• il y a 8 mois
Jacques Tassin, agronome et écologue au CIRAD de Montpellier, vient de publier un nouveau livre intitulé "Agricul Terre" aux éditions Odile Jacob.
Un ouvrage dans lequel il affirme que l'agriculture doit totalement se réinventer, et abandonner des logiques extractives et prédatrices.

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Transcription
00:00 Un agronome et écologue au CIRAD de Montpellier, notre invité ce matin, il a sorti "AgriculteR"
00:05 aux éditions Odile Jacob.
00:07 Et c'est vrai que ça me fait rigoler depuis quelques jours parce que de moi je vois écrit
00:10 "Agricule et Terre en dessous" et c'est vrai que du coup je me suis dit "mais tiens c'est
00:15 quand même bizarre comme titre".
00:16 Bonjour Jacques Tassin.
00:17 Bonjour.
00:18 Mais Guillaume m'a expliqué tout de suite que c'était très sérieux.
00:21 C'était pas votre objectif de faire rigoler Vivian Cugli?
00:23 Non, a priori non, je ne m'y attendais pas.
00:25 Pourquoi ce titre alors "AgriculteR"?
00:27 Parce que je pense que l'agriculture a perdu un petit peu sa proximité originale avec
00:35 la terre, elle s'est un peu déterrestrée.
00:39 Et puis bon, pourquoi ne pas parler de l'agriculture de manière plus large en évoquant effectivement
00:47 les incidences de l'agriculture sur la terre, donc sur l'environnement.
00:50 Alors il est tout chaud, c'est aux éditions Odile Jacob d'abord on le dit, il est tout
00:53 chaud puisqu'il est sorti hier, sorti officiel le 3 avril, donc on est le 4.
00:59 Vous êtes un auteur, je rappelle quand même, je rappelle qui vous êtes quand même Jacques
01:03 Tassin, vous êtes agronome et écologue au CIRAD de Montpellier.
01:07 Ça veut dire quoi écologue exactement?
01:09 L'écologie c'est la science qui traite des interactions au sein du vivant et des
01:13 rapports entre le vivant et les autres.
01:15 Vous êtes écologue et pas écologiste alors?
01:18 Je suis un peu les deux mais je suis d'abord écologue.
01:21 J'ai la chance d'être écologue ce qui me permet aussi d'avoir un peu de recul parfois
01:25 sur des discours écologistes qui comme tous les discours peuvent être teintés d'idéologie,
01:31 ça arrive.
01:32 Oui alors vous êtes un scientifique, donc un fort en maths mais aussi un fort en thème
01:35 parce que vous êtes un auteur prolifique.
01:37 L'année dernière vous aviez sorti cet autre livre, toujours chez Odile Jacob, intitulé
01:41 "Écoute les voix du monde".
01:42 Vous ne vous faites pas rigoler comme petite scoula Vivian "Écoute les voix du monde"?
01:46 Non pas spécialement.
01:47 En tout cas effectivement l'écriture pour vous est un moyen de faire passer un message
01:53 important.
01:54 Oui parce que j'essaie de me mettre au service du grand public et c'est vrai que les scientifiques
02:00 sont plutôt enfermés dans un jargon qui sert un peu de passerelle au sein de la communauté
02:06 scientifique mais qui est inaccessible finalement auprès du grand public.
02:10 Moi j'ai plaisir effectivement en quelque sorte de jouer un rôle de passeur, j'aime
02:14 bien ça.
02:15 L'agriculteur, donc pour revenir à votre dernier ouvrage, en sous-titre il y a "Refonder
02:20 l'agriculture au service de tous".
02:22 Et alors on l'a bien vu à travers la crise agricole qu'on vient de traverser en ce début
02:26 d'année 2024.
02:27 L'agriculture est en crise, plusieurs modèles s'affrontent, vous vous avez clairement
02:32 choisi le vôtre.
02:33 Nous avons entendu parler, nous tous, ces dernières semaines d'un modèle dominant
02:39 qui est celui de l'agro-industrie qui n'est pas viable, ça on le sait puisque on sait
02:45 que dans 10 ans la moitié des agriculteurs seront à la retraite.
02:49 On sait que les surfaces des exploitations augmentent de 25% tous les 10 ans également.
02:54 Donc ça, ça ne peut pas durer indéfiniment et tôt ou tard finalement on va voir les
03:00 fermes remplacées par des firmes.
03:02 Ce n'est pas tout à fait ce qu'on souhaite, un pays sans paysans, je pense que ce n'est
03:07 pas très bon.
03:08 Et je pense que le mouvement social qui existe et qui dépasse un peu l'agriculture fait
03:14 ce constat aussi d'une ruralité qui est complètement sinistrée.
03:18 On en parle de multiples façons, il n'y a plus de médecins, il n'y a plus de postes,
03:21 il n'y a plus d'hôpitaux, ce n'est pas très bon pour la santé, au sens très général
03:28 du terme, d'un pays.
03:29 - Oui, mais les agriculteurs quand on les écoutait, en tout cas pour une partie d'entre
03:32 eux, durant la crise qu'on vient de vivre, beaucoup disaient la même chose.
03:35 Nous ce qu'on voudrait c'est d'abord qu'on nous foute un peu la paix avec toutes ces
03:39 normes, y compris environnementales, le problème il est aussi là.
03:43 On voudrait pouvoir vivre de notre travail, eux ils ne demandent pas mieux que de travailler.
03:47 Mais vous dites, ce sont aussi des victimes les agriculteurs, des victimes d'un système.
03:52 - Ce sont d'abord des victimes, tout à fait, d'un modèle autobloquant dans lequel eux-mêmes
03:57 sont enfermés parce qu'on les invite à s'endetter, on les invite à se déposséder
04:02 de leur propre pouvoir de décision.
04:04 La plupart du temps ce ne sont même pas eux qui assurent l'ensemble des traitements, ils
04:10 sont obligés de se traiter, ce ne sont même pas eux qui vont décider de la vente de leurs
04:14 propres produits, ce ne sont pas eux qui décident.
04:18 Donc ce sont effectivement d'abord des victimes.
04:20 - Avant de vous poser la question, comment faire ? Dans la quatrième couverture de ce
04:28 livre, vous parlez, je ne sais pas si c'est vous ou si c'est votre éditeur Jacques Tassin,
04:32 vous parlez d'une agriculture qui utilise des logiques extractives, bon ça oui, on
04:38 retire de la terre tout ce qu'on peut lui en retirer, trop d'ailleurs sans doute, et
04:42 prédatrice, le mot est fort quand même.
04:44 - Oui, parce qu'on n'est pas tout à fait dans la production, une plante sait produire,
04:50 elle s'est répartie via la photosynthèse de l'énergie solaire pour produire du nouveau.
04:55 Et l'agriculture d'aujourd'hui ne fait plus ça en fait.
04:58 Tous les "progrès" agricoles sont liés au recours aux énergies pétrolifères, ça
05:06 remonte au début du XXème siècle, mais alors avec des rendements qui sont dérisoires
05:11 puisque pour avoir une calorie alimentaire, il faut utiliser en moyenne une dizaine de
05:15 calories d'origine pétrolière.
05:18 Et donc on a perdu, et ça c'est de l'extractivisme, ce n'est plus de la production, c'est de
05:24 la substitution finalement.
05:26 Et on ne sait plus, enfin on sait plus si, on sait très bien comment faire, mais en
05:30 tout cas le modèle agricole dominant ne sait plus comment faire.
05:33 Et la solution, le comment faire, c'est l'agroécologie.
05:36 - Alors oui, vous parlez d'agroécologie, est-ce que d'abord ça nourrira tout le monde ?
05:42 Est-ce que ça permettra à tous les agriculteurs de pouvoir poursuivre leur activité ? Parce
05:45 que beaucoup disent que non, l'agroécologie c'est un doux rêve.
05:49 - Parce que le terme fait penser qu'effectivement c'est une affaire d'écologie, on en parlait
05:56 en tout début de cette interview.
05:58 Mais pas du tout, c'est une science qui est très élaborée, c'est une pratique qui est
06:06 mise en oeuvre dans la majorité du monde et qui fait vivre durablement, qui est très
06:14 productive, qui emploie beaucoup de main d'oeuvre, alors qu'on a besoin aujourd'hui de valoriser
06:20 la main d'oeuvre, qui produit une nourriture de qualité et de manière durable avec des
06:26 propriétés de résilience, de durabilité, de préservation du sol.
06:31 Toutes les vertus, si on peut dire ça comme ça, sont là pour avoir un modèle, un autre
06:38 modèle alternatif qui lui est viable et qui nous permet de vivre.
06:41 - Viable pour tout le monde ?
06:42 - Viable pour tout le monde, mais vraiment, c'est pas du tout l'ubi, c'est une réalité.
06:46 Je veux dire, il y a dans le monde des centaines et des centaines de scientifiques, de chercheurs
06:51 qui se sont penchés sur ce modèle alternatif qui marche.
06:55 - Et pour terminer, Jacques Tassin, je voudrais citer, vous reprenez les propos d'un Montpellierain
07:01 illustre et célèbre, Edgar Morin, dans votre introduction, il dit, Edgar Morin, "le problème
07:05 de maîtriser la planète n'a aucun sens, la Terre ne nous appartient pas, c'est nous qui
07:08 lui appartenons, nous sommes apparemment devenus des souverains, nous sommes en réalité réciproquement
07:13 souverains l'un de l'autre".
07:14 Voilà ce que dit Edgar Morin.
07:15 - C'est ça, voilà, il dit que toute la problématique est de pouvoir copiloter l'anthroposphère
07:22 et la biosphère.
07:23 - C'est pas insurmontable ?
07:24 - Mais non, mais non.
07:25 - Agricultaire, le dernier livre ! On aurait pu continuer pendant très longtemps, mais
07:31 on est obligé de s'arrêter là.
07:32 Alors je vous conseille évidemment la lecture de Agricultaire, Jacques Tassin aux éditions
07:35 d'Ile Jacob.
07:36 Merci d'être venu ce matin dans notre studio et sur notre antenne.
07:39 - Vous pouvez réécouter l'interview, vous allez sur le site internet francebleu.fr,
07:43 tout est dispo.
07:44 Dans un instant, on va prendre le chemin du Larzac, enfin la route, enfin l'autoroute,
07:49 la 75, ça a bien changé en quelques années le secteur.
07:52 La petite histoire du jour, c'est dans deux minutes.
07:55 Paul Dine du Fourne rejoint dans le studio de France Bleu Héro.

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