C'est une des mesures prévue par la loi Descozaille, qui entre en application ce vendredi: les ristournes sur les produits d'hygiène, d'entretien et les cosmétiques sont désormais limités à -34%. Frédéric Descrozaille, député Renaissance du Val-de-Marne, explique que "l'impact devrait être enutre en réalité sur le pouvoir d'achat".
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00:05 - Et avec nous Olivier Andraud, vous êtes chargé de mission agriculture et alimentation à l'UFC, que choisir ?
00:10 Face à Frédéric Descrosailles, député Renaissance du Val-de-Marne, et c'est presque fait entrer l'accusé en fait ce matin,
00:15 parce que tout ça c'est de votre faute. La loi Descrosailles, la loi Egalim III, qui a donc été adoptée il y a un an,
00:22 qui entre en vigueur ce vendredi et qui renforce l'équilibre entre d'un côté les fournisseurs, de l'autre la grande distribution,
00:28 qui au final n'avantage pas le consommateur, puisqu'on n'aura plus le droit de faire des promotions sur les produits d'hygiène,
00:33 les produits cosmétiques, les produits d'entretien, au-delà de 34%. On a vu d'ailleurs ces derniers jours des mégas promos de 80%
00:39 sur des barils de lessive. Le but, c'était quoi ? Parce qu'à l'arrivée, est-ce que ce n'est pas les consommateurs les moins aisés
00:46 qui sont pénalisés par cette loi ?
00:48 - En fait ce qu'on va vérifier, puisque c'est expérimental, ça va durer deux ans, ce qu'on va vérifier c'est que l'impact devrait être neutre
00:55 en réalité sur le pouvoir d'achat. - Pourquoi ?
00:57 - La loi est en vigueur depuis le mois d'avril. Il y a 20 articles, il n'y a qu'une disposition qui entre en vigueur ce matin.
01:02 Elle est mise en exergue parce que la distribution en a fait un motif de communication. En fait l'enjeu, c'est l'argument publicitaire.
01:09 Ma circonscription, c'est entre autres Créteil. Il y a un carrefour à Créteil qui est un hypermarché.
01:13 Pour faire venir les gens, c'est compliqué d'y accéder, vous avez un parking, vous espérez vous garer à moins de 100 mètres
01:18 de là où il y a des caddies, après vous trimballez le caddie sur des dizaines de mètres, vous passez deux heures dans le magasin.
01:22 L'argument pour les faire venir, c'est la quinzaine qui en perd sa moins 80%.
01:27 Ils ont besoin de ces arguments publicitaires. Il ne faut pas se tromper, ce n'est pas le pouvoir d'achat des ménages précaires
01:31 qui les préoccupent, ce sont des chefs d'entreprise, ils ont besoin de gagner de l'argent.
01:34 Ce qui est normal, ce n'est pas la communication, ce ne sont pas les représentants des ménages précaires.
01:40 En fait, ce faisant, les moins 80% c'est payé par le fournisseur.
01:43 Et donc, ce qui va se passer, ce qui devrait se passer, c'est que là, c'est 15 milliards d'euros le chiffre d'affaires du non alimentaire.
01:50 Là, pour 2024, la fin des négociations, on doit être entre -1 et -2, c'est-à-dire 150 à 300 millions d'euros de gains pour les consommateurs.
01:57 Malgré l'entrée en vigueur de cette disposition. Pourquoi ?
02:02 Parce que si vous me vendez et que je vous dis on va faire trois quinzaines, et c'est vous qui payez les promotions, moi je suis distributeur,
02:09 je donne l'étiquette remise à mes clients, mais c'est vous qui financez ça.
02:13 Vous vous rattrapez sur les autres produits. Personne ne peut vendre un produit à 10% de sa valeur.
02:17 Donc si je vous l'impose et que vous le payez, vous vous rattrapez sur ce qu'on appelle...
02:21 Le distributeur qui fait une promo de -80% par exemple sur des couches, il va par ailleurs augmenter ses prix sur d'autres produits.
02:28 Le fournisseur va se rattraper dans les tarifs sur les autres produits. Coton-tige, dentifrice, mouchoirs en papier.
02:36 Et ce qu'on appelle le fond de rayon. Ce qu'on devrait constater, c'est que ces prix en fond de rayon vont baisser en moyenne.
02:42 Parce que là, les distributeurs qui savent qu'ils n'avaient plus à payer ces grosses promotions, ils ont lâché sur les prix de fond de rayon.
02:48 Ce que vous voulez dire, c'est qu'au fond, au bout du bout, le consommateur va se retrouver dans son panier ?
02:53 Ce qu'on va vérifier d'ici deux ans, c'est que l'impact sur le pouvoir de charge...
02:57 Parce qu'il y a la perception qu'ont les consommateurs. Il y a beaucoup de gens, M. Descrozaille, vous le savez bien, qui vont faire leur course.
03:02 Ils sont très attachés à ces promotions, surtout en cette période. On parle des Restos du Cœur ce matin.
03:06 Les Restos du Cœur ont par exemple besoin de ces produits. On va écouter ce que disent les gens des Restos du Cœur.
03:12 De quoi vous avez besoin ?
03:14 De produits alimentaires de base, bien sûr. Et puis, on ne peut pas oublier non plus les produits d'hygiène.
03:21 Gels douche, produits bébés également, hygiène et hygiène féminine notamment aussi, protection féminine.
03:28 Donc, ce sont des produits dont on a besoin au quotidien, dont les associations ont aussi besoin, et dont on se dit
03:33 « On ne va pas les acheter parce que les promos sont terminés ».
03:36 En fait, c'est très français d'être à ce point-là, focalisé sur les promos.
03:40 Ce n'est pas être français, c'est pragmatique.
03:42 Non, mais nos voisins, on peut regarder ce qui se passe à côté, ce n'est pas inutile.
03:47 Nos voisins n'ont pas besoin, ne fonctionnent pas avec autant de promotions.
03:51 Et il est plus sain pour l'économie, pour détendre la relation. Je vais vous donner l'exemple.
03:55 Je ne vais pas donner le nom de l'entreprise, parce qu'à chaque fois qu'un industriel me raconte quelque chose,
03:58 il me dit « Vous ne pouvez pas donner mon nom, sinon je vais avoir des représailles », ce qui en dit long sur la nature de la relation.
04:02 C'est la filiale d'une multinationale, dont le siège est outre-Atlantique.
04:06 C'est plusieurs centaines de millions d'euros de chiffre d'affaires.
04:08 C'est plein de marques qui sont très célèbres dans le non-alimentaire. Je ne vais pas vous les citer.
04:12 Là, à la fin de la négociation, sept jours après la date butoir d'ailleurs,
04:15 sa commerciale a démissionné, il y a deux personnes qui se sont mises en arrêt maladie.
04:20 Et c'est quelqu'un qui a passé zéro, alors qu'il avait besoin de passer quelques points de hausse.
04:24 Et je vous dis, en moyenne, on est à -1, -2, malgré cette disposition.
04:28 On est très impressionné par 4 ou 5 marques qui sont régulièrement beaucoup promues,
04:34 mais dans un cas digne, il y a tout le reste.
04:36 Oui, mais tout le reste, on n'est pas sûr que ça bénéficie.
04:38 Je vous le dis, on est à -1, -2 là, début 2024.
04:41 Qu'est-ce que vous dites, vous, l'observateur des consommations et des consommateurs ?
04:44 Le CQC, tout d'abord, on est assez surpris, finalement, de cette mesure, qui pour nous ne correspond pas aux priorités.
04:50 Il y a deux priorités actuellement qu'on observe.
04:53 La première, c'est la problématique du revenu agricole, qui est extrêmement faible.
04:56 C'est la raison des crises qu'on a observées dans les campagnes.
05:00 Et puis, on voit que, il faut quand même rappeler que la loi Egalim III,
05:04 également appelée la loi Descrozailles, c'est une loi qui vient compléter une loi de base, la loi Egalim,
05:09 dont nous avons soutenu, je tiens à le rappeler, le principe,
05:12 qui est finalement de rééquilibrer les conditions de négociation commerciales
05:15 pour avoir un prix qui soit plus rémetteur pour les agriculteurs.
05:19 C'est une très grosse chose sur le principe, sur le papier.
05:21 Le problème, c'est que cette loi a été très peu contrôlée, très peu sanctionnée lorsqu'il y avait des non-applications.
05:28 Et donc, c'est pour ça qu'on a été quand même assez surpris lorsque Gabriel Attal,
05:32 il y a maintenant un mois devant le Parlement, a dit qu'il fallait contrôler l'application,
05:36 la bonne application de la loi. Mais où est-ce qu'on est ?
05:39 Deuxième chose, en ce qui concerne cette loi Egalim, je voudrais rappeler une disposition qui, elle, est absolument inapte.
05:45 Il faut que vous sachiez qu'en situation de crise économique, d'inflation absolument grave,
05:51 particulièrement grave pour les consommateurs, certains consommateurs, je dirais,
05:54 ont diminué leur consommation de viande ou de produits chers, étant donné qu'ils ne sont plus en capacité d'assurer…
05:59 Un Français sur cinq a même renoncé à acheter des produits d'hygiène pour pouvoir acheter des produits alimentaires.
06:03 On en est là aujourd'hui. Et vous le disiez, il n'y avait pas d'urgence à bloquer les prix des produits d'hygiène ou d'entretien.
06:08 Et nous, ce qu'on observe, c'est deux choses. Il faut savoir que la loi Egalim 1,
06:12 prolongée malheureusement par la loi Egalim 3, a instauré une marge minimale de 10 % pour la grande distribution.
06:18 Si ce n'est pas un cadeau, c'est même ce qui avait été dénoncé à l'époque par les industriels en 2021 par Richard Panchiot,
06:24 le directeur général d'un grand syndicat d'industriels. Deuxième chose, c'est les marges.
06:30 Ce que nous observons actuellement, c'est que la marge brute de l'industrie, qui était de 28 % fin 2021,
06:35 en milieu d'année dernière, elle était passée à 48 %. C'est ce que nous dit l'INSEE.
06:39 Comment peut-on accepter dans une situation d'inflation galopante que l'industrie puisse continuer à augmenter ses marges ?
06:46 Il faut faire la transparence. Il faut qu'on mette en application le principe de modération des marges
06:51 qui avait été, je le rappelle, prononcé par le président de la République l'année dernière.
06:56 Vous n'avez pas l'air d'accord.
06:58 Je suis complètement d'accord. Je suis d'accord sur le problème d'application de la loi.
07:02 Vous reconnaissez qu'il y a un problème avec la loi ?
07:05 Bien sûr. Il y a un problème avec les lois. Elles sont beaucoup trop bavardes et il y a beaucoup trop de détails dedans,
07:11 y compris la loi qui porte mon nom.
07:13 Ce qui est fait, c'est que c'est un collectif. C'est compliqué.
07:18 Moi, je n'ai pas pu résister. Au départ, j'ai déposé quatre articles. On a terminé à 20.
07:23 Quand vous dites, vous avez un collègue en disant non, sur les pénalités logistiques, on a tout ce qu'il faut dans l'égalité 2,
07:28 mais regarde ce qui se passe parce que justement, ce n'est pas appliqué.
07:30 Il faut préciser ceci et cela. Évidemment, ça passe.
07:32 Mais là, il y a un vrai problème de fabrique de la loi. Elle est malade en France.
07:35 Il y a ça, le SRP +10, la majoration du seuil de remboursement à perte.
07:38 Là où M. Andrôde a complètement raison, c'est qu'on est bien en peine de justifier, de dire à qui ça peut aller.
07:43 La réalité, c'est que les fournisseurs sont unanimes pour dire si vous l'enlevez, c'est nous qui allons le payer.
07:47 C'est là où on est un petit peu coincé.
07:49 Cela dit, le gouvernement nous a promis un rapport sur la base de données théoriquement fournies par la grande distribution
07:54 pour qu'on sache justement où ça passe.
07:56 Ça représente un demi milliard.
07:57 Mais ça, M. Andrôde, je suis d'accord avec vous là-dessus.
08:00 Là où je ne suis pas d'accord, c'est sur les marges de l'INSEE, parce que l'INSEE a un panel d'entreprises, envoie des questionnaires.
08:06 C'est rempli à la va comme je te pousse, mais vraiment, sur ce qu'on appelle, ce n'est même pas le triple net.
08:11 Il renvoie des factures.
08:12 C'est un très mauvais indicateur de la réalité.
08:15 On n'est pas sur le quatre fois net, encore moins sur le cinq fois net.
08:18 Et la rentabilité des capitaux des usines qui sont en France, des salariés français de 95 % de PME de ce tissu,
08:26 en milieu rural, c'est 4 à 5 % de marge après dix ans de déflation.
08:31 Donc, on n'est pas du tout sur les 30 % que vous avez évoqués.
08:34 Il y a un vrai sujet de méthode sur la façon dont l'INSEE sort ces données.
08:38 Je voudrais dire, l'INSEE nous donne des chiffres.
08:40 Ils sont confirmés par le Salariatoire de la formation des prix des marges.
08:43 Je voudrais parler de l'augmentation de la marge brute.
08:45 Soyez pas trop technique.
08:46 L'augmentation de la marge au niveau de la grande distribution entre 2021 et 2022,
08:52 plus 57 % sur les pâtes alimentaires, plus 13 % sur les légumes, plus 28 % sur le lait demi-écrémé.
08:58 Ce sont des produits de base.
09:00 Et ça, c'est sur le court terme.
09:01 Sur le long terme, vous évoquez la marge.
09:03 Depuis 2013, c'est-à-dire depuis dix ans, la marge brute de l'industrie sur le lait demi-écrémé,
09:08 où acheté un produit de base, plus 14 %.
09:11 Sur le camembert, là encore un produit de base, la marge de la grande distribution, cette fois-ci, plus 29 %.
09:15 On devrait terminer par la marge de la grande distribution sur le yaourt nature, plus 123 %.
09:22 Elle a plus que doublé.
09:23 Donc tout va bien pour la grande distribution, tout va bien pour les industriels.
09:26 Comme dit souvent Nicolas Dose, au bout du compte, il faut que quelqu'un paye.
09:31 Et ce quelqu'un, c'est le consommateur.
09:33 On a fait des lois.
09:34 D'abord, on est obligé de faire une quatrième loi parce que les trois premières n'ont pas fonctionné.
09:37 Ce n'est pas rassurant.
09:38 C'est vrai que sur la machine législative, il y a des questions à se poser.
09:40 On a fait des lois pour que l'amont soit mieux rémunéré.
09:43 Ce sont des lois qui sont inflationnistes.
09:45 Ce sont des lois qui conduisent à des hausses de prix.
09:48 On le sait.
09:49 Il n'y a aucun doute là-dessus.
09:50 Moi, ce qui me frappe dans le texte de Frédéric Descresailles, c'est qu'on se soit focalisé sur l'hygiène beauté.
09:55 Je ne crois pas qu'on mette de l'avoine ou des œufs dans le savon, dans le lait ou dans les pâtes.
09:59 Dans les couches.
10:00 Vous faites allusion à la meilleure rémunération des agriculteurs.
10:03 L'objectif est d'améliorer les revenus des agriculteurs.
10:06 Pourquoi s'intéresser à l'hygiène beauté ?
10:09 Pour caresser dans le sens du poil les gros industriels ?
10:12 Non.
10:13 Je ne sais pas.
10:14 Encore une fois, ce sont des usines et des emplois français.
10:18 L'exemple que je vous donnais de la dureté des négociations.
10:20 C'est un poker menteur qui est amusant cinq minutes.
10:23 Mais moi, distributeur, vous comprenez bien, il le sait que je ne peux pas me passer de ses produits.
10:28 Donc, évidemment, il en profite.
10:30 Vous écoutez le fournisseur, il dit que ses produits, c'est 20 % de ce qui sort de son usine.
10:34 Je ne peux pas fermer les lignes de production.
10:36 Il le sait.
10:37 Donc, personne ne détient la vérité sur la négociation.
10:39 C'est un truc qui est compliqué.
10:40 C'est un bras de fer.
10:41 Pourquoi est-ce qu'on est passé là-dessus ?
10:42 Parce qu'on dit qu'on protège les PME françaises, mais les trois quarts de ces produits sont produits par des multinationales et pas des PME françaises.
10:47 Ils sont très visibles, mais le tissu économique, c'est 95 % de PME.
10:51 Et la loi qui porte mon nom, quand vous dites focalisation, non !
10:56 C'est une disposition qui entre en vigueur.
10:58 Aujourd'hui, l'essentiel qui les a gênés et qu'ils n'ont pas raconté du tout, d'ailleurs, c'est ce qui se passe en cas de non-accord.
11:04 C'était ça, le sujet.
11:05 Et l'attention, à l'époque, c'était là-dessus qu'ils se sont montés au créneau.
11:09 Et Leclerc avait raconté, d'ailleurs, n'importe quoi sur LinkedIn en hystérisant complètement le débat.
11:14 Et à un moment de la loi Egaline 2, le même Leclerc avait dit à une de mes collègues
11:18 « Vous pouvez voter ce que vous voulez sur l'alimentaire, je m'en fous, je m'en rattraperai sur le reste ».
11:21 C'est ce qu'il a fait.
11:22 Comme c'est le leader, il donne le la, il fait danser tout le monde, les autres ont suivi.
11:26 Le reste, c'est quoi ? C'est le non-alimentaire.
11:27 Et pendant deux ans, effectivement, le report des promos qu'ils ne pouvaient plus financer,
11:31 parce qu'ils dépensent des milliards en publicité, en prospectus, en achat d'espace.
11:35 Ils l'ont fait sur le non-alimentaire et ça a esquinté une partie de notre industrie.
11:38 On va envoyer le générique de Fait entrer l'accusé si vous continuez.