100% Sénat - Commission d'enquête Narcotrafic : Roberto Saviano auditionné

  • il y a 6 mois
100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00 [Générique]
00:10 Bonjour, bonjour à tous, bienvenue dans 100% Sénat.
00:13 Aujourd'hui, la rédaction parlementaire de Public Sénat vous propose de suivre l'audition de Roberto Saviano,
00:19 journaliste italien, écrivain et auteur notamment du livre Gomorra, véritable enquête sur les dessous de la mafia napolitaine.
00:27 Le journaliste est aujourd'hui auditionné par la commission d'enquête sur le narcotrafic,
00:32 une commission présidée par le socialiste Jérôme Durin et dont le rapporteur est l'ELR du Rhône, Étienne Blanch.
00:38 Je vous propose de suivre ces échanges et je vous retrouve tout de suite après.
00:42 [Intervention en italien]
01:11 Je ne suis pas un instrument pour les capitaux, c'est un peu la levure des organisations mafieuses.
01:23 Je vais vous expliquer ce qui suit.
01:26 Les organisations criminelles complexes, à savoir les mafias, sont très différentes des organisations criminelles ordinaires, c'est-à-dire les gangs.
01:36 Le criminel ordinaire commun agit pour gagner de l'argent, le mafieux agit pour commander,
01:48 c'est-à-dire que l'objectif de l'organisation mafieuse est le pouvoir, le pouvoir qui se décline en différents aspects politiques, économiques, structurels,
02:01 c'est-à-dire domination sur le territoire.
02:05 Donc l'économie criminelle n'est pas simplement fondée sur le narcotrafic, mais le narcotrafic est la levure en quelque sorte parce qu'il accélère les profits.
02:18 Alors je vais vous donner une information que je cite très souvent, et je dois dire que ça fait des années que j'en parle lors de mes conférences,
02:26 parce que c'est une information tout à fait éloquente. 1000 euros investis aujourd'hui dans des actions, par exemple des actions de Apple,
02:36 au bout d'un an rapportent 1100, si les choses se passent plutôt bien, et 1200 si ça se passe très bien.
02:46 1000 euros investis dans le marché de la cocaïne rapportent à l'issue d'un an 182 000 euros.
02:56 Ça c'est vraiment une information qui nous vient des autorités italiennes, les autorités de lutte contre la mafia en Italie.
03:06 Donc c'est un chiffre qui reste constant au fil des années et qui nous amène à une information très précise,
03:13 c'est-à-dire qu'aujourd'hui, ceux qui veulent racheter leur vie ont en tête l'objectif de 5000 euros.
03:24 5000 euros quand on risque sa vie, parce qu'avec 5000 euros investis dans le marché de la cocaïne, ça rapporte un million d'euros.
03:34 L'interprète n'entend pas très bien. Alors ceux qui arrivent à investir ces 5000 euros dans la cocaïne,
03:43 parce qu'en fait la possibilité d'accéder au marché de la cocaïne est réservée à des happy few, à une poignée de criminels,
03:52 mais il y a beaucoup beaucoup de personnes qui tentent la chance de prendre ces 5000 euros pour acheter de la cocaïne et changer de vie.
04:02 Le monde politique ne se rend pas compte que ce que l'on propose aux gens qui veulent sortir de la misère est beaucoup moins attrayant par rapport à cette alternative.
04:17 Un enfant, un jeune de banlieue, un jeune de la banlieue de Naples, un jeune de la banlieue d'Athènes, un jeune de la banlieue de Sofia, de Belgrade, de Varsovie,
04:31 tous ces jeunes savent qu'avec 5000 euros d'investissement sur le marché de la cocaïne, ils peuvent changer de vie.
04:40 Et dans l'intervalle, cette vie, ils vont l'adopter, ils vont adapter leur vie à différentes situations.
04:50 La France est très touchée par le narcotrafic et c'est incroyable qu'aucun groupe politique, aucune formation politique ait choisi ce thème comme l'un des thèmes fondamentaux.
05:05 Donc, ils s'occupent de la corruption, ils s'occupent de la question des banlieues, toutes les formations politiques s'attaquent à ces problèmes,
05:12 mais aucune formation politique ne s'attaque à ce thème du narcotrafic en France en tant que cheval de bataille prioritaire dans la politique.
05:24 Et pourtant, c'est une question centrale dans tout programme politique.
05:29 Alors, toute l'Afrique qui a été colonisée par la France actuellement est au centre des trafics, comme on le sait très bien, et ce depuis de longues années.
05:42 Le trafic de cocaïne, la cocaïne provient de l'Amérique du Sud, les grands producteurs sont au Pérou, en Colombie et en Bolivie.
05:50 Depuis l'Amérique du Sud, elle est envoyée en Afrique équatoriale, cette drogue de l'Afrique équatoriale occidentale,
06:00 et de l'Afrique occidentale équatoriale, elle traverse le Mali, elle transite par le Mali, elle arrive sur les côtes du Maghreb,
06:09 et elle est expédiée dans les différents ports, Vado Ligure en Italie, Rotterdam.
06:16 Il y a aussi une partie importante du narcotrafic qui est absorbé par Hambourg et par l'Angleterre.
06:26 Les ports européens sont vraiment des gruillères, parce qu'ils sont corrompus.
06:34 Ils sont corrompus, il y a une corruption, mais ce n'est pas une corruption que l'on peut comparer à celle qui sévit dans les ports sud-américains, asiatiques,
06:45 où la corruption est massive. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans les ports européens.
06:49 Et donc la question est, pourquoi les ports européens sont aussi facilement accessibles au narcotrafic ?
06:58 Pourquoi est-ce que l'on peut franchir le réseau de sécurité ?
07:04 Eh bien, il faut penser à la logique du port qui est basée sur le dédouanement facile.
07:13 Plus le port dédouane facilement, et plus il devient un port attrayant pour les grands expéditeurs internationaux.
07:22 Si un port prend du temps pour dédouaner les conteneurs, donc plus il est lent le port dans les opérations de dédouanement,
07:33 et plus il perd des expéditions. Mais plus il est rapide, et moins il contrôle les cargaisons des conteneurs.
07:44 Donc les ports où la cocaïne transite sont les ports... et l'interprète n'a pas entendu, il y a eu une micro-coupure.
07:52 Les ports les plus corrompus, les ports les plus lents ne sont pas un bon allié des transporteurs de cocaïne.
08:04 Parce que les polices reconnaissent un port lorsque ce port devient un port dangereux, c'est-à-dire que lorsque le port n'offre plus de garantie de sécurité.
08:21 Et donc les grands ports européens expédient de grandes quantités de cocaïne au nom de leur efficacité.
08:34 Alors pourquoi y a-t-il cette demande gigantesque de cocaïne ?
08:44 Et ce thème, cette question, ne fait hélas pas partie du débat démocratique dans les démocraties occidentales.
08:53 Alors, il y a tout un contexte qui fait que les gens vont vers la drogue.
09:07 La cocaïne, jusque dans les années 80 et 90, était une drogue réservée aux riches.
09:16 Aujourd'hui, c'est une drogue qui concerne toutes les classes sociales.
09:23 Bon, il est évident qu'elle est meilleure lorsqu'on peut la payer d'un certain prix et elle est de moins bonne qualité lorsqu'on la paye moins.
09:39 Et les grandes organisations criminelles françaises sont les organisations criminelles Corses,
09:45 qui ont un code d'affiliation, de structuration interne très complexe,
09:51 et que l'on peut comparer aux mafias les plus anciennes du monde, à savoir les mafias italiennes.
09:57 Et la distribution sur le territoire, il n'y a aucun Corse présent.
10:05 Il n'y a aucun affilié mafieux Corse dans la distribution.
10:10 Et pourtant, la distribution est confiée aux organisations maghrébines.
10:16 En France, l'organisation maghrébine la plus importante est tunisienne.
10:21 Il y a plusieurs familles qui sont en excellent rapport avec des groupes africains, Mali, Gambie.
10:29 Et par contre, ils n'entretiennent pas de bonnes relations avec les Nigériens et avec les Marocains.
10:34 Alors, la raison pour laquelle ces relations entre Marocains et Tunisiens ne sont pas bonnes,
10:40 et ces dernières années, il y a des fédérations qui se font entre différentes familles,
10:47 mais bon, il n'y a pas vraiment encore de paix entre les deux groupes.
10:50 Donc l'une des raisons qui a fait que la mafia marocaine est devenue dominatrice aux Pays-Bas,
10:59 c'est justement les conflits avec les Tunisiens, parce qu'ils ont réussi à conquérir Marseille.
11:07 Donc ils ont une base.
11:09 La Mocro-mafia, c'est comme ça qu'on l'appelle cette mafia marocaine, a une hégémonie en Hollande
11:15 et elle est arrivée à un tel niveau de présence capillaire que elle a mis en danger les institutions hollandaises.
11:25 Vous le savez peut-être, mais je crois qu'il y a trois ans, un journaliste a été tué au centre de la ville.
11:34 Il a été éliminé par la mafia marocaine, ce journaliste hollandais.
11:39 Donc c'était un attentat au Télégraph, l'un des plus grands titres hollandais.
11:46 Une bombe, un attentat à la bombe.
11:49 La Macro-mafia était très présente et nous en sommes à ces niveaux.
11:57 Donc la Suède est le pays européen à l'heure actuelle qui compte le nombre le plus élevé de morts dans le cadre du narcotrafic.
12:09 Tout ça est passé sous silence.
12:13 C'est pas que la presse n'en parle pas, elle en parle mais toujours comme des guerres entre clans.
12:19 La presse ne permet pas de faire élever le débat politique et de faire comprendre aux populations qu'il s'agit d'une économie considérable.
12:31 L'économie du narcotrafic et n'importe quelle étude pourra vous le confirmer,
12:37 toutes les études qui émanent de Nations Unies par exemple, l'économie du narcotrafic est l'unique économie que l'on peut comparer à celle du pétrole.
12:49 Donc il y a une quantité d'argent en liquide qui est injectée dans la société européenne.
12:57 Et alors que dans le débat public, on parle surtout de problèmes de sécurité et d'immigration.
13:06 En France, ils s'entretuent entre maghrébins. En Suède, ils s'entretuent entre slaves et médios orientaux.
13:15 Donc en fait le message que l'on diffuse c'est qu'ils s'entretuent entre eux et ils n'ont rien à faire avec notre société.
13:24 Mais c'est faux parce que tout cela peut se faire simplement en présence d'une économie locale poreuse.
13:31 C'est-à-dire capable de prendre cet argent et de les injecter dans l'économie légale.
13:38 S'il n'y avait pas la complicité du système économique financier dans tous les pays européens, il n'y aurait pas les organisations criminelles.
13:49 L'argent de la mochromafia en Hollande par exemple, cet argent est blanchi en Hollande.
13:58 Dans les Caraïbes hollandaises, les plateformes de blanchiment en Europe, nous savons qui elles sont.
14:10 Au Luxembourg par exemple, au Liechtenstein, en Andorre et surtout à Londres, la capitale mondiale du blanchiment d'argent sale.
14:19 Les organisations criminelles utilisent ces espaces pour cacher, protéger et activer leur capitaux.
14:31 Alors il faut que l'Europe s'unisse avec une seule police antimafia en mesure d'enquêter dans le système financier.
14:43 Sinon on ne pourra pas s'attaquer à ce pouvoir criminel.
14:49 Au-delà des opérations importantes, pour pouvoir lutter contre ces organisations, il y a les politiques de légalisation.
15:03 La légalisation des drogues légères et de toutes les drogues serait la seule façon d'interrompre ce trafic.
15:18 Mais c'est impensable aujourd'hui de penser pouvoir légaliser toutes les drogues.
15:24 Mais la légalisation des drogues légères, qui concerne 40% de leur revenu pour les mafias italiennes,
15:34 légaliser ces drogues légères permettrait, évidemment il y aurait une grande crise qui s'abattrait sur leur économie.
15:41 Et donc ceux qui disent que la contrebande continuerait et donc les revenus continueraient pour les mafias,
15:53 ceux qui disent ça n'ont pas étudié la question de la contrebande de cigarettes,
15:57 qui a réussi à être éliminée justement lorsque les politiques nationales ont commencé à être très strictes et très sévères,
16:07 s'agissant des politiques sur le tabagisme par exemple, mais aussi dans le contrôle de toute la filière du tabac.
16:13 Donc la contrebande de marijuana correspondrait à un tout petit pourcentage par rapport à une société dans laquelle elle pourrait être légalisée,
16:28 dans laquelle on légaliserait l'herbe, le hachiche, comme l'ont fait les Etats-Unis, l'Uruguay et comme le fait l'Allemagne à l'heure actuelle.
16:38 Les Pays-Bas ont légalisé, alors il faudrait dire a libéralisé, c'est différent de légaliser,
16:47 la légalisation c'est le contrôle que fait l'Etat sur toute la filière de la production des drogues légères,
16:56 alors que la libéralisation hollandaise a permis au marché de pouvoir vendre cette drogue dans certains lieux,
17:08 qui peuvent être consommées dans des lieux de la ville, donc les drogues légères, mais en dépénalisant les producteurs de ces drogues.
17:17 Donc l'Etat n'a pas le contrôle direct sur les producteurs, disons que l'Etat décide simplement de faire un pas en arrière dans la persécution de la production de marijuana.
17:31 Alors il me semble que le plan hollandais n'a pas réussi, parce que toutes les grandes familles mafieuses italiennes, françaises,
17:41 lorsqu'elles doivent se faire approvisionner en drogue légère, elles vont en Hollande se faire s'approvisionner.
17:51 C'est un peu compliqué d'analyser l'exemple hollandais, mais ce que j'ai entendu dire, c'est que parmi toutes les expériences de légalisation
18:00 qui existent à ce jour et de libéralisation, l'expérience hollandaise est celle qui a duré le plus longtemps et qui a eu un effet positif
18:12 sur la gestion de la problématique entre les citoyens. Et donc il n'y a pas eu vraiment de conflit avec les organisations criminelles.
18:24 Alors que les exemples américains et uruguayens sont très intéressants. Les cartels mexicains qui géraient le trafic de marijuana en Uruguay
18:33 ont disparu dès que l'Uruguay a légalisé l'herbe. Et ils ont continué leur trafic, mais simplement avec la cocaïne.
18:44 Il en va de même en Arizona, aux Etats-Unis, où le trafic, disons la consommation de marijuana a enregistré une forte diminution.
18:57 La légalisation est un outil pour lutter contre le narcotrafic, dans les faits est un outil très concret, parce qu'elle empêche aux organisations criminelles
19:12 de contrôler les prix, de contrôler la matière première, la substance. Et permet également à l'Etat de contrôler chaque phase de la filière,
19:28 de la production à la consommation. Avec la légalisation, les organisations criminelles doivent renoncer à de l'argent, mais également à des espaces.
19:45 Ceux qui fument la marijuana passent ensuite à la cocaïne et arrivent ensuite à la terrible héroïne.
19:52 Mais ce n'est pas comme ça que ça se passe, c'est ce que l'on dit. Mais lorsque cela se passe comme ça, c'est à cause de promiscuité entre le dealer qui fournit l'herbe,
20:03 qui est le même qui fournira l'héroïne. Promiscuita dans le sens que ce dealer a accès à ces deux substances. Avec la légalisation, cette situation est interrompue à jamais.
20:17 La mafia italienne est la plus ancienne et très souvent, c'est elle qui a imposé au niveau international les règles du jeu, si on peut en dire ainsi.
20:33 La mafia italienne est une mafia qui discute depuis toujours avec toutes les organisations criminelles du monde, ou presque.
20:45 Eh bien, la mafia italienne a donc une emprise dans le monde criminel. Dans les années 90, la DEA américaine n'arrivait pas à comprendre de quelle façon les revenus des mafias étaient blanchis.
21:10 Parce qu'aucune banque ne collaborait vraiment avec les enquêtes de la DEA. Ils avaient organisé à l'époque l'opération Dinero, où ils avaient constitué une banque à partir de zéro,
21:27 qui avait été fondée donc à Anguilla, dans les Caraïbes. Cette banque, qui a été constituée par les autorités de lutte contre le trafic des Etats-Unis,
21:43 est créée par des policiers qui veulent comprendre comment ça marche. Ils reçoivent des financements. Au bout d'un moment, ils se rendent compte que les cartels ne donnent pas beaucoup d'argent à cette banque.
21:56 Et pour quelle raison ? Tout simplement parce que les mafias italiennes n'étaient pas présentes.
22:02 Par conséquent, la DEA demande à l'Italie « il faut que vous nous donniez des policiers italiens qui puissent attirer donc les financements des mafias italiennes
22:17 et fassent en sorte que les financements arrivent dans cette banque ». Parce que sans les mafias italiennes, il est impossible que les autres organisations criminelles n'envoient de l'argent.
22:30 Mais il faudrait qu'une policière soit envoyée, surnommée Maria Monti. Ce n'est pas son vrai nom. Évidemment, j'ai pu parler avec elle.
22:41 Vous pouvez trouver en ligne mon interview avec cette policière Maria Monti, qui était infiltrée.
22:49 C'est une histoire qui vous explique qu'il est extrêmement important d'avoir un interface avec les organisations italiennes,
23:00 qui sont les organisations criminelles qui légitimisent la qualité d'un parcours financier ou de trafic de stupéfiants ou d'un trafic d'influence politique.
23:14 Là où les Italiens sont présents, on pourrait dire que les criminels travaillent avec plus de soin et donc il y a plus de confiance.
23:23 Cela est dû à l'expérience, évidemment, et au temps. Il s'agit des mafias les plus anciennes du monde avec les mafias chinoises.
23:31 Mais l'histoire est très différente. Je vous parle des mafias d'Hong Kong, par exemple, alors que la mafia italienne, elle est la plus ancienne dans ses structures et dans ses règles.
23:41 J'ajouterai une petite chose qui n'a pas grand-chose à voir. Mais comme je vous ai parlé de l'interview que j'ai faite à Mme Maria Monti,
23:49 cette année, j'avais préparé en Italie une émission de télévision pour le canal officiel de l'État, RAI, dont le titre était "Insider".
24:02 J'ai réalisé quatre épisodes où je parle du journaliste qui a été menacé par la mafia. Je vous parle de le père Beppe Diana, un prêtre qui a été tué par les mafias.
24:15 Et j'ai également fait une interview avec un killer, un tueur de Cosa Nostra. Mais cette émission a été bloquée et on n'en a pas parlé du tout.
24:29 C'est resté dans le silence, justement parce qu'il s'agissait d'une émission qui s'occupait des mafias.
24:37 Et pour une attaque vis-à-vis de ma personne, cette émission n'a pas été présentée à la télé.
24:45 Je reviens à ce que je vous disais tout à l'heure. Les organisations criminelles, je vous disais, les organisations françaises, je vous parle des organisations corses,
24:56 ont un département militaire aussi et une présence en Europe. En Allemagne, le monde lié aux mafias s'occupe surtout de blanchiment d'argent.
25:11 Donc il y a une proximité entre Allemands et Turcs, Albanais, Italiens qui travaillent dans des organisations mafieuses.
25:23 La véritable contribution des Allemands est une contribution économique. C'est la même chose en Suède, en Belgique ou ailleurs.
25:33 La puissance des organisations criminelles est telle que lorsqu'on décide que Bruxelles est le siège du Parlement européen,
25:46 une famille de la mafia calabraise, l'Andra Ngueta, décide avant l'ouverture des bureaux du Parlement européen d'acheter de quartiers entiers avec des bâtiments en Belgique.
26:03 Et pour quelle raison ? Parce que bien évidemment, avec l'arrivée des députés, des fonctionnaires, des journalistes à Bruxelles, ces bâtiments auraient vu leur prix augmenter de façon exponentielle.
26:19 Donc il s'agit d'organisations qui sont capables d'anticiper et d'être prêtes sur les nouveaux marchés financiers, économiques avant tout le monde.
26:31 Leur capacité est due à un investissement continu de ressources d'argent dans le secteur du bâtiment, dans le domaine politique et bien évidemment dans les rapports avec le système financier et bancaire.
26:52 Et ils reçoivent tous ces renseignements de ces milieux-là. Je vous disais donc que ces organisations peuvent compter sur une réticence politique qui est due à un préjugé ethnique.
27:10 Comme je vous le disais au début de mon intervention, selon les Allemands, les mafias sont un problème italien, serbe, albanais, russe peut-être.
27:20 Pour le français, ce ne sont qu'un problème italien, corse ou slave. Pour les Espagnols, c'est un problème de roumain, d'italien, de russe.
27:32 Pour les Suédois, ça concerne les Irakais, les Kurdes, les Albanais. Et ces préjugés font que le problème mafieux souvent est considéré comme étant un problème ethnique.
27:51 Et de cette façon, on commet une erreur capitale. On associe une communauté entière à la criminalité et cela ne fait que renforcer la criminalité.
28:04 Si on estime que tous les Albanais à Londres sont des mafieux, en même temps, on agit en donnant un cadeau à la mafia albanaise, parce que la mafia albanaise finit par gagner.
28:23 Parce que les préjugés poussent les Albanais à s'approcher des mafias albanaises. Ce ne sont que les communautés saines et honnêtes qui peuvent vraiment faire face aux criminels.
28:40 Parce qu'ils connaissent ces organisations et peuvent les combattre et les gagner. Évidemment, en France, ce sont les Corses, les Sénégalais, les Tunisiens qui peuvent s'opposer aux mafias.
28:57 On ne peut pas lancer des soupçons qui concernent toute une communauté. Parce que, bien évidemment, ces communautés-là finissent par se sentir abandonnées.
29:06 Et la même chose arrive également dans les prisons. Les prisons françaises sont l'usine qui crée de nouveaux affiliés des organisations mafieuses.
29:19 On est emprisonné pour des délits mineurs et on finit par se retrouver comme de nouveaux affiliés. Parce que si on n'agit pas de cette façon, on risque d'être battu et de se retrouver dans une mauvaise situation.
29:39 Si j'étais emprisonné quelque part dans le monde, si j'étais dans une prison saine, je devrais tout simplement purger ma peine et je pourrais essayer de récupérer ma dignité dans la prison.
29:56 Mais si la prison n'est pas bien gérée, la première chose que je dois faire, c'est d'adhérer à une organisation criminelle qui est capable de me protéger.
30:06 Et en échange, je ferai quelque chose pour cette organisation criminelle. Donc il s'agit parfois d'informations que je peux donner.
30:14 Je peux offrir à ma famille pour qu'elle puisse aider. Et autre chose. Donc je suis emprisonné pour un délit mineur, mais si je ne reste pas en sécurité pendant que je purge ma peine et je risque d'être violé, d'être battu ou pire,
30:39 évidemment, l'affiliation à une structure mafieuse est une solution pour moi si je suis un détenu.
30:48 Donc les prisons sont un espace pour cela. Une prison qui, par contre, respecte les droits des détenus est une prison qui lutte contre la mafia.
31:01 Une prison où les cellules sont froides, la nourriture est mauvaise, où tous les prisonniers rêvent d'avoir un chef mafieux qu'elle s'est adressé pour avoir de la protection, est une prison qui ne fonctionne pas.
31:21 Les organisations mafieuses ont des relations ambiguës avec le monde politique. La situation n'est pas la même par rapport aux années 80, où on achetait directement les hommes politiques.
31:40 Cela peut arriver encore au niveau local. Évidemment, si quelqu'un souhaite faire carrière à l'intérieur d'un parti, il commence en étant adjoint au maire dans un petit village, mais il ne peut pas devenir ministre,
31:59 parce que, bien évidemment, un ministre est suivi et fait l'objet d'enquêtes éventuellement. Voilà.
32:09 Donc les mafias cherchent toujours des personnes qui ont une formation technique et qui, en même temps, restent loyales aux mafias et qui restent toujours les mêmes, indépendamment du changement de gouvernement, du changement de majorité de gouvernement.
32:26 Les hommes politiques, parfois, sont manipulés sans le savoir. Parfois, ils sont au courant de cela à travers le vote, parce que, souvent, les mafias peuvent contrôler tous les électeurs dans une zone du territoire.
32:54 Ils savent quel est le coût d'un vote et ils savent comment il faut faire pour s'organiser, pour le faire.
33:07 En Italie, il y a des enquêtes depuis très longtemps sur ce qu'on appelle le vote d'échange, le vote d'échange mafieux. On échange de quelque chose, évidemment, alors qu'en France, il n'y a pas d'enquête sérieuse, malheureusement, là-dessus.
33:23 Alors, pour ce qui est de l'Italie, il y a un coût pour le vote. Et le coût du vote européen est de 25-30 euros, parce que ça n'intéresse à personne, alors que le coût d'un vote politique au niveau italien est de 50-100 euros.
33:44 Il peut être payé en espèces ou avec des bons pour l'essence ou pour aller faire ses courses.
33:54 L'évaluation du vote est l'un des éléments les plus critiques de la démocratie contemporaine. Moi, je suis né en 1979. En 1985, la Camorra, qui était guidée par Raffaele Cutolo, disait « un vote, un travail », un poste de travail.
34:17 Aujourd'hui, la Camorra vous dit « un vote, 100 euros ».
34:25 Et par la suite, évidemment, il y a une organisation avec des bus qui accompagnent les personnes âgées au bureau de vote.
34:38 Maurizio Piesteri, un ancien boss, me disait qu'il allait chercher des femmes âgées, qu'il les prenait dans ses bras pour qu'elles aillent voter et faisait en sorte que les personnes âgées passent une belle journée.
34:52 De plus, il y avait une garantie. Si on donne sa voix à un homme politique suite à la demande d'une mafia, bien évidemment, c'est une garantie,
35:08 parce que si l'homme politique ou la femme politique ne respectent pas son engagement, eh bien l'électeur sait qu'il peut s'adresser à l'organisation mafieuse, qui devient un garant.
35:22 Très souvent, les mafias deviennent une garantie également pour les banques.
35:28 Je vais vous faire un exemple. Il est arrivé par le passé dans l'Italie du Sud qu'un centre commercial important devait être bâti.
35:40 Depuis toujours, les centres commerciaux sont un moyen pour blanchir les capitaux des mafias.
35:49 Ceux qui gèrent en même temps les centres commerciaux n'ont rien à voir avec les mafias. Très souvent, il s'agit d'entreprises de l'Italie du Nord, parfois des agences françaises.
36:04 D'ailleurs, qui ne font que gérer le centre commercial, gèrent les parkings, les boutiques. Donc il s'agit d'un travail de blanchiment pur.
36:19 Et au fur et à mesure, les organisations criminelles reprennent le contrôle des éléments économiques.
36:25 Quand je vous disais qu'ils devaient ouvrir ce grand centre commercial, dans les coulisses de cette opération, il y avait un personnage, Tal Di Caterino, un camoriste qui était lié au clan des Casalesi, le clan qui a mis ma tête à prix.
36:44 Petite parenthèse, le procès contre les hommes qui ont mis ma tête à prix dure depuis 17 ans.
36:56 Bon, voilà, ça c'est les temps de la justice italienne. Je ferme la parenthèse.
37:02 Donc ce Di Caterino qui devait ouvrir ce centre commercial, s'est présenté à la banque pour avoir un prêt bancaire.
37:13 La banque n'est pas sûre qu'elle avait en face d'elle un camoriste. Elle veut avoir la certitude qu'il est un camoriste et demandera à un homme politique qui est actuellement sous les verrous pour faire mafieux,
37:39 de garantir que cette personne était un vrai camoriste et auquel cas la banque accordait le prêt bancaire.
37:51 Alors pour quelle raison ? Parce que les banques veulent prêter aux mafias parce qu'elles savent que ce prêt est fin.
38:02 Ils servent simplement à blanchir l'argent. Eux, ils ont déjà l'argent. Par exemple, ils ont 100 millions d'euros qu'ils veulent destiner à la construction du centre commercial,
38:12 mais ils doivent demander un prêt bancaire pour justifier cette opération.
38:18 Et donc la banque est sûre que ce ne sera pas un prêt qui ne sera pas remboursé, par exemple.
38:26 Donc voilà, les mafias représentent pour les banques une garantie et c'est un élément de garantie et de fiabilité.
38:38 Alors je vous donne un autre exemple. Une société italienne mythique qui ensuite... Alors je ne sais pas si vous connaissez son histoire, mais je fais référence ici à un moment précis de son histoire.
38:57 Lorsqu'ils ont dû augmenter leurs ventes, les ventes du yaourt et du lait, donc c'est par malade la société, pour pouvoir justifier l'augmentation de leurs actions.
39:14 Et donc qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ? La société donc devait augmenter ses ventes. Et comment ils ont fait ?
39:26 Eh bien, ils se sont adressés aux agents commerciaux de la Camorra, de la mafia, de l'Andrangheta, pour imposer leurs produits aux magasins et aux supermarchés.
39:42 Et c'est comme ça que ça s'est passé. Et alors comment ça se passe dans les faits ?
39:46 Eh bien, les agents commerciaux... Moi j'ai écrit à ce sujet dans mes ouvrages.
39:53 Alors les agents donc s'occupent par malade, prennent les produits par malade et vont dans les magasins.
40:04 Ils n'imposent pas ces produits avec des menaces ou des armes. Ils imposent ces produits en disant à part malade, le lait doit coûter 1 euro.
40:17 Ah, si vous voulez gagner de l'argent.
40:19 Ensuite, si tu donnes le lait à notre société, eh bien tu auras des réductions parce que nous avons des supermarchés, des camions, l'essence et des entrepôts.
40:34 Donc si tu veux gagner de l'argent avec ton produit, confie-nous ton produit et nous, nous allons le caser parce que nous allons le proposer à un excellent prix.
40:46 Et c'est comme ça que ça s'est passé. Et à l'époque, il y avait une société concurrente qui a décidé d'abaisser le prix de son lait.
40:55 Pour gagner sur la concurrence, eh bien la Camorra s'est occupée de crever les pneus de ses camions.
41:05 Donc la mafia gagne toujours, toujours, toujours parce qu'elle propose des produits qui sont inférieurs.
41:15 Et vous ne pouvez pas vous imaginer la quantité de restaurants, d'hôtels, d'entreprises de transport, des pompes aussi d'essence blanche qui existent en France aussi, je crois.
41:29 Ce sont des pompes qui ne sont pas liées aux grandes compagnies pétrolières.
41:34 En Italie, on les appelle des pompes blanches. Elles sont sous l'hégémonie de la mafia avec du pétrole, donc de l'essence qui vient de l'Europe de l'Est.
41:46 J'en ai parlé dans mon ouvrage Gomorra. Ces camions qui, en apparence, transportaient du lait, en réalité, ils transportaient de l'essence en Moldavie, à Brastislava, qui rentrent en Italie sans payer de droits de douane.
42:03 Et puis l'essence est confiée à ces distributeurs.
42:06 Donc tout cela se fait dans le silence le plus absolu du débat démocratique. Mais la police fait ses enquêtes, les procès ont lieu.
42:16 Parfois, il y a des condamnations, parfois, pas toujours, mais il n'y a aucune priorité politique.
42:26 Les organisations criminelles parviennent à imposer leur domination sur l'économie parce qu'elles proposent des prix concurrentiels.
42:41 Elles arrivent à avoir des prix concurrentiels justement parce qu'elles ont accès au capitaux du narcotrafic.
42:56 Une entreprise du bâtiment peut se permettre d'offrir de meilleurs prix et parfois peut proposer de la meilleure qualité parce qu'elle est soutenue par la cocaïne, par l'héroïne, par l'évasion fiscale aussi.
43:06 Pas toujours par l'évasion fiscale, mais parfois. Et donc j'aimerais vous dire que la plus grande partie des entreprises mafieuses italiennes qui investissent dans le bâtiment sont très attentives.
43:19 Elles payent tous leurs impôts et un enquêteur dans une région en Italie a commencé à faire son enquête auprès des sociétés qui payaient leurs impôts.
43:33 Justement, leur force c'est le narcotrafic. Le ciment, ils peuvent l'acheter au prix du marché parce que l'argent retiré du narcotrafic leur permet d'acheter et de rendre plus efficace l'aspect légal du marché.
43:55 Donc l'entrepreneur honnête ne sait pas comment faire avec les prix.
44:01 Il n'arrive même pas à attaquer le concurrent parce que le concurrent paie ses impôts, le concurrent paie son personnel.
44:14 De plus, les sociétés obtiennent beaucoup d'informations. Je vous donne un exemple.
44:22 Si une société française veut gagner un appel d'offres en Italie, toutes les règles bureaucratiques qu'elle devra affronter sont dingues.
44:34 Les organisations mafieuses savent comment affronter les procédures parce qu'elles ont toutes leurs personnes dans les points clés des bureaux techniques pour répondre aux appels d'offres.
44:48 Autre chose que font les organisations mafieuses, les organisations criminelles, elles peuvent compter sur une quantité d'argent sale, bien sûr, qu'elles font entrer dans le pays de manière très simple.
45:02 Je vais essayer de vous expliquer la méthode en une minute.
45:05 Je vais essayer de vous l'expliquer avec un fait qui s'est réellement produit.
45:13 À Rome, où je me trouve actuellement, le Panthéon, l'une des attractions touristiques les plus importantes au monde, il y avait un glacier face au Panthéon.
45:25 C'est une famille de la Camorra qui a acheté ce glacier. Un million d'euros, ils l'ont payé.
45:32 Et cette famille de la Camorra ouvre une société, crée une société au Liechtenstein.
45:39 Et ils injectent dans cette société de l'argent sale.
45:45 Cette société, au bout d'un an, décide de racheter le glacier qui se trouve en face du Panthéon, qui est toujours la leur.
45:56 Donc, l'argent de la société du Liechtenstein permet d'acheter le glacier pour 3 millions d'euros, acheter un million d'euros et racheter 3 millions d'euros.
46:08 Ces 2 millions ont été recyclés et rentrent dans le cercle légitime. C'est leur argent dans deux sociétés différentes.
46:18 Donc, ils utilisent les paradis fiscaux, ils utilisent les offshores, ils utilisent le système bancaire européen.
46:25 Alors, pourquoi est-ce qu'ils achètent le glacier en face du Panthéon ?
46:28 Parce que, disons qu'au bout d'un an, deux ans, ça ne lève pas de doute, ça ne suscite pas de doute,
46:37 parce qu'elle est assiégée par des centaines, des milliers de touristes par jour.
46:43 Donc, on n'attire pas l'attention sur l'activité.
46:47 Si, par contre, j'achète un glacier qui se trouve dans un endroit qui n'est pas touristique, ces 2 millions deviennent suspects.
46:59 Alors, qu'est-ce qu'ils font ? Ils créent énormément de sociétés qu'ils laissent ensuite.
47:04 Alors, moi, évidemment, je ne peux pas vous citer toutes les marques de toutes les chaînes qui ont eu une origine criminelle,
47:13 parce que les enquêtes n'ont pas réussi à le démontrer. Donc, moi, je ne peux pas en parler.
47:18 Mais je vous assure, selon mon expérience, qu'il y a énormément de chaînes femmes célèbres qui ont eu une origine criminelle.
47:26 Et ensuite, le crime est sorti de la chaîne.
47:29 La Camorra, la Ndrangheta ont injecté de l'argent pendant un an ou deux ans.
47:34 Ensuite, ils ont revendu les structures, ils ont revendu, par exemple, les murs des restaurants, des magasins.
47:42 Et puis ensuite, ils sont partis. Donc, le groupe est resté, mais la mafia est partie.
47:47 Donc, ils ont donné en quelque sorte, ils ont fait naître la société.
47:52 Et c'est comme ça qu'ils conditionnent l'économie et la politique, travail, la présence, l'injection de capitaux, le tourisme.
48:01 Et donc, avec tous ces mécanismes, tous ces outils, ils conditionnent l'activité publique.
48:09 Pendant la pandémie de Covid, qui a été une chance, une aubaine immense pour les mafias.
48:20 Toutes les entreprises fermées, les bureaux fermés, fermés, fermés, les boutiques fermées.
48:28 Et les mafieux achetaient, achetaient.
48:30 Il y a eu des écoutes téléphoniques qui ont été faites par le ministère public de Milan.
48:36 Et des mafieux de Vibo Valencia, une ville de Calabre, s'appelaient, se passaient des coups de fil et disaient,
48:46 ça suffit d'acheter tous ces restaurants, on en achète trop, ça n'a pas de sens d'en acheter autant.
48:52 La même chose se passe également à Rimini, sur la Driatic.
48:59 Les mafias veulent acheter les hôtels qui sont en crise.
49:04 Mais heureusement, les hôteliers en crise ont été aidés par des collègues.
49:12 Donc grâce à l'aide de collègues, ont échappé à l'infiltration mafieuse, ou alors à l'achat de la mafia.
49:22 C'est comme ça que le pouvoir des mafias est bâti.
49:28 Le blanchiment est effectué de façon relativement simple, mais il est très difficile de s'y opposer.
49:45 Parce que lorsque une structure est capable d'avoir un financement sans qu'aucune autorité ne pose la question de savoir quelle est l'origine de ces financements,
50:03 il est impossible de lutter contre les organisations mafieuses.
50:08 On n'a jamais retrouvé le trésor du mafia jusque-là, depuis des années.
50:14 On a retrouvé des comptes courants, des voitures de luxe par millier, des maisons, des villas par millier, des éoliennes, des pompes à essence.
50:29 La prison de Santa Maria Capo Vecchere a été bâtie par les Camorristes, qui étaient emprisonnés en plus.
50:42 Donc ils ont été capables de faire de la spéculation également sur ça.
50:46 Mais on n'a jamais retrouvé le patrimoine, les centaines de millions des organisations criminelles.
50:56 Et pourquoi ? Parce que le système financier est complice des mafias.
51:03 Et très souvent, le système est complice sans le savoir.
51:13 Les organisations criminelles ne savent même pas parfois où leur argent est fini.
51:22 El Chapo, dont je parlais notamment dans "Extra pur", eh bien il faut dire que ce livre que j'ai écrit était retrouvé là où El Chapo Guzman se réfugiait.
51:42 Donc El Chapo Guzman, lorsqu'il donnait de l'argent à des cols blancs, eh bien les experts comptables, les investisseurs ne lui disent pas de quelle façon l'argent était investi.
51:55 Donc si jamais El Chapo Guzman devait se repentir, il ne serait pas en mesure de dire à quel endroit se trouve son argent.
52:04 Il pourra dire un maximum "j'ai confié cet argent à ce cabinet financier".
52:10 Et donc l'investissement mafieux est garanti avec la vie.
52:15 Donc quand je vous dis qu'il y a des sujets financiers qui ne savent pas que les mafias les utilisent, à Gibraltar, à Chypre, à Malte, il y a des banques qui reçoivent de l'argent de tous.
52:34 Mais ils ne savent pas d'où ces gens viennent. Il n'y a que des codes alphanumériques et de l'argent, sans savoir quelle est l'origine de ces revenus et de ces finances.
52:46 Et malheureusement, l'Europe ne vous parle pas de cela.
52:49 Les partis politiques n'en parlent pas non plus. Pour quelles raisons ?
52:54 Parce que c'est un sujet qui ne passionne pas l'opinion publique et donc cela n'engendre pas des voix, évidemment.
53:03 Il est très facile d'acheter des votes dans les quartiers difficiles, en plus.
53:10 Il est très facile de contrôler les élections, surtout là où il y a une situation très difficile et où on a perdu totalement la confiance dans les institutions.
53:25 Donc les gens ne votent pas pour les personnes qui garantissent une gestion honnête, mais aux gens qui peuvent garantir un avantage pour un électeur individuel.
53:39 Une place dans une école ou un avantage pour une autorisation de construction d'un bâtiment.
53:49 Donc cela est fait toujours par un intérêt personnel, individuel.
53:53 Il n'y a aucune différence entre une tendance politique et l'autre.
53:58 Il faut préciser d'autre part que le centre des villes est très différent entre Paris, Milan, Berlin.
54:07 Mais les banlieues sont toujours les mêmes de partout en Europe.
54:13 La logique est la même, les hiérarchies sont les mêmes, les drogues sont les mêmes.
54:18 Donc la périphérie du Caire ressemble incroyablement à la banlieue de Marseille, par exemple.
54:27 Donc cela permet bien évidemment aux organisations criminelles et mafieuses d'avoir les clés d'accès à ces endroits, à ces espaces.
54:38 Il n'est impossible d'arrêter le blanchiment d'argent en agissant uniquement dans un État.
54:49 Les États européens ont presque envie de devenir les sièges de blanchiment d'argent.
54:58 C'est le cas des Pays-Bas, de la Roumanie qui a la même ambition, qui veut devenir un espace offshore.
55:05 Nous savons déjà que Malte fournit un service offshore, qui fournit des services au Royaume-Uni à travers le Commonwealth.
55:14 Nous savons que le Royaume-Uni est sorti de l'Union européenne et qui permet donc maintenant un régime fiscal et une activité d'entreprise qui est en dehors de l'Union européenne.
55:26 Mais lorsque les entreprises ont besoin d'être en même temps à Londres et dans l'Union européenne, qu'est-ce qu'on fait ?
55:32 On ouvre un guichet à Malte, qui est en rapport avec le Commonwealth, donc avec le Royaume-Uni, et en même temps est un membre de l'Union européenne.
55:42 Et les jeux sont faits. Malheureusement, il y a des contradictions incroyables à l'intérieur de l'Union européenne qui permettent au financement et au revenu illicite de gagner.
55:53 De gagner, c'est le bataille. Et c'est un drame, évidemment. C'est une tragédie.
55:57 Il y a des réponses très fortes, en suite à des effusions de sang, lorsque des innocents ont été tués.
56:06 Et c'est pour cela que les mafias essayent de ne pas faire trop de remont.
56:10 Très récemment, le gouvernement italien a essayé de faire une activité peut-être de propagande dans un endroit près de Naples qui s'appelle Parco Verde, dans la banlieue napolitaine.
56:23 Il y avait eu un essai de la part d'une personne seule qui avait commencé à menacer de dénoncer un chef de zone qui avait organisé un lieu de deal.
56:38 Et ce chef de zone avait déjà rempli une baignoire avec de l'acide de façon à prévoir de dissoudre le corps de cette personne après l'avoir tuée.
56:53 Mais les carabinieries sont intervenues.
56:55 Très souvent, le niveau de violence des organisations est tel que les gens ont peur.
57:02 Pour dépasser cette peur, il faut y avoir un engagement massif de la part des citoyens de façon à ce que les organisations ne puissent pas faire face à un individu seul, mais à une série de personnes.
57:19 Évidemment, si en plus les organisations essayent de se venger, ces organisations finissent par perdre le territoire.
57:29 Ce que vous avez présenté comme exemple est très intéressant parce que lorsque la société civile se sent unie, eh bien, peut intervenir pour essayer de transformer le territoire où elle vit.
57:43 Ce sont des exemples qui portent à la victoire uniquement lorsqu'ils sont soutenus par la politique et lorsque le pouvoir protège les citoyens.
57:55 La démocratie finit par meurir lorsqu'elle contraint les individus à des actes héroïques parce qu'elle les pousse au sacrifice, ce qui n'est pas juste.
58:05 La peur est un droit. On a le droit d'avoir peur.
58:09 Et en même temps, les citoyens ont le droit de pouvoir s'adresser aux institutions pour dépasser leur peur.
58:20 On ne peut pas risquer sa vie. Moi-même, je pense que j'ai brûlé ma vie, je crois.
58:27 Je n'étais pas conscient de ce que je faisais. J'étais romantique. J'étais pas conscient de ce que je faisais.
58:34 Peut-être j'étais bête. J'avais 26 ans et je me suis retrouvé dans cette situation. Maintenant, j'ai 44 ans. Je me trouve toujours dans la même situation.
58:43 Voilà pour cette audition de la commission d'enquête pour lutter contre le narcotrafic. Commission qui doit rendre ses travaux au plus tard, le 8 mai prochain.
58:52 La commission a réalisé plus de 50 auditions. Si vous souhaitez aller plus loin, d'ailleurs, vous pouvez retrouver les articles de notre rédaction web sur notre site internet www.publicsena.fr.
59:03 Merci encore pour votre fidélité à Public Sénat et très bonne journée sur les chaînes parlementaires.
59:08 (Générique)

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