Et pourquoi pas salarié(e) dans le privé : avantages indéniables à partager.

  • il y a 6 mois
Réponse avec le Dr Christel Conso (Chirurgien orthopédiste et traumatologue salariée de l'Institut Mutualiste Montsouris depuis 2007).

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00:00 [Musique]
00:27 Alors bonjour, on se retrouve pour ce dernier rendez-vous de Doc en Stock à la Sovkote 2022.
00:35 Nous sommes avec le Dr Christelle Conceau, qui est chirurgien orthopédiste et traumatologique à l'Institut Mutualiste de Montsouris.
00:43 Nous allons donc parler ensemble de "Pourquoi pas le salariat ?"
00:47 Drôle de question, vous m'avez dit déjà, alors pourquoi pas le salariat ?
00:50 Oui, pourquoi pas ? Parce que c'est quelque chose auquel on ne pense pas forcément, c'est vrai,
00:55 parce que des établissements privés à but non lucratif avec des médecins salariés, on ne les connaît pas forcément.
01:02 Quand on sort du clinica, on va probablement plus penser à s'installer en clinique, dans un exercice libéral.
01:10 Mais oui, pourquoi pas ? Il faut y penser.
01:13 Je vais vous dire une chose, j'ai des chiffres, c'est que 63% des nouveaux médecins veulent devenir salariés.
01:17 Et que cette année, il reste seulement 12% des nouveaux diplômés qui vont prendre la décision de s'installer en libéral.
01:22 C'est-à-dire que du coup, le salariat est de plus en plus tendance, et à la mode, vous êtes une précurseur, vous êtes à la mode, vous êtes tendance.
01:27 En ayant choisi le salariat, tous les temps chirurgien, parce qu'en vrai, les jeunes d'aujourd'hui se disent,
01:33 il y a finalement dans le salariat quelque chose de plus libre, je pense, quelque chose de plus...
01:38 Ce qui était étonnant, parce que les médecins avant ça, le libéral était pour eux la clé de voûte même de leur exercice, presque.
01:44 Et qu'ils avaient l'impression de se subordonner tout de suite en faisant du privé.
01:48 Et peut-être que c'est vous qui leur avez montré l'exemple, alors ?
01:51 Je ne sais pas si c'est moi, mais ça fait longtemps que je suis à la mode, parce que dès mon clinica, juste après mon clinica,
01:57 je suis partie travailler dans un établissement qui s'appelait l'hôpital Foch, qui était déjà un ESPIC,
02:02 qui avait le même mode de fonctionnement que l'Institut Mutualisme en Souris.
02:06 Et dans un deuxième temps, quand cet établissement a décidé d'arrêter l'orthopédie, je suis arrivée à l'Institut Mutualisme en Souris.
02:14 Mais alors du coup, vous, justement, vous sortez du CHU, etc. Pourquoi ?
02:18 À quel moment vous vous êtes dit "non, je vais à la Foch", justement ?
02:21 Et puis après, la suite à Montsouris.
02:24 Qu'est-ce qui a fait que vous vous êtes dit "non, je ne vais pas aller en clinique" ou "je ne vais pas m'installer en libéral" ?
02:28 Parce que les raisons qu'on va nous donner, tout le temps, c'est dire...
02:31 Alors déjà, est-ce que vous avez une phobie administrative, par exemple ?
02:34 On peut dire ça, oui. C'est vrai que ce n'est pas loin de ça.
02:37 Néanmoins, d'abord, ce sont des rencontres, parce que ce sont des gens qui viennent vous chercher.
02:42 Et à l'époque, c'était Rémi Bléton qui m'a dit "voilà, on monte un service d'orthopédie à l'hôpital Foch,
02:47 est-ce que tu es intéressé ?"
02:49 Et c'est quelqu'un avec qui j'avais travaillé avant.
02:51 Et ça, c'est comme dans n'importe quel monde du travail, vous faites des rencontres,
02:55 il y a des gens qui viennent vous chercher, et vous avez des opportunités qui se présentent à vous.
02:59 Pour la deuxième partie de ma carrière à l'Institut Mutuel Montsouris, c'est différent.
03:04 J'ai eu une démarche, comme n'importe quel quelqu'un qui recherche un job,
03:11 j'ai envoyé des CV, et en particulier, j'ai envoyé des CV à Montsouris,
03:16 dans un endroit où je n'avais jamais travaillé, où les praticiens ne me connaissaient pas,
03:20 et ça s'est fait.
03:24 Oui, mais alors pourquoi vous n'avez pas eu justement "Foch, arrête d'opérer, je peux monter en libéral,
03:28 j'ai déjà opéré beaucoup, j'ai une clientèle, une titre nommée,
03:32 j'ai déjà du bouche à oreille autour de moi, je ne sors pas de l'école".
03:36 Et du coup, non, vous êtes quand même cherché un poste de salarié à nouveau.
03:39 Non, c'est vrai, personnellement, après, j'ai toujours trouvé difficile d'avoir une relation financière avec des patients,
03:49 et plus ça va avec le temps, plus je me dis que c'est le bon choix que j'ai fait,
03:54 parce que c'était compliqué pour moi de gérer une entreprise,
03:58 et on parle de phobie administrative, on peut dire que c'est ça,
04:01 mais de gérer une entreprise libérale, parce que je vois, tous mes collègues sont des fighters,
04:08 ils investissent, ils entreprennent, moi je les admire, vraiment, honnêtement,
04:14 et moi j'ai pas cette personnalité-là, j'avais à cœur d'être dans une équipe,
04:21 d'avoir, oui, une forme de sécurité de mon emploi, même si c'est pas entièrement vrai dans un hôpital qui reste privé,
04:30 certes à but non lucratif, mais qui reste avec des objectifs financiers, de résultats,
04:37 et cette sécurité-là, aujourd'hui, je la regrette absolument pas, c'est vrai.
04:42 Oui, parce que j'ai eu cette discussion avec de nombreux médecins,
04:45 pas forcément des chirurgiens, mais des médecins qui sont dans des organismes, dans des ESPIC,
04:49 et ils ont tous un peu ce discours de dire "moi je veux décorréler le soin de l'argent,
04:53 je veux pas dire aux gens "je vais vous soigner, ça va vous coûter tant, c'est quoi votre mutuel, etc."
04:57 et en étant un ESPIC, je n'ai pas cette discussion-là.
05:00 Oui, c'est vrai, c'est vrai, néanmoins, mes collègues s'en sortent très bien, et ils arrivent, c'est pas si compliqué que ça, je pense,
05:10 tout est une question de gestion de ces tabous à soi-même, et ça faisait effectivement partie de mes tabous,
05:19 et ils sont personnels, je les extrapolerai pas, mais effectivement, cet engouement peut-être pour l'exercice salarié,
05:27 il vient peut-être de cette sensation de sécurité, et de ne pas avoir ces préoccupations financières à gérer,
05:34 et surtout, c'est vrai, moi je pars en vacances, j'ai un salaire, mon collègue qui part en vacances...
05:42 Donc c'est aussi une question pratique pour vous, c'est vraiment une question aussi des avantages du salariat,
05:47 comme un salarié lambda, c'est-à-dire que j'ai des congés, potentiellement des RTT, des horaires écrits qui vont pas dépasser,
05:54 c'est aussi pour avoir une balance vie privée, vie professionnelle...
05:58 Je vous arrête tout de suite sur les horaires, parce que c'est pas vrai, parce que...
06:02 Après, c'est l'investissement que j'y mets, l'enthousiasme que j'y mets, et je travaille dans un endroit où je kiffe tous les jours de travailler,
06:12 parce que je suis dans une équipe, je fais de l'enseignement, je fais de la recherche, et je pense qu'on travaille bien,
06:22 on essaie de garder nos équipes d'infirmières, de soignants, et c'est aussi ça.
06:30 Et je travaille probablement autant que mes collègues installés, parce que je suis à fond, mais peut-être que ça tiendra...
06:38 Et alors du coup, pourquoi l'ESPIC et peut-être pas le CHU alors ? Pourquoi pas une carrière hospitalière ?
06:42 Parce qu'aujourd'hui, là où je suis, il y a cette agilité que j'aurais jamais, je pense, dans le public.
06:50 C'est-à-dire que je peux traverser la cour, je vais voir Jean-Michel Guérault, je dis "j'ai un problème, je vais voir le directeur des soins,
06:57 on va se réunir avec le pharmacien, avec mes collègues, on va mettre en place de manière beaucoup plus agile des nouveautés, de l'innovation, des parcours rapides".
07:09 Et ça, je l'ai pas retrouvé, en tout cas je l'ai pas retrouvé durant ma formation, c'était il y a un peu longtemps, à l'assistance publique, en tout cas.
07:19 Et est-ce que vous auriez pu être salariée, par exemple, d'un autre chirurgien ?
07:23 Ou il fallait quand même que vous soyez salariée de l'Institut Bonsouris, qui est quand même un institut très prestigieux, donc il y a aussi un prestige de la carrière.
07:29 Salariée d'une structure moins prestigieuse, c'était ça la question ?
07:35 C'est-à-dire salariée de... potentiellement, vous pouvez être salariée aussi dans une clinique, enfin il y en a peu qui le font, mais ça peut arriver.
07:40 Après, les autres établissements ESPIC où il y a du salariat, il y a d'autres modes d'exercice.
07:46 Moi j'ai un salaire, j'ai pas de part variable, j'ai aucun intéressement à faire plus.
07:54 Il y a des endroits où il y a une part variable à ce salaire, et où plus il y a de l'activité, plus on monte.
08:04 Il y a des endroits où il y a une mixité entre un exercice de consultation libérale et des blocs où c'est secteur 1, enfin pas secteur 1, on n'est pas installé, on est un salariat.
08:17 Donc du coup, les ESPIC, ils ont une multitude de modes d'exercice.
08:23 Le mien, en tout cas, c'est un salariat pur, j'ai pas d'intéressement, j'ai pas de part variable.
08:28 Donc vous opérez 50 fois dans le mois, ou 5 fois, le salaire est le même.
08:34 Pour autant, je suis dans un établissement privé où mes chiffres d'activité, on me les communique, je les connais,
08:44 et potentiellement, on va me dire que bon, ça va pas là, tu fous rien.
08:55 Et ça, c'est pas la partie du salariat qui est un peu négative, du coup, d'avoir des patrons.
09:00 Ce qui est quand même le truc en général quand on est médecin, chirurgien, de se dire je vais être mon patron à moi-même, je vais être un patient, et c'est moi qui décide.
09:07 Alors être son propre patron, c'est une liberté incroyable.
09:11 C'est vrai que je le disais, ils entreprennent, ils investissent, moi je leur envise cette énergie-là, je l'ai pas, j'ai pas cette personnalité-là.
09:21 Néanmoins, j'arrive à m'investir dans des projets organisationnels, de prise en charge des patients, je m'investis dans d'autres choses,
09:30 et je suis heureuse de voir que j'arrive à aboutir à des choses dans l'environnement dans lequel j'évolue.
09:37 Et je suis dans une équipe de 12 chirurgiens, avec un chef de département, effectivement une structure un peu pyramidale,
09:44 mais on est quand même une équipe où ça bouge, on progresse, on communique.
09:49 Et ça c'était votre souhait aussi, de se dire j'ai envie de travailler toute ma vie un peu avec des collègues,
09:54 pouvoir discuter, ça faisait partie du choix du salariat aussi, pour être moins "seul" même si le chirurgien travaille rarement seul.
10:00 Non, c'est vrai, vous avez raison, ne pas être seul, c'est vrai qu'aujourd'hui il n'y a plus beaucoup de chirurgiens vraiment isolés,
10:09 mais le travail en équipe, c'est vrai que c'est quelque chose d'important pour moi.
10:14 Mais je pense qu'on arrive à le faire partout ça, si on s'en donne les moyens et qu'on arrive à s'associer ou travailler avec des gens avec qui on a une synergie.
10:25 Et du coup vous me disiez, vous avez une rémunération qui est la même tous les mois et qui ne bouge pas,
10:30 et ça ce n'est pas non plus quelque chose où on se dit à un moment donné "bon j'ai envie de faire comme tout le monde, j'ai envie d'avoir 3 piscines, j'ai envie d'argent".
10:38 Bah en fait moi je n'ai pas envie d'argent, j'en ai assez, ça va, tout va bien quoi, merci.
10:44 Je vis à Paris, non je ne me plains pas, vraiment je ne me plains pas.
10:51 Mon salaire est probablement un peu plus important que celui d'un PH à l'assistance publique, j'ai des astreintes, je n'ai pas de garde,
11:01 je suis dans un ESPIC où il n'y a pas de service d'urgence, ce qui est un confort monstrueux, et je l'avoue, je ne jetterai la pierre à personne,
11:11 il y a d'autres ESPIC à Paris où il y a des services d'urgence, où donc finalement la contrainte sur l'astreinte, même si c'est une astreinte, elle est plus importante,
11:19 puisque ils vont opérer durant ces astreintes. Moi j'ai une situation que je considère comme privilégiée.
11:28 Le salariat, si vous deviez vous parler avec des internes, des chefs de clinique, quelqu'un qui cherche son exercice,
11:37 c'est quelque chose que vous conseilleriez ? Que vous diriez "Viens faire du salariat, tu vas avoir une belle carrière dans des endroits prestigieux,
11:42 avec un beau plateau technique et ça va être super" ?
11:45 Moi je le recommande, mais effectivement, je pense qu'il faut avoir cet esprit d'équipe, il faut avoir envie d'amener quelque chose dans une équipe,
11:57 il faut être collaboratif et puis effectivement avoir envie d'avoir 12 piscines, ce n'est pas non plus l'eldorado.
12:09 Et à part ça, pour quelle raison vous diriez "Non on ne vient pas parce que tu es trop indépendant" ?
12:18 Quelqu'un qui a plus envie d'avoir un investisseur, un entrepreneur dans une équipe, il sera un peu triste, il va se sentir un peu bridé,
12:35 parce qu'il sera forcément contraint à un moment par l'équipe à faire quelque chose qu'il n'avait pas forcément envie de faire,
12:43 mais bon on a décidé collectivement d'avoir ce projet, de monter ce projet, donc il va falloir qu'ils s'investissent quand même.
12:51 De temps en temps il faut quand même adhérer à l'esprit d'un groupe.
12:56 Je déconne un peu, mais vous êtes une femme chirurgien-ortho dans un métier où il n'y avait pas beaucoup de femmes,
13:04 est-ce que le salariat est plus doux aussi pour une femme plutôt que le libéral, ou est-ce que ça n'a rien à voir ?
13:10 En fait moi, quand j'ai commencé mon exercice salarié, juste après mon clinicage, j'avais déjà mes deux enfants,
13:20 j'avais déjà passé ces écueils compliqués, en tout cas à la période où j'étais interne, qui était d'avoir une vie de maman, une vie de couple,
13:34 et donc tout ça s'était réglé, j'avais une PME à la maison avec deux nounous, et tout le monde, et ça pour moi, cette charge mentale là, je ne l'avais pas.
13:44 Donc on ne peut pas dire que j'ai choisi le salariat à cause de ça.
13:49 C'était pas pour vous dire "je vais me faciliter la vie" ?
13:51 Non, au départ ça a uniquement été une opportunité, et pour être franche, les démarches pour m'installer en libéral, je les avais faites,
13:57 j'avais fait tous les papiers, j'avais déjà rencontré quelques chirurgiens, et finalement j'ai privilégié cette opportunité-là,
14:06 parce que, quand même, je l'ai déjà dit, c'était plus simple pour moi de ne pas me tracasser de sujets financiers.
14:16 Et pour l'intérêt du médecin qui vous avait traité ?
14:20 Oui, bien sûr, pour la petite histoire, c'est Rémi Bléton, avec qui j'avais travaillé à Bichat, et qui avait monté l'équipe d'orthopédie à l'hôpital Foch.
14:31 Et du coup, vous diriez quoi des trois avantages les plus gros du salariat pour vous ?
14:37 Travail en équipe, effectivement, je donnerais le mot "sécurité" quand même, et agilité dans les projets.
14:48 Mais est-ce que le côté sécurité, vu que maintenant on est en pénurie de tous les médecins, de toute façon,
14:53 il y a tous les médecins, n'importe qui s'installe, des patients, partout, non ?
14:59 C'est pas si simple, en tout cas à Paris, en Ile-de-France, c'est pas si simple.
15:04 Vous vous installez aujourd'hui en libéral à Paris, c'est pas...
15:08 Il n'y a pas des clients qui viennent, des patients qui viennent ?
15:10 Non, la concurrence est forte quand même.
15:12 Et pourtant, on est en désert médical à Paris.
15:16 Peut-être pas sur toutes les spécialités.
15:18 Oui, peut-être pas en orthopédie, je pense pas.
15:19 C'est ça, je pense que c'est pas sur toutes les spécialités, parce qu'en généraliste, on est dans un désert médical.
15:23 Oui, mais là, on parle de chirurgie, c'est très concurrentiel, je pense.
15:28 Écoutez, d'accord, merci beaucoup.
15:30 Merci.
15:32 (Applaudissements)
15:35 - Vous avez des fans dans la salle de bain.
15:37 [SILENCE]

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