Interview
Caroline Missika, Directeur des affaires publiques, de la communication et de la RSE- HEINEKEN France
Dominique Steiler, Professeur à Grenoble Ecole de Management, Titulaire de la chaire UNESCO pour une culture de paix économique
Caroline Missika, Directeur des affaires publiques, de la communication et de la RSE- HEINEKEN France
Dominique Steiler, Professeur à Grenoble Ecole de Management, Titulaire de la chaire UNESCO pour une culture de paix économique
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00:00 Donc on va enchaîner avec l'interview croisée qui me revient, voilà, sur comment la communication aide la remise en question du modèle d'affaires.
00:07 Et pour en parler, je suis ravie d'accueillir Caroline Missica et Dominique Steller. Je vous en prie.
00:12 (Musique)
00:24 Bonjour à tous les deux. Merci beaucoup d'être ici pour cette interview croisée sur ce sujet, comment la communication aide la remise en question du modèle d'affaires.
00:32 C'est quand même un sujet central, bien souvent perçu comme antinomique aux enjeux RSE. La communication responsable est pourtant la clé indispensable pour réaliser sa transition organisationnelle.
00:42 Mais comment ne pas tomber dans le greenwashing dont on va parler ? Comment mettre en place une vraie stratégie de communication durable au service de la transformation de son modèle d'affaires ?
00:51 C'est ce qu'on va voir avec vous deux. Dominique Steller, merci beaucoup d'être avec nous. Un professeur à Grenoble, l'école de management, titulaire de la chaire UNESCO pour une culture de paix économique.
01:02 Alors vous n'allez pas tout dévoiler parce que ça va être aussi dans l'interview ce sujet de paix économique où vous dites on parle souvent finalement d'environnement.
01:09 Moins de ce sujet-là et vous allez tout nous dire. Caroline Missica, merci beaucoup aussi d'être avec nous, directrice des affaires publiques de la communication et de la RSE.
01:18 Je vais y arriver, j'ai un petit chat dans la gorge, au sein de Heineken France. Alors évidemment comme toujours et comme toutes les entreprises qu'on reçoit, on sait bien qu'il y a une démarche de progrès.
01:27 On ne va peut-être pas vous demander tout de suite d'être dans la paix économique même si c'est bien qu'on en est certains pour nous secouer sur ces sujets-là.
01:34 Mais pour planter le décor, c'est quand même bien d'abord de voir un petit peu votre stratégie d'entreprise, quelle est votre feuille de route, les grandes lignes on va dire évidemment et vous pourrez continuer à les développer.
01:44 Bien sûr et avant de vous en parler, je voulais rebondir sur la table ronde précédente parce qu'il se trouve que Desperados fait partie du portefeuille de marque d'Heineken.
01:54 Et donc je peux vous dire qu'à la fois on est très fiers d'être dans le top 3 des innovations tout PGC confondu de l'année 2023 et c'est une fierté pour toutes les équipes, vous pouvez l'imaginer.
02:06 Et ça renvoie à notre responsabilité et aussi ce qui a été évoqué précédemment à la manière dont les marques s'empoignent des sujets et sont aussi vecteurs de messages qui dépassent uniquement des messages marketing autour de l'offre que peut représenter le produit.
02:25 Et c'est finalement le coeur de notre stratégie d'entreprise qui comporte et qui inclut une feuille de route RSE très ambitieuse et qui est au coeur de la stratégie.
02:39 Finalement on sait et le groupe l'a annoncé lorsqu'il a présenté cette feuille de route en 2021 qu'il n'y aura pas de performance économique sans une performance responsable.
02:49 Notre feuille de route en quelques mots elle s'appelle "Brassons un monde meilleur" on est quand même un brasseur et elle repose sur trois piliers.
02:58 Un pilier environnemental, un pilier social et la promotion de la consommation responsable.
03:04 Ce qui est évidemment clé dans notre secteur d'activité.
03:08 Je vais peut-être pas rentrer dans le détail parce que ça serait probablement assez long de développer l'ensemble de nos engagements, de nos ambitions.
03:16 Je crois que le point qui fait écho à ce qui a été dit précédemment c'est le rôle de l'entreprise, le rôle des marques.
03:23 Il est bien compris au sein du groupe Heineken, on a à coeur à la fois d'utiliser la force de nos marques, la puissance de nos marques.
03:32 A la fois pour répondre et proposer une offre aux consommateurs qui plaisent mais aussi pour porter des messages et sensibiliser aux enjeux.
03:41 Et montrer la manière dont on peut produire de manière plus responsable.
03:46 Je prendrai juste un exemple pour l'illustrer.
03:50 L'année dernière on a fêté les 150 ans de la marque Heineken.
03:54 C'est pas rien !
03:56 Et à cette occasion on a voulu sensibiliser les consommateurs sur les différents types d'emballages dans lesquels on pouvait proposer notre bière Heineken.
04:05 Et notamment la canette.
04:07 Et on a fait quelque chose qui est inédit au niveau mondial.
04:11 On a substitué, on a enlevé le nom de la marque sur nos canettes.
04:16 Heineken a disparu pour une édition limitée.
04:19 Et à la place d'Heineken il y avait écrit recyclable.
04:22 Et c'était une manière pour nous de rappeler aux consommateurs que la canette est un emballage recyclable et qu'il faut le trier pour pouvoir mettre son recyclage.
04:32 Donc ça montre comment on utilise la force de nos marques et une marque aussi connue qu'Heineken pour porter des messages qui vont bien au-delà de l'offre consommateur.
04:43 Alors un éclairage qui permet justement de voir à travers cette entreprise mais d'autres qu'on a pu voir tout au long de la matinée un peu comment se met en place une stratégie RSE.
04:52 Vous Dominique Steller on va dire vous portez un regard on va dire critique mais bienveillant aussi sur le rôle des entreprises.
04:59 Vous les soutenez on va dire quelque part dans l'EDMH et je disais vous estimez qu'il faut pacifier l'économie et redonner à l'entreprise sa place initiale.
05:07 Alors qu'est-ce que sont les fondements de la paix économique ? Vous avez deux minutes pour en parler ça va pas être facile.
05:13 Surtout si vous donnez des cours sur la matière.
05:15 Merci, merci. Je vais faire un premier lien puisqu'on a beaucoup parlé d'environnement pour montrer à quel point les deux sont rattachés.
05:21 L'idée de la paix économique si je la rattache à la question de l'environnement est très simple.
05:25 Un monde plus chaud sera un monde plus violent.
05:27 Et si on passe notre temps à focaliser notre attention que sur l'environnement avec l'impression qu'on va pouvoir le moduler on va rater toute la partie qui est à côté.
05:35 Je vais le dire autrement un monde plus chaud est un monde plus violent dans des tas de lieux sur la planète.
05:40 Il y a là quelque chose où il faut absolument pas qu'on rate d'adjoindre à côté de la question environnementale la question de la paix.
05:48 Les fondements sont assez simples et peut-être qu'ils vont gratter à certains endroits mais il y a un fondement majeur qui va poser la question de l'économie
05:56 qui pour moi est totalement fondamentale. Quand il y a un regard critique c'est parce qu'elle est fondamentale.
06:00 Il y a un fondement assez simple qui est sur quel paradigme a-t-on construit notre regard économique.
06:05 Paradigme étant les représentations inconscientes qui nous amènent à des pensées, à des comportements particuliers.
06:11 On a construit notre modèle économique sur un paradigme qui dit maximisation des profits.
06:17 La difficulté si on reste calé avec le même paradigme c'est d'y ajouter des briques environnement, climat, paix, pourquoi pas.
06:26 Mais sans rien changer au paradigme. C'est-à-dire de garder le paradigme économique de maximisation des profits sous des contraintes différentes
06:33 que vont être de nouvelles contraintes. La question qu'on pose nous c'est quel paradigme on veut.
06:37 Et dans ces fondements il y a un fondement anthropologique que l'Occident a choisi mais qu'on finit par voir comme on est occidentaux
06:43 comme étant un paradigme universel qui est de croire que l'humain a pouvoir sur la nature.
06:49 Au XVIe siècle, les penseurs du XVIe siècle ont fini par poser la question nature-culture.
06:54 Et quand vous posez la question nature-culture, vous décalez la nature de la culture donc de l'humain.
07:00 Et l'humain a fini par se dire "cette nature est à notre disposition, je peux l'exploiter comme je veux".
07:04 Et la question de la paix économique en termes de fondement c'est comment on peut passer d'un paradigme économique
07:09 qui voit le monde comme un objet d'exploitation, chez les humains, les non-humains et la partie environnementale,
07:14 à un monde sujet de relation. Et la focalisation sur la relation plutôt que sur l'objet et la finalité
07:19 va certainement nous permettre de transformer les choses.
07:22 De transformer les choses donc de remettre l'humain finalement au cœur de l'entreprise, ça vous parle Caroline Messicat ?
07:27 Oui bien sûr. Alors pour nous ce qui est essentiel c'est que pour pouvoir transformer notre entreprise
07:33 et avoir un impact plus positif sur l'ensemble de l'environnement et sur les territoires sur lesquels on est présent,
07:42 il nous faut changer aussi notre manière de penser et d'agir.
07:47 Et pour cela, ça repose évidemment sur les collaborateurs, leur formation, les moyens qu'on leur donne pour agir,
07:55 agir au sein de l'entreprise et aussi agir en tant que citoyen.
07:59 Pour nous la priorité ça va être de former nos collaborateurs, de les sensibiliser,
08:04 de leur montrer comment leurs actions au quotidien peuvent avoir un impact
08:08 et comment ils ont un rôle à jouer au sein de l'entreprise.
08:11 Donc il s'approprie aussi notre feuille de route qu'ils en soient des acteurs voire des ambassadeurs.
08:17 Et l'outil principal pour cela, évidemment c'est la communication, donc elle est clé.
08:22 Mais c'est aussi les actes et c'est montrer qu'on fait des choses.
08:26 Et un des points importants pour nous, c'est de ne communiquer qu'une fois qu'on a fait, qu'on a réalisé.
08:33 Pour justement donner de la valeur et aussi montrer l'humilité de la démarche de progrès permanent.
08:38 Parce qu'en fait, comme il a été dit tout à l'heure, on n'y arrivera pas seul.
08:42 Et d'ailleurs on salue l'étude de Pernod Ricard qu'on va lire, évidemment avec beaucoup d'intérêt.
08:49 Et on est aussi dans cette démarche collective, c'est-à-dire de dépasser celle de l'entreprise pure,
08:53 mais de travailler avec les autres acteurs du secteur qui peuvent rencontrer les mêmes problématiques que nous.
08:58 Pour in fine, collectivement, préserver le vivant, préserver l'environnement au maximum.
09:05 Mais avec cette humilité très grande qu'on n'y arrivera pas seul.
09:09 Et qu'il faut du temps aussi pour faire évoluer les comportements et les organisations.
09:14 C'est-à-dire, comme ça a été évoqué aussi, que nos enjeux soient les enjeux de l'entreprise.
09:20 Et pas des enjeux périphériques pour se donner bonne conscience.
09:24 Alors je voudrais creuser un peu plus ce que vous disiez tout à l'heure en disant, Dominique,
09:28 c'est-à-dire qu'on ne focalisait peut-être trop sur l'environnement, pas assez sur la notion de paix.
09:32 On voit quand même apparaître dans les entreprises, vous en parlez, et d'autres aussi,
09:36 cette notion de remettre l'humain au cœur de l'entreprise.
09:39 Il y a un élan ? Pas encore suffisant ?
09:42 Si, il y a un élan. Tout ce qu'on a entendu depuis tout à l'heure, pour moi c'est un élan fondamental.
09:48 Je crois qu'une des difficultés, tout à l'heure quand je venais sur la question de paradigme,
09:52 c'est qu'on n'arrive pas, moi y compris, on est tous dans le même lot là,
09:56 quand je dis tout à l'heure un paradigme c'est quelque chose d'inconscient,
09:59 que l'on ne voit pas et qui nous pousse à agir à un moment donné,
10:02 c'est inconscient, inconscient, c'est inconscient.
10:04 Là on est en train de parler de plein de belles choses,
10:06 depuis ce matin je m'amusais à noter tout un ensemble de choses,
10:08 j'ai entendu un certain nombre de fois, nous étions les premiers dans ci,
10:11 nous étions les plus grands sur ça, nous avons avancé sur ci.
10:14 Ça c'est dans notre paradigme, c'est-à-dire je vaux parce que je suis en haut de la pyramide.
10:18 Et finalement dans cette question de paradigme, c'est réussir à bouger les lignes suffisamment
10:23 pour qu'on bascule d'une question qu'on pose à nos enfants,
10:26 qui est sur une forme de triangle, qui dit "dis-moi ce que tu veux devenir",
10:29 c'est-à-dire montre-moi que tu vas être dans les premiers, le plus haut possible,
10:33 à "dis-moi à quoi tu veux contribuer".
10:35 Mais toi sur un cercle et pas sur un triangle.
10:38 Et là dans la question du paradigme économique, c'est ça qu'il faut qu'on pousse.
10:42 Et là on a une entreprise qui peut être très performante.
10:44 Simplement si elle se met sur un cercle et pose la question de "quelle est mon utilité sociale réelle",
10:50 alors elle a quelque chose qui est très différent de réussir à montrer qu'elle est plus forte que les autres.
10:55 Et si on regarde le modèle économique dans l'histoire,
10:57 et c'est pas du tout académique, parce que je veux dire que c'est plutôt démonstratif,
11:00 et puis ça ne vaudrait que pour nous, et que pour certains d'entre nous en tout cas,
11:04 si on regarde rapidement, on a un modèle économique dans la préhistoire
11:08 qui ne pose pas la question du profit, qui dit simplement "je veux survivre".
11:12 Mon activité économique, la définition de l'économie politique, c'est tout ce qui nous met en lien.
11:17 C'est tous les liens entre nous, d'où la question du lien tout à l'heure.
11:20 C'est pas seulement l'activité business.
11:22 On a un modèle économique dans la préhistoire qui dit "je veux survivre".
11:25 On a un modèle économique qui va apparaître petit à petit, une fois qu'on a su survivre,
11:29 où le profit a un sens, en tant qu'une finalité.
11:31 C'est quelque chose qui a dû démarrer peut-être au Moyen-Âge,
11:34 et qui perdure encore maintenant.
11:36 Il dit "je ne veux pas seulement survivre, je veux aller de vivre bien,
11:40 ou de vivre mieux, à vivre bien".
11:42 Là, maintenant, avec tout ce qui est en train de se passer,
11:45 que ce soit pour le climat, que ce soit pour l'environnement,
11:47 ou que ce soit pour les guerres, puisque maintenant qu'il y a des guerres pas très longues,
11:50 on a le droit de le dire sans se faire moquer,
11:52 la véritable question c'est comment vivre ensemble.
11:55 Et ce paradigme du vivre ensemble, si on continue à regarder une dimension triangulaire
11:59 qui dit "il faut absolument que je pouve, que je vaux, parce que je vais le plus haut",
12:03 alors on est foutu.
12:04 - Je voudrais poser justement une question, parce que vous l'avez évoquée,
12:08 et c'est aussi en filigrane, mais comme quoi on élargit aussi le sujet,
12:11 la communication, comment elle aide les entreprises à faire évoluer leur modèle d'affaires.
12:17 Vous l'avez dit, vous avez entendu, on est le meilleur, on est pionnier, etc.
12:21 Il y a le danger aussi, en termes de communication,
12:24 et encore plus justement parce que la réglementation accélère,
12:27 de basculer dans le greenwashing.
12:29 Et ça, c'est vraiment un point d'alerte ?
12:32 - Oui, green, blue, pink, peace, je ne sais pas lequel de washing.
12:36 Et encore une fois, entendez-le dans mes mots comme étant vraiment une alerte
12:41 sur nos difficultés à prendre conscience de nos propres travers.
12:44 Mon sujet de chercheur, à moi, il est entre puissance et fragilité.
12:47 Qui je suis en tant qu'être humain oscillant continuellement entre ma puissance,
12:51 qu'il faut absolument que je puisse valoriser pour qu'elle permette au monde
12:55 que je puisse avoir ma contribution dans le monde, et ma fragilité.
12:59 Et dans cette fragilité, il y a tout ce qui est de ma part d'ombre.
13:02 Et puis l'ombre, des fois, ça peut aller assez loin.
13:05 Je pourrais vous dire, nous sommes la première, chère UNESCO au monde,
13:09 à parler de paix économique.
13:11 Dans cette part d'ombre, il y a mon égo qui va s'afficher.
13:14 OK, il est là. Et il y a ce que je fais de ce truc-là,
13:18 comment je travaille pour le percevoir.
13:20 Et dans cette question du greenwashing, dans la question de la communication,
13:23 la plupart des choses que je vois, ce sont de bonnes intentions.
13:27 Tout à l'heure, il y a eu plusieurs questions sur la dimension de l'intention.
13:30 Il y en a plein de ces bonnes intentions, et elles sont fondamentales.
13:33 La difficulté, c'est comment, tout à l'heure, vous parliez de formation,
13:37 comment dans notre travail de formation, on arrive d'abord à faire un travail
13:40 de déconstruction pour qu'on puisse aller jusqu'à nos parts d'ombre,
13:44 pour qu'à partir de ces parts d'ombre, on puisse reconstruire
13:47 quelque chose qui dit, ah tiens, en fait, effectivement,
13:50 il faut que je sois attentif, parce que moi aussi, je dérive ici, je dérive ici.
13:53 Il y a une petite anecdote, si je peux me la permettre,
13:55 c'est une petite anecdote très ancienne, bouddhiste, japonaise,
13:58 que j'adore, parce qu'elle parle de ça.
14:00 C'est un vieux sage qui est invité par un noble,
14:02 donc il descend de son lieu où il est très à sept,
14:05 et puis il rentre dans la maison de ce noble par la cuisine,
14:08 il voit un sac de riz ouvert, et à ce moment-là,
14:10 les convives dans le salon entendent crier au voleur.
14:12 Et quand ils arrivent dans la cuisine, excusez-moi, je vais le faire comme ça,
14:15 ils voient le vieux sage qui tient sa main, qui a la main dans le sac,
14:18 et qui hurle au voleur. C'est de ça dont je suis en train de parler.
14:21 Comment est-ce qu'on arrive à déconstruire suffisamment
14:23 nos représentations du monde pour que, continuellement,
14:26 dans notre journée, on puisse, dans notre tentative de contribution,
14:30 nous attraper nous-mêmes, sans jugement particulier,
14:33 simplement pour en prendre conscience, nous attraper la main dans le sac ?
14:36 - Un vaste sujet, on pourrait vous écouter pendant très longtemps,
14:39 c'est la difficulté aussi de l'exercice. Peut-être un commentaire, Caroline,
14:42 aussi sur ces enjeux de communication et de greenwashing,
14:45 et d'éviter aussi de savoir aussi se regarder,
14:48 regarder ses travers dont parlait Dominique.
14:51 - Bien sûr, c'est essentiel, c'est au cœur aussi de notre mission
14:56 au sein de l'entreprise, c'est d'éviter qu'on tombe
14:59 dans ce greenwashing, ou dans toute allégation
15:02 qui serait frauduleuse ou incorrecte.
15:06 Pour le faire, on se forme, et on essaye de déconstruire
15:11 justement les fausses bonnes idées, qui pourraient paraître comme ça
15:15 une offre intéressante, une allégation, une formule marketing
15:19 qui pourrait être intéressante, mais qui en fait serait incorrecte,
15:22 voire trompeuse pour le consommateur et le citoyen.
15:27 Et donc c'est vraiment au cœur de nos préoccupations,
15:30 et évidemment on essaye de l'éviter au maximum.
15:35 Mais je voudrais juste, je sais qu'il me reste très peu de temps...
15:38 - Allez-y, vous pouvez, on va juste éborder un tout petit peu.
15:41 - Je voudrais juste rebondir sur ce que vous évoquiez,
15:44 le collectif et la manière dont on est utile.
15:47 Et ça rejoint aussi la table ronde précédente qui a évoqué
15:50 la question du réemploi et du vrac, et la question de la schizophrénie
15:53 du consommateur. Nous, c'est un sujet sur lequel on est très impliqué,
15:57 on travaille depuis longtemps, et on doit faire face justement
16:00 à cette envie du consommateur, par exemple de faire du réemploi.
16:03 Le vrac n'est pas adapté à la bière, mais de faire du réemploi,
16:08 et de lui offrir la bonne solution pour qu'il puisse
16:13 profiter de nos produits en réemploi.
16:16 Et justement, aujourd'hui, le réemploi, quand vous êtes à une terrasse de café
16:20 ou au zinc d'un bar, vous pouvez boire une bière qui est issue du réemploi
16:24 parce qu'elle est issue d'un fût qui a été livré à cet établissement
16:28 et qui est réemployé, rempli, utilisé, rempli.
16:31 Le réemploi, c'est déjà une réalité pour une grande partie des consommateurs
16:35 qui ne le savent pas forcément, d'ailleurs c'est aussi le cas
16:38 quand ils peuvent boire de l'eau minérale ou un jus d'orange,
16:41 il est souvent dans une bouteille consignée quand ils le boivent
16:44 à l'extérieur de chez eux.
16:45 Maintenant, la question c'est comment on fait rentrer le réemploi
16:48 au domicile et dans les supermarchés.
16:52 Là, on doit accompagner le consommateur, et c'est un vrai défi
16:55 parce qu'en fait, il y a l'envie du consommateur, et puis la réalité
16:58 quand il est en magasin, est-ce qu'il a envie d'acheter une bouteille
17:01 qu'il va devoir ensuite rapporter.
17:03 Et nous, ce qu'on fait sur ce sujet, c'est qu'on s'allie à d'autres acteurs,
17:07 des distributeurs ou d'autres acteurs industriels, pour tester
17:12 et proposer une offre et pouvoir comprendre ce qui va être un frein
17:15 ou au contraire ce qui va être encouragé par le consommateur.
17:19 Et c'est là où on doit être assez humble et réaliste sur le temps
17:22 de l'entreprise, qui n'est pas forcément le temps du consommateur
17:25 ou même le temps du politique qui impose par la loi le fait
17:28 de développer le réemploi.
17:30 Nous, on y croit, on en a besoin aussi pour décarboner notre activité
17:34 et notre rôle, et le rôle de la communication, sans faire de greenwashing,
17:39 c'est d'expliquer, c'est ce qui a été dit tout à l'heure,
17:42 c'est d'expliquer à quoi ça sert, pourquoi on le fait
17:45 et comment le consommateur peut aussi être un acteur.
17:48 - Dominique Sellers, peut-être un mot de conclusion en 30 secondes ?
17:51 - Oui, sur la communication, les mots sont importants.
17:54 Je crois tout à l'heure que c'est M. Benguigui qui disait le nombre
17:57 de fois où avait été utilisé un certain vocabulaire très présent
18:00 ces derniers temps.
18:02 Je pense qu'il y a là un véritable travail de précision sur l'utilisation
18:05 et sur l'emploi des mots, la mythologie, les imaginaires, etc.
18:10 Parce que sinon, ils peuvent dériver dans l'état de droit.
18:13 Forcément, comme je suis universitaire, la précision des définitions
18:16 est importante.
18:18 Mon dernier point, il sera sur ce que j'ai tenté de raconter depuis le début,
18:21 n'y entendez pas de jugement moral.
18:23 C'est un vrai problème pour moi, la question de la morale sur ce sujet-là.
18:26 Si on commence à comparer et à dire qui sont les bons et les méchants,
18:29 nous sommes les bons ici, je vous rappelle.
18:32 On est des blancs occidentaux qui ont imposé sur l'ensemble de la planète
18:35 la bonne façon de voir les choses.
18:37 J'ai été dans deux lieux différents dans les semaines passées
18:40 où j'ai été violenté par quelque chose.
18:42 Je vais vous donner un seul exemple pour ne pas prendre de temps.
18:45 Je suis dans une soirée à Londres sur un travail sur la paix
18:48 avec tout un ensemble d'acteurs.
18:50 À un moment donné, un des intervenants de ce dîner dit
18:53 "Tout ça c'est très bien, mais quand même, pour pouvoir avancer sur la paix,
18:56 d'abord il va falloir détruire les diables."
18:58 Et j'ai arrivé à mon intervention ce soir-là,
19:00 c'est-à-dire que l'étymologie de "diable" c'est ce qui sépare.
19:03 C'est d'abord ce qui sépare en moi, ce qui va faire que je vais finir par croire
19:06 que moi je suis le bon et que l'autre est le méchant.
19:09 Et donc il n'y a pas ce diable-là.
19:11 Et si ça sépare, alors ça me sépare de l'autre.
19:14 Et si l'autre est à abattre, si je commence à tuer l'autre,
19:17 alors je me suis tué aussi.
19:19 Comment est-ce que je peux laisser la question morale,
19:21 en dehors de ces dimensions-là, dans ma communication ?
19:24 Comment cette question morale peut rester à l'extérieur
19:26 pour qu'on puisse réellement traiter le problème
19:29 et surtout rester ensemble ?
19:31 Merci beaucoup. On va dire que c'est une très jolie conclusion.
19:34 On peut encore prolonger cet interview croisé.
19:36 Merci beaucoup à tous les deux.
19:38 Merci.