Le gouvernement dans le piège du CETA
Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Retrouvez "Voyage en absurdie" sur : http://www.europe1.fr/emissions/chronique-en-absurdie
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00:00 Emmanuel Ducrox, on passe à vous Emmanuel, aujourd'hui au Sénat.
00:03 Séquence à haut risque pour le gouvernement, les sénateurs vont se prononcer sur le CETA,
00:09 c'est le traité de libre-échange conclu entre l'Union Européenne et le Canada.
00:12 Bon, on peut dire qu'il était temps de le conclure, de ratifier ce traité.
00:16 - Oui, il a été signé en 2016 et il est effectif depuis 2017, 7 ans donc.
00:21 Et son processus de ratification n'était toujours pas achevé,
00:24 il a fallu que des sénateurs communistes décident de l'inscrire à l'ordre du jour
00:28 à la faveur de ce qu'on appelle leur niche parlementaire pour que ce vote ait enfin lieu.
00:33 - Mais qu'est-ce qui explique un tel délai, 7 ans tout de même ?
00:36 - Le texte a d'abord été ratifié par le Parlement Européen en 2016
00:39 et c'était ensuite aux États de se prononcer.
00:41 Le gouvernement a bien soumis le texte à l'Assemblée en 2019,
00:45 il a été voté de justesse et puis depuis, plus rien.
00:48 Des sénateurs de tous bords ont fait des pieds et des mains
00:50 pour que le gouvernement leur demande leur avis,
00:52 il a fait la sourde oreille, il avait peur que le vote soit ric-rac, il a joué la montre.
00:55 Il pensait que les bénéfices du CETA sur la durée plaideraient pour lui
00:59 et qu'il finirait par passer comme une lettre à la poste, et ben c'est raté !
01:02 - Donc on a une application provisoire qui dure depuis 7 ans quand même.
01:05 Il se trouve que la crise agricole, entre temps, est passée par là.
01:09 - Et oui, elle a remis sur le tapis d'autres traités de libre-échange dénoncés par les agriculteurs
01:13 parce qu'ils permettent l'arrivée de produits du bout du monde qui ne respectent pas nos standards.
01:17 Le Mercosur qui est en discussion avec 4 pays d'Amérique du Sud
01:21 et puis d'autres qui sont déjà signés des traités avec la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Kenya.
01:25 Et puis le CETA est revenu sur la table pour les sénateurs, une occasion de faire coup triple.
01:29 Dénoncer le libre-échange, infliger un camouflet au gouvernement
01:32 en votant contre celui qu'ils ont sous la main, donc ce traité avec le Canada.
01:35 Et puis aussi faire un petit coup en période électorale européenne.
01:39 - Vous nous dites ce matin que cet accord n'est pourtant pas un mauvais accord.
01:43 - Non, il est même plutôt bon.
01:46 Il a fait progresser les échanges avec le Canada d'un milliard d'euros en 7 ans.
01:49 Il ne lèse aucun secteur et surtout pas l'agriculture.
01:52 Le secteur du lait, celui des boissons en bénéficient.
01:55 Les producteurs bovins restent réticents mais pour l'instant on n'importe quasiment pas de viande du Canada.
02:00 Leur peur est totalement hypothétique.
02:02 Et comme c'est plutôt un bon accord, le gouvernement a enclenché le mode panique sur le CETA.
02:06 - Le grand méchant libre-échange.
02:08 Et alors le CETA, vous pensez qu'il va payer pour les autres, pour tous les accords ?
02:11 - Oui, il y a de grandes chances qu'il soit retoqué par les sénateurs
02:14 dans un attelage brinque-ballon de sénateurs pas très sages de gauche mais aussi de droite
02:19 puisque les LR vont voter contre le texte.
02:23 Le gouvernement va prendre en pleine face le boomerang de sa procrastination.
02:26 Ensuite il va falloir qu'il explique ça aux partenaires européens et au Canada.
02:30 - Qu'est-ce que ça va changer concrètement à l'avenir du traité ?
02:33 - Ça c'est pas très clair mais en tout cas ça c'est révélateur d'un dysfonctionnement.
02:37 Alors si le traité était rejeté par les sénateurs aujourd'hui, ce qui est très probable,
02:40 le gouvernement aura deux choix.
02:41 Soit il va se décrédibiliser en Europe en notifiant le refus de la France.
02:46 Ça va ouvrir une crise en Europe.
02:48 Soit il va faire ce qu'il a fait jusqu'à maintenant, c'est-à-dire rien.
02:51 Ne rien notifier à Bruxelles.
02:53 Ce qui revient à dire à la représentation nationale qu'on se fout de son avis.
02:57 La crise politique sera cette fois-ci largement ouverte en France.
03:00 Belle opération, il n'y a que des coups à prendre dans cette affaire de CETA.
03:03 - Signature Europe 1, Emmanuel Ducroux.
03:05 Merci pour cet éclairage sur les enjeux autour du CETA.