• il y a 8 mois
Le philosophe et essayiste Michel Onfray a désormais son émission de "décryptage" de l'actualité, co-animée avec la journaliste Laurence Ferrari, chaque samedi à la mi-journée sur la chaîne CNews. Lançant samedi ce nouveau rendez-vous appelé "Face à Michel Onfray", Laurence Ferrari a salué le "docteur en philosophie" et "écrivain prolixe", se disant "très heureuse" de pouvoir "échanger et éventuellement ferrailler, car nous ne sommes pas d'accord sur tout, loin s'en faut". "Vous êtes surtout un libre penseur et on aime la liberté d'expression sur CNews".
"Face à Michel Onfray", le samedi à 13H00 (retransmis le dimanche à 22H00), a pour objectif de "prendre de la hauteur" afin d'"analyser les mouvements qui traversent la société, en France et dans le monde".

Issu d'un milieu très modeste, Michel Onfray, 65 ans, est l'un des intellectuels français contemporains les plus lus à l'étranger. Venu de la gauche et soutien des "gilets jaunes", il a fondé en 2020 la revue Front Populaire, avec pour ambition de rassembler les souverainistes de tous bords et les déçus de la politique.

Samedi à l'antenne, M. Onfray a passé en revue les thèmes de la "colère paysanne", des élections européennes ou encore de la guerre en Ukraine. "Il faut euthanasier la paysannerie française, c'est le projet d'un Emmanuel Macron qui ne veut pas le dire", a-t-il accusé.

Le philosophe a aussi appelé à "faire de l'Histoire" pour mieux classer les responsables politiques et "arrêter de faire du commentaire idéologique". En particulier, "si vraiment Marine Le Pen c'est l'extrême droite, il faut qu'on fasse la démonstration qu'elle est contre la démocratie, qu'elle organise des mouvements de foule dans la rue, des mouvements violents, qu'elle refuse le résultat des élections", a-t-il plaidé.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:12 Bonjour à tous et bonjour à toutes, bienvenue dans "Face à Michel Onfray",
00:16 notre nouveau rendez-vous chaque week-end avec vous, Michel Onfray.
00:20 Bonjour Michel. Bonjour.
00:21 Très heureuse de pouvoir échanger régulièrement avec vous, de pouvoir éventuellement ferrailler,
00:25 parce que nous ne sommes pas d'accord sur tout, loin s'en fout.
00:28 Vous êtes docteur en philosophie, écrivain prolixe, plus de 150 livres, c'est ça ?
00:33 Dont la nef des fous 4 qui vient de sortir aux éditions "Bouquins et essais".
00:37 Vous êtes surtout un libre penseur et on aime la liberté d'expression sur Seigneux.
00:41 Nous allons essayer donc chaque semaine, si vous le voulez bien,
00:43 avec vous de prendre de la hauteur sur l'actualité, d'analyser les mouvements qui traversent notre société.
00:49 On va parler aujourd'hui par exemple, Michel, de la colère paysanne.
00:52 Qu'est-ce que cette grande, profonde de nos agriculteurs recouvre exactement pour vous,
00:56 sur le plan sociétal, historique et philosophique ?
00:59 On va parler aussi de la grande peur des Français face au spectre d'un conflit,
01:03 d'une guerre mondialisée, à la lueur des propos d'Emmanuel Macron,
01:07 n'excluant pas d'envoyer des troupes au sol en Ukraine,
01:10 et de la réponse glaçante de Vladimir Poutine, nous menaçant d'une destruction de la civilisation.
01:15 Quel est le sens de la guerre ? Quelle est la figure de l'ennemi ?
01:18 Que pèsent nos démocraties face au régime autoritaire ?
01:21 Et puis nous évoquerons aussi cette époque du trouble amoureux que nous vivons,
01:26 avec d'un côté la parole des femmes qui se libère notamment dans le cinéma français,
01:31 mais aussi le nouvel ordre qui se met en place sur le terrain, justement, de ces rapports amoureux.
01:37 Voilà pour le programme aujourd'hui.
01:38 On va commencer, Michel Onfray, par ce premier thème incontournable,
01:42 la colère paysanne qui continue de sourdre,
01:44 alors que le Salon de l'agriculture se poursuit avec son défilé incessant d'hommes et de femmes politiques,
01:49 puisque évidemment ils sont en campagne pour les élections européennes.
01:52 Vous avez été choqué, je crois, de la façon dont les agriculteurs ont été traités
01:56 depuis le début de leur révolte, de leur colère, il y a quelques semaines.
02:00 Oui, parce que la paysannerie, je dirais, c'est la France sans Paris.
02:05 C'est-à-dire non pas la France de territoire, comme on dit, dans un mot qui m'effraie.
02:08 Territoire, c'est quand même un mot d'éthologue.
02:10 Les éthologues s'occupent des animaux en disant, voilà, le mal dominant, il a un territoire.
02:14 Et puis il met de l'urine, des matières fécales, il dit c'est chez moi, c'est mon territoire.
02:20 Et quiconque va passer dans ce territoire va montrer que soit il m'obéit, soit on va se battre, etc.
02:24 Je n'aime pas ce mot territoire.
02:26 C'est vraiment, ce sont les provinces qui sont en jeu et qui disent ça suffit, ça commence à bien faire, on ne peut plus.
02:32 Et comme ils ont de la dignité, le sens du travail, qu'ils sont virgiliens,
02:36 c'est-à-dire dans l'esprit de Virgile qui lui racontait le paysan à l'époque romaine
02:39 et qui nous disait, voilà, il regarde le ciel, la nature, il comprend,
02:42 il est en face directe avec la terre, avec l'eau, avec la pluie, avec la lumière, avec le soleil, etc.
02:48 Et ce paysan, on nous dit, laissez-le dans leur coin.
02:52 Il y a une espèce de vieux logiciel gauchiste qui suppose que la révolution,
02:55 elle se fait par l'avant-garde éclairée de la classe ouvrière,
02:58 c'est-à-dire les ouvriers des usines syndicalisées sous-entendues marxistes.
03:03 Pendant que les paysans, eux, ce sont des conservateurs, des réactionnaires,
03:07 ce sont des gens qui sont toujours opposés à la révolution, etc.
03:09 Ce sont des gens de bon sens qui, à un moment donné, disent que ça commence à bien faire.
03:12 Un peu comme avec les Gilets jaunes, souvenez-vous de Jacqueline Moureau
03:15 qui d'un seul coup pique une petite crise en se disant "enfin, c'est pas possible".
03:19 Ecoutez, avec des choses de bon sens, du genre "c'est bientôt Noël,
03:22 on ne va pas pouvoir, c'était en novembre, souvenez-vous,
03:24 on ne va pas pouvoir acheter des cadeaux à nos enfants".
03:26 Là, les paysans disent "on ne va pas pouvoir survivre, on ne va pas pouvoir vivre,
03:29 on a des compagnons et des copains qui sont endettés,
03:31 on a des agriculteurs tous les jours qui se pendent, qui se suicident,
03:34 ça n'est plus possible, si vous vouliez bien nous écouter, ce serait bien quand même".
03:37 Et il y a une façon de dire "on va vous embobiner, comme les autres, ça marche très bien,
03:41 le discours, le blabla, la parole, ça ne marche pas chez ces gens-là".
03:45 - Ça ne marche pas. On va écouter justement un extrait d'un dialogue saisissant
03:49 entre un agriculteur et le président Macron.
03:51 Ça s'est passé au Salon de l'agriculture le jour de l'inauguration.
03:53 Et ce sont vraiment deux mondes qui sont face à face. Écoutez.
03:57 - Si on s'était rencontré deux heures plus tôt, on n'en serait même pas là.
04:00 - Mais quoi deux heures plus tôt ? Moi j'ai rencontré l'intersyndical.
04:03 - Pardon, là je vous rencontre, parce que moi j'ai rencontré l'intersyndical.
04:07 En bas, il y a eu des violences, c'est le bordel, il y a des trucs qui ont été détruits.
04:10 - Mais là, si on attend, on attend, on tourne en reprend deux heures.
04:12 - Mais non, mais en bas, moi je veux bien parler à tout le monde, c'est un moment où tout le monde siffle.
04:15 Attends, je ne suis pas en train de dire que vous faites de la gratte, c'est la France qui bosse.
04:18 Mais on va aussi arrêter tous collectivement de dire que l'agriculture est foutue.
04:23 Parce que sinon, ce n'est pas la peine d'aller chercher des jeunes.
04:25 Si le discours ambiant, c'est de dire que l'agriculture est foutue et qu'il faut des aides de trésor,
04:29 il n'y a pas la peine de faire une loi d'orientation, il n'y a pas la peine de s'emmerder.
04:32 On ferme tout de suite le magasin.
04:34 - Il y a un agriculteur qui se suicide tous les deux jours en France.
04:37 Et des jeunes.
04:39 Donc il faut aller très vite. On a besoin de respirer dans nos exploitations.
04:43 Il nous faut de la trésorerie, rapidement.
04:45 Je veux parler du suicide. Vous savez, nous on travaille à peu près 100 heures par semaine.
04:49 Moi ça fait trois ans que je travaille 100 heures par semaine, que je ne sors pas à l'héros-lune.
04:53 C'est ma femme qui me fait vivre.
04:56 Au mois d'août, j'ai failli passer à la course.
04:59 J'ai un gamin de 15 ans et une gamine de 10 ans.
05:02 Vous croyez que ça me fait plaisir de monter au salaud ?
05:05 C'est mon père qui a 72 ans qui s'occupe de la ferme.
05:08 - Voilà pour ces échanges entre les agriculteurs et Emmanuel Macron.
05:11 Qu'est-ce que ça dit pour vous de l'état du monde paysan face à notre pouvoir exécutif ?
05:17 - D'abord, j'ai été choqué de la façon qu'a le président de la République de s'adresser aux paysans.
05:22 C'est d'une grossièreté, d'une vulgarité, avec des gros mots en permanence.
05:27 Un tutoiement dans ces scènes-là. On le voit tutoyer les gens.
05:30 Mais est-ce qu'il parle comme ça au patron des GAFAM quand il les reçoit ?
05:33 Est-ce qu'il leur fait des colères comme ça en disant "emmerdé" ?
05:36 Est-ce qu'il parle de "négo" ? - La condescendance pour vous ?
05:38 - C'est du mépris. C'est même pas de la condescendance.
05:40 J'arrive, je suis en bras de chemise, j'ai demandé un ring.
05:43 On a parlé à une époque d'un ring.
05:45 Et puis ils viennent et je me les prends tous les uns après les autres.
05:48 Et puis je leur parle et puis je leur dis "vous êtes comme ça" etc.
05:50 Il fait des signes et des choses. On parle pas comme ça.
05:52 J'ai souvent parlé des deux corps du roi de Kantorowicz qui nous dit que
05:55 un roi c'est effectivement une personne privée, puis c'est aussi quelqu'un
05:59 qui est investi de la souveraineté nationale et populaire, théoriquement.
06:02 C'est-à-dire normalement on pèse, on a le poids de la souveraineté sur soi-même.
06:05 Et le roi personnel, il peut être grossier, il peut être vulgaire,
06:09 il peut dire "négo" à la place de "négociation", il peut...
06:13 J'ai pas fait un bilan de tout ce qu'il a raconté,
06:15 mais enfin tout le monde a pu entendre, utiliser des gros mots, des grossièretés.
06:18 Mais quelle image donne-t-il de la France ?
06:20 Quelle image donne-t-il de la fonction ?
06:22 Quelle image donne-t-il également de la relation qu'il entretient avec les paysans ?
06:26 C'est une espèce de sachant, un instituteur qui donne des leçons en disant
06:29 "je vous méprise, je vous déteste, vous êtes nuls, je vous maltraite,
06:32 je vous parle mal et en même temps vous n'avez rien compris, moi je sais,
06:35 je trouve ça inadmissible".
06:37 Et puis c'est pas ici que la politique se fait, c'est pas devant des caméras.
06:39 C'est-à-dire qu'on rencontre des gens, on discute véritablement.
06:42 Maintenant le vrai non-dit de cette affaire...
06:44 - C'est effectivement la question européenne.
06:46 - C'est ça qui sous-tend toute cette colère de des agriculteurs dans toute l'Europe.
06:49 - Bien sûr, ils le savent bien, ça a été beaucoup dit.
06:51 Et c'est tant mieux, ils vivent ces news qui ont rendu possible
06:54 la visibilité de ce qu'était vraiment l'Europe, enfin.
06:56 C'est-à-dire qu'en 92, moi j'étais contre le Maastricht à l'époque,
07:01 et c'était deux civilisations qui s'opposaient, mais deux images, ça n'existait pas encore.
07:04 Aujourd'hui ce ne sont plus deux images, ce sont deux réalités.
07:07 C'est-à-dire maintenant les Maastrichtiens sont au pouvoir depuis 1992,
07:10 ils ont fait cette France-là.
07:12 Les paysans ne font pas des grandes théories, ils vous disent juste,
07:14 nous on nous dit "vous allez produire des poulets",
07:16 vous n'avez pas le droit de les produire n'importe comment,
07:18 vous n'avez pas le droit de ne pas tenir compte du bien-être animal.
07:21 Et puis en même temps d'autres, qui ne sont même pas européens, des Ukrainiens,
07:24 on a l'impression que la France fait plus la politique de l'Ukraine que de la France aujourd'hui,
07:28 des poulets ukrainiens qui ont été quasiment nourris à la dioxine
07:31 et qui ont été congelés pendant trois ans vont arriver sur le marché.
07:34 Il est bien évident que quand les grandes surfaces vont les acheter,
07:37 ils vont plutôt acheter ces produits-là pas très chers,
07:39 et les produits des paysans français ne seront pas achetés.
07:41 D'où la misère, d'où la pauvreté, l'Europe c'est ça.
07:43 Évidemment c'est la chose à ne pas dire.
07:45 Si vous expliquez...

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