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L’avis de Aziliz Le Corre, journaliste et rédactrice en chef « Opinions et Controverses » au JDD dans le débat face à Hélène Gateau, vétérinaire et chroniqueuse sur RTL.

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Transcription
00:00 La vie de famille n'est plus le modèle.
00:02 Vrai.
00:04 J'irais faux quand même.
00:06 Moi je pense qu'on peut avoir des schémas narratifs de la famille qui sont très divers, très variés.
00:13 Et qu'aujourd'hui on est dans une société qui nous permet de les vivre, de les exprimer,
00:19 et j'espère sans trop de jugement.
00:24 Qu'est-ce que c'est que la famille ?
00:25 Est-ce qu'on est en train de parler de la famille nucléaire telle qu'on l'entend avec une maman, un papa, des enfants,
00:32 et puis justement un chien de temps en temps qui vient compléter un petit peu tout ça ?
00:36 Est-ce que c'est ça le modèle de la famille ?
00:38 On voit bien aujourd'hui que la famille est protéiforme,
00:42 elle peut être avec deux papas, deux mamans, monoparentales, des familles recomposées.
00:49 Et heureusement qu'on peut la vivre différemment,
00:54 heureusement qu'il n'y a pas un modèle strict qu'on nous impose.
00:57 Malheureusement, je pense que quand même, ça reste encore dans notre société, dans notre culture,
01:03 je pense que ça reste malgré tout celui qu'on essaye quand même de nous imposer,
01:08 et que tous les autres ne seraient qu'à la marge,
01:11 ou ne seraient que des anomalies d'un modèle familial et patriarcal classique.
01:19 Moi je pense qu'aujourd'hui, faire famille, on peut faire famille de façon très différente,
01:25 et d'autant plus différente que moi je revendique une famille inter-espèce,
01:29 vu que je clame haut et fort à travers mon bouquin que je fais famille avec mon chien.
01:33 Donc ça va même au-delà d'un schéma familial encore plus classique.
01:38 Alors il y a pas mal de choses.
01:40 D'abord sur le terme "imposer", on aimerait nous imposer une structure familiale,
01:45 mais de fait, aujourd'hui il y a une déconstruction de la famille,
01:49 ça a commencé par le père et la mère,
01:51 mais même si aujourd'hui le père peut être invisibilisé,
01:55 ou la mère dans le cas d'une PMA ou d'une GPA,
01:58 il faut toujours un homme et une femme pour faire un enfant, ça c'est une réalité.
02:02 Une fois qu'on a déconstruit le papa et la maman,
02:05 et bien maintenant, avec toi, on passe à l'enfant.
02:09 Donc plus de papa, plus de maman, plus d'enfant.
02:12 Et donc une famille pourrait être une femme et son chien.
02:15 Je ne pense pas qu'on puisse qualifier ça de famille.
02:18 Ça me semble même irrespectueux pour l'engagement que demande la famille.
02:23 Le terme que je n'ai pas trop aimé de la part d'Azili,
02:25 c'est de dire que finalement mon livre était assez irrespectueux,
02:29 mais irrespectueux envers qui ?
02:31 Irrespectueux envers les gens qui ont un schéma de vie peut-être extrêmement traditionnel,
02:35 et pour qui la famille nucléaire reste le propre même de la famille,
02:41 donc on ne devrait pas en déroger.
02:42 Moi ça ne me pose évidemment pas de problème que tu aies fait le choix individuel, personnel,
02:47 de ne pas faire d'enfant,
02:48 mais que tu veuilles déconstruire le modèle familial tel qu'il est fondé et qu'il fonde notre civilisation,
02:56 là ça devient plus inquiétant.
02:59 À tel point même que tu souhaites que cette famille soit inter-espèce.
03:05 Et donc là on bascule totalement dans la déconstruction de notre anthropologie,
03:10 puisque cette famille finalement, nous les êtres humains,
03:14 on serait égaux avec les animaux,
03:17 et il n'y aurait pas de supériorité de l'homme sur l'animal.
03:20 Alors cette supériorité n'implique pas de la maltraitance,
03:23 mais en tout cas elle met un degré de conscience différent et d'intelligence différent.
03:29 D'ailleurs tu en parles dans ton livre,
03:32 je ne sais plus, tu plaisantes à un moment sur les cris des enfants,
03:37 que tu compares à l'aboiement d'un chien.
03:40 Là du fait que ce soit drôle, c'est quand même assez inquiétant je trouve,
03:45 de doser cette comparaison,
03:46 parce qu'un enfant il va commencer par babiller,
03:49 il va apprendre à parler doucement,
03:51 cet apprentissage du langage est pour les parents je trouve un émerveillement,
03:55 parce qu'avec il va commencer à apprendre l'humour,
03:58 il y a plein de choses qui comme ça se développent,
04:01 son intelligence se développe avec le langage,
04:03 il va savoir un jour lire,
04:04 et puis tout cela va lui permettre de penser,
04:07 ce que le chien ne fera jamais.
04:09 En fait un enfant, c'est quand même merveilleux quand il apprend à parler,
04:13 quand on apprend à découvrir sa personnalité,
04:15 et on se dit c'est quand même moi qui l'ai mis au monde,
04:18 mais cet enfant un jour peut dire "mais tu te rends compte,
04:22 tu dis de la merde, je ne suis pas d'accord avec toi",
04:24 mais ça il faut l'accepter.
04:25 Et un chien, un chien ne dira jamais merde,
04:29 mais un chien ne dira non plus jamais "je t'aime".
04:32 Alors après, moi tu parles de mon choix,
04:35 et de ma conception de la famille qui est irrespectueuse pour la famille,
04:38 et que je cherche à déconstruire le modèle familial.
04:41 J'ai la toute modestie, l'humilité de dire que mon livre est uniquement un témoignage personnel,
04:47 qu'en aucun cas j'ai un bâton de pèlerin pour évangéliser et dire
04:52 "faites tous comme moi",
04:54 c'est pas pourquoi il faut avoir un chien et pas un enfant,
04:58 c'est pourquoi moi j'ai choisi d'avoir un chien et pas un enfant.
05:03 Et de ce point de vue là, moi je ne suis pas en train de dire que la maternité est un mauvais chemin,
05:12 que je ne suis pas en train de dire que le choix que toi tu as fait en ayant des enfants est un mauvais choix,
05:19 j'exprime juste mon point de vue,
05:23 qui est celui d'une femme qui n'a pas désir d'avoir d'enfant,
05:26 mais qui à travers la relation avec son chien,
05:29 peut exprimer quand même des comportements maternels et nourriciers
05:35 qui sont proches de celui qu'une maman peut avoir avec un bébé.
05:39 Et que le lien d'attachement qui ressort justement,
05:44 il est extrêmement similaire.
05:47 Je ne dis pas que c'est la même chose,
05:49 je ne dis pas que le rapport que tu as avec un chien est le même qu'avec un enfant,
05:54 et d'ailleurs c'est pour ça que j'ai fait un choix.
05:56 Si toi tu parles d'avoir cet enfant qui évolue, qui devient un adulte,
06:01 qui un jour t'envoie bouler, avec lequel tu peux être en contradiction,
06:04 mais moi je n'ai pas envie de tout ça en fait.
06:07 Donc de ce point de vue là, c'est aussi parce que je n'ai pas envie de tout ça,
06:10 que ce n'est pas là-dedans que je vais me sentir heureuse et épanouie,
06:14 que j'ai fait un choix qui correspond au contraire plus à ma façon de voir ma vie,
06:21 et la façon dont j'ai envie de la mener.
06:23 Il y a une différence entre faire un choix,
06:26 que moi je respecte évidemment, je n'ai aucun jugement à porter là-dessus,
06:29 mais quand on écrit un livre et qu'on porte ce choix au nu,
06:33 on est obligé de s'en justifier.
06:34 Bien sûr.
06:35 Parce que d'autant plus quand on considère qu'on peut avoir un nouveau narratif de la famille,
06:39 et ça, moi je trouve que ça n'a pas de sens finalement.
06:42 Oui mais alors ça veut dire quoi ?
06:43 À partir de quel moment un nouveau narratif de la famille n'est pas normal
06:47 ou ne rentre pas toi dans ce que tu considères être la famille ?
06:50 Ce que je considère être la famille, c'est ce sur quoi est fondée notre civilisation,
06:54 c'est-à-dire qu'on fait des enfants, ce qui est un donné naturel,
06:57 et c'est comme ça que notre civilisation peut se perpétuer,
07:00 que la vie sur Terre peut se perpétuer.
07:02 Oui mais aujourd'hui on a le choix de faire ou de ne pas faire des enfants.
07:05 On a notre libre arbitre pour en faire ou en ne pas faire,
07:07 et c'est ce qui nous différencie justement des animaux.
07:11 Mais là tu réintroduis justement une différence entre l'homme et l'animal,
07:15 et tu montres bien qu'il n'est pas possible de considérer finalement qu'on est mère d'un chien.
07:21 Ce sont les termes qui sont dangereux.
07:24 Oui mais alors quel terme utiliser ?
07:26 Une maîtresse avec son animal de compagnie, comme on l'a toujours fait.
07:29 C'est le mot famille qui est dérangeant ici ?
07:31 Le mot dogme.
07:33 On ne porte pas son chien.
07:37 Bien sûr, mais le lien d'attachement, il est extrêmement proche.
07:41 Et c'est pour ça que le terme de dogme peut-être me sied plus que mère d'un chien,
07:50 parce que c'est vrai que c'est compliqué de dire où je suis.
07:52 Mais en même temps ce sont des mots que j'utilise.
07:55 Je dis que je suis la maman de Colonel,
07:57 mais je ne trouve pas que ce soit un affront de dire ça.
08:04 Mais j'ai l'impression que toi tu le ressens comme tel en fait.
08:06 Moi je ne me sens pas du tout attaquée dans mes choix par le tien.
08:10 En revanche, je pense que c'est simplement un discours qui, du point de vue de la société, est dangereux.
08:15 Toi tu considères que c'est un tabou aujourd'hui de dire ce que tu dis ?
08:17 C'est-à-dire de considérer que c'est ton choix de ne pas faire d'enfant ?
08:21 Alors j'ai l'impression que moi je soulève deux tabous.
08:24 Un, celui de ne pas vouloir d'enfant.
08:26 Alors même si c'est de plus en plus assumé aujourd'hui, on en parle de plus en plus,
08:30 malgré tout, vu les attaques et les réactions, les détracteurs que je peux me prendre,
08:37 et puis aussi les témoignages de femmes qui me disent tout ce qu'elles subissent encore aujourd'hui
08:42 parce qu'elles ne veulent pas d'enfant et qu'on est toujours en train de leur demander de se justifier,
08:47 de leur demander d'argumenter, etc.
08:50 Je pense qu'effectivement on est quand même toujours pointé du doigt quand on est une femme et qu'on ne veut pas d'enfant.
08:55 On estime qu'on a peut-être une... je sais pas, quelque chose qui ne va pas bien,
09:02 qu'on n'est pas équilibré, qu'on souffre d'un problème affectif,
09:09 d'une défaillance affective quand on était enfant ou de choses comme ça.
09:13 J'ai vraiment ce sentiment-là et qu'on n'arrive pas à nous rendre crédibles dans ce choix, en fait,
09:20 que ça ne pourrait pas être un choix raisonné.
09:22 Donc ça c'est la première chose.
09:23 Et la deuxième chose, c'est la place qu'on a pour nos animaux dans notre quotidien,
09:29 le lien d'attachement qui est extrêmement important.
09:32 Souvent il est minimisé par les gens qui ne le vivent pas
09:37 et qui pourraient estimer que c'est déraisonnable ou scandaleux
09:41 de donner autant d'importance à un animal dans une vie.

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