Le proviseur de l'établissement Maurice Ravel à Paris a quitté ses fonctions pour des raisons de sécurité. C'est ce proviseur qui a été menacé de mort parce qu'il avait demandé à une élève d'enlever son voile.
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00:00 [Générique]
00:05 Laurent Neman et Mathieu Croissando continuent de nous accompagner ce matin,
00:09 alors que l'on a donc appris hier que le proviseur du lycée Ravel
00:13 avait quitté ses fonctions la semaine dernière et qu'il avait déjà été remplacé dès lundi.
00:17 Il avait été menacé de mort pour avoir demandé à une élève à la fin du mois de février
00:21 de retirer son voile. Il a expliqué dans un courrier interne
00:25 qu'il s'en allait pour des raisons de sécurité, mais dans le même temps,
00:28 le rectorat semble minimiser la portée de cette décision
00:32 en invoquant un départ anticipé à la retraite.
00:36 Clément Gauvin avec Philippine David et Véronique Fèvre.
00:39 Dans un mail adressé à ses collègues, le proviseur du lycée Maurice Ravel est très clair.
00:45 J'ai finalement pris la décision de quitter dès ce soir mes fonctions de proviseur
00:49 par sécurité pour moi et pour l'établissement.
00:52 Depuis fin février, le proviseur a été la cible de menaces de mort,
00:56 notamment via les réseaux sociaux, car une élève affirmait avoir été poussée
01:00 et frappée par le responsable de l'établissement qui lui demandait de retirer son voile.
01:05 Il est inacceptable qu'un chef d'établissement, qu'un fonctionnaire,
01:09 qu'une personne agissant dans le cadre de ses fonctions, qu'elle soit publique,
01:13 privée, soit menacée de mort, c'est inacceptable.
01:16 Et la responsabilité, elle porte sur les réseaux sociaux,
01:19 qui n'arrivent pas à modérer ces effets de meute qui se mettent sur une personne.
01:24 La décision du proviseur ne semble donc pas être uniquement un départ anticipé à la retraite,
01:29 comme l'indique le rectorat.
01:31 Le proviseur du lycée Maurice Ravel, arrivant à quelques mois de sa retraite,
01:34 il a été décidé de lui accorder, en accord avec la direction de l'Académie de Paris,
01:38 un départ anticipé.
01:40 Son remplaçant au lycée Maurice Ravel, lui, a désormais pour mission
01:44 d'apaiser les tensions au sein de l'établissement.
01:46 Il m'appartiendra donc de faire en sorte qu'avec vous tous,
01:49 la fin de l'année scolaire des Raveliens et la préparation de la prochaine rentrée scolaire,
01:53 se déroule dans les meilleures conditions possibles.
01:56 Le nouveau proviseur assurera l'intérim jusqu'en juillet prochain.
02:00 Laurent Demane, quelle est votre lecture de ce départ anticipé ?
02:04 C'est une affaire absolument exemplaire.
02:07 Exemplaire, parce que pour une fois, lorsque les faits sont survenus,
02:11 la ministre s'est déplacée, le rectorat a soutenu,
02:14 les proviseurs se sont réunis, vous vous souvenez de cette manifestation,
02:17 devant la Sorbonne, et on s'est dit, enfin pour une fois,
02:20 enfin pour une fois, on ne met pas la poussière sur le tapis,
02:23 tout fonctionne, on a compris. En fait, on n'a rien compris.
02:26 On n'a rien compris parce que depuis ces faits, le proviseur,
02:31 il est toujours sous protection personnelle.
02:34 Sa vie est devenue un enfer.
02:36 Les menaces de mort sur les réseaux sociaux continuent.
02:39 Tous les jours, des menaces, des messages de haine,
02:43 et ça, on est incapable de le régler.
02:46 Tant qu'on ne s'attaquera pas à cette question des réseaux sociaux,
02:48 on n'y arrivera pas. Vous pouvez avoir la solidarité
02:51 de tous les proviseurs. Ça n'était jamais arrivé
02:54 que les proviseurs se réunissent devant la Sorbonne.
02:56 Franchement, on s'était dit, ça y est, ils ont compris.
02:59 Non, on n'a toujours pas compris à quel point ce genre d'événement
03:03 est absolument ravageur pour la vie quotidienne des gens concernés.
03:07 - Ce qui est terrible, c'est que l'administration,
03:09 elle n'a pas du tout cette lecture, elle cherche à habiller ce départ
03:13 en disant, voilà, c'est une anticipation de sa retraite.
03:16 - L'administration, elle a l'impression d'avoir fait son travail.
03:18 - Convenance personnelle.
03:20 - Pour une fois, le rectorat est venu en soutien immédiatement du proviseur.
03:23 On s'est même dit, ça y est, on a changé d'époque.
03:26 Ils ont compris. Mais en fait, la vie de ce proviseur est un enfer.
03:31 Et donc, à un moment donné, on lâche. On a beau être soutenu,
03:34 on a beau être protégé. Vous vous souvenez des mots
03:37 de la ministre, elle avait dit, on va mettre un bouclier
03:40 de protection autour de ce proviseur.
03:43 La vérité, c'est que ça ne suffit pas.
03:45 - Il y a une proviseure qui dit ce matin, on aurait tort de penser
03:48 qu'on sort indemne de ce genre d'événements.
03:50 On ne revient jamais à son état initial.
03:52 Est-ce qu'on est coupable de l'avoir abandonné, le proviseur du lycée Ravel ?
03:56 - Alors, c'est vrai que la ministre a fait le job, la police a fait le job,
03:59 mais d'une certaine façon, la société n'a pas fait le job.
04:01 Parce que ces événements-là, on en a pris, hélas, une fâcheuse habitude.
04:05 On est dans un pays qui a payé un tribut épouvantable à la haine islamiste,
04:09 en particulier dans le camp enseignant.
04:11 On rappelle les assassinats de Samal Pathi, l'an dernier de Dominique Bernard.
04:14 Là, c'est la laïcité qui est testée, parce qu'il faut le rappeler,
04:17 la loi sur le voile, la loi sur les signes religieux,
04:20 l'interdiction des signes religieux à l'école, elle date de 2004.
04:22 Ça fait 20 ans que tout le monde sait qu'on ne se présente pas
04:25 avec des signes religieux à l'école, ni kippa, ni grande croix,
04:27 disait-on à l'époque, ni voile.
04:29 Donc, les gens qui viennent avec un voile dans la cour d'un établissement,
04:31 ils viennent tester l'institution.
04:33 Alors, peut-être par provocation, parfois par idéologie,
04:35 mais ils viennent tester l'institution.
04:37 Et ce combat-là, il faut le mener tous les jours.
04:39 Il faut être ferme, c'est ce qu'a fait ce proviseur.
04:41 Or, ce proviseur le fait, il est menacé de mort.
04:43 Et alors, oui, certes, je disais, l'administration a réagi,
04:45 la police a réagi, et tant mieux, mais la société tout entière,
04:48 le président de la République, le Premier ministre, la classe politique,
04:51 on est le premier pays à défiler dans la rue, à organiser des marches
04:55 pour tel et tel et tel sujet.
04:57 Là, la laïcité, c'est le fondement de la République.
04:59 Aujourd'hui, c'est une notion qui semble dépassée.
05:01 Les gens la comprennent mal.
05:02 Les jeunes, quand vous faites des enquêtes, des sondages,
05:04 disent qu'ils ont l'impression que c'est un mot pour dissimuler
05:07 la haine anti-musulman. Non, la laïcité, c'est juste
05:10 le permettre de vivre ensemble, c'est-à-dire,
05:12 ceux qui croient, ceux qui ne croient pas, c'est un contrat de société.
05:15 Et si on ne défend pas ça, collectivement, nous, les journalistes,
05:17 la société civile, les parents d'élèves, les syndicats lycéens,
05:20 les syndicats étudiants, vous les voyez monter au créneau,
05:22 ces gens-là, pour dire que c'est insupportable,
05:24 l'école doit rester cet asile inviolable,
05:26 où les querelles des hommes ne pénètrent pas,
05:28 comme le disait le ministre du Front populaire d'Éducation nationale,
05:30 Jean Zay, eh bien, c'est maintenant qu'il faut le faire.
05:32 Tout le monde, c'est un sursaut collectif.
05:34 - Laurent Neumann, il faut rappeler quand même d'où part cette affaire.
05:37 L'improviseur n'avait fait que rappeler la loi à cet élève.
05:41 Sans ostentation, normalement ?
05:45 - On a tous les ingrédients, trois jeunes filles qui portent le voile,
05:48 il leur demande de l'ortirer, deux le font,
05:50 une refuse de le faire, et ensuite, début du mensonge.
05:54 Ça devient une affaire politique, les réseaux sociaux s'en mènent,
05:57 c'est classique, on a vu cet emballement-là dans plein d'affaires.
06:00 Souvenez-vous la Fermi, là.
06:02 Il faut avoir à l'esprit, et ça dépasse le cadre de l'école,
06:06 que dès que quelqu'un est impliqué d'une manière ou d'une autre
06:09 dans une affaire de ce type, sa vie devient un enfer.
06:12 Dans un tout autre domaine, je vais vous prendre un exemple,
06:15 la dessinatrice de Charlie Hebdo, Coco, sa vie est un enfer.
06:19 Il a fallu à nouveau doubler les protections,
06:21 elle vit sous protection permanente.
06:23 Elle n'a rien fait de mal, elle a fait un dessin.
06:25 Ce proviseur n'a rien fait de mal, il a appliqué la loi.
06:27 Sa vie devient un enfer.
06:29 Et à un moment donné, certains ont les reins assez solides
06:32 pour y faire face, et d'autres, et on ne peut pas les blâmer,
06:35 ne supportent pas cette pression,
06:37 ils préfèrent faire un pas de côté et sortir.
06:39 - Il a 45 ans de carrière dans l'éducation nationale,
06:41 il était proviseur de lycée en Seine-Saint-Denis
06:43 avant d'arriver à Ravel.
06:44 - Carrière exemplaire, et ça se finit comme ça, c'est terrible.
06:47 - Je voudrais qu'on réécoute ce que disait la ministre d'éducation
06:50 à l'époque, début mars, Nicole Belloubet,
06:52 qui avait apporté son soutien au proviseur
06:54 et qui s'était même rendue au lycée Ravel.
06:56 - Dès lors que nous avons eu connaissance des faits,
06:59 nous avons vraiment réagi pour former un bouclier de protection
07:04 autour de l'établissement et autour de ses personnels.
07:07 Nous avons pris en effet une série de mesures
07:10 pour protéger le proviseur.
07:12 Cela concerne également la sécurisation de l'établissement
07:15 et bien entendu, nous travaillons à la fois
07:18 sur la réaffirmation des valeurs de la République.
07:23 - Mathieu, la classe politique, toute la classe politique
07:26 est sur le même bord, que l'on soit à droite, à gauche,
07:28 à l'extrême droite ?
07:29 - Alors ce matin, il y a beaucoup de réactions,
07:31 que ce soit à droite, avec Valérie Pécresse par exemple,
07:33 à l'extrême droite, avec Gilbert Collard, à gauche,
07:36 avec le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire,
07:38 ou encore le député Jérôme Getsch.
07:40 On se souvient quand même que toute la classe politique
07:42 n'était pas d'accord quand ça s'est passé,
07:44 puisque une élue de Paris, Danielle Simonnet,
07:46 députée LFI, la France insoumise, avait dit en gros
07:50 qu'il fallait qu'une enquête dise la vérité
07:52 puisque la jeune fille se plaignait d'avoir été brutalisée
07:54 par le proviseur et que le proviseur lui disait
07:57 avoir juste fait son job.
07:59 Comme si on pouvait renvoyer dos à dos,
08:00 comme s'il y avait une responsabilité à chercher
08:02 dans cet incident. Non.
08:03 L'incident, il est créé par la personne qui vient
08:05 avec un signe religieux dans l'établissement scolaire.
08:07 - Laïcité fragile.