Xerfi Canal a reçu Jacques Igalens, professeur émérite à l’IAE Toulouse school of management, Directeur honoraire de Toulouse Business School et Président honoraire de l’association de gestion des ressources humaines (AGRH), pour parler de la RSE.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour, Jacques-Yves Galens.
00:10 Bonjour, Jean-Philippe.
00:11 Jacques-Yves Galens, splendeur et misère de l'ARSE, édition EMS Collection Grands
00:15 Auteurs Francophones.
00:16 Jacques-Yves Galens, vous êtes professeur à Grands J'ai des Universités, professeur
00:20 émérite à l'IEE, Toulouse School of Management et directeur honoraire de Toulouse Business
00:24 School.
00:25 Vous êtes président honoraire de l'AGRH, l'Association de gestion des ressources
00:28 humaines. C'est un ouvrage qu'il va falloir mettre dans les mains de tous les étudiants.
00:32 C'est le ministère qui le dit, puisque tous les étudiants doivent être formés à l'ARSE.
00:37 Et vous le rappelez dans cet ouvrage, le fait d'être formé, y compris pour les administrateurs
00:42 très, très important. C'était EY qui le disait, le cabinet EY.
00:47 Alors l'ARSE, fortune de l'ARSE, vous dites splendeur, donc référence à Honoré de Balzac.
00:53 On va beaucoup parler des misères.
00:55 Un petit mot peut être sur les splendeurs. La loi Pacte enfin nous reconnaît un intérêt
01:00 social de l'entreprise distinct de l'intérêt des associés, dont de la maximisation de
01:04 la valeur pour l'actionnaire, ce qui ouvre la voie à tous les débats avec la littérature
01:09 économique, débat que vous instruisez dans l'ouvrage.
01:13 Et puis, sur le devoir de vigilance.
01:15 Donc voilà, aujourd'hui, ça se traduit typiquement par le CSRD en Europe et tous
01:19 les débats qui entourent le CSRD.
01:20 Donc, on voit l'actualité de cette question.
01:22 Ce qui est fascinant dans votre ouvrage, c'est un peu le teaser, mais vous nous dites
01:28 en fait, c'est une faillite, une globale misère de l'ARSE.
01:31 Aucun des objectifs qu'on assigne à l'ARSE n'a été atteint.
01:34 Tout ce qu'on a voulu faire pour préserver l'environnement ou le social, finalement,
01:39 on a échoué.
01:40 Oui, alors échec total, Jean-Philippe.
01:43 C'est pas exactement...
01:44 J'exagère, j'exagère.
01:45 C'est pas exactement...
01:46 Je grottis le trait.
01:47 Je veux dire que les problèmes que l'ARSE était censée résoudre n'ont pas été résolus
01:52 et souvent, on se rend compte que les difficultés ont marché à pas rapides alors que l'ARSE
01:59 apporte des solutions à pas très lents.
02:01 Et donc, l'écart augmente toujours entre les objectifs qu'on s'est fixés et puis
02:06 la réalité.
02:07 Alors, je prends effectivement des exemples dans l'ouvrage et je dis, on s'est souvent
02:13 appuyés sur des théories économiques qui ont faussé un peu le jugement.
02:19 Et je montre par exemple que les modèles sous-jacents de RSE sont des modèles sur lesquels,
02:26 évidemment, on a un rapport au temps, on a un rapport à l'espace, on a un rapport
02:32 aussi à la conception de l'homme qui sont en fait des conceptions issues de la théorie
02:38 économique et ça ne marche pas.
02:39 Alors là, pour le coup, on peut dire que ça ne marche pas.
02:41 Alors, si on veut reprendre rapidement chacun de ces trois domaines, le rapport au temps,
02:46 eh bien la plupart du temps, on raisonne dans nos modèles économiques et la gestion n'est
02:52 pas à l'abri non plus, on raisonne toujours sur du court ou du moyen terme.
02:57 Mais en réalité, on se rend compte que beaucoup des problématiques de RSE dépassent ce cadre
03:05 temporel.
03:06 Quand on parle des problèmes écologiques, quand on parle d'un certain nombre de problèmes
03:10 sociétaux, on est sur du temps long et le temps long, on n'arrive pas du tout à le
03:16 prendre en compte.
03:17 Lorsqu'on calcule des rentabilités, on le fait sur des périodes, bien sûr, il y a
03:21 l'actualisation.
03:22 Tous les professeurs de gestion enseignent l'actualisation, mais on sait tous que l'actualisation
03:28 dans ses fonctionnements même revient à minimiser énormément ce qui est impact à très long
03:37 terme sur la vie de la société.
03:39 Donc ça c'est le problème du rapport au temps.
03:41 On a aussi des problèmes de rapport à l'espace parce que finalement, je crois que certains
03:49 le diraient mieux que moi, mais la biosphère n'est jamais prise en compte.
03:53 On le prend en compte, on le sait, les ressources qui sont monétisées, mais par contre, lorsqu'on
04:01 dégrade la biosphère, lorsqu'on dégrade les eaux, lorsqu'on dégrade l'air que
04:05 nous respirons, eh bien tout ceci n'est pas pris en compte.
04:09 Puis enfin, il y a ce troisième, là évidemment c'est presque une porte ouverte, cette troisième
04:14 conception qui est la conception de l'homme qui est tout à fait défaillante dans les
04:19 théories qui soutiennent l'ARSE parce qu'on continue toujours à raisonner sur un homo
04:25 economicus.
04:26 Mutilé.
04:27 Mutilé, qui travaille toujours avec un niveau de connaissance de ces phénomènes de RSE
04:36 qui est très limité, qui est censé dans les théories économiques être mu quasi
04:41 exclusivement par l'appât du gain.
04:45 Donc tout ceci fait que l'homme sur lequel on raisonne, qu'il s'agisse du consommateur
04:51 ou du producteur, est un homme mutilé.
04:54 Et donc ça ne marche tout simplement pas.
04:56 Alors je ne vais pas défleurer l'intrigue de l'ouvrage parce que vous avez des propositions
05:00 très fortes dans cet ouvrage, on laissera le lecteur découvrir.
05:04 Ça tourne autour du droit, voilà, je fais un petit teaser, il faut absolument le lire.
05:09 Et puis deuxième chose, une référence que j'ai beaucoup aimée, référence à Armstrong,
05:12 pas le coureur cycliste, et je me suis dit mais c'est en fait si, en fait si, c'est
05:18 à dire que toutes les questions de responsabilité, etc., problématiques du dopage, de maximisation
05:24 de l'intérêt, ça nous renvoie un peu à l'affaire Armstrong dans le cyclisme et
05:27 on voit le mal que ça fait à la collectivité.
05:29 Si je peux juste rajouter un mot, ça montre, Armstrong est un auteur américain qui montre
05:34 qu'on peut être à la fois responsable et irresponsable.
05:37 Ce qui va à l'encontre d'une certaine conception de la mesure, des métriques qui
05:42 essayent de globaliser souvent le comportement de l'entreprise dans une seule note ou
05:47 dans une note sur chacune des facettes de l'ARSE, une note environnementale, sociale,
05:52 sociétale, mais ça ne va pas non plus.
05:55 Ça ne va pas non plus parce qu'Armstrong, en travaillant sur ce concept d'irresponsabilité,
06:00 montre qu'une même entreprise sur une même facette peut avoir des comportements responsables
06:05 et des comportements irresponsables et que l'objectif ce n'est pas de moyenner les
06:09 deux, l'objectif avant tout, c'est le principe grec, c'est avant tout ne pas nuire,
06:15 primum non nocere, et donc avant tout ne plus être irresponsable.
06:19 Et donc ça c'est l'exigence en soi qui nécessite effectivement le confort du droit.
06:25 Splendeur et misère de l'ARSE, ouvrage majeur à mettre dans toutes les mains, c'est
06:31 le ministère qui le dit.
06:33 Merci Jean-Philippe.
06:34 Merci Jacquie Galens.
06:36 [Musique]