• il y a 8 mois
L’avis de Juan Branco, avocat, écrivain et militant politique.

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Transcription
00:00 La gauche est en danger.
00:02 Elle est déjà morte.
00:05 La politique est devenue une affaire d'égo.
00:07 Faux.
00:10 Mélenchon a l'étoffe d'être président. Vrai.
00:12 François Hollande a tué la gauche socialiste. Vrai.
00:15 Cyril Hanouna ou plutôt TPMP apporte de la réflexion pour le débat public. Faux. Les instances nationales ont trahi leurs fonctions.
00:22 Vrai, partiellement vrai. La fenêtre d'Overton s'est déplacée à droite.
00:29 Avoir.
00:31 Vous êtes favorable à une sixième république.
00:33 Ça dépend.
00:35 La souveraineté ne devrait être que populaire. Vrai. La justice se fait aujourd'hui sur les réseaux sociaux.
00:40 Faux. Il n'y a pas de reproduction sociale en France. Faux. La méritocratie existe.
00:47 Faux. Mais c'est intéressant parce que vous avez justement fait des belles études, donc l'école alsacienne, Sciences Po, l'ENS, etc.
00:54 Mais vous critiquez ça. Est-ce qu'il y a quand même du positif à en tirer ? Est-ce que vous considérez quand même aux lycéens qui peuvent avoir la chance de le faire, de le faire quand même ?
01:01 Moi, à un moment, j'ai eu la chance de travailler au CAIDORC et au ministère des Affaires étrangères quand j'étais très jeune. J'avais 22 ans, 22-23 ans.
01:08 Et donc j'étais auprès du conseiller spécial du ministre Laurent Fabius pendant la crise syrienne.
01:13 J'ai aidé à écrire les discours et je m'occupais de la justiciation et la droite de l'homme.
01:17 Et à un moment donné, j'allais assez vite, donc j'avais un peu de temps et,
01:20 truc un peu absurde, j'ai décidé de postuler en parallèle pour être prof dans un lycée à Thiers,
01:26 qui était un lycée qui venait de sortir des conventions ZEP. Et du jour au lendemain, je me retrouve à enseigner
01:32 à cinq classes de seconde et une classe de terminale, donc à peu près 150 élèves,
01:36 six heures par semaine ou huit heures, je sais plus, en SES ou en terminale, en SPÉ.
01:41 Donc des gens qui avaient un coefficient énorme pour le bac sur...
01:45 qui jouaient leur vie, qui étaient déjà des survivants, c'est-à-dire des personnes qui étaient arrivées en terminale
01:49 générale dans un lycée difficile, donc c'est pas du tout la norme, et qui n'avaient pas eu cours depuis deux mois.
01:54 On n'entendait pas une mouche voler, mais parce que...
01:56 enfin on entendait les mouches voler, pardon, plutôt, mais parce qu'ils étaient terrorisés.
02:00 En fait, ils avaient compris qu'ils étaient en train de se faire avoir complètement et donc on a fait de l'associé ensemble
02:05 et on a découvert ensemble, enfin j'aurais fait découvrir qu'ils avaient littéralement
02:09 40 fois moins de possibilités d'intégrer une grande école
02:13 que les lycéens qui étaient à quelques kilomètres d'eux, en l'occurrence ceux du cinquième arrondissement.
02:20 Et ils ne me croyaient pas. C'est-à-dire en fait le mythe
02:24 méritocratique est tellement fort et évidemment la violence
02:27 sous-jacente à cette énoncée est tellement extraordinaire qu'une partie d'entre eux était en résistance et disait "c'est pas possible,
02:33 c'est pas possible, ce que vous nous dites est faux". Et on se retrouvait sur un lycée où il y avait à peu près 70 %
02:40 de réussite au bac, la même année où
02:43 le frère d'un ami à Henri IV était dans une classe où ils ont tous eu la mention très bien sauf une personne
02:48 en terminale ES. Donc il y a un tel écart,
02:51 alors qu'il n'y a pas eu de mention très bien, il y a un tel écart en fait dans les possibilités de réussite et je leur ai demandé
02:56 "est-ce que vous pensez que vous êtes 40 fois moins intelligent
02:58 que ces gamins qui sont nés à quelques kilomètres de chez vous ?
03:01 Est-ce que vous pensez que génétiquement,
03:04 enfin qu'il y a une quelconque explication de l'ordre rationnel qui puisse justifier un tel écart dans la possibilité de
03:10 "réussir" en tout cas selon les standards du système. Donc à partir de cette violence extraordinaire,
03:17 il y a quand même une réflexion de savoir qu'est-ce qui ne va pas, pourquoi est-ce qu'on continue à y croire, qu'est-ce qui fait qu'on continue à y croire
03:23 et pourquoi est-ce qu'on crée de tels déséquilibres au sein de la société et qui font que
03:26 oui on pourrait se dire qu'il y a des lasaciennes, tout le monde est très gentil, très sympa,
03:30 parce qu'en fait il y a une telle cohésion sociale, une telle harmonisation en termes de niveau de vie, c'est d'ailleurs un des critères de sélection principaux,
03:38 qui a assez peu de violence. Quand Gabriel Attal, mon camarade de classe,
03:41 torturait tout le monde, parce qu'on était en cours ensemble entre 11 et 23 ans,
03:45 c'est parce que lui était vraiment au-dessus en fait en termes sociaux et parce qu'on pariait en souffrance pour des raisons familiales et du coup
03:51 il pouvait se permettre de faire n'importe quoi, mais la majorité des gens sinon essayait de se respecter, de se protéger
03:57 et ainsi de suite. Mais ça se fait au détriment
03:59 d'une richesse tout simplement, enfin c'est très prosaïque, il n'y avait pas de personnes de couleur, il n'y avait pas de personnes d'origine sociale modeste,
04:07 qui pourtant
04:09 ont des choses en fait
04:11 émotionnellement, en termes de vécu, à partager, même culturellement, des cultures différentes qui
04:16 nous permettent de comprendre le monde et là on était à l'isolement complet. Donc non, enfin clairement il y a un problème dans ce genre de
04:22 sélection, d'autant plus qu'après vous avez des sur-sélections assez intéressantes, c'est à dire que ceux qui rataient Sciences Po,
04:28 enfin en l'occurrence
04:29 il y avait un certain nombre de filles qui avaient raté Sciences Po, qui étaient du coup allées à SASS parce que c'est moins bien d'aller à
04:34 SASS que à Sciences Po dans la hiérarchie de ces mondes là. Je les retrouvais deux ans plus tard en train de dater des garçons de Sciences Po
04:40 qui venaient de province, vous voyez, pour équilibrer les capitaux et finir par
04:43 stabiliser leur position dans l'échelle sociale et donc en fait il y a très peu de possibilités de s'extraire de
04:49 ce déterminisme et d'avoir
04:52 encore une fois derrière un vécu qui soit un peu riche, qui soit un peu
04:55 confrontationnel au réel et qui vous permette de créer et pas simplement de reproduire et
04:59 de vous effondrer dans une forme de médiocrité, ce qui est je pense pour moi aujourd'hui
05:04 l'une des grandes difficultés de la société française, en tout cas de ces supposées élites.
05:08 Pourtant la Sorbonne essaye justement d'avoir un système un peu plus mécanique.
05:11 Mais tous ont essayé, c'est intéressant.
05:13 Moi j'avais commencé quelques semaines à la Sorbonne, après j'avais le crayon donc j'ai arrêté.
05:17 Effectivement, la Sorbonne, l'école coûte pas si cher que ça l'année, tout le monde peut réussir à...
05:22 Justement c'est fait exprès, il y a beaucoup de bourses qui sont données aux élèves.
05:25 Mais c'est fascinant.
05:26 Il y en a qui arrivent aussi effectivement.
05:27 C'est fascinant de voir qu'en fait, même avec une université gratuite, même avec en effet tous ces systèmes
05:32 Sciences Po, moi j'ai travaillé avec Descoins, donc je connais bien les systèmes des conventions CEP
05:36 qui permettaient d'essayer d'amener des gens qui venaient de quartiers difficiles à Sciences Po
05:40 malgré justement tout ce dont on parle.
05:42 On essaye de corriger par la marge un système qui est structurellement fait pour reproduire socialement.
05:49 Et quelque part, moi j'aimerais bien qu'on sorte de l'hypocrisie et d'avoir un débat sincère sur ces questions.
05:55 Au lieu de dire "oui oui, on a créé plein de mécanismes pour aider les gens etc."
05:58 A dire "non bon, ok".
05:59 Il y a clairement une pensée de droite dans ce pays, assumée, qui consiste à dire qu'une société a besoin de stabilité,
06:04 qu'appartenir aux classes bourgeoises, ça vous donne une série de valeurs et compagnie qui en fait ne s'acquièrent pas si facilement que ça.
06:11 Et donc il faut s'assurer qu'il y a une forme de stabilité de reproduction sociale.
06:14 Et qu'à partir de là, on rentre en discussion à partir de ce prédicat, de ce présupposé.
06:19 Et qu'on soit d'accord ou pas d'accord, mais qu'on ne prétende pas que le système français,
06:23 qui est quand même un des plus élitistes de la planète, pourrait être corrigé par des dispositifs à la marge.
06:28 Ce n'est pas vrai.
06:29 Et en fait, en créant cette illusion, ce qu'on fait c'est d'abord qu'on suscite beaucoup de violence sociale.
06:34 C'est-à-dire qu'on fait violence à des gens parce qu'ils tentent, parce qu'ils y croient, parce qu'ils n'ont pas en tête ces statistiques dont je vous parlais.
06:42 Ils vont ensuite penser que ça cause d'eux, que c'est eux en tant qu'individus qui sont inférieurs aux autres.
06:46 Donc ça crée de l'autre côté à l'inverse.
06:48 Et ça, c'est dramatique. Et je suis sûr que vous avez été confronté à beaucoup d'infatuation chez des jeunes gens des beaux quartiers,
06:54 qui sont convaincus d'être la crème de l'univers.
06:57 Alors qu'en fait, si vous regardez statistiquement, c'était assez évident pour eux d'arriver là où ils sont.
07:01 Et que la seule concurrence qu'ils aient confronté, c'est finalement au sein de leur classe sociale.
07:07 En effet, au sein de leur classe sociale, ils ont été plus travailleurs à un moment de leur vie,
07:11 où peut-être qu'ils avaient plus de stabilité que d'autres, des conditions familiales et autres.
07:15 Peut-être aussi des qualités, de la curiosité que d'autres n'avaient pas pu développer.
07:19 Et ça leur a permis de "battre" dans cette concurrence pour entrer à HEC, pour entrer à Sciences Po, pour entrer dans les grandes écoles.
07:25 Les quelques centaines, parce que ce n'est pas beaucoup plus finalement, de personnes avec lesquelles ils étaient en compétition.
07:31 Mais même si vous étendez à quelques milliers, c'est le cas pour les ECE, les écoles de commerce,
07:37 vous comparez ça aux 300, 400 000 personnes qui composent une génération, vous vous rendez compte que c'est même un appauvrissement pour le pays.
07:43 C'est dommage qu'on ne donne pas la possibilité à tous les Français à un moment donné de se mettre en position de réussir ces concours,
07:52 parce que potentiellement il y aurait une diversité, une richesse et une exigence beaucoup plus importante qui s'imposeraient à tous.
07:57 Plus vous restreignez le bloc de personnes qui vont être en concurrence les unes avec les autres, moins la concurrence va être importante.
08:08 Et plus vous allez réduire vos chances d'obtenir des génies ou même juste d'augmenter le niveau moyen.
08:15 Contrairement à ce qu'on pense, je pense que le problème de l'affaissement du niveau moyen, d'où parle beaucoup d'ailleurs la droite,
08:20 est beaucoup plus lié à une problématique par le haut que par un effondrement civilisationnel qui nous toucherait,
08:27 que ce soit à cause de l'immigration ou à cause des réseaux sociaux ou quoi que ce soit d'autre.

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