Chaos généralisé, hôpitaux complètements débordés, famine... Raphaël Pitti, médecin-réanimateur, membre de l'ONG UOSSM (Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux), rentre d'une mission humanitaire à Gaza. Il est l'invité de RTL Matin.
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00:02 6h, 9h15, RTL Matin, avec Stéphane Carpentier.
00:07 Merci à vous d'être là.
00:08 À 8h48, l'invité de RTL Matin est donc connecté en direct.
00:12 Médecin anesthésiste réanimateur, spécialiste de l'urgence, médecin humanitaire.
00:17 Je salue Raphaël Pitti. Bonjour à vous.
00:19 Bonjour.
00:20 Vous avez passé plusieurs jours à Gaza, Raphaël Pitti,
00:23 où la guerre s'est vie depuis le 8 octobre dernier.
00:26 Ça va faire quatre mois.
00:27 Où ce qu'on craignait depuis des semaines se produit sur place,
00:30 c'est-à-dire que la situation de famine s'installe,
00:33 touche les réfugiés, touche les déplacés.
00:36 Vous arrivez ce matin, Raphaël Pitti, à nous décrire avec des mots
00:39 les images qui vous restent de ce déplacement ?
00:41 Écoutez, c'est assez effroyable, toute l'expérience humanitaire,
00:46 et même dans les situations de crise.
00:48 À l'époque où j'étais médecin militaire,
00:50 c'est bien la première fois que j'assiste à une telle situation d'une population.
00:54 Elle a été forcée de se déplacer du nord et du centre vers Rafa,
00:59 pour soi-disant être en sécurité.
01:04 En vérité, ce n'est pas du tout ce qui s'est passé,
01:05 parce que personne ne l'attendait dans cette ville de 240 000 habitants,
01:09 qui voit passer d'un seul coup à 1,4 million.
01:12 Et donc, ils sont complètement désœuvrés.
01:15 Une masse d'une population énorme, dont on a même du mal à marcher,
01:19 à travers cette foule, qui est complètement désœuvrée,
01:22 qui passe toute sa journée à essayer de trouver de l'eau potable,
01:27 bien évidemment, à essayer de trouver de la nourriture,
01:29 à essayer au même temps de se laver quelque part.
01:32 Ils sont installés sur les trottoirs,
01:35 ils sont installés dans le moindre endroit à peu près de libre.
01:39 Ils sont aussi autour des hôpitaux pour essayer d'être plus en sécurité.
01:43 Ils sont à l'intérieur des hôpitaux.
01:45 Il y en a 3 000 dans l'hôpital européen où je me trouvais.
01:48 C'est une situation de tension qui est très très très forte.
01:52 Dès que la nourriture arrive, parce qu'ils n'ont aucun argent,
01:56 bien évidemment, ils avaient de l'argent dans leur compte en banque,
01:58 mais tout est fermé, ils se retrouvent dépouillés.
02:01 C'est une situation de misère.
02:03 Et là-dessus, constamment, jour et nuit,
02:05 il y a des bombardements qui les touchent beaucoup,
02:08 parce que la densité de population est tellement importante,
02:11 que même si les Israéliens ciblent un bâtiment,
02:15 bien évidemment, l'explosion tue toutes les personnes qui sont autour,
02:20 qui tentent de se protéger.
02:23 C'est vraiment une situation de catastrophe humanitaire
02:26 comme je n'ai jamais vu.
02:27 - Raphaël Pity, lorsqu'on parle de famine, elle s'installe là,
02:29 ça veut dire quoi concrètement ?
02:31 Que tout manque sur place ?
02:33 - Alors ça, c'est exactement ce qui se passe dans le Nord,
02:36 puisque les quelques convois qui arrivent à rentrer par RAFA,
02:40 c'est-à-dire à travers de l'Égypte,
02:42 c'est à peu près une centaine par jour.
02:44 C'est bien évidemment insuffisant déjà pour la population de RAFA.
02:48 Les quelques camions que l'UNVAR essaye d'envoyer vers le Nord
02:54 sont bloqués par l'armée israélienne
02:56 qui a complètement fermé toute la partie nord du pays.
02:59 Et cette population, environ 500 000 personnes,
03:01 n'a pas de nourriture, n'a absolument pas de nourriture.
03:05 Et donc, ce sont ces largages maintenant qui ont commencé,
03:09 et éventuellement aussi par mer qui peut leur arriver.
03:12 Et donc, c'est une population qui est en situation de survie,
03:15 qui a faim et qui se bat même pour atteindre la nourriture
03:19 quand elle peut y arriver.
03:20 - Docteur, il y a un médecin d'une ONG qui racontait hier dans RTL Midi
03:23 qu'on en est sur place à tuer, à manger les ânes
03:26 et qu'on mélange les graines d'oiseaux à l'alimentation.
03:29 - Oui, oui, tout à fait.
03:31 Et même, on a même évoqué maintenant
03:33 qu'ils pouvaient éventuellement manger les rats, etc.
03:36 On est dans une situation de famine pour 500 000 personnes dans le Nord.
03:40 Dans le Sud, par contre, on est dans la malnutrition.
03:43 Il y a de la nourriture, bien évidemment, qui est distribuée,
03:46 mais elle est essentiellement à base de céréales ou de riz,
03:50 et il n'y a pas de fruits frais, etc.
03:53 et en particulier pour les enfants, pour les personnes âgées.
03:55 Donc, on est dans la malnutrition,
03:57 ce qui veut dire qu'avec ça, c'est bien évidemment
04:00 toutes les maladies épidémiques que l'on peut avoir en cette saison
04:04 ou liées aux conditions de vie, comme les hépatites,
04:08 comme bien évidemment les gastroentérites, etc.
04:10 Sans parler des pathologies chroniques.
04:12 On ne compte que 30 000 morts par les bombardements,
04:15 mais on ne compte pas du tout
04:17 toutes les pathologies chroniques qui bien évidemment décèdent
04:20 du fait de l'absence de traitement.
04:21 - Raphaël Pitti, les hôpitaux sur place, ils ressemblent à quoi ?
04:24 Qu'est-ce que vous avez vu ?
04:25 - Alors, pour ce qui me concerne, j'étais à l'hôpital européen.
04:28 Je suis allé à RAFA plusieurs fois, puisque nous avons le projet
04:31 de construire, de mettre en place des centres de soins primaires
04:34 pour la population de RAFA.
04:36 Elle a des besoins, je le disais tout à l'heure, de soins primaires,
04:38 saisonniers, de pathologies saisonnières,
04:40 de pathologies chroniques, etc.
04:42 Et il faut absolument pouvoir lui offrir justement ses soins.
04:45 Et à l'hôpital européen où je me trouvais,
04:49 cet hôpital est envahi par 3 000 personnes
04:52 à l'intérieur de l'hôpital, qui vivent dans les couloirs,
04:55 qui vivent sur les paliers des escaliers avec leurs enfants.
05:00 Ça déborde de personnes.
05:02 L'hôpital est submergé par toute cette population
05:06 qui a besoin de soins primaires
05:08 et qui envahit le service d'urgence.
05:11 Et là, vous avez l'arrivée en même temps des blessés graves,
05:15 des bombardements, des gens qui sont polytraumatisés,
05:18 qui sont brûlés, femmes, enfants surtout,
05:21 mais aussi quelques adultes.
05:23 Et bien évidemment, l'hôpital manque de tout.
05:26 [SILENCE]