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00:00 - Marguerite Caton, je vous salue ! - Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:03 Aujourd'hui, c'est une journée internationale de sensibilisation à l'autisme.
00:08 Oui, et pour explorer ces troubles encore mal connus, nous recevons exceptionnellement deux invités ce matin.
00:14 - Steph Bonobrié, bonjour ! - Bonjour !
00:17 Vous êtes vous-même une personne autiste, vous militez dans différentes associations,
00:20 notamment au sein de Paris, Personnes autistes pour une autodétermination responsable et innovante.
00:27 A vos côtés, Thomas Bourgeron, bonjour ! - Bonjour !
00:30 Neurogénéticien, vous êtes chercheur à l'Institut Pasteur, professeur à l'Université Paris Cité.
00:34 Vous avez publié en 2023 chez Odile Jacob "Des gènes, des synapses, des autismes".
00:40 Merci à tous les deux d'être venus ce matin.
00:42 Alors, il n'y a pas un autisme, mais des autismes ou des troubles du spectre de l'autisme.
00:47 Qu'est-ce qui les rassemble, Thomas Bourgeron ? Quel est leur point commun d'un point de vue physiologique ?
00:52 Alors, déjà d'un point de vue clinique, on peut dire que c'est surtout des difficultés dans les interactions sociales,
00:58 dans la communication sociale et aussi la présence d'intérêts restreints, répétitifs et des stéréotypies.
01:04 Donc ça, c'est ce qui rassemble un peu.
01:06 Après, c'est vraiment autisme avec un S parce que c'est très, très différent d'une personne à l'autre,
01:11 avec des intensités de difficultés différentes d'une personne à l'autre.
01:17 Et puis, on dit c'est autisme plus parce que c'est rare que l'autisme arrive isolé.
01:22 Il y a souvent ce qu'on appelle des co-occurrences, d'ailleurs de la déficience intellectuelle dans 30% des cas,
01:29 des problèmes sensorimoteurs avec des hyperacousies, des problèmes gastrointestinaux, des problèmes de sommeil.
01:37 Et c'est souvent ces problèmes qui sont aussi des problèmes majeurs pour les personnes et pour les familles.
01:42 Mais le trouble premier, le trouble principal, c'est dans le développement du cerveau.
01:50 C'est les synapses, je crois, qui sont pas clairement touchées.
01:52 Ce qu'on a identifié il y a 20 ans maintenant, c'est qu'il y a une très forte contribution génétique
01:58 et les gènes codent pour des protéines qui vont faire des contacts entre les neurones, ces fameuses synapses.
02:03 Et donc, ces synapses sont probablement impliquées dans des circuits neuronaux
02:10 qui vont être impliqués dans la reconnaissance des émotions, dans les aspects de filtrage de l'information.
02:16 D'un point de vue clinique, Steph Bonobrié, Thomas Bourgeron a dit qu'il y avait des caractéristiques qu'on retrouvait,
02:23 des difficultés de communication sociale, un isolement important, ce qu'on appelle des stéréotypies.
02:29 De quoi s'agit-il ?
02:31 La stéréotypie, au sens strict du terme, c'est des mouvements répétitifs, notamment sur le plan moteur.
02:37 Après, c'est vrai qu'il faut aussi la distinguer. Il y a un corps commun, on va dire, dans l'autisme.
02:43 Et puis, il y a une expression de l'autisme qui varie grandement d'une personne à l'autre,
02:47 et notamment dans ces stéréotypies qu'on peut aussi parfois appeler autostimulations.
02:51 Il va y avoir des personnes autistes qui peuvent être très envahies sur le plan des stéréotypies.
02:56 Et puis, il va y avoir aussi des personnes qui expriment que parfois ces autostimulations peuvent aussi les réguler,
03:03 voire les aider, notamment à se concentrer.
03:07 Donc, il faut vraiment, en tout cas aujourd'hui, avoir une approche au niveau de ces mouvements répétitifs
03:12 qui soit très objectivée, très bien analysée, pour savoir si, effectivement, c'est une façon pour les personnes autistes
03:19 de trouver une sorte d'équilibre dans leur environnement.
03:24 Ou au contraire, parce qu'il faut panier les deux aspects,
03:27 elles peuvent être envahissantes et contribuer à une forme d'isolement ou une manifestation aussi parfois d'anxiété.
03:34 Ça peut également arriver.
03:36 Et comme ça va aussi dans ce corpus-là avec des intérêts particuliers,
03:41 on s'est aussi rendu compte que ces intérêts, dits même restreints, peuvent parfois aussi être une force,
03:47 notamment dans certains métiers.
03:49 Donc aujourd'hui, ce qu'on essaye de voir, c'est qu'alors que ça a longtemps été vu comme uniquement finalement un aspect déficitaire,
03:56 tous ces aspects d'auto-stimulation, d'intérêts restreints,
03:59 aujourd'hui on essaye aussi d'être un peu plus objectif et de voir si, parfois, ça peut être aussi des leviers
04:06 dans certains domaines ou certains aspects de la vie des personnes.
04:11 Et à ces principaux traits s'ajoutent souvent des hypersensibilités sensorielles.
04:16 Et ça, c'est un acquis de la recherche participative.
04:19 Est-ce que vous voulez bien nous en dire un mot, Steph Bonobriel ?
04:22 La recherche participative, elle contribue notamment à mettre les personnes directement concernées.
04:27 Alors ça pète aussi parfois les familles, quand on parle de recherche participative,
04:31 on n'exclut pas non plus les parents, mais c'est vrai que ça a été quand même ces dernières années,
04:37 le fait aussi de redonner vraiment la voix aux personnes.
04:40 Et donc là, le fait de faire rencontrer les chercheurs et des personnes directement concernées,
04:46 ça a pu permettre aux personnes de s'exprimer sur la vie réelle, en fait,
04:51 sur les choses qu'elles pouvaient, elles, rencontrer au quotidien.
04:54 Et c'est vrai que tous ces aspects quand même sensorimoteurs ont été apportés par les personnes elles-mêmes
04:59 parce qu'elles pouvaient vivre au quotidien.
05:01 Et ça a permis effectivement à la recherche de plus s'axer sur ce domaine-là.
05:06 Et là encore, il y a des aspects au niveau sensorimoteur qui peuvent être parfois très envahissants
05:12 et très invalidants pour les personnes et au contraire d'autres qui vont être des sources de plaisir.
05:19 Et là encore, des choses qui vont les pénaliser dans leur quotidien ou leur apporter des forces.
05:25 - Aujourd'hui, qu'est-ce qu'on sait des causes de l'autisme, Thomas Bourgeron ?
05:28 Vous avez commencé à nous en parler, on a découvert des facteurs génétiques vers 2003 environ.
05:32 Où en est-on à l'heure actuelle et quelle part laisser aux facteurs développementaux ?
05:36 - Alors en fait, vraiment la recherche sur l'autisme, vous l'avez vu,
05:40 c'est de plus en plus une recherche participative et en plus une recherche multi-échelle.
05:45 C'est-à-dire qu'on regarde la génétique mais on regarde aussi le développement du cerveau par l'imagerie cérébrale.
05:50 On regarde les aspects sensoriels, c'est quelque chose qu'on n'avait pas du tout vu avant.
05:55 Donc en fait, on connaît de mieux en mieux la partie génétique parce que c'est à peu près 87% des rétabilités.
06:01 Donc on ne se rend pas compte mais partout dans le monde, les gens travaillent sur ces facteurs génétiques.
06:07 Et ces facteurs génétiques ne veulent pas dire que c'est une fatalité.
06:11 C'est-à-dire que vous avez à peu près entre 3 milliards de lettres dans votre génome
06:16 et à peu près 3 millions de variations entre vous et moi.
06:19 Et ces variations peuvent être très très faibles avec des effets très faibles ou des effets très forts.
06:24 Et donc c'est pareil, il y a une architecture génétique très très différente d'une personne à l'autre.
06:28 Quelquefois c'est une seule mutation, une seule variation sur les 3 milliards de lettres qui vont faire que vous ne parlez pas.
06:34 Et puis des fois c'est des milliers de variations qui vont faire que vous avez des difficultés.
06:39 Donc toute cette architecture est regardée par les généticiens mais pas que par les généticiens,
06:45 par les gens qui font de l'imagerie.
06:47 Et maintenant, on avait un peu oublié les personnes autistes.
06:50 Et donc maintenant les personnes autistes et leurs familles sont là pour nous dire un peu les priorités.
06:55 L'objectif de ces recherches c'est évidemment d'améliorer la prise en charge de ces troubles.
06:59 Quels sont les différents soins et traitements, Steph Bonobrié, très rapidement ?
07:03 Alors je crois qu'il faut être très large.
07:05 C'est vrai qu'en France on a encore une vision et une approche très médicale.
07:09 Finalement on parle encore beaucoup de maladies.
07:11 L'autisme c'est d'abord un handicap.
07:14 Donc soins, traitements, je crois qu'il faut élargir aujourd'hui cette vision-là.
07:20 Et c'est une demande aussi des personnes autistes, des parents aussi.
07:24 Ça ne veut pas dire qu'il faut complètement éliminer ce qui relève du soin.
07:28 Les personnes autistes peuvent avoir besoin, comme tout à chacun, de soins et de traitements.
07:33 Il ne faut pas oublier que c'est un spectre extrêmement large.
07:35 Par contre, il ne faut pas omettre non plus, et c'est mis en avant,
07:38 notamment dans les recommandations de l'Auto-autorité de santé,
07:41 tout ce qu'on va appeler l'accompagnement, et l'accompagnement aussi éducatif,
07:46 les approches développementales.
07:48 Donc ça c'est quand même ce qui doit priver aujourd'hui dans l'accompagnement des personnes autistes.
07:52 Après, comme l'a dit Thomas, il y a beaucoup de co-occurrences.
07:55 Quand on a une épilepsie associée, quand on a une dépression chez les adultes,
07:59 il faudra évidemment des traitements.
08:02 Merci beaucoup à tous les deux, Steph Bonobri et Thomas Bourgeron.
08:05 Merci.