L'Allemagne s'apprête à légaliser le cannabis à usage récréatif. En France, la loi est très sévère envers les consommateurs et détenteurs de cannabis. Le Dr Alexandre Feltz, addictologue et adjoint à la santé à la Ville de Strasbourg, est l'invité de France Bleu Alsace.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 L'Allemagne va donc légaliser le cannabis à usage récréatif.
00:03 Est-ce un fossé qui va se créer avec la loi française ?
00:06 Est-ce que cela peut donner des inspirations chez nous en Alsace ?
00:09 Oui, peut-être dans le mauvais sens d'ailleurs.
00:11 Bonjour Alexandre Feltz, médecin et adjoint à la Santé à la Ville de Strasbourg.
00:16 Comment est-ce que vous regardez cet assouplissement de l'autre côté de la frontière,
00:21 juste à quelques kilomètres d'ici ?
00:23 Alors moi je suis aussi addictologue, donc je connais bien ces problématiques-là,
00:26 et politiquement aussi Strasbourg est en innovation sur ces questions de réduction des risques.
00:33 Donc deux choses, d'abord une réalité, la France a la législation la plus répressive,
00:39 mais aussi le plus grand nombre de consommateurs.
00:42 Donc on voit bien que le tout sécuritaire ne résout pas ce problème de santé publique.
00:47 Il y a un paradoxe qui est lourd.
00:48 Voilà, et on va voir de l'autre côté du Rhin, à quelques minutes de Strasbourg,
00:53 une des législations les plus progressistes d'Europe, même si elle est organisée,
00:56 structurée, comme les amants ça le faire sur ce type de questions.
01:01 Donc bien sûr ça va poser beaucoup de questions, clairement,
01:06 et la Ville n'est pas en responsabilité sur les questions de sécurité,
01:08 mais sur les questions de santé publique, on a sans doute des préconisations à faire.
01:12 Cette progressivité que décident les Allemands,
01:14 c'est-à-dire, bon d'abord on autorise la consommation personnelle,
01:17 puis ensuite on est en à ces associations, des clubs en fait fermés,
01:21 il faudra s'inscrire pour pouvoir acheter du cannabis.
01:24 Ça vous paraît la bonne méthode à adopter ?
01:27 En fait les objectifs de cette loi, elles sont bien sûr de réduire le trafic
01:31 et d'investir très fortement dans la prévention et dans le soin,
01:34 et d'ailleurs tous les médecins et addictologues français sont favorables à cela.
01:38 C'est-à-dire tous les pays qui ont légalisé ou dépénalisé ont fait ça.
01:42 C'est-à-dire qu'ils ont réinvesti l'argent qui sont normalement dans les trafics,
01:47 ils l'ont réinvesti sur des actions de santé publique,
01:50 et ça, ça me semble quelque chose de très vertueux.
01:52 Vous l'avez dit, en France on est très répressif en ce qui concerne le cannabis
01:57 et la législation sur le cannabis, on est trop répressif selon vous-même ?
02:00 On est en décalage, on peut dire que c'est archaïque
02:04 par rapport à l'évolution de la majorité des pays,
02:07 et ça ne permet pas de résoudre,
02:08 puisque on est les plus grands consommateurs d'Europe,
02:11 près de 50% des gens, des adultes,
02:14 ont fumé au moins une fois du cannabis dans leur vie.
02:16 Donc vous, vous êtes pour dire, on peut suivre l'exemple allemand,
02:20 et on légalise aussi en France le cannabis même récréatif ?
02:23 Oui, je suis un régulateur, on le voit autour de l'alcool,
02:27 c'est très important d'arriver à réguler.
02:29 En France, sans doute, on ne régule pas assez l'alcool,
02:31 notamment pour les jeunes et les enfants,
02:34 il y a des lois mais qui sont peu appliquées,
02:36 donc il faut réguler, organiser, structurer,
02:38 investir très fortement dans la prévention et dans le soin,
02:42 et donc on espère que cette expérimentation qui va être évaluée,
02:46 que les Allemands évaluent cela,
02:48 permettent de faire évoluer notre législation française.
02:52 Alexandre Feltz, médecin et adjoint à la santé à la ville de Strasbourg,
02:55 également dictologue,
02:56 est donc avec nous ce matin sur France Bleu Alsace,
02:58 on discute de cela, de cette légalisation du cannabis
03:01 de l'autre côté du Rhin à partir du 1er avril.
03:03 Est-ce que cet exemple allemand,
03:05 on doit nous aussi le faire finalement en Alsace et s'en inspirer ?
03:09 On attend vos avis, vos témoignages au 03 88 25 15 15,
03:13 encore 10 bonnes minutes pour échanger.
03:14 Alors en France, on a testé très très légèrement le cannabis à usage thérapeutique
03:19 avec un échantillon sélectionné de patients,
03:23 vous avez certainement dû suivre ce qui a été proposé,
03:27 comment ça a été expérimenté,
03:28 qu'est-ce que ça vous inspire ?
03:30 Est-ce que c'était déjà un bon premier pas ?
03:33 Très très modéré, puisque très difficile d'accès,
03:36 avec une réglementation qui ne permet pas à tous les patients
03:40 qui pourraient bénéficier de cela,
03:43 donc on voit bien qu'il y a une sorte de prohibition
03:46 sur la question du cannabis, même thérapeutique,
03:49 alors qu'il est possible aujourd'hui de le prescrire,
03:52 donc on voit qu'il y a un problème politique
03:54 d'être uniquement dans une position sécuritaire sur la question des drogues,
04:00 et qu'il faut faire évaluer cela pour agir sur la santé publique.
04:03 À Strasbourg, vous le disiez tout à l'heure,
04:05 en tout cas la maire de Strasbourg et moi-même,
04:07 nous on est favorables à une expérimentation sur ce territoire-là,
04:11 avec l'État, avec l'ARS,
04:13 pour voir comment on peut faire évoluer les choses,
04:16 évaluer, expérimenter de façon pragmatique,
04:19 puisqu'on va avoir des territoires très proches.
04:22 Bien sûr pour l'instant, c'est uniquement les résidents allemands
04:25 qui pourront accéder à cela,
04:27 il faut savoir qu'il y a quand même 3000 Français
04:29 qui vivent aujourd'hui à Kehl,
04:31 donc eux vont pouvoir expérimenter ce type de pratique.
04:35 Tout à fait, la loi allemande est très claire là-dessus,
04:37 sur le fait que les Français n'ont pas accès à ça,
04:40 en tout cas pas ceux qui ne vivent pas sur le sol allemand.
04:43 Est-ce que vous avez été associé avec Kehl par exemple sur cette législation,
04:47 parce que les échanges se font forcément,
04:50 et donc on se dit qu'il y a peut-être une partie du cannabis allemand
04:52 qui va quand même se retrouver sur le territoire français ?
04:55 Alors oui, le maire de Kehl était très inquiet
04:57 d'un tourisme français vers Kehl,
05:00 et c'est vrai qu'avec la maire de Strasbourg,
05:02 ils avaient interpellé l'État français et l'État allemand,
05:05 on n'a pas eu de réponse sur ces questions.
05:07 C'est vrai que, comme vous l'avez dit, la loi est progressive,
05:09 donc le 1er avril, on pourra consommer sur l'espace public du cannabis à Kehl,
05:15 sans verbalisation, puis après il y aura des clubs qui vont s'ouvrir,
05:19 des possibilités de planter, d'échanger dans ces clubs
05:24 qui seront réservés aux résidents allemands depuis plus de 6 mois.
05:30 Favorable ou non à la légalisation du cannabis chez nous, en Alsace ?
05:34 C'est l'image de ce que font nos voisins allemands à partir du 1er avril.
05:38 On vous pose la question. Cédric, bonjour.
05:40 Bonjour, Dr. Feldstein.
05:42 Bonjour, depuis Blotsheim.
05:44 Cédric, selon vous, bonne ou mauvaise chose ?
05:48 Moi, je trouve que c'est une bonne chose.
05:49 Après, j'habite à côté de mes voisins suisses,
05:51 j'étais avant à Strasbourg, Dr. Feldstein était mon médecin.
05:57 Après, on est à deux pays frontaliers,
06:00 de toute façon, si on l'interdit, il y a un moment ou un autre,
06:03 ils feront de la répression sur ça.
06:05 Moi, je trouve que c'est bien parce que le cannabis n'est pas utilisé,
06:07 il ne faut pas voir le côté défonce,
06:09 il faut aussi voir le côté thérapeutique.
06:11 Il y a beaucoup de gens qui se font soigner des nerfs à cause de ça aussi.
06:15 Après, bien sûr, tout ça est suivi, comme en Allemagne, ou pas.
06:20 Mais moi, je trouve que c'est une bonne chose de légaliser ça.
06:24 Ça éviterait déjà un travail supplémentaire à nos forces de l'ordre
06:27 qui sont déjà assez occupées avec d'autres choses.
06:29 Donc, il faut s'inspirer de nos voisins allemands, Cédric ?
06:32 Il faudrait un peu plus s'inspirer de nos voisins allemands
06:34 et surtout de nos voisins suisses, ça serait bien.
06:36 Ils ne font pas la même chose les Suisses ?
06:38 Ah si !
06:39 Et aussi, pardonnez-moi, légaliser une partie de la consommation en cannabis.
06:43 Ça fait longtemps, oui.
06:44 Oui, excusez-moi, je n'ai pas encore tout mis à jour.
06:46 Cédric, merci d'être là pour nous faire.
06:47 On ne peut pas venir en Suisse hubert sur ça.
06:49 J'y viendrai.
06:50 Belle journée à vous Cédric, merci de nous avoir appelé.
06:52 Bonne journée Hubert, à bientôt.
06:53 Vous pouvez vous aussi nous appeler à 0388 25 15 15
06:56 favorable ou non à la légalisation à l'image
06:59 de ce que font nos voisins suisses et allemands concernant le cannabis.
07:02 Alors Alexandre Fels, il y a ce que dit Cédric,
07:04 il y a des effets positifs sur la santé,
07:05 mais on ne peut pas négliger les effets négatifs du cannabis quand même.
07:08 Vous en êtes conscient en tant que médecin addictologue.
07:10 Il y a quand même des effets psychotropes,
07:12 il y a des effets potentiellement dangereux.
07:14 Ça peut inquiéter de se dire que le cannabis pourrait arriver en France
07:18 en libre service, à l'achat, mais en libre service quand même.
07:21 C'est pour ça que j'ai dit, comme l'alcool,
07:23 il est nécessaire de réguler, d'interdire
07:26 les prises de produits psychotropes aux enfants et aux adolescents.
07:30 Donc là, il faut mettre vraiment le paquet là-dessus.
07:33 Autant en termes d'information, de prévention, d'accompagnement,
07:37 parce que justement ça a des effets,
07:39 notamment chez les enfants et les jeunes adultes.
07:42 - Sur le développement neuronal.
07:44 - Sur le développement psychomoteur, sur des troubles également,
07:47 des amnésies, des troubles de concentration,
07:50 des troubles d'apprentissage.
07:52 Donc oui, bien sûr, le cannabis est un psychotrope.
07:54 On voit aussi qu'ils essayent de réguler la qualité,
07:57 la quantité du THC, les allemands,
07:59 pour qu'ils ne soient pas trop forts.
08:01 Parce qu'il y a des doses plus ou moins importantes.
08:04 Donc on voit que c'est une démarche pragmatique de se dire
08:07 on va essayer de diminuer les risques,
08:09 diminuer les trafics,
08:10 diminuer aussi la puissance du cannabis
08:14 en diminuant le taux de THC dans le cannabis,
08:17 qui sera légal en Allemagne.
08:19 - Ça peut être parfois difficile à entendre
08:21 pour des personnes qui, par exemple, ont vécu des accidents de la route
08:24 à cause de personnes sous l'emprise de cannabis.
08:27 On a eu un exemple encore le mois dernier à Colmar.
08:29 - Oui, mais là aussi, il faut interdire,
08:34 comme c'est le cas, la conduite sous stupéfiants,
08:37 que ce soit sous alcool ou sous cannabis, bien sûr,
08:40 c'est tout à fait essentiel.
08:41 - On peut mettre au même niveau alcool, cannabis, c'est la même chose ?
08:44 - Ce n'est pas la même chose,
08:45 mais l'alcool entraîne beaucoup plus de maladies,
08:48 de morbidités, de mortalités,
08:50 alors qu'il en vendent quasi-libre.
08:51 Ce qui n'est pas vrai.
08:52 Normalement, on a une réglementation pour l'alcool,
08:54 mais qui est peu appliquée en France.
08:55 C'est une sorte de tolérance à l'alcool,
08:57 alors que c'est un produit psychotropique très puissant
08:59 qui entraîne, comme vous le disiez tout à l'heure,
09:01 énormément d'accidents de la circulation,
09:03 de rixes, de violences et de maladies.
09:06 - Vous le disiez au début de l'interview,
09:07 la France est le plus gros consommateur européen de cannabis
09:10 malgré la législation qu'on a,
09:12 alors que le discours politique est quand même très culpabilisant sur le sujet.
09:15 En tout cas, on le voit même avec les opérations de lutte
09:18 contre le trafic de drogue qui est eu ces derniers jours.
09:20 Est-ce qu'on se met des œillères sur ce sujet, d'après vous,
09:25 même en sous-estimant le nombre de consommateurs de cannabis ?
09:28 - Bien sûr, c'est une faute politique,
09:30 et surtout, ce n'est pas efficace, ni pragmatique.
09:33 Il faut voir que la prohibition et l'interdiction
09:36 n'entraînent pas de diminution des consommations.
09:38 On le voit bien en France.
09:40 Donc, il faut une autre politique.
09:42 C'est pour ça que des pays progressistes,
09:44 le Québec, le Canada,
09:46 aujourd'hui l'Allemagne, l'Espagne, la Hollande,
09:50 Portugal, ont fait changer,
09:52 parce que ça ne marche pas le tout sécuritaire.
09:54 Il faut des actions de santé publique.
09:56 - Nous accueillons Martine sur France Blaise, à 17h56.
09:58 Bonjour Martine.
09:59 - Oui, bonjour à tous.
10:01 Je ne suis pas tout à fait d'accord à légaliser.
10:04 Je pense que si on veut un pays de drogués,
10:07 c'est ce qu'il faut faire.
10:08 Il n'y a pas de doute, on aura des gens au radar 24/7.
10:11 - Vous pensez que ça peut augmenter la consommation ?
10:14 - Quand on voit déjà ce qui s'est passé avec Pierre Palma,
10:17 si on veut des cas comme ça régulièrement,
10:20 il n'y a pas de problème.
10:21 Il faut légaliser, comme ça tout le monde pourra y toucher.
10:23 C'est une chose que je n'ai jamais prise.
10:25 Je ne vois pas l'intérêt.
10:27 Encore qu'on en donne à des gens qui souffrent énormément,
10:30 ça devrait être contrôlé, mais très contrôlé.
10:34 Mais si maintenant tout le monde peut y toucher,
10:36 je ne sais pas où on va aller.
10:39 - D'accord, vous craignez un effet d'entraînement
10:41 avec la légalisation du cannabis.
10:43 - Je pense qu'on va se retrouver avec des gens
10:45 qui vont être au radar 24h/24.
10:47 Quand je prends le train, le matin à 7h,
10:50 on sent cette odeur, on se dit "mon Dieu,
10:52 dans quel état ils sont déjà ?"
10:54 Et le soir, on voit les mêmes personnes,
10:56 dans un état où ils ne savent même plus qui ils sont.
10:59 Ils se traînent, c'est une horreur.
11:02 Je trouve ça dramatique.
11:04 - Et pas recommandé selon vous, Martine.
11:06 On vous remercie.
11:07 Merci de votre témoignage de ce matin sur France Boulalsa.
11:09 - Je veux bien réagir, parce que c'est une vraie question.
11:12 Je trouve que cette dame est inquiète autour de ça.
11:16 Malheureusement, les bases scientifiques
11:18 sont contre ce qu'elle pense.
11:19 Il faut encore éduquer.
11:20 Tous les pays qui ont légalisé,
11:22 il n'y a eu aucune augmentation,
11:23 voire une baisse d'utilisation des produits.
11:25 Je le redis très fortement,
11:27 la France est le plus gros consommateur
11:30 alors qu'on a le plus de répression.
11:32 Il faut prendre en charge, il faut prévenir,
11:34 il faut soigner les personnes qu'elle rencontre.
11:36 C'est tout à fait essentiel.
11:38 Mais il faut savoir que dans l'Europe,
11:39 on est à moins de 30% d'utilisation,
11:41 au Portugal aussi,
11:42 alors que nous, on est à presque 50%.
11:44 On voit bien que ces deux choses ne sont pas liées.
11:47 Bien sûr, il faut une attention particulière,
11:49 une prévention et un soin,
11:50 mais ce n'est pas la répression,
11:52 ce n'est pas l'interdiction
11:53 qui entraîne une diminution des consommations.
11:56 - En tout cas, Alexandre Feld,
11:57 vous le disiez à Strasbourg,
11:58 vous êtes prêt à accueillir une expérimentation
12:00 sur le cannabis, même récréatif.
12:02 - Oui, tout à fait.
12:03 Ça doit se faire avec l'État,
12:05 avec l'Agence régionale de santé,
12:07 parce que pour nous,
12:08 c'est la question de la santé publique
12:09 qui est essentielle,
12:10 mais on est bien sûr à l'écoute,
12:12 favorable pour accompagner ces choses-là
12:16 dans un cadre régulé, organisé, structuré,
12:19 comme le font les Allemands,
12:20 puisqu'ils ne font pas n'importe quoi,
12:21 ils ont vraiment réfléchi aux choses,
12:23 ils vont l'évaluer également.
12:25 - Ce sera très progressif, en effet.
12:27 Merci beaucoup, Alexandre Feld,
12:28 d'avoir été avec nous ce matin,
12:30 médecin, addictologue également,
12:32 et puis adjoint à la santé,
12:33 à la mairie de Strasbourg.
12:34 Et merci aux auditeurs aussi
12:35 d'avoir participé à notre échange.