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Court métrageTranscription
00:00 Filmer quelqu'un, c'est l'enfermer.
00:02 C'est dans l'espace et dans le temps.
00:05 - Et de l'autre côté ?
00:08 C'est propre, hein ?
00:09 Et le front aussi, ça va, hein ?
00:11 Bon.
00:12 - Je peux mettre une balle dans l'autre trou ?
00:13 - Oui, mais on va la garder ici, hein.
00:15 C'est bien.
00:16 Sache de pas les ressalir, maintenant, hein.
00:18 - Tout propre ?
00:19 - Tout propre.
00:20 Tu te sens mieux, là, hein ?
00:22 - Oui.
00:23 Alors, maintenant, je vais ouvrir les mains ?
00:25 - Attends, parce que je...
00:27 Oui, attends.
00:29 - Moi, j'ai la guêpe qui était dehors, dans le couloir.
00:33 - Elle était dans le couloir ?
00:34 - Oui.
00:35 Elle est allée vers la porte et elle est revenu.
00:38 - Ah bon ?
00:39 - Oui.
00:40 - Comment on vit un succès pareil ?
00:42 On est tout d'un coup écrasés de travail,
00:46 parce que le succès du film
00:49 se traduit par un certain nombre d'obligations.
00:53 On est invités dans de nombreux pays
00:58 pour accompagner le film
01:02 au fur et à mesure qu'il est diffusé.
01:06 Ça s'est traduit, pour moi,
01:08 par quasiment deux ans d'accompagnement de ce film.
01:13 Dans ma tête, que dire ?
01:16 Si ce succès était arrivé très tôt,
01:19 j'aurais peut-être réagi différemment,
01:23 mais en tout cas, c'est arrivé à un moment
01:25 où j'avais déjà fait un certain parcours
01:30 et ça n'a pas altéré mon rapport à mon travail.
01:38 Ni le succès, ni les problèmes juridiques
01:42 qui sont intervenus après
01:44 ne m'ont pas détourné de mon désir,
01:48 d'une façon de faire.
01:50 Ça a changé des choses dans l'esprit des autres,
01:52 dans la manière dont beaucoup de gens me considéraient.
01:59 Il y a des gens qui m'ont pris au sérieux,
02:02 d'autres, à l'inverse,
02:04 parce que le film avait eu beaucoup de succès,
02:06 ont considéré que ce n'était peut-être pas mérité
02:10 ou que ce n'était pas un si bon film que ça,
02:13 s'il avait aussi bien marché.
02:15 Moi, ça ne m'a pas trop changé.
02:18 Le film suivant a fait très, très peu d'entrées
02:22 et d'une certaine manière,
02:24 c'est un peu dommage, mais c'est bien,
02:27 ça montre que tout ça est très fragile.
02:32 C'est peut-être une affection un peu viscérale,
02:36 mais je me souviens,
02:38 ça fait déjà pas mal d'années,
02:40 je n'avais pas encore 30 ans
02:42 et j'avais l'honneur de diriger
02:44 une usine de mécanique à Saint-Ouen,
02:47 dans le nord de Paris,
02:49 et je me souviens de ma joie et de ma fierté
02:53 la première fois qu'un ouvrier
02:55 de la ligne de montage des fraiseuses
02:58 s'est tourné vers moi et m'a dit,
03:00 "Dites-donc, patron,
03:02 "qu'est-ce qu'il faut faire avec le pignon intel
03:05 "de la boîte de vitesse ?"
03:07 Je ne me suis senti ni humilié, ni blessé,
03:10 mais je le répète,
03:12 j'ai pris ce mot à la fois court et simple
03:16 de cet homme-là qui se tournait vers moi
03:19 et qui me demandait mon aide,
03:21 qui demandait à profiter
03:23 de ce qu'il pensait que je savais mieux que lui,
03:26 je l'ai pris de la même façon que le mot "maître".
03:29 Il y a le maître de l'esclave, bien sûr,
03:32 mais il y a aussi le maître
03:34 lorsqu'on s'adresse au professeur, à l'enseignant,
03:37 à celui qui est là pour vous apprendre,
03:40 et dans ce mot court et sympathique
03:43 de "patron",
03:45 j'ai ressenti à la fois un peu d'affection,
03:48 peut-être un peu de suggestion,
03:50 et si le mot "patron" est à les deux sens,
03:54 c'est-à-dire l'abominable buveur
03:56 de la sueur du peuple d'un côté,
03:58 mais aussi celui qui est un peu comme...
04:01 Je vais faire du paternalisme...
04:03 comme le père patron,
04:05 eh bien, c'est à cette deuxième exception
04:08 que je m'attache, et encore une fois,
04:10 je suis fier et heureux
04:12 quand quelqu'un m'adresse la parole
04:14 sous cette forme à la fois aimable et courte.
04:17 Bonjour, patron.
04:19 Quand j'ai fait ce film,
04:22 qui est mon premier film,
04:24 qui est un film co-réalisé
04:27 avec Gérard Mordillat,
04:29 curieusement,
04:33 je sais à peine ce que c'est que le documentaire.
04:37 Pourquoi ? Parce que j'en ai vu très peu.
04:40 Faire ce film co-réalisé
04:44 sur 12 très grands patrons de l'industrie française
04:48 va me donner l'occasion
04:51 de commencer à voir d'autres films documentaires
04:55 et à découvrir que le territoire documentaire,
04:58 je dirais, est un immense territoire.
05:01 Il l'est plus encore aujourd'hui, mais déjà.
05:04 Il y a des cinéastes, des écritures, des approches,
05:08 des démarches singulières,
05:11 des façons de faire différentes d'un cinéaste à l'autre.
05:14 Ça va être une grande découverte.
05:17 Mais pour revenir à ce film-là,
05:20 "La voix de son maître",
05:22 on parle beaucoup ensemble, Mordillat et moi.
05:25 On en est l'un et l'autre à 26, 27 ans.
05:29 On a envie de se lancer dans la réalisation
05:33 à deux.
05:35 De fil en aiguille, on en vient à désirer faire un film
05:39 sur le discours patronal,
05:42 sur ce discours de pouvoir
05:45 des grands patrons de l'ère moderne.
05:51 Non pas les patrons à l'ancienne,
05:53 qui incarnent le paternalisme,
05:56 mais ceux qui ont une vision
05:59 un peu presque futuriste.
06:03 Qui ont, le cas échéant, lu Marx,
06:07 lu de la sociologie,
06:11 et à qui on demande de nous décrire
06:15 leur vision du monde,
06:17 telle qu'il est en train d'évoluer.
06:21 Le pouvoir économique
06:24 qui écrase tous les autres.
06:26 C'est là que ce film va naître.
06:29 On va s'acheter, Mordillat et moi,
06:32 un petit costume, une petite cravate,
06:35 et frapper à la porte des très grands groupes.
06:39 L'Oréal, le Club Med,
06:42 Darty, Thompson, etc.
06:46 Paris-Bas.
06:49 Ces gens-là vont accepter d'être filmés
06:52 à un moment où les patrons sont quand même...
06:55 Ces grands patrons sont des gens de l'ombre.
06:58 Ils ne se montrent pas encore dans les médias.
07:01 C'est la décennie d'après que,
07:04 tout d'un coup, les Bernard Tapie et autres
07:07 vont jouer avec les médias,
07:09 se montrer beaucoup, etc.
07:11 Mais à l'époque, c'est une puissance occulte,
07:15 cachée un peu derrière les éperidaux
07:18 du monde de la finance.
07:21 Je pense que la dimension critique de ce film
07:25 n'est pas liée à un contre-discours
07:29 qu'on opposerait aux patrons.
07:32 La dimension critique vient du cadre,
07:36 de la durée des plans,
07:39 du noir et blanc,
07:42 d'une façon de mettre à distance l'image
07:46 pour que les spectateurs soient en condition
07:50 d'écouter vraiment le discours de ces grands patrons.
07:54 Oui, c'est un film qui est bien différent
07:58 de ce que je vais faire après.
08:01 Parce qu'au fond, je dirais...
08:04 On peut le dire comme ça,
08:07 mais je pense que par la suite,
08:10 je vais continuer mon parcours seul,
08:13 alors que là, c'est un film co-réalisé.
08:16 Mais je vais peut-être faire des films
08:19 qui filmaient des personnes
08:22 pour qui j'ai peut-être un peu plus d'empathie,
08:26 vers qui j'ai un peu plus d'élan.
08:29 - Elle s'ennuie de toute façon, je pense.
08:32 Non?
08:34 Ça lui manque peut-être son pays natal.
08:38 Moi aussi, ça me manque.
08:41 - Elle mange des insectes?
08:44 - Je me sers bien.
08:47 - Je pense qu'elle mange des verres, des trucs...
08:51 Oui, des termites.
08:55 - C'est énorme!
08:57 - Quel animal est-ce?
08:59 - C'est une baleine.
09:01 - 40 ans!
09:03 - On la porte bien!
09:05 - On la se noie avec les rouges.
09:08 - C'est presque aussi grand que ma main!
09:11 - C'est un espace petit, hein?
09:14 - Comme Paris, les chaises.
09:17 - J'aimerais bien la toucher,
09:20 les longs cheveux, comme ça.
09:23 - Elle est un peu rouquine.
09:26 Tu sais qu'en Égypte,
09:29 on les tuait avant la naissance, les rouquins.
09:33 - On les lapidait.
09:35 - C'est un rapport avec le diable.
09:38 - Le diable-feu, le diable...
09:41 - C'est la doyenne de la ménagerie
09:44 du Jardin des Plantes.
09:47 Elle me lance dans ce tournage
09:50 et je me dis que c'est un animal
09:53 qui a dépassé la quarantaine.
09:56 C'est très long pour un animal de cette espèce.
09:59 Dans la nature, les orangs-outans
10:02 vivent rarement aussi longtemps.
10:05 Je me promène un jour dans cette ménagerie.
10:08 Je passe 2 heures devant cet animal
10:11 à la regarder et à écouter
10:14 ce que disent les visiteurs de passage.
10:17 C'est un animal filmé entièrement
10:20 devant sa cage, à travers la vitre.
10:23 On y verrait nénettes du début à la fin
10:26 et on entendrait, sans jamais les voir,
10:29 les humains qui parlent d'elle.
10:32 C'est un film qui est question d'elle,
10:35 mais à travers elle et tout ce que disent
10:38 les personnes qui parlent,
10:41 il est question de nous, les humains.
10:44 C'est un animal qui partage 97%
10:47 de son ADN avec le nôtre,
10:50 son patrimoine génétique.
10:53 Les grands singes sont nos très proches cousins
10:56 que nous sommes en train d'exterminer.
10:59 Ces animaux sont très proches de l'homme
11:02 et les humains sont troublés,
11:05 fascinés par cette proximité.
11:08 La recherche de ces animaux
11:11 et la recherche de la recherche de la recherche
11:14 de la recherche de la recherche
11:17 amènent à une surface de projection.
11:20 Elle est un peu comme la joconde.
11:23 Des milliers de gens viennent chaque jour
11:26 la regarder et, parlant d'elle,
11:29 projettent leur propre imaginaire.
11:32 Tout un chacun projette son imaginaire
11:35 sur Mona Lisa et sur Néanmoins.
11:38 C'est un film qui prend à la lettre
11:41 l'idée même de projection.
11:44 Regarder, c'est projeter quelque chose.
11:47 C'est un film tourné à travers une vitre épaisse
11:50 et cette vitre matérialise
11:53 ce qui nous rapproche et ce qui nous sépare.
11:56 Cette vitre nous permet de nous approcher tout près,
11:59 qui nous protège d'elle,
12:02 les animaux, les animaux qui nous protègent.
12:05 Qui nous protègent d'elle.
12:08 Les orangs-outans sont des animaux pacifiques
12:11 mais ils n'aiment pas qu'on vienne les embêter.
12:14 Plus personne ne rentre dans sa cage,
12:17 dans son espace.
12:20 Les soigneurs n'y rentrent plus.
12:23 C'est un film qui, je dirais,
12:26 qui jongle avec l'idée même de la captivité.
12:29 Nénette est doublement captive.
12:32 Elle est captive,
12:35 elle est dans une sorte de...
12:38 Elle est à la ménagerie, elle est dans une cage
12:41 depuis l'âge de 3 ans
12:44 et puis je la filme.
12:47 Et filmer, qu'est-ce que c'est d'autre qu'enfermer ?
12:50 J'espère autre chose aussi
12:53 mais c'est toujours enfermer.
12:56 Faire un cadre, c'est...
12:59 Filmer quelqu'un, c'est l'enfermer.
13:02 C'est dans l'espace et dans le temps.
13:05 (Bourdonnement)
13:08 (Bourdonnement)
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13:48 (Bourdonnement)
14:15 Et en l'air ?
14:18 (Bourdonnement)
14:21 (Bourdonnement)
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14:42 (Bourdonnement)
14:45 (Bourdonnement)
14:48 (Bourdonnement)
14:51 (Bourdonnement)
14:54 (Bourdonnement)
14:57 (Bourdonnement)
15:00 Filmer en psychiatrie, ça peut être...
15:03 Ça peut être justement,
15:06 chez certains, dans le désir de faire du spectacle.
15:09 C'est le piège.
15:12 Toute la question est là.
15:15 Comment filmer dans un lieu
15:18 comme la Clinique de Laborde,
15:21 sans verser dans le folklore,
15:24 dans le pittoresque,
15:27 dans le pittoresque de la folie,
15:30 dans le sensationnel ?
15:33 J'ai eu des personnes de mon entourage
15:36 qui m'ont suggéré d'aller à la Clinique de Laborde
15:39 pour y faire un film.
15:42 J'ai longtemps résisté, presque un an.
15:45 Je ne voulais pas.
15:48 J'avais de profonds scrupules
15:51 à l'idée de faire un film en psychiatrie.
15:54 L'idée de braquer une caméra
15:57 sur des personnes qui sont là pour être tranquilles
16:00 et ne pas tomber dans le folklore.
16:03 J'avais peur des fous, comme beaucoup de gens.
16:06 On est victime d'idées reçues,
16:09 des clichés,
16:12 qui font souvent des gens
16:15 qui ont des troubles psychiques,
16:18 des personnes potentiellement dangereuses,
16:21 potentiellement violentes.
16:24 J'avais presque peur d'être contaminé.
16:27 Intellectuellement parlant,
16:30 je sais bien que ce n'est pas contagieux.
16:33 J'avais peur qu'on me garde là-bas.
16:36 Bref, j'ai résisté longtemps.
16:39 Les amis autour de moi ont insisté tant et tant
16:42 que j'ai fini par aller passer trois jours
16:45 à la Clinique de Laborde.
16:48 J'ai rencontré des patients, des soignants
16:51 sans toujours bien les distinguer.
16:54 J'ai trouvé un objectif qui permet de séparer,
16:57 d'étiqueter les gens comme étant soignants ou soignés.
17:00 En conversant avec
17:03 celles et ceux qui étaient là,
17:06 beaucoup de gens se sont mis à m'encourager,
17:09 à me confronter à ma peur,
17:12 à mes préjugés, à mes scrupules.
17:15 J'ai fait ce film pour essayer
17:18 de les dépasser,
17:21 de m'en affranchir,
17:24 de travailler sur moi-même.
17:27 Je ne peux pas parler au nom des autres,
17:30 mais j'ai le sentiment,
17:33 comme je l'ai souvent fait avec d'autres labordiens,
17:36 que toute personne qui passe
17:39 quelques temps à Laborde
17:42 est marquée à vie
17:45 par cette expérience-là.
17:48 Parce que
17:51 les personnes qu'on peut y rencontrer
17:54 sont souvent des personnes qui vous questionnent,
17:57 qui vous dérangent,
18:00 qui vous bousculent,
18:03 qui vous amènent à réfléchir sur vous-même,
18:06 sur l'état de la société,
18:09 sur la normalité,
18:12 sur la raison ou la déraison,
18:15 sur la violence du monde,
18:18 sur soi-même.
18:21 Ce sont des gens qui sont souvent
18:24 à l'inverse de tous les clichés,
18:27 qui vous surprennent.
18:30 On est surpris en psychiatrie, toujours.
18:33 Et quand on fait des films documentaires,
18:36 c'est souvent parce qu'on aime ça.
18:39 On aime être surpris,
18:42 on aime être au fond,
18:45 se laisser s'abandonner un peu
18:48 au présent, au fond.
18:51 Et en psychiatrie,
18:54 on est servi de ce côté-là.
18:57 Qu'est-ce que c'est, une grande psychiatre ?
19:00 - Dis-moi.
19:03 - Une grande psychiatre, c'est Dr Jacob,
19:06 c'est docteur de lettres.
19:09 Je sais que vous êtes là.
19:12 C'est Dr César Eiffian,
19:15 c'est des gens qui ont une synthèse,
19:18 c'est des gens qui sensent les choses.
19:21 Dans le football, il y a des débuteurs,
19:24 il y a des avancent-centres,
19:27 il y a des mecs qui marquent des buts.
19:30 Il y a Mbappé. Mbappé, c'est un gars qui...
19:33 Moi, j'ai été élevé... Dans la vie,
19:36 j'ai été élevé à l'école,
19:39 j'ai été élu à l'école,
19:42 j'ai été élu à l'école,
19:45 j'ai été élu à l'école,
19:48 j'ai été élu à l'école,
19:51 j'ai été élu à l'école,
19:54 j'ai été élu à l'école,
19:57 j'ai été élu à l'école,
20:00 j'ai été élu à l'école,
20:03 j'ai été élu à l'école,
20:06 j'ai été élu à l'école,
20:09 j'ai été élu à l'école,
20:12 j'ai été élu à l'école,
20:15 j'ai été élu à l'école,
20:18 j'ai été élu à l'école,
20:21 j'ai été élu à l'école,
20:24 j'ai été élu à l'école,
20:27 j'ai été élu à l'école,
20:30 j'ai été élu à l'école,
20:33 j'ai été élu à l'école,
20:36 j'ai été élu à l'école,
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21:03 j'ai été élu à l'école,
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21:33 j'ai été élu à l'école,
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