La cour d'appel de Dijon ordonne des nouveaux actes d'enquêtes pour élucider la mort du petit Grégory Villemin, retrouvé mort en 1984 dans les Vosges. Grâce aux progrès de la science, des analyses d'ADN vont être réalisées ainsi qu'une étude de faisabilité en biométrie vocale, pour comparer les voix des corbeaux.
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00:00 8h11, retour sur le plateau de première édition et donc le 7 minutes pour comprendre si les progrès essentiels de la police scientifique vont permettre
00:06 à l'enquête sur l'affaire Grégory de franchir un cap décisif.
00:10 Avec nous, général François Daoust, ancien directeur de l'IRCGN et du pôle judiciaire de la gendarmerie,
00:21 professeur de sciences criminelles à l'université de Cergy-Paris,
00:24 Vincent Van Tighem du service police-justice nous accompagne.
00:27 Et on est également avec Marie-Christine Chastan-Moran, bonjour, vous êtes l'avocate des parents de Jean-Marie et Christine Villemin, les parents de Grégory.
00:34 Ce sont eux qui ont demandé à la justice de lancer de nouvelles expertises, pourquoi ?
00:41 Oui bonjour,
00:46 effectivement il y avait déjà eu une décision qui avait ordonné des mesures d'investigation scientifique et
00:54 Christine et Jean-Marie Villemin, au vu de ces expertises, ont estimé qu'il y avait peut-être des compléments
00:59 à solliciter. Donc cette décision qui vient d'être rendue ordonne des vérifications
01:05 et ce sont des compléments par rapport à ce qui avait déjà été ordonné en matière d'ADN.
01:12 Maître, dites-nous très concrètement pourquoi vous avez demandé effectivement ces avancées, parce que la police scientifique a fait des progrès
01:20 ces dernières années en matière
01:23 d'ADN et en matière de reconnaissance vocale, c'est bien ça ?
01:27 Oui il y a deux choses,
01:31 l'ADN,
01:32 la justice travaille sur l'ADN depuis la réouverture du dossier,
01:37 des investigations ont été effectuées, certaines sont en cours et d'autres vont être
01:43 diligentées. Et puis il y avait cette autre possibilité, cette autre piste
01:51 qui est celle des voix, puisque dans cette affaire il y a les enregistrements du corbeau et
01:57 il y a donc peut-être des investigations
01:59 diligentées pour faire des comparaisons entre la voix du corbeau qui a été enregistrée et la voix de
02:08 certains personnages de cette affaire. Ceci n'avait pas encore été fait dans le cadre de la réouverture
02:16 de l'information judiciaire.
02:18 Vincent Ventighemme, en fait dans cette affaire il y a à la fois de l'ADN, mais de l'ADN très dégradé,
02:24 évidemment pas par les années, et donc cet ADN peut aujourd'hui parler, c'est bien ça ?
02:30 Exactement, en fait la science avance et plus elle avance plus on va être en mesure
02:35 d'exploiter ce qui a été prélevé sur la scène de crime. On parle de quoi ici ? On parle d'ADN qui a été prélevé,
02:41 isolé sur des éléments de la scène de crime, les cordelettes qui ont enserré le petit garçon,
02:45 l'anorak, le bonnet, son pantalon. On a ces ADN depuis déjà très longtemps, sauf qu'ils étaient mélangés,
02:51 qu'ils étaient peu exploitables, mais aujourd'hui la science avance, on peut faire des recherches par exemple en parentèle sur des familles entières.
02:57 Donc voilà, plus la science avance... Et l'ADN par parentèle, c'est passionnant.
03:01 Et puis il y a la voix. Il y a des enregistrements qui datent de ces années-là, c'est-à-dire qu'il y a une quarantaine d'années,
03:08 dû ou décorbeau, n'est-ce pas, la voix est
03:12 difficilement reconnaissable. Et là encore, en procédant à la comparaison entre cet enregistrement
03:18 et les voix de certains témoins toujours vivants, on va peut-être là aussi pouvoir avancer.
03:25 Alors là, on est juste sur une étude de faisabilité, c'est-à-dire de voir si ça va être possible. Mais effectivement, l'hypothèse
03:32 de la justice dans ce dossier, c'est de se dire "est-ce qu'on peut pas avoir une empreinte vocale comme on a une empreinte digitale, une empreinte
03:39 génétique ?" Donc on va faire évoluer la science, on va regarder ce qu'il est possible de faire par rapport à tous les enregistrements du
03:45 corbeau ou des corbeaux, vous l'avez dit, parce que dans ce dossier,
03:47 visiblement, il y avait plusieurs corbeaux. Et si on arrive à définir cette empreinte vocale, après on pourra peut-être la comparer avec des protagonistes
03:54 du dossier. Mais François Daoust, comment on fait pour comparer une empreinte vocale ? On va devoir aller voir tous les proches de la famille
04:01 de Grégory pour enregistrer leur voix et la comparer à des enregistrements existants ?
04:06 Alors oui,
04:08 certes, il y a ça et il faudrait faire ça. Et comme le disait tout à l'heure
04:12 l'autre journaliste, c'est une étude de faisabilité. Je rappelle que nous sommes 40 ans en arrière,
04:19 que nous sommes dans des moyens qui sont des moyens
04:22 analogiques, alors que maintenant nous n'avons que des moyens numériques. Nos téléphones
04:26 sont numériques, les conversations sont enregistrées en numérique. Et les moyens analogiques de l'époque, eh bien, avaient la déplorable habitude
04:35 de décréter le signal, c'est-à-dire qu'une partie de la voix est effacée sans qu'on s'en rende compte.
04:41 Mais pour comparer, c'est difficile. Donc il va falloir récupérer l'ensemble des enregistrements,
04:47 déjà mettre ceux qui sont ensemble et du même locuteur, et après récupérer d'autres enregistrements, y compris de personnes
04:55 qui seraient décédées depuis,
04:57 que l'on pourrait avoir pour les traiter de façon à savoir si c'est comparable ou pas.
05:04 Donc on voit bien qu'il y a déjà un très gros travail de préparation pour voir la faisabilité.
05:09 Et pour ceux qui seraient encore vivants, eh bien, c'est faire des enregistrements,
05:14 sachant que même si le fond de notre voix reste,
05:18 nous est propre, on a quand même un écrétage
05:21 naturel qui est dû à l'âge, qui est dû à la maladie, qui est dû à beaucoup de choses, qui fait qu'il peut y avoir des
05:26 variations qui viennent interférer. La voix va être quelque chose d'annexe par rapport à l'ADN.
05:31 Dominique, ce qui est fascinant dans cette histoire, c'est qu'en fait depuis depuis 40 ans, on se rend compte
05:35 régulièrement que l'enquête ne s'est jamais arrêtée.
05:39 Bien sûr, parce que les parents demandent des actes, parce que la justice fait des actes, parce que les avocats
05:45 soutiennent les parents, et que chaque acte, celui-ci en est un,
05:49 expertise ADN, expertise des voix, chaque acte repousse d'autant les délais de prescription.
05:55 Donc là on est reparti encore pour 20 ans.
06:00 Donc cette affaire évidemment ne s'arrête pas parce que tout le monde fait en sorte qu'elle continue à vivre, à exister
06:06 juridiquement et judiciairement. Pour ceux qui évidemment les plus jeunes d'entre nous, qui n'ont pas la globalité
06:11 de l'affaire en tête, 40 ans, donc cet enfant qui est retrouvé
06:15 noyé dans les eaux de la Bologne, 16 octobre 1984, avec de multiples rebondissements,
06:20 est-ce qu'au fil des années,
06:23 des suspects se sont dégagés ? Alors d'abord on a pensé à Bernard Laroche,
06:28 évidemment parce qu'il y avait le témoignage de Muriel Boll qui disait "il est venu nous chercher à l'école
06:32 et on s'est arrêté le long de la route pour qu'il aille chercher un petit garçon".
06:36 Il est descendu au bord de la rivière avec le petit garçon, il est remonté sans lui, donc évidemment c'était quand même
06:41 accablant. Muriel Boll est revenu sur ses accusations.
06:44 Bernard Laroche, prison, sortie de prison, libérée, tuée par Jean-Marie Villemin.
06:49 Je vous rappelle l'épisode quand même de la maman de Grégory, Christine Villemin, qui était elle-même placée en détention
06:54 avant de ressortir et d'être complètement
06:57 blanchie. Et puis il y a le complot familial, on est dans la vallée de la Vologne avec une famille
07:01 dont certains membres se détestent, des jalousies,
07:05 le père de Grégory qui a réussi, et des lettres, ces lettres de corbeau dont Vincent parlait tout à l'heure,
07:12 des appels.
07:14 L'affaire c'est vrai continue, continue à exister. Vous vous rendez compte, Grégory il aurait 44 ans aujourd'hui.
07:21 Maître, comment Jean-Marie et Christine Villemin réagissent-ils à la poursuite de ces investigations ? Au fil de toutes ces années, on imagine
07:28 qu'ils n'ont jamais rien lâché, qu'ils ont toujours été tenus au courant de l'évolution de l'enquête.
07:35 Oui, ils n'ont pas lâché, pour reprendre votre expression, effectivement. Ils sont vraiment déterminés à
07:44 vouloir tout faire pour faire jaillir la vérité, pour savoir ce qui s'est passé.
07:50 Et ce qu'il y a d'intéressant, là ils sont extrêmement satisfaits, bien évidemment, de cette décision,
07:55 notamment concernant l'enquête de faisabilité, l'expertise de faisabilité concernant les voix.
08:02 Parce que si on a les enregistrements du corbeau, et j'entendais ce que disait votre intervenant tout à l'heure, pour faire des comparaisons,
08:10 puisque on sait que la voix évolue, bien évidemment avec l'âge, mais pour faire des comparaisons dans cette affaire, beaucoup de personnes se sont
08:19 exprimées de façon naturelle devant les caméras, et il existe des enregistrements qui sont
08:26 contemporains
08:28 aux enregistrements du corbeau. Voilà pourquoi il y a une possibilité, ce sera peut-être difficile, mais difficile ne veut pas dire impossible,
08:36 et vraiment dans leur esprit, à Christine et Jean-Marie, c'est ne pas laisser
08:46 une investigation qui pourrait être faite et qui ne le soit pas, ne pas perdre une chance de connaître la vérité, c'est véritablement
08:53 le moteur qui les anime. - Quel âge ont aujourd'hui Jean-Marie et Christine Villemin ?
08:58 - Ah ben maintenant c'était des tout jeunes gens, maintenant ils ont
09:04 60 ans, ils étaient tout jeunes, on leur a assassiné leur enfant unique, maintenant ils sont parents et grands-parents,
09:13 les années ont passé, on est bientôt cette année en tout cas à 40 ans de la date des faits.
09:20 - Général Daoust, ce qu'on se dit en écoutant tout ça, c'est que
09:24 le crime parfait est de plus en plus difficile. Vous, ancien patron de l'institut de recherche
09:30 criminelle de la gendarmerie nationale, est-ce que vous pensez que l'on va connaître enfin la vérité sur cette affaire ?
09:38 - Alors j'espère parce qu'elle a mobilisé tout le monde, elle est à l'origine aussi, il faut le savoir en France,
09:43 d'une révolution des moyens et de la police technique et scientifique,
09:48 tant pour la police que pour la gendarmerie, donc ça a été un coup de boutoir énorme. Donc là-dessus,
09:55 on a maintenant des moyens. On espère que ces derniers éléments et notamment
10:03 l'ADN qui pourrait être sur des scellés, s'ils ont bien été conservés, puissent apporter quelques réponses.
10:10 C'est un espoir que tout le monde a parce que 40 ans, c'est toute ma carrière. Je suis rentré en gendarmerie
10:17 en septembre 1984 et j'ai vécu avec en fond
10:24 cette affaire, comme tous les enquêteurs, avec point d'interrogation, mais derrière des progrès scientifiques
10:33 qui montrent qu'il ne faut pas s'arrêter à ce qui existe, mais continuer à développer.
10:37 - Voilà, je vous conseille, si vous êtes passionné par la police scientifique, je vous conseille cet ouvrage de
10:42 François Daoust co-écrit avec Jacques Pradel "Le choc du futur" qui concerne évidemment tous les secrets et tout ce que peut permettre
10:49 la police scientifique. - Moi je vous conseille ce livre d'un certain Vincent Wannighem qui vient de sortir "Les défendre tous"
10:56 préfacé par François Molins, un livre qui raconte en fait les dernières affaires et surtout
11:02 les avocats impliqués dans ces affaires ?
11:04 Le lien humain entre les avocats et leurs clients.