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François Mitterrand : esquisse d'une ébauche (1976)
« Ma drogue est le silence. Comme il se doit, je l’aime et je le crains. » 25 ans après sa mort, ce documentaire dévoile le quotidien du 4ème président de la 5ème République, à la recherche d'un peu de distance... Portrait de l’homme par lui-même, et par ses proches : Jacques Attali, Danièle Mitterrand, Charles Hernu.
1 h 8 min
1976

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Transcription
00:00:00 Le président Mitterrand devait venir depuis longtemps boire une petite coupe de champagne
00:00:17 et puis il a décidé, il a été pris par beaucoup d'occupation et il s'est bien
00:00:23 bien fait. Alors la coupe de champagne s'en forme en déjeuner. Voilà.
00:00:42 Bonjour Monsieur le Président.
00:00:53 Bonjour Monsieur le Président.
00:01:11 C'est un nouvel aggloméré ça. Regarde ça comme c'est léger.
00:01:15 C'est le béton cellulaire.
00:01:17 Il y a du plâtre.
00:01:19 Avec de l'olive. Un mélange de poudre d'aluminium.
00:01:23 Par ici c'était où ?
00:01:25 La direction du grand endroit.
00:01:29 C'est vrai que c'est pas très bien.
00:01:31 C'est bien.
00:01:33 Monsieur, excusez-moi, j'avais une amitié.
00:01:37 Je suis très heureuse qu'on nous rend le téléphone.
00:01:39 Oui, ça maintenant ça vient puisqu'on a fait le...
00:01:41 On a mis un nouveau central maintenant.
00:01:43 Oui tout est fait. Il n'y a plus que le feu vert paraît-il.
00:01:45 Vous avez mis des oeillets de poète là ?
00:01:47 Ah non, mais ce sont des oeillets de rocaille.
00:01:49 C'est spécial.
00:01:51 Ils sont bons aussi ?
00:01:53 Oh oui, venez.
00:01:55 C'est très bien.
00:01:57 Il y a des oeillets, il y a des petites pensées, il y a de la corbeille d'argent.
00:02:05 Il y a un peu de tout.
00:02:07 C'est bien.
00:02:09 De quelle équipe vous êtes ?
00:02:11 Je vais vous saluer Madame.
00:02:13 Debrouillez-vous avec eux.
00:02:15 C'est un peu comme notre genre de télévision.
00:02:17 Ah, où est-il alors ?
00:02:19 Où est-il votre genre ?
00:02:21 Il est indépendant, il fait toutes les chaînes.
00:02:23 Il est ingénieur du son.
00:02:25 C'est bien d'être à la fois la télévision et indépendant.
00:02:27 Dois-je me taire si vous m'interrogez ?
00:02:43 Je ne le ferai pas tout à fait.
00:02:45 Nous allons procéder à des demi-confidences.
00:02:49 [Musique]
00:03:15 Je suis un peu comme les autres.
00:03:19 J'ai un peu de tout.
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00:17:37 Je suis un peu comme les autres.
00:17:39 Je suis un peu comme les autres.
00:17:41 Je suis un peu comme les autres.
00:17:43 Vous savez, il n'y a pas de poésie plus grande que l'exactitude des termes.
00:17:49 On ne peut donc parler que de ce qu'on connaît,
00:17:51 et de ce qu'on connaît presque dans la terminologie la plus précise.
00:17:57 À ce moment-là, la poésie commence.
00:17:59 Tout le reste, c'est du bavardage ou c'est de l'excitation mentale.
00:18:03 Si la question est très importante,
00:18:09 si elle est engageante pour le parti, pour la gauche,
00:18:13 pour le pays, pour la nation,
00:18:15 il peut, me semble-t-il, entre le moment où il a écouté
00:18:21 et où il va prendre sa décision,
00:18:24 il prend du champ, il prend du recul.
00:18:27 Il est parti deux jours à Lach, dans les Landes,
00:18:32 où il est parti dans la maison de sa belle famille,
00:18:37 avec l'Uni, et il revient à Paris avec une décision.
00:18:42 Voici trente ans que je suis, à ma manière, un pèlerin de Vézelay.
00:18:48 Ce que j'y cherche n'est pas précisément de l'ordre de la prière,
00:18:52 bien que tout soit offrande dans l'accord du monde et des hommes.
00:18:57 Je pourrais tracer de mémoire un cercle,
00:19:01 réunissant tous les points d'où, du plus loin possible,
00:19:04 on aperçoit la Madeleine.
00:19:07 Longtemps avant qu'un panneau l'indiquât,
00:19:09 entre Woutenay et Cermisel,
00:19:13 je ralentissais juste à l'endroit de la National 6,
00:19:16 qui découvre la basilique par un angle de vue aussitôt refermé.
00:19:21 À Maison Dieu, j'ai suivi le sentier de bois
00:19:24 qui la montre soudain église de village,
00:19:27 tout au haut de sa rue.
00:19:29 Vézelay, Vézelay, Vézelay, Vézelay.
00:19:34 Connaissez-vous plus bel alexandrin de la langue française ?
00:19:38 J'en ai mieux aimé Aragon.
00:19:41 Aujourd'hui, je suis revenu d'instinct.
00:19:48 La décision qui m'attendait me paraissait plus facile, presque aisée,
00:19:52 dictée par ce pays sublime,
00:19:54 tandis que sous les tilleuls de la terrasse,
00:19:57 je contemplais la fin du jour.
00:20:00 Le jour du débat qu'il avait contre M. Giscard d'Estaing
00:20:08 dans la campagne présidentielle.
00:20:10 Je me préparais à revenir le voir
00:20:14 à sortir du petit-déjeuner avec les dossiers
00:20:17 qui nous avaient suivis la veille au soir.
00:20:19 Et visiblement, son intention était autre.
00:20:21 Nous sommes partis à 10h du matin dans le jardin
00:20:24 où il y avait la maison où nous étions.
00:20:27 Il m'a parlé sur un ton un peu agressif à mon égard,
00:20:31 en me disant "Vous êtes un Parisien, vous ne connaissez rien à la nature,
00:20:35 cet arbre, vous ne sauriez pas me dire d'où il vient
00:20:38 et pourquoi aujourd'hui il est en fleurs,
00:20:41 pourquoi on passait devant un champ de poireaux".
00:20:44 Il s'est beaucoup moqué de moi au fait que j'étais absolument incapable
00:20:47 de savoir que c'était des poireaux, je le sais,
00:20:49 parce qu'il me l'a dit ce jour-là.
00:20:51 En continuant sur le fait que je ne bois jamais de vin
00:20:55 ou des détails de ce genre,
00:20:57 insistant beaucoup sur la distance qui le sépare
00:21:00 avec ce parisianisme dont il accuse les technocrates.
00:21:05 Il faut qu'il ait des techniciens et des économistes autour de lui
00:21:09 qui lui donnent la réalité des choses techniques et des cohérences.
00:21:12 Mais son monde, c'est la nature, c'est la réalité, c'est la terre.
00:21:17 Tous les chentosins sont nés ici, si je puis dire naturellement.
00:21:25 Vous les reconnaissez à leurs petites feuilles.
00:21:28 Vous avez eu de la conversation avec le gars dans ce bistrot.
00:21:33 Ah oui, ça c'était des gens qui n'étaient pas du pays.
00:21:37 Tous ces gens-là c'était des gens qui faisaient des...
00:21:40 Il faut bien se rendre compte que cette petite conversation
00:21:43 était complètement viciée par le fait qu'il savait que vous les photographiez.
00:21:46 Oui, ça a des natures complètement...
00:21:48 Alors vous aviez là des jeunes gens de Paris
00:21:52 ou de la banlieue des grandes villes
00:21:56 qui voulaient paraître auprès des paysans de l'endroit
00:22:00 comme un chormé, bâtant, malin, sachant...
00:22:05 Alors ils avaient un avis sur tout et ils guettaient à tout moment vos caméras.
00:22:09 Alors c'est pas très authentique.
00:22:11 Je crois que ça, ce n'est pas la peine.
00:22:14 Vous avez déjà eu la technique de la télévision.
00:22:19 Vous la dominez complètement maintenant.
00:22:22 Vous n'avez plus de problème avec la télévision.
00:22:24 Mais là aussi il y a des genres différents.
00:22:27 Un dialogue avec des journalistes ou avec un autre homme politique,
00:22:30 ce n'est pas difficile. On est porté par son sujet,
00:22:33 on est supporté par l'autre ou par les autres.
00:22:36 On finit par oublier la machine qui vous écoute et qui vous piège.
00:22:40 Et finalement on reste soi-même,
00:22:44 comme on est dans un dialogue qui ne serait pas l'objet de la photographie ou d'un film.
00:22:50 Mais l'homme politique qui se présente à la présidence de la République
00:22:55 ou qui représente son parti dans de grandes élections,
00:22:57 les élections législatives par exemple,
00:22:59 il se trouve parfois en raison des règlements,
00:23:01 des règlements qui sont imposés par le gouvernement.
00:23:05 Il se trouve parfois obligé de monologuer.
00:23:08 Vous êtes là devant la télévision et il faut parler à 10, 12, 15, 18 millions de gens.
00:23:16 Et vous êtes tout seul.
00:23:19 Vous voulez parler de choses précises.
00:23:22 Vous disposez d'un temps limité.
00:23:24 Alors on aurait pu lire un papier, mais lire un papier à la télévision,
00:23:27 on perd aussitôt la communication avec le téléspectateur.
00:23:30 Le secret, tout le monde le sait, c'est d'être soi-même.
00:23:36 C'est très difficile d'être soi-même.
00:23:39 À travers le tamis de ces machines, de ces journalistes, de ces personnes,
00:23:46 toute cette mécanique énorme qui fait qu'on est dans un studio,
00:23:50 qu'il y a des gens qui vont, qui viennent, qui passent,
00:23:52 et de telle sorte que tout le monde, l'attention est attirée par ailleurs.
00:23:56 On n'est pas dans des conditions naturelles pour être soi-même.
00:23:59 Alors je crois qu'on arrive à être soi-même que lorsque l'on a atteint
00:24:04 un certain plan de maîtrise intérieure.
00:24:09 Michel, le secours est en route.
00:24:13 Il ne marche plus.
00:24:15 Après un temps qui paraît toujours long,
00:24:17 pendant lequel les techniciens font leurs réglages,
00:24:20 un opérateur annonce à haute voix le compte à rebours.
00:24:24 Dix, neuf, huit, sept, et s'arrête à trois.
00:24:33 Silence.
00:24:35 Une lampe rouge fixée sur la caméra s'allume.
00:24:41 C'est parti.
00:24:43 Je n'apprécie pas beaucoup cette attente du déclic.
00:24:49 Les traits se figent.
00:24:51 Je préfère m'exprimer en moi-même plutôt que d'hésiter
00:24:54 entre des attitudes dont aucune ne sera naturelle au bout de trois secondes.
00:24:58 J'entends déjà le commentaire du lendemain.
00:25:00 Vous aviez l'air trop dur, trop crispé.
00:25:02 Au début, ensuite, c'était arrangé.
00:25:05 Essayez donc.
00:25:07 L'oral de mon premier bac hante parfois encore mes rêves.
00:25:10 Je me vois face à l'examinateur dans cette salle de la faculté
00:25:14 des lettres de Poitiers, aux bonnes odeurs de poussière d'été.
00:25:17 Les mots dansaient dans ma tête et restaient au niveau du larynx.
00:25:20 Et le peu qui en sortait échappait aux normes grammaticales.
00:25:24 Sale affaire.
00:25:26 Cet examen raté, faute d'avoir émis un son clairement articulé.
00:25:30 Je ne cesse pas de le passer.
00:25:33 Aujourd'hui encore, parler en public déclenche en moi une sorte de refus.
00:25:38 En somme, je crois que pour communiquer avec les autres,
00:25:42 il faut retourner en soi-même.
00:25:44 Et pour retourner en soi-même, il ne faut jamais se laisser distraire.
00:25:48 En particulier par ceux qui sont à côté,
00:25:51 de ne pas se laisser distraire par la mécanique.
00:25:53 Je crois que j'y suis parvenu, mais avec de la peine.
00:25:56 Parce que moi j'ai besoin d'un certain contact.
00:25:58 Vous voyez, je vous parle, ça m'effacie.
00:26:00 Si vous n'étiez pas là, que je sois assis sur ce banc de pierres
00:26:03 à parler tout seul.
00:26:05 Oui, mais avec une machine qui reproduit mes paroles
00:26:08 pour des millions de gens,
00:26:10 ça deviendrait dans mon esprit tellement artificiel
00:26:12 que je finirais par m'embrouiller,
00:26:14 même par me trouver stupide de me livrer à ce genre d'exercice.
00:26:17 Dans une carrière politique et dans la vie d'un homme politique,
00:26:19 presque quotidiennement, vous devez, vous êtes tenu
00:26:22 de prendre la parole, de vous exprimer en public.
00:26:25 Est-ce que vous vous considérez comme un tribun ?
00:26:28 Est-ce que vous vous considérez comme un écrivain ?
00:26:31 Est-ce que ce sont des tentations que vous n'avez pas ?
00:26:33 C'est à vous de me le dire.
00:26:34 Ce n'est pas en tout cas à moi d'en juger.
00:26:36 Simplement sur le plan oratoire,
00:26:39 quoi qu'on pense, façon critique,
00:26:43 de mon éloquence.
00:26:46 Je suis l'un de ceux qui ont eu la chance
00:26:48 de s'adresser à tous les publics.
00:26:51 Il y a donc par nécessité, dans mon cas,
00:26:54 une grande diversité de langages.
00:26:56 Très souvent, des journalistes parisiens
00:26:59 jugeront cette éloquence,
00:27:01 j'observe le mot quelquefois, emphatique ou lyrique,
00:27:05 sans doute n'ont-ils aucune expérience
00:27:07 d'un discours qui s'adresse à 20 000, 30 000, 50 000,
00:27:11 100 000 personnes, comme cela m'est arrivé
00:27:14 souvent ou plusieurs fois.
00:27:16 Travailleurs sans droits et sans pouvoirs,
00:27:19 je vous appelle à nous, nous travaillons pour vous.
00:27:22 Et ceux qui vont l'habiter, eux,
00:27:25 ils iront en la troupeau, troupeau, anonyme, anonyme,
00:27:30 fabriqué par la société d'aujourd'hui, dont je dis
00:27:34 qu'elle est la société de l'anonymat.
00:27:37 En vérité, ils adorent les sociétés anonymes.
00:27:41 (Musique)
00:27:44 (...)
00:27:47 (Applaudissements)
00:28:05 (...)
00:28:09 (...)
00:28:12 Alors, je crois que je comprends assez bien,
00:28:27 et j'aime ça.
00:28:29 Je veux dire, j'aime qu'une population
00:28:32 composée de citoyennes et de citoyens
00:28:35 veuille faire passer par l'alambic de la réflexion
00:28:40 tout ce qui passe par là,
00:28:42 et que chaque acte soit décidé par soi-même.
00:28:46 Que chacun et que chacune d'entre vous
00:28:50 soit ce soir un peu plus sûr de soi-même.
00:28:55 (Chant)
00:28:59 (...)
00:29:02 Ce qui avait valu tant de débats, tant de disputes,
00:29:11 tant d'insultes,
00:29:13 c'était nous, ou plutôt nos anciens,
00:29:16 qui avaient eu raison de considérer que cette vieille chose
00:29:20 que d'autres considèrent comme un peu fatiguée
00:29:23 et qui s'appelle la liberté,
00:29:25 c'était un élément intégré tout autant que les autres analysent
00:29:29 dans la définition du socialisme.
00:29:31 Bref, moi je suis obligé d'employer toute la gamme.
00:29:35 Et je ne pense pas que l'on puisse me juger
00:29:38 par un simple aperçu sur un type particulier de discours.
00:29:42 Il faut examiner l'ensemble.
00:29:44 Quand j'écris, oui, je suis très attentif,
00:29:47 il me faut écrire beaucoup
00:29:49 pour arriver à un texte que je juge correct.
00:29:54 Voyez, prenons le barème, par exemple.
00:29:57 Mes articles de l'unité,
00:29:59 cela représente en moyenne 4 à 4,5 pages,
00:30:04 de textes dactylographiés à double interligne,
00:30:08 c'est-à-dire 24-25 lignes par page.
00:30:11 Je ne peux pas écrire un article comme celui-là,
00:30:14 sauf exception à moins de 8 heures.
00:30:16 Quelquefois, il m'en faut davantage.
00:30:20 Je me méfie du premier mouvement, de cette illusion lyrique
00:30:24 qui me plonge à coup sûr dans le pathos, que d'inutilité.
00:30:28 Un bon cognac passe deux fois à l'alambic.
00:30:32 Mon grand-père maternel, qui n'en buvait pas,
00:30:35 était réputé par son nez infaillible
00:30:38 et respirait en toute certitude le coteau et la nez.
00:30:42 Qu'on me lise en faisant la grimace que je lui voyais
00:30:45 tandis qu'il jetait d'un geste rond le fond de verre à distance,
00:30:49 l'idée me glace.
00:30:51 Écrire exige de celui qui le fait une concentration,
00:30:55 une unité, une solitude intérieure,
00:30:59 en même temps qu'il se met dans sa plume,
00:31:02 dans l'encre, sur le papier, dans le papier,
00:31:05 et l'idée doit s'incorporer.
00:31:07 Enfin, bon, j'ai beaucoup de respect pour les vrais écrivains.
00:31:11 On ne peut être véritable écrivain qu'en y consacrant sa vie.
00:31:17 Chaque herbe de ce champ que je traverse
00:31:20 pour monter la roche de ce lutré est fleur.
00:31:23 Mes pas y tracent un chemin d'arc-en-ciel
00:31:26 où dominent le mauve et le bleu.
00:31:29 Ces jours de pentecôte, en avance de peu sur le solstice,
00:31:34 sont bien le sommet de l'année.
00:31:37 Tout à l'heure, dos à plat sous un cerisier,
00:31:43 j'observerai la courbe lente du soleil.
00:31:46 On dirait à la lettre que le temps suspend son vol.
00:31:50 Bel à propos, dans ce pays de la Martine,
00:31:53 Milly est à moins d'une lieu de l'autre côté du col de Cransart.
00:31:57 Je m'y arrêterai ce soir, sur la route de Cluny,
00:32:00 comme je le fais tous les ans à la même saison.
00:32:04 Je reste longtemps à contempler ce spectacle
00:32:08 auquel je me suis abonné il y a 30 ans.
00:32:11 De là, j'aperçois mieux ce qui va, ce qui vient,
00:32:15 et surtout, ce qui ne bouge pas.
00:32:19 - Ah !
00:32:21 Non, on prend ce chemin, tu vois ?
00:32:24 Moi, je me suis dit que j'allais dans la proche.
00:32:27 - Ah oui, non, moi, c'est moi.
00:32:30 - Oui, avec Alex.
00:32:32 (Bruits de pas)
00:32:35 - Là, c'est...
00:32:55 Vous voyez, on voyait mieux, naturellement.
00:32:58 Là-haut, c'est un grand paysage historique.
00:33:01 Vous voyez les premiers faubourgs de Macon.
00:33:04 On devine, on devine, dans les lointains, le Jura.
00:33:08 - Vient à mon esprit l'expression "lumière noire",
00:33:12 non à la façon des chimistes,
00:33:15 mais à celle du gionneau, Denmonde et autres caractères,
00:33:19 peut-être son chef-d'oeuvre.
00:33:21 Il y raconte la Camargue, lorsqu'on descend du Haut-Pays
00:33:24 et que, soudain, elle disparaît comme brûlée, noire de lumière.
00:33:29 - Ça fait...
00:33:31 30 ans...
00:33:33 que j'ai rendez-vous avec ce paysage.
00:33:36 Je l'ai jamais manqué une fois, encore, depuis 1946.
00:33:40 On a connu ça par des jours de beau soleil,
00:33:44 d'autres fois, par une brume épaisse.
00:33:47 C'est l'histoire d'une vie, quoi.
00:33:50 Allons-y, allons déjeuner.
00:33:56 - Est-ce que vous êtes aujourd'hui en mesure de dégager
00:34:00 ce qui, dans votre enfance, a peut-être marqué,
00:34:04 ou commencé à marquer l'enfant d'abord,
00:34:07 puis le jeune homme, puis peut-être l'homme ?
00:34:10 - Je n'ai pas fait le point là-dessus.
00:34:13 Je crois surtout que les conditions familiales,
00:34:16 d'abord, géographiques ensuite,
00:34:19 le type de pays, le type de climat,
00:34:22 de l'Ouest, pas tout à fait l'Ouest,
00:34:25 le nord de l'Aquitaine,
00:34:28 à la jonction des vieux pays d'Ock et d'Oil,
00:34:31 je crois que j'y ai trouvé une formidable réserve d'équilibre,
00:34:36 avec une sorte d'optimisme profond.
00:34:41 Il m'arrive souvent de dire à mes amis
00:34:44 que je suis d'une immense patience,
00:34:47 mais cette patience est faite d'une infinité d'impatience.
00:34:51 Toute vie est faite d'une infinité de déséquilibres.
00:34:55 Mais au total, j'ai reçu en partage,
00:34:58 grâce aux miens et grâce à ce pays que j'ai aimé,
00:35:02 que je continue d'aimer,
00:35:05 une sorte d'équilibre intérieur,
00:35:08 de refus de m'arrêter à l'aspect, aux apparences des choses,
00:35:14 de m'arrêter moi-même sur mes humeurs,
00:35:18 sur mes déceptions,
00:35:21 ou même sur les joies qui ne seraient que de circonstances.
00:35:28 On m'a donné l'envie, et je l'ai gardée,
00:35:31 d'aller toujours un peu plus loin.
00:35:34 J'ai grandi sous le ciel mouillé d'Aquitaine.
00:35:43 Notre maison était posée au bord de la Charente,
00:35:46 sur la rive du droit coutumier.
00:35:49 Ceux qui aiment lire dans les intersignes
00:35:52 jugeront le manque d'à-propos d'un homme politique
00:35:55 qui, ayant la chance de naître au sud de la Loire,
00:35:58 rate de peu la langue doc.
00:36:01 Je vous épargnerai le lot classique des souvenirs.
00:36:04 Les miens s'appellent Tilleul, Ormeau, Noyer,
00:36:08 Maïs, Abeille, Sarcelles, Anguille.
00:36:15 Un mur sous le soleil,
00:36:17 la liberté à portée des jambes et de l'imagination,
00:36:20 l'absence de frontières dans le ciel et sur la terre.
00:36:24 J'ai appris là ce que sont les heures,
00:36:30 la courbe des jours, les saisons.
00:36:33 Le temps et les choses parlaient de Dieu comme d'une évidence.
00:36:37 Les voyages se faisaient en voiture à cheval,
00:36:40 on se rendait à Ribérac pour le marché hebdomadaire,
00:36:43 on se rendait la journée à Obter pour les cours ordinaires
00:36:47 et la matinée suffisait à peine.
00:36:49 Ribérac en Dordogne, Obter en Charente
00:36:52 sont l'une et l'autre riveraine d'une belle et souple rivière,
00:36:55 la Drône.
00:36:57 Observations qui n'ont aucun intérêt pour mon récit,
00:37:00 je les note simplement pour le plaisir d'écrire ces noms.
00:37:04 Finalement, est-ce que vous arrivez à dire
00:37:10 que je suis d'autel endroit comme un paysan peut le dire ?
00:37:13 Oui, je peux le dire.
00:37:15 Voyez-vous, ma famille paternelle était du Béry,
00:37:18 de Bourges exactement et de quelques communes voisines de Bourges.
00:37:22 Mon nom Mitterrand est un nom Bérichon.
00:37:25 Il n'est que Bérichon, on ne trouvera jamais de Mitterrand
00:37:29 autrement que Bérichon.
00:37:31 Et à travers les siècles,
00:37:33 on retrouve la trace de mes ancêtres jusqu'au XIVe siècle,
00:37:37 et pratiquement au même endroit.
00:37:39 Donc je suis bien de ce pays, c'est-à-dire exactement,
00:37:43 exactement, on ne peut pas l'être davantage, du milieu de la France.
00:37:47 Ma mère est saint-ongeuse, était saint-ongeuse.
00:37:52 Cela remontait également assez loin, tout au moins par sa propre mère.
00:37:58 Ce sont donc des gens très stables, dans des provinces finalement assez voisines.
00:38:03 Je ne crois pas qu'à travers les générations,
00:38:07 telles que j'ai pu les retrouver,
00:38:09 je ne pense pas que mes pères,
00:38:13 grands-pères et ainsi de suite de génération en génération,
00:38:17 aient jamais trouvé femme ailleurs
00:38:21 qu'en Béry, Poitou, Limousin et Saint-Onge.
00:38:27 Alors je me sens de ces pays-là.
00:38:30 Là-dessus, je suis devenu député de la Nièvre.
00:38:33 J'ai franchi la loi.
00:38:35 Et plus particulièrement député du Morvan.
00:38:38 Je me suis senti dans ce pays celte,
00:38:41 assez aisément chez moi.
00:38:43 Mais je ne reste pas moins un homme du centre et de l'ouest.
00:38:47 Et ce n'est pas parce que lorsque je me suis marié en Bourgogne,
00:38:53 lorsque j'ai reçu un mandat politique en Hivernet,
00:38:58 ou lorsque la vie m'a conduit à travers le monde,
00:39:02 que je me suis pris d'amour pour Florence ou pour Constantinople.
00:39:06 Ce n'est pas pour autant contraire
00:39:10 au fait que je suis vraiment d'un pays.
00:39:13 Je suis enraciné.
00:39:14 Je me sens paysan.
00:39:16 Je me sens surtout et essentiellement paysan.
00:39:19 Je me sens en communication avec les forces telluriques
00:39:23 de ce qui fut toute l'histoire de la France.
00:39:25 Rien ne m'en écarte, rien ne m'en a écarté.
00:39:28 Et c'est ainsi que je finirai.
00:39:30 Une poire.
00:39:36 C'est le petit, petit poirier.
00:39:38 Je la protège.
00:39:43 Tiendra-t-elle ?
00:39:44 Vous allez voir ça.
00:39:46 C'est un miracle quand on a deux ou trois prunes.
00:39:52 Je crois que cette année, le record sera cinq pommes et un coin.
00:39:56 Ni prunes, ni cerises, ni pêches.
00:39:59 C'est la sécheresse ou les bouvreuils ?
00:40:01 Il y a le gel, il y a les bouvreuils,
00:40:05 il y a le vent salé,
00:40:08 il y a tout.
00:40:12 Tout ce qui fait que je n'ai pas de fruits.
00:40:15 (Il jappe.)
00:40:17 Allons, petit.
00:40:22 (Il jappe.)
00:40:24 Petit puce, veux-tu ?
00:40:48 (Il jappe.)
00:40:50 Lorsque j'étais étudiant, j'aurais aimé être professeur.
00:40:57 Et en particulier professeur de droit, de droit international,
00:41:01 dans la mesure où le droit et l'histoire sont frères et sœurs.
00:41:06 Peut-être aussi étais-je intéressé par le mirage du journalisme,
00:41:12 pouvoir s'exprimer, s'exprimer le mieux possible, connaître l'événement.
00:41:16 Bref, j'étais sur la mauvaise pente.
00:41:18 Et après la guerre, en 1944-1945,
00:41:22 j'ai été mêlé, à travers les combats et la résistance,
00:41:25 à la responsabilité politique.
00:41:27 La mauvaise pente, si je puis dire, s'est confirmée,
00:41:30 et voilà comment, en 1946, je me suis retrouvé député à l'Assemblée nationale.
00:41:34 Sans regret.
00:41:36 Mais n'avoir qu'une vie, c'est dommage.
00:41:39 J'aimerais aussi faire ce que je souhaitais.
00:41:42 En plus, pas en moins.
00:41:44 Il aurait dû être professeur.
00:41:46 Il s'est très bien expliqué, d'ailleurs.
00:41:49 Dans mon article sur le bouquin de Bordel Pêche,
00:42:07 j'ai parlé des portes du paradis, avec les figures gravées en fond,
00:42:12 et les sculptures en haut-relief devant,
00:42:16 pour marquer les perspectives.
00:42:18 C'est ça, la porte du paradis.
00:42:20 Vous allez voir de près.
00:42:22 C'est vraiment des hauts-reliefs, et c'est presque la ronde bosse.
00:42:28 Travailler de bronze comme cela, regardez ça.
00:42:39 Vous voulez prendre une photo devant les affiches, là ?
00:42:42 Non ? Ça ne vous dit rien ?
00:42:44 On n'est pas devant celle-là, là.
00:42:48 Non, mais celle de l'autre côté, alors.
00:42:50 C'est un photo d'armée ?
00:42:54 Oui, ça m'amuse.
00:42:56 Où est-il, là ?
00:42:58 Tout petit, avec le casque.
00:43:00 C'est vrai, les autres, un moyen à l'autre.
00:43:03 Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus, tous.
00:43:06 François, peut-être que vous me direz.
00:43:08 On est tous ensemble dans le commando 1515 à Chalas.
00:43:12 C'est lui qui m'a aidé à m'évader la première fois.
00:43:16 Celui qui a retenu la curiosité des Allemands pendant toute une journée,
00:43:21 pour me laisser le temps de faire quelques kilomètres.
00:43:24 Et vas-y, on en réussit, d'ailleurs.
00:43:27 Après un jour d'escapade, tout de même.
00:43:32 22.
00:43:34 Voilà.
00:43:35 Monsieur fait partie de ce que vous appelez les Amis de base.
00:43:37 On a simplement...
00:43:39 36 ans de plus, quoi.
00:43:44 Hitler maîtrisait l'Europe.
00:43:54 Soldats vaincus, ouvriers anonymes, nous étions reclus au centre de son empire.
00:43:58 Il nous promettait pour mille ans une patrie nouvelle.
00:44:03 Un qui était nos amis devenus, et devenu notre jeunesse et son mâle du siècle d'un autre âge.
00:44:09 Sur nous veillait puissance noire et rouge, Hitler, Mussolini, Franco.
00:44:16 Et de plus loin, Staline.
00:44:19 Pour vivre, pour le courage de vivre et d'aller devant soi, il fallait réapprendre des choses simples.
00:44:25 La liberté, par exemple.
00:44:31 La voie du général de Gaulle nous était parvenue.
00:44:34 Vieille patrie, vieille aventure, vieil avenir.
00:44:38 Cette voie annonçait le printemps avec un amour neuf.
00:44:42 Elle exigeait l'effort et la volonté du refus.
00:44:46 Je n'eus pas de peine à comprendre que ce qu'elle me disait, à moi comme aux autres,
00:44:51 était aussi simple que le miel, le lait et le pain.
00:44:56 Voilà pourquoi, moi qui n'ai jamais été gaulliste,
00:45:00 j'ai toujours refusé d'être hanté.
00:45:03 Mais le socialisme, ça ne fait que commencer.
00:45:09 C'est la nouvelle fleur dans le champ.
00:45:13 Ou bien le nouveau fruit qui mûrit.
00:45:17 C'est la moisson qu'on voit pousser.
00:45:22 On ne sait pas encore exactement ce que sera la qualité du froment
00:45:29 ou la saveur ou la beauté.
00:45:33 Nous sommes là comme des ouvriers à pied d'oeuvre.
00:45:37 Nous aimons ce que nous faisons,
00:45:41 de nos mains et de notre esprit.
00:45:45 Nous construisons le socialisme.
00:45:49 Certains, j'en connais, ils sont nombreux,
00:45:52 sont nés socialistes ou sont nés dans le socialisme
00:45:57 en raison des conditions d'existence de leur famille,
00:45:59 de l'appartenance à une classe sociale,
00:46:01 je pense à celle qui est issue du prolétariat.
00:46:04 Je n'ai pas eu à passer par cette phase,
00:46:09 dans la mesure où j'ai davantage vécu dans une région de France
00:46:13 où c'est la société pastorale, paysanne, qui prévalait.
00:46:19 De telle sorte que je ne connaissais pas,
00:46:23 je n'ai pas rencontré la société industrielle
00:46:26 avant d'être étudiant à Paris.
00:46:28 Je n'ai pas été comme Claude L derrière son pilier de Notre-Dame.
00:46:32 Je n'ai pas connu la nuit de Pascale.
00:46:34 Non, ça s'est fait avec la réflexion et l'expérience.
00:46:38 Je me suis trouvé comme soldat de deuxième classe
00:46:42 parmi les centaines de milliers de soldats
00:46:46 comme ça collés sur une colline d'Allemagne.
00:46:48 Nous étions 250 prisonniers réputés intellectuels
00:46:52 et regroupés à ce titre.
00:46:55 Sans doute parce que nous contions une forte proportion
00:46:58 de prêtres, de juifs, d'instituteurs, d'adjugants-chefs,
00:47:01 d'avocats et de républicains espagnols.
00:47:04 Coupés du monde, nous nous appliquâmes à édifier notre propre société.
00:47:10 L'ordre des premiers mois avait reposé sur la domination du couteau
00:47:15 et la hiérarchie de la jungle.
00:47:18 Il fut vite balayé et le couteau devint,
00:47:21 en divisant exactement la boule de pain,
00:47:24 l'instrument même de la justice.
00:47:27 Paris avait à peine décapé l'éducation reçue dans ma saint-onge en demi-teinte.
00:47:32 J'avais peu voyagé,
00:47:34 mais je crois avoir davantage appris de ce commando
00:47:37 refermé sur lui-même que des maîtres de mon adolescence.
00:47:41 Cette expérience m'a quand même été très utile.
00:47:45 J'ai vu autre chose que ce que je connaissais.
00:47:47 Mais j'avais encore à franchir une étape.
00:47:50 Cette étape, ça a été le jour où je me suis rendu compte
00:47:54 que quelles que soient mes dispositions,
00:47:56 quelles que soit mon évolution,
00:47:58 quelle que soit la valeur plus scientifique, disons,
00:48:01 de ma réflexion sur les phénomènes économiques et sociaux,
00:48:04 l'action d'un individu, moi comme cela,
00:48:07 homme politique, député, membre du gouvernement,
00:48:10 ayant quelque influence dans certains domaines,
00:48:13 en fait, était immédiatement annulée
00:48:17 par la puissance des forces en présence.
00:48:20 Et que si mon combat politique
00:48:23 ne prenait pas signification
00:48:26 à l'intérieur d'un groupe organisé, structuré,
00:48:29 un mouvement de masse, lui-même issu
00:48:32 de cette lutte des classes que nous devons supporter,
00:48:35 puisque telle est la loi voulue par la société bourgeoise
00:48:38 depuis le début du 19e siècle,
00:48:41 alors j'ai décidé
00:48:44 d'entrer dans une organisation.
00:48:47 Et comme il n'y en avait pas qui puissent me convenir,
00:48:50 je l'ai, avec d'autres, fondée.
00:48:53 C'est ça qui était la naissance du Parti Socialiste
00:48:56 que vous connaissez en 1971.
00:48:59 ...inventé par Jean-Claude Mitterrand.
00:49:02 Le mandat de l'élu sont partisains
00:49:05 de le manifester en avant la main avec le mandat orange.
00:49:10 Le Congrès est la Pâque des socialistes.
00:49:13 C'est là qu'on ressuscite tous les deux ans.
00:49:16 On imprime à la hâte le texte d'émotion
00:49:19 qui départageront saint Jean et saint Thomas.
00:49:22 Il en est qui ont besoin de toucher du doigt
00:49:25 pour se prouver que le Parti Socialiste existe bien.
00:49:28 Les uns sont le sel,
00:49:31 les autres, le choc.
00:49:34 Le Parti Socialiste,
00:49:37 les uns sont le sel,
00:49:40 les autres, le sucre.
00:49:43 Les premiers sont nécessaires,
00:49:46 on ne se passera pas des seconds.
00:49:49 Depuis 2 ans, on a guère eu le temps
00:49:52 de s'arrêter pour regarder dans le miroir.
00:49:55 Quelles rides nouvelles apparaîtront ?
00:49:58 Le fin du fin de l'action politique consiste
00:50:01 à remonter aux sources pour atteindre la mer.
00:50:04 Le texte qui, parmi ses 70 autres,
00:50:07 porte ma signature,
00:50:10 je l'ai rédigé après mûre réflexion.
00:50:13 Amendé, complété, il m'engage.
00:50:16 Approuvé, il me permettra de poursuivre ma tâche.
00:50:19 Sinon, eh bien, le Parti Socialiste
00:50:22 aura choisi d'entreprendre une nouvelle expérience.
00:50:25 La motion est adhérente et terminée l'éluvité.
00:50:28 (acclamations)
00:50:32 Un plan robuste n'a pas à craindre qu'on le taille.
00:50:35 C'est l'affaire de bonne saison.
00:50:38 Mais il faut l'œil du jardinier.
00:50:41 Je ne connaissais pas les communistes
00:50:52 avant de partager avec eux la boule de pain noir
00:50:55 et la soupe d'orge de Stalag.
00:50:58 Mais à distance, je les ai découverts.
00:51:01 Et nous sommes devenus amis.
00:51:04 Chien et chat de la même maison qui dorment en s'observant.
00:51:07 Je les ai combattus par la suite
00:51:10 et recommencerai si l'histoire recommençait.
00:51:13 Quand ils ont opté pour l'Est et le pacte de Varsovie,
00:51:16 j'ai choisi l'Ouest, l'Alliance Atlantique
00:51:19 et la construction européenne.
00:51:22 Je n'oublie pas ce que doit ma liberté aux États-Unis d'Amérique.
00:51:25 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:28 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:31 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:34 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:37 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:40 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:43 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:46 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:49 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:52 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:55 Je ne suis pas un citoyen.
00:51:58 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:01 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:04 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:07 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:10 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:13 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:16 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:19 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:22 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:25 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:28 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:31 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:34 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:37 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:40 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:43 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:46 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:49 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:52 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:55 Je ne suis pas un citoyen.
00:52:58 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:01 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:04 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:07 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:10 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:13 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:16 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:19 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:22 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:25 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:28 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:31 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:34 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:37 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:40 Je ne suis pas un citoyen.
00:53:43 Max et Engels étaient, chers camarades,
00:53:47 pardonner cette référence des sociodémocrates.
00:53:52 C'est, je le reconnais, moins applaudi que le reste.
00:53:59 Mais malheureusement, c'est vrai.
00:54:04 J'ai une certaine défiance à l'égard de l'argent.
00:54:08 C'est vrai qu'il en faut.
00:54:11 C'est sûr et hypocrite de prétendre
00:54:14 qu'on devrait contraindre tout le monde
00:54:17 à un point à voir par Assez.
00:54:20 Mais l'argent corrompt.
00:54:23 Moi, je n'en ai jamais eu beaucoup.
00:54:26 J'en ai gagné comme avocat,
00:54:29 j'en ai gagné comme écrivain,
00:54:32 bon, à certains moments.
00:54:35 Mais de façon générale, je n'ai jamais cherché à en gagner.
00:54:38 J'ai eu la chance, bien entendu,
00:54:41 de disposer, étant parlementaire,
00:54:44 exerçant une profession d'avocat,
00:54:47 de disposer d'un volant suffisant,
00:54:50 non point pour ne devenir jamais riche,
00:54:53 mais pour vivre aisément.
00:54:56 Il ne faut pas que mes propos prennent une gratuité insolente
00:54:59 à l'égard de ceux qui n'ont pas d'argent du tout,
00:55:02 qui en sont tenus à des salaires de misère.
00:55:05 Et pourtant, le goût de la possession qui s'accroît toujours,
00:55:08 tout cela me paraît très redoutable
00:55:11 et finalement très méprisable.
00:55:14 Je crois que le siècle où nous vivons,
00:55:17 qui a fait de l'usure et de l'intérêt de l'argent
00:55:22 le Dieu moderne, est une société perdue.
00:55:26 Sans prétendre que le pouvoir moderne,
00:55:29 à la place de l'Église catholique, comme c'était le cas autrefois,
00:55:33 devrait interdire tout usure et tout intérêt de l'argent.
00:55:38 Je dis que le goût immodéré de la capitalisation de l'argent
00:55:44 est finalement une des causes de la destruction
00:55:48 de toutes les valeurs profondes qui font que l'homme peut aller vers le progrès.
00:55:53 Je crois être quelqu'un, sur ce plan-là,
00:55:57 d'assez... quel mot trouver ?
00:56:01 Je ne sais pas si je disais d'assez désintéressé,
00:56:03 ce serait me faire moi-même un compliment.
00:56:05 Je suis tout à fait libre, sans aucun doute.
00:56:08 Dites-vous bien que vous n'auriez rien compris si vous ne saviez
00:56:12 que je suis tout à fait libre à l'égard de qui que ce soit.
00:56:17 Et qu'il n'y ait pas de force au monde,
00:56:21 ni de force philosophique, religieuse, d'État, d'argent, de capital,
00:56:30 mais pas de force au monde à l'égard de laquelle je ne sois tout à fait libre.
00:56:35 Et si j'avais à tirer une conclusion de ma propre vie,
00:56:38 disons à tirer un orgueil, ce serait celui-là.
00:56:41 Il y a dans toute carrière politique, du moins je l'espère,
00:56:54 un double courant, comme on pourrait le dire, d'un fleuve.
00:56:59 Un fleuve, vous le savez, il y a ce cours d'eau que vous voyez,
00:57:04 qui joue sous la lumière, qui passe entre les rives, qui va vers l'océan.
00:57:12 C'est ce que vous voyez.
00:57:14 Puis en dessous, il y a ce qu'on appelle la nappe phréatique.
00:57:17 Il y a en somme un autre fleuve.
00:57:20 Et c'est cet autre fleuve qui alimente en réalité celui que vous voyez.
00:57:27 On pourrait dire que dans une carrière politique,
00:57:30 en tout cas dans les carrières politiques qui comptent, ou qui doivent compter,
00:57:34 qu'elles n'ont d'intérêt que si elles ont aussi leur nappe phréatique.
00:57:40 Tout va changer demain.
00:57:44 D'hier, il ne reste rien.
00:57:53 Demain, c'est le grand spectacle.
00:57:59 Qu'on allume des millions de chandelles.
00:58:04 Qu'on change de costume.
00:58:08 Ce soir, la vie est belle.
00:58:12 Le suffrage universel est notre loi.
00:58:17 Sa décision s'impose à tous.
00:58:21 Amis de France et d'outre-mer,
00:58:24 je vous demande de rester unis et de partager ma résolution.
00:58:30 Notre combat continue.
00:58:34 Parce que vous représentez le monde de la jeunesse et celui du travail,
00:58:41 votre victoire est inéluctable.
00:58:45 On pourrait me dire que vous avez donc manqué le sommet d'une carrière.
00:58:50 Ce n'est pas comme cela que je raisonne.
00:58:52 Dans la mesure où si j'ai désiré être candidat et président de la République,
00:58:56 c'était parce que je pensais que c'était le moyen du pouvoir.
00:59:00 Mais d'un pouvoir qui aurait une signification dans la mesure où je m'en servirais.
00:59:05 En tant aussi que représentant d'un certain nombre de mouvements,
00:59:11 de forces populaires,
00:59:13 puis au niveau de la France elle-même, président de la République.
00:59:17 Alors un pouvoir qui permettait de hâter sans doute les étapes d'une évolution politique, sociale et économique que je souhaite.
00:59:24 Mais ma carrière politique, ma vraie carrière politique, elle est en train.
00:59:30 Vous ne pouvez pas lui fixer un terme.
00:59:33 Si je parviens avec ceux qui sont à mes côtés à restituer au socialisme français sa vérité historique,
00:59:41 et à faire de ce socialisme la lame de fond qui recouvrira notre société pour la transformer
00:59:51 et donner ses chances à tout citoyen, à tout français, à tout être humain qui se trouve dans notre pays
01:00:00 et qui souffre encore sans nombre d'une oppression, d'une exploitation,
01:00:04 d'une exploitation due aux structures mêmes de notre économie, l'économie capitaliste.
01:00:09 En somme, j'ouvre les temps nouveaux.
01:00:12 Parce que j'aurai été de ceux qui auront amené le parti socialiste à l'épanouissement.
01:00:18 Et à faire qu'il va bientôt rencontrer la majorité du peuple français.
01:00:23 Alors j'aurai beaucoup plus compté sur l'histoire de mon pays que si j'avais rempli pendant sept ans
01:00:29 un mandat un peu formel de président de la République.
01:00:33 Pour moi une carrière politique c'est compter dans l'histoire, non pas par les honneurs que l'on reçoit,
01:00:41 mais par la capacité de mouvement, d'évolution, par la force de caractère,
01:00:48 et par le sentiment d'être celui qui porte les espérances des masses.
01:00:54 Et bien entendu, comme je suis socialiste, des travailleurs.
01:00:58 Seulement, voyez-vous, malgré tout, il faut absolument que les hommes et les femmes
01:01:04 qui représentent la génération qui va vivre et faire la France, on va dire 40 ans, 45 ans,
01:01:10 il faut maintenant qu'elles soient de plus en plus responsables.
01:01:13 Alors j'ai hâte que ce moment se produise, et puisque vous me donnez l'occasion de le dire, je le dis,
01:01:19 sans qu'on puisse interpréter en quoi que ce soit ses propos,
01:01:22 comme François Mitterrand s'en va, il se repose sur le bord du chemin, il s'appelle la succession de tout vert,
01:01:28 elle n'est pas ouverte, et croyez-moi, au Parti Socialiste, comme ailleurs, on le sait bien.
01:01:46 Un ami mort, voilà qui devient coutumier avec ce temps qui nous emporte et qui maintenant accélère le pas.
01:01:54 J'essaie de ne pas m'attendrir sur moi-même.
01:01:56 La part de notre vie que nous arrachent ceux qui nous quittent, n'est-ce pas cela que nous pleurons ?
01:02:02 Pas toujours.
01:02:04 Le véritable amour rend aux autres ce qu'il leur prend, et d'abord la liberté d'être soi-même.
01:02:11 La vie qu'ils perdent leur appartient, que de fois avons-nous parlé de la mort pendant ces quinze ans d'amitié quotidienne.
01:02:18 Pierre Saury ne la craignait pas, il était resté de sa terre et savait que les saisons passent.
01:02:25 Je n'ai pas, quant à moi, acquis cette philosophie.
01:02:28 Rupture, mais encore blessure, et je ne me résous pas aux adieux.
01:02:35 Je vais vous poser une question qui va ou bien vous faire sourire ou bien vous irriter, je ne sais pas encore, on va voir lequel des deux.
01:02:47 Vous pouvez aussi refuser d'y répondre.
01:02:49 On dit que certains vous appellent François, effectivement certains vous appellent François.
01:02:54 Ils ne sont pas très nombreux, et il y a assez peu de gens que vous appelez par leur prénom.
01:02:59 François, toute mon amitié est vive le socialisme.
01:03:06 Excuse-moi, mon vieux, je tutoie tout le monde.
01:03:09 Tu vas dans tous les pays, tu ne portes pas la haine, tu portes le socialisme du peuple.
01:03:15 Dans tous les peuples, c'est le moins court, la main n'est pas peure, elle n'est pas méchante.
01:03:19 Et on a souvent l'impression que vous cherchez à maintenir une certaine distance.
01:03:24 Mais si je n'étais pas à distance, qu'est-ce qui resterait de moi ?
01:03:30 Imaginez ma vie.
01:03:34 Vous savez, je répéterai une phrase bien banale mais très importante, on ne reçoit que ce qu'on donne.
01:03:40 Et si je reçois beaucoup, c'est bien parce que j'ai un peu donné.
01:03:45 Mais si je n'avais pas cette distance, je serais détruit.
01:03:50 Ajoutez à cela que j'ai une certaine timidité naturelle, une certaine froideur naturelle.
01:03:58 Une froideur dans le sens des relations humaines.
01:04:01 Mon père était comme cela.
01:04:03 On n'aime pas se jeter au coup des gens.
01:04:05 On n'aime pas inventer des fraternités artificielles.
01:04:13 Je n'ai jamais aimé cette sorte de façon de se taper dans le dos alors qu'on n'a même pas de camaraderie.
01:04:21 Ce qui me fait quelquefois réticent à l'égard du titouement des âges dans les parties ouvriers.
01:04:27 Je suis moi-même d'une origine assez indéfinissable de ce qui fait quand même aussi la petite bourgeoisie française de province.
01:04:36 Qui est surtout, je le répète encore, mais pour être clair, d'essence rurale.
01:04:42 Qui donc ne se reconnaît pas très très bien dans les définitions de la société industrielle.
01:04:49 Et donc dans les définitions que retiennent les socialistes.
01:04:52 Mais je tutoie ceux que je connais bien.
01:04:56 Ceux avec lesquels j'ai eu des relations très anciennes.
01:05:00 Il me sera difficile de tutoyer quelqu'un que je n'aurais connu que depuis 4, 5 ou 6 ans.
01:05:05 On peut passer des journées comme ça, quelquefois en silence.
01:05:08 Je me souviens que lorsque j'étais étudiant, on se promenait avec des camarades, on les connaissait pas très bien.
01:05:13 Une certaine forme de timidité.
01:05:14 On parlait, on parlait de tout, des idées, des derniers films qu'on avait vus.
01:05:19 Puis au bout de quelques temps, on était encore beaucoup plus amis, on faisait le chemin, on se disait pas un mot.
01:05:25 Et j'avais compris que quand on avait conquis le droit au silence avec les gens qu'on aimait, c'est que c'était des vrais amis.
01:05:30 On vous a suivi pendant deux mois, ça a pas dû être toujours très agréable pour vous d'être épié par des caméras, agêté par des micros ?
01:05:37 Il faut quand même que ceux qui nous auront écouté comprennent que je me refuse à entrer dans un jeu qui ne me convient pas.
01:05:49 C'est celui qui consiste à exercer une sorte de védétariat dans tous les domaines,
01:05:55 d'étalage de sentiments, de vie personnelle, de vie privée, de sentiments esthétiques, d'opinions philosophiques,
01:06:04 simplement parce que je suis un homme politique et qu'en somme je devrais faire cette exposition permanente pour le plaisir de ceux qui m'écoutent.
01:06:14 Ça je m'y refuse. J'ai à rendre compte de mes actes politiques. Je n'ai pas à rendre compte du reste.
01:06:20 Je considère que j'ai des devoirs qui m'amènent, ou qui m'ont amené à entrer davantage dans le vif du sujet comme vous l'avez souhaité.
01:06:28 Mais jusqu'à une certaine limite qui est celle d'un pudeur parfaitement légitime et aussi du sens qu'un homme politique doit avoir,
01:06:42 comment dirais-je, doit avoir la considération des siens et de son peuple sans exagérer l'œillade, le sourire, sans chercher à plaire plus qu'il ne convient.
01:07:00 C'est sur mes actes qu'on doit me juger.
01:07:04 Mes pensées, à moi de les exprimer. La réalité de ma personne, ma vie intérieure, peut apparaître à travers ses actes.
01:07:15 Elle apparaît à travers ses actes. Elle apparaît à travers ce que j'en écris.
01:07:20 Elle apparaîtra plus tard par les témoignages de ceux qui m'ont connu.
01:07:26 Mais je jugerais vulgaire, inutile et finalement malsain tout comportement qui chercherait à plaire au plus grand nombre par une certaine vanité littéraire
01:07:42 ou un besoin irrépressible d'étaler le vrai et le faux, comme si je me placais en personnage de roman.
01:07:55 -Vous voulez que je vous fasse une confidence? -Voilà, je vous viens.
01:07:59 -Il vaudrait mieux que ce soit moi qui vous photographie.
01:08:02 -Un appareil.
01:08:05 -Si vous voulez d'ailleurs, armez-le alors.
01:08:08 -Vous les donnez ça? -Armez-le.
01:08:10 -Alors vous les donnez ça? -Ah non, non.
01:08:12 -Vous les donnez ça? -Allez, monsieur, donnez-moi ça.
01:08:15 -Vous les donnez ça? -Ca fait rien.
01:08:17 -Vous les donnez ça? -Allez, vous faites un joli sourire.
01:08:21 -Voilà. -Vous les donnez ça?
01:08:23 -Voilà, je les donne ça.
01:08:25 Sous-titrage Société Radio-Canada
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