Portrait d'Amandine Toulza

  • il y a 6 mois
Retournée à la terre « par amour », Amandine Toulza a usé de sa capacité d’adaptation pour faire sa place dans la pépinière de sa belle-famille.

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Transcript
00:00 Si vraiment il y a quelque chose qui nous fait envie, qu'on a au fond de nous, il faut y aller.
00:06 On n'apprend pas l'agriculture dans un bouquet, on n'apprend pas l'agriculture via un tableau Excel.
00:10 J'avais du mal à penser, à croire que j'étais légitime pour parler de ça, parce que je ne correspondais à aucune case.
00:16 Nos failles, c'est notre plus grande force.
00:19 C'est ça, je suis assez sensible.
00:23 On est deux patrons avec deux systèmes, on va dire, culturels qui s'associent très bien.
00:30 Moi j'ai grandi dans le Tarn-et-Garonne, parce que la famille de mon papa est originaire de là-bas.
00:43 Donc en fait, il faut savoir que moi, mes ancêtres, que ce soit du côté de mon père en Occitanie, dans le Tarn-et-Garonne,
00:50 et également du côté de ma maman, en fait tous ils étaient cultivateurs.
00:55 Donc à La Réunion, mes grands-parents, eux, ils travaillaient dans la canne à sucre.
01:00 Et après du côté du Tarn-et-Garonne, pareil, ils étaient tous cultivateurs, pour les cultures élevages.
01:06 Mes parents, ils avaient un petit élevage, c'était des veaux en batterie à l'époque.
01:11 Les veaux en batterie, ils les recevaient d'Espagne ou d'Italie.
01:16 Et après, mes parents devaient les engraisser, et après ces veaux repartaient.
01:20 Mais mes parents étaient payés une misère.
01:23 Donc du coup, ils ont voulu arrêter.
01:26 Et moi je me souviens bien, à l'époque, mes parents se posaient la question, parce qu'ils n'arrivaient pas à vivre dignement.
01:33 Donc ils se sont dit "Que fait-on ? Est-ce qu'on s'agrandit ou est-ce qu'on arrête ?"
01:38 Ils se sont dit "Finalement, on va arrêter, parce qu'on ne gagne pas notre vie."
01:44 Je pense qu'ils ont pris une très bonne décision.
01:47 Ma mère a beaucoup galéré dans l'agriculture, elle a porté beaucoup de poids, elle s'est usée.
01:51 Donc elle a connu la misère à La Réunion, elle a travaillé dur, elle a vu ses ancêtres travailler dur.
01:55 Mais les veaux, pour elle, elle en garde un souvenir aussi très dur.
02:00 En fait, maintenant je le vois avec du recul, je vois que c'est un moyen pour rebondir, pour apprendre.
02:05 Donc ma mère m'a dit "Amandine, fais des études, deviens une femme indépendante."
02:12 Et voilà, c'est ce que j'ai fait.
02:15 Mais ça, ça m'avait marquée. Je me rappelle une fois, elle était venue quand j'allais me coucher,
02:19 et elle m'a dit ça.
02:21 Même si mon niveau scolaire n'était pas très haut ou engagé pour faire des études de tourisme,
02:30 j'ai quand même persévéré, parce que c'était mon rêve.
02:36 Donc j'ai fait mes études de tourisme supérieures, finalement je les ai faites brillamment.
02:42 Donc pourquoi des fois quand il y a quelque chose qui nous plaît, il faut foncer même si on patine.
02:48 Mais j'ai rencontré, on s'est mis ensemble avec Jean.
02:51 J'ai travaillé entre guillemets pour dépanner à la pépinière, mais dans le sud-ouest, au siège social.
02:58 Et puis après, ça m'a plu, on préparait des commandes, j'arrachais l'herbe, je nettoyais les cerfs.
03:05 Moi avant, en plus, je n'ai jamais eu peur du travail en fait, parce que j'étais éduquée comme ça,
03:12 il faut travailler, travailler dur, travailler dur, travailler dur.
03:16 Donc je pense que ça a été très dur pour moi, mais très formateur.
03:21 Vous êtes vu comme la petite jeune, et mon époux c'est Jean-Sébastien Frongnier, qui porte le nom de la pépinière.
03:29 Donc moi je suis la personne qui vient, on va dire un peu en second.
03:33 Donc les gens préfèrent avoir affaire au fils du patron, des ancêtres quoi.
03:41 Donc ça c'est vrai, je peux comprendre.
03:44 C'est step by step, ça j'aime bien le dire ce mot, mais ça se fait étape par étape.
03:48 C'est sûr qu'il faut travailler, il faut s'imposer, mais il faut s'imposer aussi, je dirais de manière délicate.
03:56 Il ne faut pas arriver avec ses gros sabots.
03:58 Je pense qu'on ne met pas assez en avant dans la vie, c'est le chemin qui est beau.
04:03 Alors c'est dur.
04:04 Ça fait plusieurs fois qu'on dit que oui à mon époux, Monsieur Tulsa,
04:10 parce que c'est mon nom de jeune fille, donc moi ça me fait plaisir, mais même lui ça ne le gêne pas.
04:16 Déjà être soi-même, je pense que c'est important.
04:20 Je pense que c'est important d'avoir sa propre identité,
04:22 de ne pas jouer un rôle ou se cacher derrière des codes, derrière quelque chose.
04:29 Je pense que c'est bien d'assumer, d'être soi-même.
04:33 Elle m'a imposé ses choix, parce qu'elle ne trouvait aucun intérêt de travailler avec moi
04:39 si elle n'avait pas de pouvoir de décision, ce qui était normal pour elle,
04:43 et si elle ne mettait pas la patte dans le travail qui était habillé.
04:50 Mes beaux-parents avant étaient meloniers dans le Tarn-et-Garonne,
04:54 et ils ont beaucoup voyagé, parce qu'ils ont travaillé un peu partout dans le monde aussi,
05:02 en tant que melonier, puis après ils se sont installés en tant que producteurs de plants de melon dans le Tarn-et-Garonne.
05:08 Donc au début quand je suis arrivée à la pépinière et que je devais préparer ces fameux plants de tomates gigantissimes,
05:16 c'était ici, je me revois encore.
05:21 Donc je me suis occupée après de cette diversification-là,
05:26 et les clients ont fait confiance petit à petit.
05:29 On s'est planté, bien sûr, on a appris, mais en fait c'est en se plantant qu'on apprend.
05:35 Ça c'est complexe, vous arrivez dans une même famille, vous voulez "plaire" aussi.
05:40 C'est humain, donc pour moi c'était aussi une sorte de challenge, d'adaptation.
05:51 Il y avait quelque chose qui m'a tenue à cœur, c'était le management, l'esprit d'équipe, le coco un peu familial.
06:01 Parce qu'en fait, je ne sais pas, je ne suis pas du tout éduquée comme ça,
06:04 je suis toujours partie du principe qu'on passe beaucoup de temps au travail,
06:07 donc il faut que les gens se sentent bien au travail.
06:11 La première chose qu'elle a un peu mise en place sans le vouloir, c'est de faire prendre un peu de recul sur les choses.
06:17 Donc en prenant du recul, évidemment, on a compris qu'il y a des situations, du management et tout ça,
06:24 qu'on faisait d'année en année, il n'était pas forcément adapté par rapport à une nouvelle génération qui arrivait dans le travail.
06:33 C'est la meuf du patron, je pense qu'on n'est pas trop prise au sérieux, il faut être honnête.
06:44 Du coup, je pense que le fait que je fasse ça aussi, ça a permis de m'intégrer un peu plus.
06:54 Les équipes, elles nous ont vu, elles ont grandi avec nous, donc elles nous ont vu galérer.
07:01 En fait, en 2018-2019, suite à cette prise de conscience personnelle et professionnelle,
07:15 je me suis rendue compte aussi qu'il y avait ce manque de lien avec le producteur et le consommateur.
07:24 Donc comment faire pour que le consommateur se rende compte de la beauté du métier agricole,
07:33 de la beauté de l'origine de l'alimentation, comment c'est fait, etc.
07:36 Donc, moi, j'ai créé cette application mobile, Terratitude, moi j'ai pris de chez vous.
07:40 Terratitude, ça me permet aussi de m'exprimer à travers la création, à travers plein de choses,
07:50 alors que sans ça, en fait, j'oserais pas ou j'arriverais pas à parler.
07:57 Voilà, je sais pas pourquoi c'était...
08:00 Donc en ce moment, je fais des ateliers en collaboration avec le service restauration scolaire de la Comcom,
08:07 de la communauté de communes de Petit-Ockamargues,
08:12 mais également je fais des ateliers à travers d'autres programmes.
08:16 Soit les enfants peuvent venir ici à la Pépinière avec leur école,
08:20 ou sinon je me déplace dans les écoles, soit pour une sorte d'atelier court pendant plusieurs heures,
08:28 ou là, en ce moment, avec la Comcom, c'est pendant le temps de pause du midi,
08:33 les enfants peuvent participer à des ateliers vivants, pour comprendre le vivant.
08:39 Donc moi, je pars d'une graine, de mon métier, tout commence par une graine,
08:45 et on va jusqu'à l'assiette, donc en plus c'est en lien avec le plat qu'ils vont manger.
08:53 J'essaie de faire un lien avec le végétal ou les petites bêtes, mais avec nous, êtres humains.
08:59 J'aime beaucoup parler aussi de tolérance, de diversité.
09:02 Je peux relier les deux assez facilement.
09:04 Et Amandine, elle a parfaitement rempli la mission de l'évolution de l'entreprise.
09:09 Merci.
09:10 [SILENCE]

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