Découvrez « Face aux Territoires », émission diffusée sur TV5 Monde en partenariat avec Le Point. L'invité du dernier numéro : l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Il répond aux questions du journaliste Cyril Viguier et d'Armelle Le Goff, directrice adjointe de la rédaction du Point.
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00:00 *Musique*
00:12 Bonjour, c'est Face au Territoire ce matin sur TV5 Monde dans 200 pays en 22 langues, vous le savez, avec Ouest-France, Nice Matin 20 minutes, France Antille, le magazine Le Point et le magazine Géostratégie.
00:20 Mon invité c'est Jean-Marc Ayrault, l'ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, les deux. Bonjour, merci d'être avec nous Jean-Marc Ayrault.
00:26 Toute petite question personnelle, vous avez quitté Matignon dans les conditions qu'on connaît, vous étiez le dernier Premier ministre de la gauche plurielle.
00:35 Vous vous attendiez pas d'ailleurs je crois à quitter Matignon à ce moment-là, vous avez endossé souvent des responsabilités dont vous n'aviez pas forcément la paternité.
00:42 Comment faites-vous pour ne jamais avoir d'amertume ? Quand on vous parle, on a l'impression que vous n'avez aucune amertume. C'est rare dans...
00:50 - Je crois que quand on a de l'amertume, on vit mal en fait, on est malheureux. Donc c'est d'ailleurs un conseil que m'avait donné Michel Rocard.
00:56 Juste après mon départ de Matignon avec ma femme, on est partis 3 semaines en voyage pour couper et au retour j'avais une lettre de Michel Rocard qui m'a invité à déjeuner.
01:04 Et qui m'a dit "je sais ce que tu ressens, ça doit être difficile, j'ai vécu la même chose mais surtout ne ressasse pas, ne rumine pas, tu en seras malheureux, pense à te projeter".
01:13 Et puis finalement, j'ai pu faire d'autres choses. Je suis revenu à l'Assemblée Nationale, je suis revenu ministre des Affaires étrangères.
01:20 Aujourd'hui, je suis retiré de la vie politique active, même si évidemment je m'y intéresse.
01:24 Et je suis président de deux fondations. La fondation pour la mémoire de l'esclavage et la fondation Jean Jaurès.
01:29 - On va en parler bien sûr. - Comme bénévole et ça me passionne.
01:31 - De cette émission, Jean-Marc Ayrault qui va commenter l'actualité avec nous. Elle est très internationale.
01:35 Vous le savez malheureusement quelques fois. Voilà, tout de suite Stéphane Vernier de West France sur ce plateau.
01:40 [Musique]
01:43 Bonjour Stéphane Vernier, vous dirigez la rédaction de West France à Paris. Vous êtes rédacteur en chef délégué de ce titre premier quotidien francophone du monde.
01:50 - Bonjour Cyril, bonjour M. le Premier ministre. - Bonjour.
01:52 - Bonjour, bonjour. Alors vous n'êtes plus Premier ministre Jean-Marc Ayrault mais vous êtes doublement président, on vient de le dire,
01:56 de la fondation pour la mémoire de l'esclavage et la fondation de Jean Jaurès.
01:59 Ces deux fondations sont des postes d'observation privilégiés sur la société.
02:03 Depuis ces deux postes vigi, que voyez-vous de la France d'aujourd'hui ?
02:07 - Je vois une France inquiète, une France qui parfois est en colère et puis une France qui attend aussi des perspectives politiques
02:15 parce que la France est un pays très politique, vous savez, avec une conscience aiguë des questions mais souvent de déception et avec des risques.
02:23 La risque c'est dans le vide politique notamment à gauche mais aussi à droite, la droite républicaine, le macronisme en difficulté.
02:30 C'est la montée des extrêmes et la montée de l'extrême droite qui diffuse peu à peu son idéologie relayée ici ou là.
02:37 Et je crois qu'il ne faut pas baisser les bras parce que les Français attendent quelque chose et qui leur donne envie de voir l'avenir avec confiance.
02:46 - Cette montée de l'extrême droite, vous êtes en train de nous dire qu'elle n'est pas inéluctable.
02:49 Quel est son moteur, son principal carburant pour vous ?
02:52 - Je pense qu'il y a une déception, je crois, assez profonde par rapport à la capacité des politiques à agir sur le cours des choses.
02:59 Et le sentiment qu'au fond tout ce qu'on leur a dit pendant des années ça ne marche pas, ou qu'on nous a trompés, c'est inefficace.
03:06 Et qu'ils peuvent être tentés par essayer autre chose. Mais ce n'est pas inéluctable.
03:09 - Mais il n'y a pas que ça ?
03:10 - Il n'y a pas que ça, non. Mais ça compte beaucoup, je crois. Parce que les Français, je vous l'ai dit, c'est un peuple politique, attaché à des valeurs, à des principes.
03:17 Alors moi, une chose qui me frappe, c'est qu'il y a à la fois un besoin d'autorité, un besoin de repères, un besoin de règles.
03:22 Mais il y a aussi un besoin de justice, d'égalité. Parce que les mouvements des agriculteurs, moi j'en retiens, c'est les plus modestes des agriculteurs qui souffrent et auxquels on n'a pas encore apporté vraiment de réponse.
03:32 Les Gilets jaunes, c'était aussi une colère sociale. Donc il y a tout ça qui... La France est un pays qui est marqué par son histoire et son identité politique.
03:40 Elle est construite autour des principes de la Révolution française, de l'égalité et de la justice et de la fraternité.
03:45 Donc c'est ça qui manque au projet politique d'aujourd'hui.
03:48 - Est-ce que vous percevez aussi une montée du racisme et du populisme ?
03:51 - Oui, je crois. Vraiment. Je... Vous savez...
03:53 - De manière très nette ces dernières années, ces derniers temps.
03:55 - Il y a une chose qui me frappe, c'est la préparation des Jeux olympiques.
03:59 Ah, il y a un caméraman qu'on empêche, qu'on ne voudrait pas voir chanter.
04:03 - Vous l'appréciez, vous, à titre personnel ?
04:05 - Oui. Enfin, c'est... J'aime bien son style. Maintenant, je ne suis pas forcément la première chanteuse que je choisirais.
04:12 Mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est que derrière, c'est complètement raciste. Et ça, ça me rappelle quelque chose.
04:17 Lorsque j'étais député, avec Christiane Taubira, on avait fait voter cette loi où la France reconnaissait que l'esclavage était un crime contre l'humanité.
04:24 Je ne sais pas si on serait capable de le voter à l'unanimité comme à l'époque.
04:27 Et c'est comme en 1789... Enfin, 1989, c'était le bicentenaire de la Révolution française.
04:32 Il y avait ce défilé sur les Champs-Élysées, il y avait Jessye Norman qui a chanté la Marseillaise.
04:37 On trouvait ça formidable. Et aujourd'hui, c'est le contraire. Donc il y a de quoi s'inquiéter.
04:41 - On parle beaucoup aussi d'une flambée d'antisémitisme dans notre pays, qui est liée au conflit à Gaza depuis le 7 octobre.
04:47 Vous avez vu ce qui s'est passé à Sciences Po la semaine dernière.
04:53 Le Premier ministre a utilisé une expression singulière en disant que le poisson pourrit toujours par la tête.
04:59 Comment vous l'interprétez ? Quel est votre regard sur cette situation ?
05:02 - Moi, je pense qu'il faut aussi être très clair. Parce qu'il y a une montée de l'antisémitisme, qui ne date pas d'aujourd'hui,
05:07 qui s'inscrit dans une histoire longue, mais qui est accentuée par ce qui est évidemment la dimension des questions d'aujourd'hui,
05:14 notamment au Moyen-Orient. Mais je pense qu'il y a aussi besoin de garder son calme, son sang-froid.
05:23 Vous voyez, par exemple, une enquête judiciaire... - Ça a été exagérée autour de...
05:26 - Je ne sais pas. Une enquête judiciaire a été demandée pour ce qui s'est passé à Sciences Po.
05:28 - Une enquête administrative aussi. - Et judiciaire. Et ça, je pense qu'une planque a été déposée.
05:31 Donc je crois que c'est une bonne chose qu'on y voit clair. Et en tout cas, il faut préserver l'université.
05:36 Des lieux de débat, de recherche. Il faut plus de solidarité.
05:38 - Alors justement, la notion de "le poisson qui pourrit par la tête", c'est quoi ? C'est le wokisme qui est en ligne de mire ?
05:43 - Oui. Mais là, c'est pareil. Le wokisme, on va le mettre à toutes les sauces. Il faudrait pas que le wokisme que je ne partage pas
05:49 se traduise par une absence de lucidité sur les questions de discrimination, de racisme, d'inégalité,
05:55 parce que ça peut être aussi un prétexte pour pas les traiter.
05:57 - Le CETA, peut-être une question dernière. - Oui, une dernière question. Alors ce qui n'a rien à voir.
06:00 Mais vous savez que ce matin, les sénateurs se penchent sur la ratification du CETA,
06:04 7 ans après son entrée en vigueur. - Oui, c'est... Voilà.
06:07 - Quel est l'objectif ? À quoi ça sert ? Est-ce qu'on veut tuer la culture française ?
06:10 - L'accord sur... - Moi, personnellement, je ne le voterai pas. - L'accord sur le libre-échange, hein, pour les téléspectateurs avec le Canada.
06:15 - Si j'étais sénateur, puisque c'est les sénateurs qui vont voter, je ne le voterai pas.
06:17 Je pense que d'ailleurs, ça sera le cas de la gauche, peut-être une partie de la droite,
06:20 parce qu'après la crise agricole, si on comprend pas qu'il faut de nouvelles règles du jeu,
06:24 plus équitables, plus protectrices de nos intérêts, mais aussi de l'environnement, de la qualité,
06:28 de la matière de santé sur les produits agricoles, c'est qu'on fait vraiment fausse route.
06:33 - On va... Monsieur le Premier ministre, c'est Jean-Marc Ayrault qui est notre invité ce matin en face au territoire.
06:38 Écoutez, regardez, l'éditorialiste et dessinateur de West France, Chonu, qui a une question à vous poser sous forme de dessin.
06:44 C'est la tradition de cette émission.
06:46 - Jean-Marc Ayrault, Monsieur le Premier ministre, bonjour.
06:49 François Hollande est connu pour son scooter et vous pour votre combi Volkswagen
06:54 qu'il va vous falloir bientôt customiser et repeindre en kaki à la demande du président de la République.
07:01 Voici ma question.
07:03 Avant d'envoyer des troupes en Ukraine, ne faudrait-il pas mener sur le territoire national
07:09 une guerre sans merci contre le narco-banditisme qui profite de notre état de droit,
07:16 gangrène les quartiers et menace notre République ?
07:20 - Évidemment qu'il faut mener ce combat qui est en train de gangrener un certain nombre de quartiers,
07:24 de casser la cohésion sociale dans les quartiers.
07:27 Bon, ça ne sera pas par des coups de menton ou par des opérations de com'.
07:30 C'est un travail de longue haleine mais il faut le mener avec une très très grande détermination.
07:33 Le trafic de drogue, c'est devenu une industrie et est devenu un commerce qui est extrêmement florissant.
07:39 Alors il y a bien sûr des trafiquants mais il y a aussi des consommateurs.
07:42 Ça nous interpelle tous.
07:43 - La une de Ouest-France, Stéphane Vernet.
07:45 - C'est sur la loi bien vieillir qui ne fait pas l'unanimité
07:48 et qui ne donne pas de satisfaction par rapport à la prudence. C'est du grand âge.
07:51 - Merci Stéphane Vernet, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris
07:54 et rédacteur en chef délégué du titre.
07:55 Merci.
07:56 Dans un instant, sur ce plateau, Denis Caro qui est en duplex de Nice.
08:02 Merci Stéphane Vernet.
08:04 Bonjour Denis Caro, il fait beau, vous nous l'avez dit tout à l'heure,
08:10 vous êtes en duplex de Nice et vous avez une question sur les enjeux prochains des élections européennes.
08:14 Pour Jean-Marc Ayrault, notre invité.
08:17 - Oui, bonjour Cyril, bonjour Jean-Marc Ayrault.
08:19 Jordan Bardella qui a raccolt l'entête dans les sondages pour les européennes
08:22 et d'après une grande enquête menée par Ipsos dans 18 pays,
08:25 la droite radicale et eurosceptique pourrait gagner 30 sièges le 9 juin.
08:29 Comment l'expliquez-vous et est-ce que cela vous inquiète ?
08:33 - Le contexte général joue en faveur du courant populiste.
08:38 Le désarroi, la peur de l'avenir, l'insécurité, tout ça, l'immigration,
08:44 ça permet à ces partis de progresser.
08:46 Mais quand je regarde les hypothèses électorales,
08:50 même si cette extrême droite progresse ici et là,
08:54 elle ne sera pas majoritaire.
08:56 C'est les partis démocratiques qui seront majoritaires.
08:58 Et donc la question c'est pour les électeurs,
09:01 c'est pas de faire un premier tour de la future élection présidentielle,
09:04 c'est de voter pour les partis qui vont porter un projet européen,
09:07 c'est-à-dire à la fois qui sont européens,
09:09 mais qui veulent aussi améliorer et changer l'Europe.
09:11 Et pour ça, il faudrait une majorité.
09:13 Et cette majorité, ce n'est pas l'extrême droite qui la fera,
09:15 ce n'est pas l'extrême gauche qui la fera.
09:17 Et donc moi, je défends la liste Glucksmann,
09:20 je défends le courant socialiste et social-démocrate en Europe.
09:23 Il faut qu'il soit le plus puissant pour peser dans la bonne direction.
09:26 - Denis Carreau.
09:29 - Anis, Raphaël Glucksmann, justement, on le voit,
09:31 progresse dans les sondages.
09:33 Est-ce que c'est le bon choix pour la gauche ?
09:35 - Moi, j'ai suivi, j'avais déjà soutenu Raphaël Glucksmann il y a 5 ans,
09:42 mais je l'ai vu énormément progresser.
09:44 Il a énormément travaillé,
09:45 c'est devenu une vraie personnalité reconnue,
09:48 profondément européen, profondément social-démocrate.
09:52 Et il le dit clairement, il l'assume,
09:54 et qui à la fois s'intéresse aux questions stratégiques, géopolitiques,
09:58 la question de l'Ukraine, la question du Moyen-Orient,
10:01 mais aussi qui s'intéresse à la question agricole,
10:03 le modèle économique et social qu'on peut développer
10:05 et défendre à l'échelle européenne.
10:07 Donc, je pense que ça représente un bon choix.
10:10 Et il y a beaucoup de gens aujourd'hui qui sont dans l'hésitation,
10:12 qui ont été déçus par Macron,
10:14 qui sont déçus par le vote Mélenchon,
10:16 qui ne voient pas d'issue dans cette perspective
10:18 et qui sont en train de s'interroger,
10:19 faut-il ne pas trouver un nouveau chemin ?
10:21 Et là, il y a une offre qui est faite,
10:23 celle de Raphaël Glucksmann,
10:24 et je pense qu'il faut l'examiner avec beaucoup d'attention.
10:26 Raphaël Glucksmann qui sera notre invité
10:28 dans Face au Territoire dans quelques jours,
10:29 à votre place même Jean-Marc Ayrault.
10:31 Et puis, le non-cumul des mandats de Nicaro ?
10:34 Oui, des députés Horizon, Jean-Marc Ayrault,
10:38 veulent remettre en cause l'interdiction du cumul des mandats.
10:42 Vous aviez salué à l'époque une grande avancée
10:45 pour la modernisation de notre pays.
10:47 Est-ce que vous le pensez toujours ?
10:48 Oui, je le pense toujours,
10:49 puisque j'étais le promoteur de ce projet comme Premier ministre.
10:53 J'étais Premier ministre et cette loi a été adoptée par le Parlement
10:57 et qui a été considérée par une très grande majorité française
10:59 comme un progrès démocratique.
11:01 Je pense que ce n'est pas seulement moi.
11:02 Moi-même, j'ai été cumular, j'ai été député-maire pendant longtemps,
11:05 mais j'ai mesuré aussi combien il fallait faire respirer la démocratie.
11:08 Alors, on nous dit aujourd'hui, il faut revenir au cumul
11:11 parce que ça permet d'avoir des élus enracinés.
11:16 Mais ça, c'est un peu se moquer du monde
11:17 parce qu'en fait, on peut cumuler encore aujourd'hui.
11:20 On peut cumuler un mandat de député ou de sénateur
11:24 avec un mandat de conseiller municipal,
11:26 de conseiller départemental et de conseiller régional,
11:28 donc enraciné sur le terrain, connaissant les dossiers.
11:31 Et donc, ça ne veut pas dire qu'il faut être forcément patron de l'exécutif.
11:34 Et donc là, il y a un peu une petite astuce
11:38 et je pense qu'il faudrait revenir à l'essentiel.
11:40 Si on revenait sur le non-cumul, ça serait un recul, une régression.
11:44 J'espère qu'heureusement qu'il n'y aura pas de majorité pour voter ça.
11:48 - Denis Carreau, la une de Nice matin, ce matin.
11:54 - La une de Nice matin, une rencontre lecteur avec le patron du Tour de France
12:00 à J-100 avant le départ du Tour de France
12:03 et pour la première fois, une arrivée à Nice le 21 juillet.
12:08 L'arrivée du Tour de France qui ne se fera pas à Paris.
12:11 - Ça va se fêter, ça, sans doute.
12:13 Je m'imagine que ça va créer à Nice beaucoup d'enthousiasme.
12:18 - Beaucoup d'enthousiasme et une grande fête en perspective.
12:23 - Merci Denis Carreau.
12:24 Vous dirigez les rédactions du groupe Nice matin,
12:26 c'est-à-dire VarMatin également et Monaco matin.
12:29 Merci à vous, vous étiez en direct et en duplex de Nice.
12:32 On va partir pour Fort de France en Martinique.
12:34 Monsieur le Premier ministre Jean-Marc Ayrault,
12:36 qui est notre invité ce matin en face au territoire,
12:38 c'est Cyril Boutier qui est directeur éditorial de France Antille,
12:41 notre partenaire qui a une question à vous poser depuis Fort de France.
12:44 On l'écoute.
12:45 - Bonjour Jean-Marc Ayrault.
12:46 Vous êtes un connaisseur de la région Caraïbe,
12:48 notamment à travers la Fondation pour la mémoire de l'esclavage que vous présidez.
12:52 J'aimerais vous interroger sur la situation chaotique que vit Haïti
12:56 depuis des mois, pour ne pas dire des années.
12:58 Pour vous, comment est-il possible de se sortir de l'ornière politique
13:03 dans laquelle est le pays et surtout de la violence effrayante
13:07 que vivent les Haïtiens depuis ces dernières semaines face aux gangs,
13:11 notamment ?
13:12 - Pays francophone d'ailleurs.
13:13 - Je suis avec la Fondation pour la mémoire de l'esclavage
13:16 très attentivement à cette situation.
13:18 Vous savez que l'année prochaine, ce sera le 200e anniversaire
13:21 de la signature de l'ordonnance royale de Charles X
13:24 qui a imposé à Haïti une dette considérable de 100 milliards de francs de l'époque,
13:28 que les Haïtiens, les paysans Haïtiens,
13:32 qui avaient conquis leur liberté et leur indépendance,
13:34 ont remboursé jusque dans les années 1950.
13:37 Et donc c'est une vraie pénalisation pour ce pays.
13:40 Je suis sûr que ça joue encore.
13:41 - Comment en sortir aujourd'hui ?
13:42 - Et donc aujourd'hui, quand je vous dis qu'on suit très près,
13:45 nous avons dans notre conseil d'administration Yannick Lahaïs,
13:47 qui est une écrivaine très rénommée et très courageuse
13:50 et qui continue de vivre dans son pays, en particulier à Port-au-Prince.
13:54 Elle nous tient au courant évidemment.
13:55 Elle appelle au secours, comme tous les Haïtiens,
13:59 qui aujourd'hui, ce sont les gangs qui ont pris le pouvoir.
14:01 Donc on ne peut pas laisser faire ça.
14:03 Il n'y a plus d'État, il n'y a plus rien.
14:04 Donc c'est un pays qui va à la dérive.
14:06 - Il faut passer par l'ONU.
14:07 - Il faut une intervention internationale pour permettre de rétablir l'ordre public
14:12 et puis en même temps permettre à la démocratie de s'exprimer.
14:15 Puisque depuis très longtemps, il n'y a pas eu d'élection,
14:17 il n'y a pas de gouvernants, il n'y a pas de parlement, plus rien ne se réunit.
14:20 Et puis ce que dit Yannick Lahaïs, c'est que dans la société civile haïtienne,
14:23 il y a énormément de potentiel.
14:25 Il n'y a pas que les gangs,
14:27 il y a aussi cette population extrêmement résiliente et courageuse,
14:29 pleine de projets et qui attend ce message, qui attend cette intervention.
14:33 - Une proximité avec nous.
14:34 - Et puis s'agissant de la France,
14:35 parce que la France a une certaine dette morale en quelque sorte,
14:38 par rapport à toute cette histoire,
14:39 je pense que la France est trop silencieuse.
14:41 Il faut qu'elle participe à une initiative avec les Américains
14:44 qui ont aussi leur part de responsabilité,
14:46 qui ont occupé pendant longtemps Haïti.
14:49 Et puis évidemment les pays de la région,
14:51 la Caraïbe qui déjà est impliquée
14:53 et qu'il faut vraiment mettre autour de la table pour avancer et trouver une solution.
14:56 - C'est Jean-Marc Ayrault, l'ancien Premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères
15:00 qui est l'invité de Face au Territoire ce matin.
15:02 Dans un instant, Armel Le Goff, de la rédaction du Point sur ce plateau.
15:06 [Musique]
15:08 - Bonjour Armel Le Goff, les questions internationales aussi avec vous,
15:10 et la guerre en Ukraine évidemment.
15:12 - Oui, avec des difficultés pour les troupes ukrainiennes,
15:15 notamment dans le Donbass.
15:17 On constate aussi des dissensions au sein du pouvoir.
15:21 Est-ce que pour la coalition et la communauté internationale,
15:24 il est urgent d'agir et d'agir plus fermement ?
15:26 - Il faut être ferme et clair, déterminé, ça c'est sûr.
15:30 Mais il faut être concret.
15:31 Parce que l'appel au secours de l'Ukraine, ce n'est pas du verbe.
15:35 C'est le président, le Premier ministre polonais,
15:38 qui a trouvé les mots à mon avis à travers une formule.
15:42 La solidarité ukrainienne, c'est moins de mots et plus d'obus.
15:46 Et ça c'est concret.
15:47 Des armements, des avions, compromets et compromets,
15:50 et puis qui ne viennent pas sur le terrain.
15:52 Donc je pense qu'il faut que les Européens, les Américains,
15:55 mais les Européens d'abord, pas seulement la France.
15:58 Et s'il y a un sommet à Bruxelles, il faut qu'il en sorte quelque chose.
16:01 - Alors justement, le soutien américain,
16:04 qui est le plus important depuis le début de l'invasion russe en Ukraine,
16:08 est bloqué aujourd'hui au Congrès.
16:10 Comment ça se fait ?
16:11 Qu'est-ce que les Européens doivent venir, eux,
16:15 du coup plus fermement et en soutien de l'Ukraine ?
16:17 - Il y a une prise de conscience européenne.
16:19 De toute façon, ils ont leur sécurité à assurer davantage.
16:25 Et que le sujet d'une défense européenne,
16:27 ce thème qui était un peu tabou,
16:29 que porte la France depuis longtemps,
16:31 et qui se sentait parfois isolé,
16:33 il est revenu au devant de la scène.
16:35 Donc ça c'est bien.
16:36 Maintenant, il faut que ça se contraitise.
16:38 Il y a la question des armes, des armements,
16:40 la question industrielle, la question de l'organisation...
16:43 - Emmanuel Macron, il y a quelques semaines...
16:45 - Mais c'est d'autant plus nécessaire que,
16:47 s'il s'est bloqué aux Etats-Unis, c'est à cause de Trump,
16:49 qui n'est pas encore redevenu président,
16:51 mais s'il en redevenait, vous imaginez un peu la catastrophe.
16:53 - Qu'est-ce que vous imaginez, vous, pour les élections américaines ?
16:55 Vous pensez qu'il est possible qu'il les remporte ?
16:57 - Non, c'est pas joué. C'est pas joué du tout.
16:59 C'est loin d'être joué. C'est plus compliqué que ça.
17:01 - Emmanuel Macron...
17:02 - Mais en tout cas, il faut que les Européens soient au rendez-vous,
17:04 pas attendre les élections européennes.
17:06 - Emmanuel Macron, il y a quelques semaines,
17:07 a fortement fait bouger les lignes
17:10 en évoquant la possibilité d'envoi de troupes au sol.
17:12 C'était une erreur.
17:13 C'est une façon de faire bouger les lignes, justement.
17:15 Est-ce qu'il avait raison de faire cette déclaration ?
17:16 Et comment vous analysez cette déclaration ?
17:18 - Est-ce que c'est la stratégie ? Oui, voilà.
17:19 - Oui, il y a des gens qui pensent que c'était une gaffe
17:21 et puis que finalement, c'est une gaffe qui était plutôt bénéfique.
17:23 - Non, c'est pas une gaffe, puisque il l'assume.
17:25 Mais est-ce que c'est la bonne méthode ?
17:27 Ça, ça se discute.
17:28 Parce que ça a eu un effet immédiat.
17:31 Il y a eu un côté électrochoc, en disant
17:32 "Oh là là, il y a peut-être une menace plus grande que qu'on imaginait".
17:35 C'est le côté positif, je veux dire.
17:37 Mais le deuxième aspect, qui est moins positif,
17:39 c'est que ça a tout de suite déclenché
17:41 des expressions divergentes entre Européens et avec les Américains.
17:44 Alors que Poutine a besoin de voir que les Européens,
17:47 la communauté internationale, sont unis.
17:50 - Ce couple franco-allemand, justement, dont on parle beaucoup,
17:53 est-ce qu'il fonctionne toujours ?
17:55 Qu'est-ce qui se passe, en fait ?
17:56 Pour vous qui connaissez bien l'Allemagne.
17:58 - Oui, parfois je m'en désole, parce qu'il est indispensable.
18:02 Cette coopération franco-allemande,
18:04 si on veut faire avancer l'Europe, il faut que ça retrouve de l'élan.
18:07 Et c'est loin d'être le cas.
18:08 Alors, il y a des causes diverses.
18:10 Parfois, la méthode française,
18:12 on pense que tout le monde doit penser comme nous.
18:14 Donc, il faut quand même accepter de comprendre
18:17 quelle est la logique de l'autre.
18:18 Donc, il faut passer du temps à discuter,
18:19 essayer de se comprendre.
18:20 Puis, il y a les spécificités allemandes.
18:22 S'agissant de l'Ukraine, il y a un débat en Allemagne,
18:25 compte tenu du poids de l'histoire,
18:27 de la culpabilité allemande par rapport à la Russie,
18:29 qui pèse dans le débat politique allemand.
18:32 Et puis, il y a la coalition.
18:32 - Qu'est-ce qui bloque chez les Allemands ?
18:34 Pourquoi ils ne vont pas plus loin ?
18:35 Parce qu'en termes d'armement, ils vont loin.
18:37 Mais en revanche, en termes d'engagement,
18:39 ils sont très en retrait.
18:40 - Je crois qu'il faut être assez prudent
18:42 et pas être trop définitif.
18:43 Parce que si on fait le bilan,
18:45 d'abord, la solidarité avec l'Ukraine, ça tient.
18:48 Pas seulement en franco-allemand, en européen.
18:51 Et puis, s'agissant des moyens qui sont mis à disposition
18:54 des Ukrainiens, je pense que l'Allemagne n'a pas à rougir.
18:57 Donc, ne rentrons pas trop dans ce jeu tactique
18:59 qui est un peu délétère.
19:00 Je pense que par contre, il faut relancer
19:02 la coopération franco-allemande.
19:04 Davantage d'écoute, davantage de compréhension
19:06 et davantage d'action.
19:08 - Dernière question.
19:09 On a beaucoup d'hommes politiques aujourd'hui
19:11 qui font du sport et notamment de la boxe.
19:14 Est-ce que vous faites, vous aussi, de la boxe ?
19:16 - Non, c'est pas ma...
19:18 - Vous faites quoi ?
19:20 - Moi, je marche.
19:21 - Et le combi Volkswagen, vous l'avez toujours ?
19:23 - Je fais toujours du camping-car.
19:25 Et le combi Volkswagen fait toujours partie
19:26 de mon patrimoine.
19:27 - La une du point, Armel Le Gouffre.
19:29 - La une du point, c'est la contagion antisémite.
19:30 - On m'a quand même assez moqué.
19:32 On a bien rigolé de ça, parfois avec
19:34 une certaine condescendance.
19:36 Mais moi, j'assume.
19:37 - Il y a beaucoup de gens qui sont camping-caristes.
19:39 - Je le sais, je le sais bien.
19:41 C'est pour ça que tu es assez populaire.
19:43 - La une du point, c'est la contagion antisémite.
19:46 Et notamment, on revient sur les événements
19:49 qui se sont produits à Sciences Po Paris
19:51 la semaine passée.
19:52 - Armel Le Gouffre qui dirige de manière ferme
19:56 et définitive la rédaction du point.
19:58 - Voilà, directrice adjointe. Merci, Armel Le Gouffre.
20:00 Dans un instant, Floreal Hernández de 20 minutes
20:03 sur ce plateau, notre partenaire.
20:05 (musique)
20:07 - Voilà, 20 minutes, ce qui est donc
20:09 une « John-Venture » comme on dit,
20:11 entre la voie du Nord et Ouest-France.
20:13 - Un gros procès, effectivement, de Ouest-France.
20:15 - Bonjour, Floreal Hernández.
20:17 - Bonjour, Jean-Marc Ayrault.
20:19 Dans deux récents sondages, en janvier et en février 2024,
20:22 François Hollande apparaît comme l'homme politique
20:24 de gauche, préféré des Français.
20:26 On parle d'arrivée de rockstar,
20:28 quand il va dans les universités faire des conférences.
20:31 On parle des nombreux selfies qu'il peut faire.
20:35 Comment vous expliquez ce retour en grâce
20:38 de François Hollande ?
20:40 - Est-ce que vous allez en profiter d'ailleurs,
20:42 tant qu'à faire ? Vous étiez son premier ministre.
20:44 - Non, non, moi je vais aussi, alors moins que lui,
20:46 qui va beaucoup dans les amphis,
20:48 mais à chaque fois que je vais dans un amphi,
20:50 ou devant des classes, des élèves,
20:52 c'est toujours un accueil extrêmement chaleureux,
20:54 passionnant, et toujours enthousiaste.
20:56 Et ça m'arrive aussi de faire des selfies.
20:58 Bon, faut pas en tirer des conclusions
21:00 que tout d'un coup, le paysage politique s'est dégagé
21:02 et qu'on va vous demander de revenir.
21:04 - Vous allez être candidat à l'élection présidentielle ?
21:06 - Ce que je veux dire aussi, c'est qu'avec le temps,
21:08 avec le recul,
21:10 les citoyens font le tri
21:12 entre ce qui a marché et ce qui n'a pas marché.
21:14 Moi je préside aujourd'hui la fondation Jean Jaurès,
21:16 comme on l'a rappelé tout à l'heure.
21:18 Nous avons fait, nous, un bilan du quinquennat
21:20 à François Hollande sur la totalité
21:22 de sa durée.
21:24 Et effectivement,
21:26 je vous invite à d'ailleurs aller sur le site
21:28 internet de la fondation et vous verrez ce bilan
21:30 qui est très intéressant, il y a des zones d'ombre,
21:32 il y a des critiques, il y a même parfois
21:34 des critiques sévères, mais il y a aussi des choses
21:36 positives qui ont marché. Et donc avec le temps,
21:38 je dirais qu'en comparaison,
21:40 on se dit que c'était pas si nul que ça.
21:42 - D'accord. Donc vous,
21:44 ce que lui dit, c'est que pour ce jeune public,
21:46 il y avait le Père Noël et François Hollande,
21:48 c'était les deux personnes connues puisqu'il était président de la République.
21:50 - Quand on a été président de la République comme il l'a été,
21:52 tout le monde connaît le président de la République.
21:54 Et donc ça c'est une chose qui demeure,
21:56 moi, moi comme Premier ministre,
21:58 mais je le vois malgré tout quand vous êtes Premier ministre,
22:00 on vous voit à la télé, on vous voit dans les journaux,
22:02 partout. Donc on me reconnaît encore
22:04 dans la rue, donc peut-être moins les enfants,
22:06 parce qu'ils n'étaient pas forcément nés à ce moment-là.
22:08 Mais le temps passe. Mais je crois
22:10 qu'il faut, je dirais,
22:12 ce que j'en pense, c'est que
22:14 cette notoriété,
22:16 il ne faut pas la mettre au service de soi-même,
22:18 ou d'une ambition, évidemment,
22:20 qu'on pourrait imaginer relancer,
22:22 mais plutôt au service du pays,
22:24 en termes de retour d'expérience,
22:26 de voir comment on voit les choses,
22:28 et donner notre regard.
22:30 - Aujourd'hui on constate par contre
22:32 un creux générationnel au Parti socialiste,
22:34 puisque si on pense à des personnalités
22:36 connues, ça va être vous,
22:38 ça va être François Hollande, ça va être Manuel Valls
22:40 ou Ségolène Royal, et aujourd'hui,
22:42 difficile pour le grand public de citer
22:44 quelqu'un du PS qui émerge.
22:46 - Oui c'est vrai, c'est vrai. - Comment vous l'expliquez ?
22:48 - Bah vous savez, il y a eu quand même
22:50 un choc
22:52 terrible, c'est la crise
22:54 des grands partis politiques français,
22:56 que sont le Parti socialiste
22:58 et le Parti républicain, qui a changé plusieurs fois de nom.
23:00 - Mais on arrive à citer des...
23:02 des personnes des républicains,
23:04 Eric Jouty, Auquier,
23:06 arrivent à être cités par le grand public.
23:08 - Oui, mais enfin, par le grand public,
23:10 je ne suis pas sûr.
23:12 On les voit, mais eux-mêmes, ils n'incarnent
23:14 pas vraiment un courant politique,
23:16 et ils ne donnent pas beaucoup d'espoir.
23:18 Donc si c'est ça que vous voulez dire.
23:20 Non, moi je pense que ce qui manque au Parti socialiste,
23:22 ce que je trouve regrettable,
23:24 c'est que depuis 2017,
23:26 il n'est pas été en mesure de présenter
23:28 un programme alternatif.
23:30 Y compris un programme qui n'est pas
23:32 à prendre ou à laisser avec les autres
23:34 forces de gauche, mais qui serait
23:36 sa contribution. Ça n'a pas été fait.
23:38 À partir du moment où ça n'a pas été fait,
23:40 comment voulez-vous que des personnalités émergent
23:42 si elles n'ont rien d'original à dire ?
23:44 Sinon simplement de la tactique ou de la critique.
23:46 - Et alors, est-ce que le programme qui va être présenté
23:48 pour les élections européennes vous satisfait ?
23:50 - Alors là, ce programme-là,
23:52 pour une fois, il y a eu un travail de fond qui a été fait,
23:54 avec un vote, et qui je trouve,
23:56 un programme qui a été d'abord adopté à l'unanimité,
23:58 ce qui est une bonne chose, parce que souvent,
24:00 on retient la division. Et puis,
24:02 il est incarné par une candidature qui est celle de
24:04 Raphaël Kluxmann, que je trouve plutôt porteuse.
24:06 - Il a eu 20 minutes, Florelle Hernandez.
24:08 - Donc il y a encore un peu d'espoir.
24:10 - On s'intéressait aux Jeux olympiques et...
24:12 - Il est mignon, adorable. - Oui, il est mignon, sauf qu'il n'aura
24:14 pas le droit d'aller au stade s'il n'a pas payé son
24:16 son billet plein pot, comme sa maman ou son papa.
24:18 - Ça ne va pas être résolu, d'ici 4 mois ?
24:20 - Eh bien, on verra. Je ne sais pas.
24:22 - Peut-être grâce à 20 minutes. - Peut-être grâce à 20 minutes.
24:24 - Il y a cette alerte. Florelle Hernandez,
24:26 rédactrice en chef de 20 minutes.
24:28 Voilà. Merci, Florelle Hernandez,
24:30 dans un instant. Tom Benoit, de Géostratégie,
24:32 sur ce plateau. C'est Jean-Marc Ayrault, notre invité, ce matin.
24:34 [Musique]
24:36 [Musique]
24:38 - Bonjour, Tom Benoit. - Bonjour. - Vous êtes le directeur de la rédaction
24:40 de Géostratégie Magazine,
24:42 une publication des éditions
24:44 La Fond Presse. - Absolument.
24:46 Bonjour, monsieur le Premier ministre. - Bonjour.
24:48 - Alors, vous aviez dit, en 2022, au début
24:50 de la guerre en Ukraine, il faut parler, il faut
24:52 s'adresser à Vladimir Poutine dans les yeux.
24:54 Si vous aviez Vladimir Poutine les yeux
24:56 dans les yeux aujourd'hui, que lui diriez-vous ?
24:58 - D'abord, je l'ai eu dans les yeux.
25:00 - Vous êtes un des rares qui a été invité
25:02 dans sa dacha. - Tout à fait.
25:04 - J'ai été reçu, à l'occasion d'un voyage à Moscou,
25:06 dans le cadre du partenariat
25:08 franco-russe, avec le Premier ministre
25:10 Medvedev. J'ai été reçu par Vladimir Poutine.
25:12 - Oui. - Et, effectivement,
25:14 il y avait le conseiller diplomatique, il y avait l'interprète
25:16 et l'ambassadeur de France.
25:18 Donc, c'était vraiment toute petite communauté. - Oui.
25:20 - Il n'y avait rien d'ostentatoire,
25:22 mais c'était quand même extrêmement cash,
25:24 voire assez brutal.
25:26 Et si je vous en parle, ce n'est pas pour dire que j'étais
25:28 à Moscou et que j'ai vu Poutine, c'est pour dire
25:30 ce qu'il m'a dit. Il y avait un ordre
25:32 du jour, on a commencé à le regarder, et puis, d'un seul
25:34 coup, il est passé à autre chose. - En 2013, à peu près ?
25:36 - Oui, c'était le 1er novembre 2013.
25:38 - Donc, avant Euromaïdan. - C'était avant
25:40 une réunion importante entre l'Union
25:42 européenne et l'Ukraine pour signer un accord
25:44 d'association, de partenariat,
25:46 de coopération. Et c'était son sujet.
25:48 Il n'avait qu'un sujet dans la rencontre avec moi.
25:50 Et il a, il a été une très grande
25:52 brude à l'idée, en me disant "Mais pourquoi vous voulez faire ça ?
25:54 C'est une agression contre la Russie.
25:56 Et puis, ça se termine, après
25:58 un échange où j'ai essayé d'argumenter, rassurer,
26:00 j'ai rien rassuré du tout. Il me dit, en faisant
26:02 ça sur la table, "Ca ne sera pas signé."
26:04 Et ça n'a pas été signé, effectivement.
26:06 - Il posait cette question... - Non, mais quelques jours après,
26:08 il y a eu cette réunion à lieu.
26:10 Le président en exercice, Yanukovych,
26:12 proche de Poutine, refuse de signer.
26:14 Et puis, il y a la révolte de la place
26:16 Maïdan, qui va durer des mois et des mois,
26:18 avec une féroce répression. - Avec une fiasco
26:20 entre l'Union Européenne et la Russie, à ce moment-là,
26:22 sur le plan économique. - Oui,
26:24 mais après, ce qui se passe, c'est que
26:26 Yanukovych, finalement, renonce
26:28 et fuit en Russie. Un nouveau président, Poroshenko,
26:30 est élu. L'accord est signé. L'accord est signé
26:32 en mars 2014.
26:34 Mais qu'est-ce qui se passe juste après ?
26:36 C'est l'invasion de la Crimée.
26:38 C'est-à-dire que ce que m'avait dit Poutine,
26:40 où je n'avais pas encore imaginé
26:42 ce qu'il allait se passer, se passe.
26:44 Et en fait, depuis 2014 jusqu'à aujourd'hui,
26:46 il y a une continuité, une cohérence
26:48 de Poutine qui est implacable
26:50 et qui doit nous faire réfléchir
26:52 dans un inste réel. - Très précisément, Jean-Marc Ayrault,
26:54 j'ai eu le privilège, moins diplomatique que vous,
26:56 de rencontrer Vladimir Zelensky, en Ukraine.
26:58 Nous avons échangé. J'ai échangé avec beaucoup
27:00 d'Ukrainiennes et d'Ukrainiens, qui m'ont dit, en 2022,
27:02 "On ne comprend pas ce que veut Poutine."
27:04 Et effectivement, aujourd'hui,
27:06 selon vous, Jean-Marc Ayrault, Vladimir Poutine
27:08 a dit dès le départ, "Nous ne voulons pas
27:10 remettre en cause l'intégrité de l'Ukraine."
27:12 Évidemment que chacun aura compris qu'il voulait remettre en cause
27:14 l'intégrité de l'Ukraine. Qu'attend
27:16 réellement de ce combat, Vladimir Poutine ?
27:18 - Je crois que Vladimir Poutine a dit, il ne faut jamais l'oublier,
27:20 que la fin de l'Union soviétique,
27:22 la plus grande catastrophe de l'histoire.
27:24 - Donc est-ce qu'on peut imaginer que Vladimir Poutine voudrait
27:26 remettre l'Ukraine toute entière dans son giron ?
27:28 - En tout cas, d'en faire un état satellite.
27:30 - Oui. - Parce qu'il a dit, il a même
27:32 nié la réalité... - Plus aujourd'hui, ça n'est plus un visage
27:34 de la communauté internationale. - Il a nié lui-même l'identité
27:36 et la réalité de la nation ukrainienne. - Mettons qu'il ait eu
27:38 cette idée, il a été contraint de se l'enlever de la tête
27:40 aujourd'hui. - La nation ukrainienne existe, elle a
27:42 résisté. - Bien sûr, et elle est soutenue par le
27:44 mouvement... - Et je pense qu'il y a plus que ça,
27:46 c'est que chez Poutine, il y a la volonté
27:48 de mettre en cause le modèle démocratique occidental,
27:50 et en particulier celui qui incarne l'Union
27:52 européenne et ses valeurs.
27:54 Et ce n'est pas un hasard s'il y a des
27:56 cyberattaques, s'il y a de l'ingérence,
27:58 s'il y a de la déstabilisation avec les médias,
28:00 etc. Parce que c'est ce modèle-là que Poutine
28:02 veut mettre en cause. Donc nous, quand nous
28:04 défendons l'Ukraine et que nous sommes solidaires avec l'Ukraine,
28:06 c'est aussi un certain modèle politique
28:08 et démocratique, et un modèle de société
28:10 que nous devons défendre. - Pour changer
28:12 de sujet, Jean-Marc Aroux, vous avez été donc le Premier
28:14 ministre de François Hollande, qui avait fait d'une de ses
28:16 promesses de campagne la taxation de l'imposition
28:18 à 75%. Ça a été
28:20 mis en place, ça a effrayé beaucoup de milliardaires
28:22 naturellement, ça a été abandonné.
28:24 Qu'est-ce que cela voulait dire ? Est-ce que c'était une idée
28:26 crédible, une bonne idée ? Pourquoi
28:28 l'avoir abandonnée ? Est-ce que vous l'auriez
28:30 toujours aujourd'hui ? - Compliqué à mettre
28:32 en œuvre, mais ce dont je...
28:34 ce que je pense, et c'est d'ailleurs
28:36 la raison pour laquelle je l'avais proposé,
28:38 mais après j'ai quitté Matignon,
28:40 et ça ne s'est pas fait, c'est une réforme fiscale.
28:42 Avec une réforme fiscale qui permette une
28:44 meilleure répartition de l'effort.
28:46 Et c'est d'autant plus nécessaire aujourd'hui. - J'ai envie de dire que
28:48 le monde avance entre-temps, et la France
28:50 est isolée avec les mesures de cette... - Non, non, non.
28:52 Je ne vous parle pas de la taxe à 75%.
28:54 Je parle d'une réforme fiscale plus globale.
28:56 Et je pense que vous devriez
28:58 faire référence au rapport de Jean Pisaniferi
29:00 sur le financement de la transition énergétique,
29:02 qui a proposé, à titre exceptionnel,
29:04 que les très très hauts revenus
29:06 des plus riches français soient sollicités,
29:08 et qui permettraient une meilleure
29:10 répartition pour financer cet effort. - Marxisez de l'impôt,
29:12 de l'impôt, de l'impôt, encore de l'impôt. - Non, pas que de l'impôt.
29:14 - Vous mettrez à bas le capitalisme. Est-ce qu'on est en train
29:16 finalement d'arriver à un système
29:18 qui n'est plus vraiment libéral - C'était la dernière question.
29:20 - dans des pays occidentaux, comme l'Union Européenne ?
29:22 - Ce qui est sûr, c'est que si vous voulez
29:24 réussir à
29:26 relever les défis,
29:28 on vient de parler de la défense,
29:30 on peut parler de la transition énergétique.
29:32 - On ne crée pas de la richesse avec de l'imposition.
29:34 - Non, mais ce qui est sûr,
29:36 c'est qu'on a besoin de régulation publique
29:38 et que le marché ne peut pas tout, et si on laisse faire
29:40 le marché, on va à la catastrophe. - La une de
29:42 Géostratégie Magazine, Tom Benoit.
29:44 - Alors, la une de Géostratégie Magazine, que se produirait-il
29:46 si la France quittait l'euro ? Plusieurs
29:48 études sur le système Target 2.
29:50 Déjà, il y aurait un rééquilibrage de la balance
29:52 des paiements, puisque avec le système Target 2,
29:54 on ne rééquilibre plus la balance des paiements
29:56 entre la France, l'Italie, par exemple,
29:58 la Lone... - C'est important, Jean-Marc Ayrault, de maîtriser l'économie
30:00 quand on est Premier ministre. - Vous voyez ma question
30:02 derrière. Est-ce que Gabriel Attal
30:04 la maîtrise suffisamment pour les temps qu'on vit ?
30:06 - Bon, écoutez, moi, quand j'ai été nommé Premier
30:08 ministre, la France était dans une situation financière
30:10 extrêmement difficile. La dette
30:12 explosait, le déficit s'était
30:14 creusé, et la France était isolée
30:16 avec la menace d'une nouvelle crise de l'euro.
30:18 On sortait de la crise de 2008,
30:20 tous les pays européens mettaient en place des plans
30:22 d'austérité, on était un peu coincés.
30:24 On a demandé un effort aux Français
30:26 pour essayer de redresser la situation. Ce qu'on a fait,
30:28 même si ça nous a coûté, et ça
30:30 m'a coûté politiquement. - Et Gabriel Attal, il est
30:32 très compétent pour le poste qu'il occupe aujourd'hui.
30:34 Vous avez été à Matignon. - Mais écoutez, je veux pas...
30:36 J'ai un principe.
30:38 Vous m'avez jamais entendu critiquer
30:40 les anciens Premiers ministres ou ceux
30:42 qui m'ont succédé. - Il paraît que vous déjeunez
30:44 ensemble, les anciens Premiers ministres, d'ailleurs, qui a un déjeuner
30:46 régulier à Matignon, de courtoisie,
30:48 de celui qui est en place. - Ah, on peut !
30:50 On peut, effectivement,
30:52 rencontrer... J'ai parlé avec
30:54 Elisabeth Born, je l'ai rencontré.
30:56 Si Gabriel Attal m'invite, et je crois que ça sera le cas,
30:58 je parlerai aussi avec lui. Mais
31:00 c'est une parole libre que j'ai
31:02 tout à fait l'intention
31:04 de garder. - C'est Jean-Marc Ayrault, notre invité
31:06 et l'ancien Premier ministre, ce matin sur le plateau de face
31:08 au territoire. Merci, Tom Benoît, géostratégie
31:10 magazine. Dans un instant, Démet Korkmaz
31:12 de la rédaction internationale de TV5Monde
31:14 est sur ce plateau.
31:16 (Musique)
31:18 Bonjour, Démet Korkmaz. - Bonjour.
31:20 - Avec le projet de résolution à l'ONU, hier,
31:22 dans la nuit. - C'est ce qu'on a appris il y a quelques heures.
31:24 Plus de 5 mois après le début
31:26 de la guerre à Gaza, les Etats-Unis
31:28 annoncent avoir déposé un
31:30 projet de résolution au Conseil de sécurité
31:32 de l'ONU. Projet de résolution
31:34 demandant un cessez-le-feu
31:36 immédiat. C'est inédit, c'est la première fois.
31:38 Mais un cessez-le-feu en échange
31:40 de la libération des otages
31:42 détenus par le Hamas.
31:44 Est-ce que là, il y a un changement
31:46 de ton ou de doctrine
31:48 de Washington ? - Mon sentiment, c'est
31:50 une étape. Parce qu'il y a eu
31:52 une telle protestation
31:54 à l'égard de ce qui se passe à Gaza
31:56 qui est un drame, un terrible drame
32:00 humanitaire. Victimes
32:02 civiles de femmes, d'enfants.
32:04 C'est des images
32:06 qui sont bouleversantes et qui sont
32:08 insupportables. - Vous voulez dire que les Américains
32:10 sont bloqués, là ?
32:12 Ils ne peuvent plus faire autrement ?
32:14 - L'opinion américaine
32:16 aussi bouge.
32:18 Les soutiens du président Biden
32:20 bougent. Regardez
32:22 le Parlement canadien
32:24 qui s'est prononcé pour l'arrêt de vente d'armes à Israël.
32:26 - Et en même temps ? - On ne peut pas rester sans
32:28 rien faire. Mais en même temps, les Américains
32:30 s'ils déposent cette résolution au Conseil
32:32 de sécurité pour demander un cessez-le-feu immédiat
32:34 et la libération des otages,
32:36 ça va dans le bon sens. - Vous pensez
32:38 que cette résolution a des chances d'être votée ?
32:40 - Je crois que si elle est
32:42 proposée, elle fera bouger les lignes.
32:44 Et c'est fait pour ça. Parce que justement,
32:46 aujourd'hui, on assiste à quoi ? Un blocage
32:48 du Conseil de sécurité. Quand ce n'est pas la Chine
32:50 qui bloque avec son droit
32:52 de veto, c'est la Russie. Quand ce n'est pas la Russie,
32:54 c'est les Etats-Unis. Donc il faut remettre un peu
32:56 de fonctionnement dans son Conseil
32:58 de sécurité qui a perdu sa crédibilité
33:00 et qui met en cause, en quelque sorte, la crédibilité
33:02 de la communauté internationale.
33:04 - Joe Biden, dans le même temps,
33:06 demande le déblocage
33:08 de 14 milliards de dollars
33:10 à destination d'Israël, pour son
33:12 effort de guerre. 14 milliards de dollars,
33:14 c'est plus de 3 fois le budget
33:16 habituel consacré à Israël.
33:18 C'est principalement
33:20 pour refaire les
33:22 munitions et aussi pour
33:24 développer la défense aérienne.
33:26 Est-ce que là, il n'y a pas un double discours ?
33:28 - Si, si. Les Etats-Unis
33:30 ont une position confuse,
33:32 parfois, et compliquée. Alors que
33:34 leur rôle pour une solution de
33:36 paix pour l'avenir est extrêmement
33:38 important. Moi, j'ai l'expérience d'avoir organisé
33:40 à Paris la dernière conférence
33:42 internationale pour relancer le processus
33:44 de paix israélo-palestinien. C'était en juin 2016.
33:46 Il y avait les pays arabes, il y avait
33:48 les Etats-Unis, il y avait la Russie, il y avait la Chine,
33:50 bien sûr toute l'Europe, le secrétaire général
33:52 des Nations Unies, de la Ligue arabe et
33:54 la haute représentante pour la sécurité
33:56 et la paix en Europe. Et j'ai
33:58 constaté qu'au fond,
34:00 il y avait une sorte de retrait
34:02 de la communauté internationale pour régler le problème
34:04 palestinien. Et là, il est revenu
34:06 en premier rang des questions
34:08 qu'il faudra résoudre. Bien sûr, il y a
34:10 ce qui s'est passé le 7 octobre, qu'il ne faut
34:12 surtout pas oublier, et notamment les otages.
34:14 Et c'est normal de mettre la question des otages sur la table.
34:16 Mais pour l'avenir, c'est pas avec
34:18 Netanyahou et l'extrême droite israélienne
34:20 et la poursuite de la... - Justement, est-ce que ce sont...
34:22 - ...de la... - Ce ne sont pas
34:24 les mêmes pays ? - Non, mais écoutez,
34:26 je pense qu'il faut une solution
34:28 pour les peuples palestiniens. Il faut une solution.
34:30 Et solution, ça ne peut pas être avec
34:32 Hamas. Mais ça ne pourra pas être non plus avec le gouvernement
34:34 d'extrême droite d'Israël.
34:36 Ça ne peut pas être la poursuite de la colonisation en Syrie
34:38 de Jordanie. Et pour ça, les Américains
34:40 ont un rôle clé à jouer
34:42 avec les pays arabes, et en particulier l'Arabie saoudite,
34:44 et l'Union européenne. Et donc, c'est maintenant
34:46 qu'il faut préparer cette suite politique.
34:48 Et les États-Unis sont attendus. Et vraiment,
34:50 il faut vraiment que ça bouge.
34:52 - Le Canada, vous l'avez dit, a décidé
34:54 de cesser ses livraisons d'armes. Alors, c'est une
34:56 contribution qui est modeste. - C'est 1%.
34:58 - C'est une contribution modeste.
35:00 - Est-ce que, néanmoins, ce geste symbolique
35:02 est important et il faut le faire ? - Je pense que c'est
35:04 un geste qui a interpellé
35:06 beaucoup de pays, et notamment qui a eu un impact
35:08 aux États-Unis. - La France devrait faire de même ?
35:10 - Oui. Je ne suis pas sûr que la France
35:12 soit un grand poisonnier sur terre. - Non, mais
35:14 d'un point de vue symbolique, est-ce que ce geste-là
35:16 est important ? - Le geste politique compte.
35:18 - Un geste politique attendent aussi
35:20 les pays du Sud. Et là, on voit bien que Gaza
35:22 creuse la fracture. - Bien sûr. Vous savez, dans les
35:24 pays du Sud, je pense par exemple, le président de la République
35:26 Emmanuel Macron va se rendre au Brésil.
35:28 Il va rencontrer le président Lula. Le président Lula
35:30 a eu des paroles malheureuses sur
35:32 ce qui s'est passé en Israël le 7 octobre.
35:34 Mais je pense, et à Gaza,
35:36 mais je pense que le pays...
35:38 C'est un président qui est aussi
35:40 un carne-sud.
35:42 Et qu'il faut l'écouter. Il faut
35:44 écouter et il faut éviter ce qu'on appelle
35:46 le "deux poids et deux mesures". - Merci.
35:48 - Qui est souvent rappelé et qui doit être
35:50 traité. - Merci, Demet Korkmaz, journaliste
35:52 à la rédaction internationale de TV5Monde.
35:54 Jean-Marc Hérault,
35:56 la dette
35:58 publique française, fera-t-elle
36:00 que la France sera un pays
36:02 déclassé ?
36:04 Une puissance
36:06 déjà moyenne, encore moins puissante
36:08 dans les années qui viennent ?
36:10 Est-ce que votre analyse, elle est optimiste
36:12 ou elle est pessimiste ? - J'ai
36:14 rappelé tout à l'heure que comme Premier
36:16 ministre, j'ai travaillé... - Vous avez entendu
36:18 le Premier ministre, c'est... - Oui, alors après, ces solutions sont
36:20 discutables, sur la mise en cause du modèle
36:22 français, le modèle social français,
36:24 il faut faire très attention. J'ai lu
36:26 aussi ce qu'il a dit à Berlin, devant
36:28 le monde économique, il y a des choses intéressantes
36:30 et des choses qui le sont moins. - Mais est-ce qu'il dit pas
36:32 au fond quelque chose qu'il ne pouvait pas dire jusqu'à présent et qu'il
36:34 dit maintenant ? - Alors il y a eu
36:36 la crise du Covid qui a fait qu'on s'est endetté,
36:38 mais c'était nécessaire.
36:40 - Mais votre analyse sur ce que va devenir la France,
36:42 est-ce qu'on peut rassurer les Français aujourd'hui ?
36:44 - On peut rassurer les Français si on continue à jouer
36:46 aussi la carte européenne, parce que
36:48 pour relever les défis de la transition énergétique,
36:50 il faut beaucoup de moyens. Pour relever ceux d'une
36:52 défense... - C'est l'Europe, notre
36:54 avenir plus radieux ?
36:56 - On a un exemple d'actualité, là,
36:58 c'est le Conseil européen de Bruxelles
37:00 qui a rapporté sur l'Ukraine, il y a
37:02 l'utilisation des avoirs bloqués
37:04 des Russes, c'est 200 milliards d'euros.
37:06 - Mais économiquement, Bruxelles
37:08 est une solution ? - Ce qui est une
37:10 solution, c'est par exemple, comme nous l'avons fait pour le
37:12 plan de relance après la crise du Covid,
37:14 un plan financé par l'emprunt européen,
37:16 on pourrait parfaitement le faire aussi avec
37:18 le financement et la contribution des avoirs russes,
37:20 j'espère que ça sera décidé cet après-midi,
37:22 un plan à 100 milliards d'euros, permettant
37:24 de financer l'aide à l'Ukraine, mais aussi
37:26 une défense européenne, vous voyez, on a des solutions.
37:28 - Mais est-ce que les Français entendent ça du point de vue
37:30 de leur quotidien, de leur pouvoir d'achat ?
37:32 - La politique agricole commune... - Ce qu'ils ont à dépenser pour vivre.
37:34 - La politique agricole commune... - C'est ça le problème.
37:36 Là, on parle encore d'argent qu'on va
37:38 donner, allez dire, à l'international, pour
37:40 résoudre les crises. - Non, on n'est pas à l'international, pour résoudre
37:42 un problème qui se pose à la France, et qu'on peut
37:44 résoudre solidairement à l'échelle de l'Europe.
37:46 - Dernière question, Jean-Marc Ayrault. - Et donc ça, c'est concret pour les Français.
37:48 - Vous avez été le dernier Premier ministre de la gauche plurielle.
37:50 Est-ce qu'il est impossible
37:52 aujourd'hui d'envisager une gauche
37:54 unie, pour ne pas dire plurielle, avec les
37:56 positions de Jean-Luc Mélenchon et d'Alleffi ?
37:58 Est-ce que c'est impossible ? - C'est pour ça qu'il faut que le Parti
38:00 socialiste et les forces qui sont autour
38:02 travaillent à un programme...
38:04 - Vous aviez vu arriver
38:06 cette tendance dans la gauche ?
38:08 - Là, il y a un besoin
38:10 de clarté et
38:12 un besoin de gauche, contrairement à ce qu'on
38:14 peut dire ici et lire ici ou là.
38:16 Parce qu'on a un besoin de justice.
38:18 On a un besoin de faire reculer les inégalités,
38:20 les discriminations... - C'est un problème pour la gauche,
38:22 Jean-Luc Mélenchon ?
38:24 - Moi, je ne veux pas polariser sur Jean-Luc Mélenchon.
38:26 Je voudrais surtout me polariser sur
38:28 le fait que les socialistes et la gauche,
38:30 les social-démocrates, apportent une réponse
38:32 en termes de programme.
38:34 Ils ne l'ont pas fait jusqu'à présent, et c'est
38:36 à mon avis la priorité pour répondre aux
38:38 attentes des Français. Pas simplement des
38:40 grandes phrases et des grands mots, mais du concret.
38:42 - Et dans les alliances électorales,
38:44 qui vont nécessairement arriver
38:46 pour la présidentielle, qu'est-ce qui peut se passer ?
38:48 - Je pense qu'une force politique,
38:50 comme le courant socialiste et social-démocrate,
38:52 le socialisme républicain... On verra
38:54 après les élections européennes, en fonction du rapport
38:56 de force qui se sera dégagé. Je pense
38:58 qu'il faut non seulement affirmer
39:00 un programme, mais il faut
39:02 affirmer des initiatives politiques qui permettront
39:04 de relancer sur de nouvelles bases
39:06 l'alliance de toutes les forces de gauche
39:08 et démocratiques. Parce que
39:10 de toute façon, on ne réussira pas
39:12 s'il n'y a pas une union et un rassemblement.
39:14 Là, je me réfère à François Mitterrand.
39:16 C'est ce qu'il a fait, et je pense
39:18 que ça lui a permis de gagner en 1981.
39:20 Alors une gauche unie, mais pas une gauche qui est
39:22 alignée sur des positions les plus radicales.
39:24 - Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre,
39:26 ancien ministre des Affaires étrangères, a été notre invité.
39:28 Merci Jean-Marc Ayrault d'en face au territoire ce matin.
39:30 La semaine prochaine, jeudi prochain,
39:32 à la même heure, c'est Prisca Thévenot, la porte-parole
39:34 du gouvernement, qui sera notre invité.
39:36 Merci et bonne journée.
39:38 Les programmes continuent sur TV5.
39:40 Au revoir à tous.
39:42 (Générique)
39:58 ♪ ♪ ♪