00 de la peur. Il ne faut surtout pas dire qu'on a peur.
17:02 Donc on va expliquer,
17:04 "Ecoutez, non, c'est des raisons psychologiques,
17:06 s'il a attaqué, c'est simplement parce que c'est un jeune
17:08 qui est en alphabète, etc." On ne veut
17:10 pas avoir peur. Donc on a peur de la peur.
17:12 Et ça, c'est un vrai... Dans les médias,
17:14 peut-être pas celles où je me trouve en ce
17:16 moment, mais dans les médias, vous avez
17:18 tout un discours lénifiant.
17:20 "Il y a toujours eu la peur, puis la peur
17:22 est un stimulus, vous comprenez, la peur c'est
17:24 biologique, c'est pas très grave."
17:26 Que fait-on à ce moment précis ? Pardon, moi je termine ma phrase.
17:28 On supprime l'objet de la peur.
17:30 - Vous savez, je comprends
17:32 absolument ce que vous dites, je comprends les
17:34 questions de notre ami Pierre
17:36 Devineau. Je veux vous dire une chose,
17:38 c'est que depuis maintenant 25
17:40 ans que je porte cette parole
17:42 en France,
17:44 je ne pense pas que vous ayez en face de vous
17:46 un excité ou un excessif.
17:48 Et pourtant, mes pires adversaires,
17:50 ça n'a pas été les islamistes. Les islamistes,
17:52 ils veulent me tuer. Ça a été l'intelligentsia
17:54 parisienne. Ça a été les journalistes.
17:56 Ça a été les commentateurs.
17:58 Ça a été les éditorialistes.
18:00 C'est à chaque fois
18:02 la disqualification. Et je ne suis pas le seul
18:04 à subir ça. La disqualification
18:06 de cette parole, c'est-à-dire qu'on accorde
18:08 beaucoup plus de crédit à la parole d'un islamiste en France
18:10 que
18:12 la parole d'un démocrate. - Mohamed Sifaoui
18:14 et Philippe Capel, il y a juste une question.
18:16 On a dit que les élites
18:18 essayent de régler
18:20 le problème avec un dogme.
18:22 C'est la laïcité.
18:24 La laïcité revient et l'exemple
18:26 flagrant, ça a été
18:28 cette vidéo filmée par cet intérimaire
18:30 qui s'est pointé dans une boutique
18:32 Géox à Strasbourg et qui
18:34 a dit "mais si monsieur, j'ai le droit
18:36 parce que c'est liberté, égalité,
18:38 fraternité. D'abord, est-ce qu'on ne mélange pas tout, premièrement ?
18:40 Et deuxièmement, est-ce que la laïcité
18:42 peut régler les problèmes ? En très peu de temps,
18:44 malheureusement, Philippe Capel. - C'est souvent le pot de terre
18:46 contre le pot de fer dans ces situations. Et vous avez
18:48 raison, l'islam totalitaire, c'est le pot de fer.
18:50 Il est dangereux.
18:52 Vous avez des manipulations. Il faudrait
18:54 regarder de près si cette jeune fille a été manipulée
18:56 ou pas par des courants extérieurs. C'est un autre sujet.
18:58 Je n'ai pas l'information à ce sujet.
19:00 Mais en réalité, ce qui se passe
19:02 aujourd'hui, tient
19:04 à ce que nous ne
19:06 ne voulons pas entendre ce que
19:08 la laïcité est de meilleure.
19:10 Je rappelle quand même qu'elle est liée
19:12 à l'Occident. On aime, on n'aime pas.
19:14 Je regrette pour ma part que les anciens
19:16 musulmans, enfin les vieux musulmans, n'aient pas
19:18 plus d'autorité pour faire valoir justement
19:20 un principe qui est très présent dans le Moyen-Orient, le respect
19:22 de la loi de pays dans lequel on arrive.
19:24 Aujourd'hui, non. On voit bien que
19:26 tout ça, on a perdu la partie.
19:28 Donc je ne sais pas très bien comment
19:30 comment je fais.
19:32 Je rappelle simplement
19:34 que la laïcité, puisque vous m'interrogez, moi j'ai écrit
19:36 deux bouquins là-dessus, la laïcité
19:38 c'est un
19:40 terrain qui
19:42 promeut la séparation des institutions
19:44 religieuses et politiques.
19:46 La laïcité n'introduit
19:48 pas une séparation entre la religion
19:50 et la société. Donc aux sociétés
19:52 de gérer le rapport. Mais
19:54 la laïcité s'occupe des institutions. Et donc
19:56 je regrette que certains hommes politiques, et je vous rejoins
19:58 tout à fait, ne sachent absolument pas
20:00 de quoi on parle. Quand j'entends un homme politique dire
20:02 "l'islam politique n'est pas une religion"
20:04 ça pose un vrai problème. Comme s'il avait passé
20:06 la veille à un doctorat de théologie alors qu'il n'a jamais étudié
20:08 l'histoire comparée des religions.
20:10 Je ne veux pas faire de mauvais humour mais enfin c'est
20:12 quand même ça la situation.
20:14 La laïcité est un
20:16 principe de neutralité.
20:18 Attention, ce n'est pas une neutralité métaphysique.
20:20 C'est une neutralité qui repose sur la
20:22 distinction des institutions.
20:24 Ensuite, dans la société, en tant que catholique,
20:26 je regrette que même dans la société, nous n'ayons pas
20:28 toujours le droit de parler. - En 10 secondes, malheureusement,
20:30 Mme El-Sifawy, la laïcité ?
20:32 - La laïcité, moi j'y crois profondément, pas en tant
20:34 que dogme ni en tant que religion mais en tant que
20:36 rempart dans certaines situations. Mais là
20:38 où je suis d'accord avec vous, on ne peut pas
20:40 tout mettre sur le dos de la laïcité.
20:42 Elle ne peut pas être l'alpha et l'oméga
20:44 de notre lutte légitime et nécessaire
20:46 contre l'islamisme. L'islamisme,
20:48 il faut mobiliser des citoyennes et des
20:50 citoyens afin tout simplement
20:52 que les résistances s'opèrent
20:54 en puisant ces réponses
20:56 dans le corpus républicain,
20:58 dans le corpus démocratique,
21:00 pas dans autre chose. - Merci monsieur.
21:02 - Certaines dérives, justement, que l'on
21:04 craint, c'est que finalement un totalitarisme
21:06 fasse naître un autre totalitarisme
21:08 et qu'il lui fasse,
21:10 enfin, disons qu'il fasse croire
21:12 que ce serait une solution
21:14 par rapport à tout. - Merci beaucoup.
21:16 Philippe Kappel, merci. Mohamed El-Sifawy,
21:18 vous reviendrez parce que le débat
21:20 va continuer sans doute beaucoup sur
21:22 cette actualité-là. Je vous le signale juste que vous
21:24 retrouvez Didier Barbeli, il vient le dimanche
21:26 de 17h à 18h et donc
21:28 demain, rediffusion de l'émission
21:30 avec Alexis Gruss qui nous a quitté
21:32 dernièrement. Très bonne soirée sur ORB.
21:34 *Musique*

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