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Les UMD sont des unités psychiatriques ultra sécurisées réservées aux malades difficiles. Certains patients qui y sont soignés ont commis des crimes pour lesquels ils ont été jugés irresponsables. Alexandre Kauffmann a pu s’y rendre en immersion pendant deux ans. Il raconte son enquête, à retrouver dans son livre “Un homme dangereux”, paru aux éditions Goutte d’Or
Transcription
00:00 Je jouais au tarot avec un jeune homme qui avait mangé les organes d'une vieille dame.
00:04 Je suis resté près de deux ans entre divers UMD,
00:06 qui sont des unités ultra sécurisées,
00:08 dans lesquelles on place des patients qu'on ne peut plus contenir ou gérer dans des unités classiques.
00:12 Moi, je me suis plus particulièrement intéressé à certains profils de pensionnaires
00:17 qui étaient les criminels jugés irresponsables.
00:19 Entre la chambre d'un patient et le monde extérieur, il y a environ une dizaine de portes.
00:23 Moi, j'ai eu la chance de pouvoir bénéficier d'un accès privilégié à ce monde-là.
00:26 Ce qu'il est important de comprendre, c'est que ces établissements ultra sécurisés,
00:29 ils n'ont pas du tout vocation à punir, mais à soigner.
00:32 Alors quand on arrive dans un UMD, on est évidemment frappé par les patients
00:36 les plus hauts en couleur, les plus spectaculaires.
00:38 Donc il y avait par exemple un patient qui était surnommé "Casque bleu",
00:40 parce qu'en fait, il ne pouvait pas sortir de sa chambre sans être coiffé d'un casque en mousse bleu,
00:44 avec les mains et les pieds entravés,
00:45 parce qu'il distribuait des coups de boule à tout le monde, aux soignants et aux patients.
00:48 Au début, on est forcément frappé par les antécédents de certains patients.
00:52 Donc c'est un peu difficile de les oublier.
00:53 Moi, par exemple, je jouais au tarot avec un jeune homme qui avait mangé les organes d'une vieille dame.
00:58 Donc au début, c'est évidemment difficile à oublier.
00:59 De la même manière, je suivais des ateliers dessins avec un vieux patient qui était un tueur d'enfants.
01:03 On l'appelait "Crocodile", parce qu'en fait, il pouvait surveiller ses victimes
01:06 pendant plusieurs jours d'affilée sans bouger.
01:07 Donc en fait, au début, on est forcément frappé par ses antécédents.
01:10 Mais justement, moi, dans mon livre, j'essaie d'aller au-delà.
01:12 Et souvent, ce qu'on trouve, c'est des personnes qui sont extrêmement vulnérables
01:14 et elles subissent elles-mêmes le poids de leurs crimes.
01:17 Les unités pour malades difficiles, elles ont des effectifs du personnel soignant vraiment très étoffés.
01:22 Les mouvements sont suivis de très près.
01:23 À l'entrée de chaque chambre, il y a un tableau Velleda
01:25 sur lequel on inscrit tous les objets qui sont à disposition des patients.
01:29 Et on s'assure à chaque fois qu'ils retournent en chambre
01:30 qu'ils n'ont aucun objet dangereux à leur disposition.
01:33 Encore une fois, sans tomber dans la caricature,
01:34 mais il y a certains patients qui peuvent avoir des crises.
01:36 Et au cours de l'une d'elles, il y a en effet un patient
01:39 qui avait cherché à utiliser les objets tranchants d'une télécommande
01:41 pour faire une embuscade sur une infirmière.
01:43 Il y a aussi beaucoup de patients qui sont en voie de rémission,
01:46 qui sont paisibles, tranquilles.
01:47 Pour une écrasante majorité, les pensionnaires souffrent de schizophrénie.
01:51 L'irresponsabilité pénale, comment ça fonctionne ?
01:53 Si jamais demain, vous tuez quelqu'un,
01:55 vous serez probablement soumis à une expertise psychiatrique.
01:58 Et donc, elle essaiera de déterminer si au moment où vous avez agi,
02:01 vous aviez le contrôle de vos actes et si vous aviez votre discernement.
02:04 Si la vie considère que ces facultés étaient abolies,
02:07 vous avez beaucoup de chances d'être jugés irresponsables.
02:09 La qualité de ces expertises dépend pour beaucoup du temps.
02:12 Et en fait, le temps en en a de moins en moins.
02:14 Le statut qui est réservé aux personnes qui sont déclarées irresponsables
02:17 est souvent considéré comme intolérable par les familles de victimes.
02:19 Il y a plusieurs associations qui défendent leurs droits.
02:22 Il y en a une qui se démarque, qui s'appelle Delphine Sandrine,
02:24 qui a été fondée par Christian Stavosky.
02:26 Sa fille a été abattue en 1998 par un schizophrène dans un salon de coiffure.
02:31 Cette personne, elle a été jugée irresponsable.
02:33 Et le père de la victime, pour toute réponse,
02:35 il a reçu du juge une lettre qui dû signifier un non-lieu.
02:38 Donc, il n'a pas eu plus d'enquête, pas de procès, pas d'explication.
02:41 On ne juge pas les foules, c'est un principe.
02:42 Normalement, on ne juge pas les foules qui est valable depuis l'Antiquité.
02:45 Même si aujourd'hui, c'est vrai que le périmètre de l'irresponsabilité pénale,
02:47 d'un fait divers à l'autre, on a l'impression qu'il se rétrécit un petit peu.
02:50 Romain Dupuis, c'est sans doute le schizophrène le plus connu en France.
02:52 En 2004, dans l'hôpital psychiatrique de Pau,
02:55 il a tué une infirmière et une aide-soignante.
02:58 Et le seul cas de Romain Dupuis a contribué finalement
03:01 à faire réagir les pouvoirs politiques, un peu sur le coup de l'émotion.
03:05 Et donc, il y a une loi en 2008 qui a été passée
03:07 et qui a modifié le statut de l'irresponsabilité pénale.
03:11 Donc, en rapprochant finalement le sort qui était réservé aux malades du droit commun.
03:16 Aujourd'hui, il y a une audience auxquelles peuvent assister
03:18 les familles de victimes et le malade, si c'est possible.
03:22 Et sa culpabilité est reconnue aussi, ce qui n'était pas le cas avant.
03:24 Ce qui est important de rappeler aussi, c'est qu'on pense souvent
03:26 que les meurtriers, ils essaieraient de simuler la folie
03:29 pour passer un séjour tranquille en unité psychiatrique et sortir plus tôt.
03:33 Moi, ce que j'ai vu, ça ne correspond pas du tout à ça.
03:35 Il faut aussi savoir qu'un séjour en UMD,
03:37 normalement, c'est à peu près 10 mois, mais on peut y rester 2 ans
03:40 et on peut aussi n'en jamais sortir, on peut y rester 40 ans.
03:43 Il y a à peu près 850 homicides par an en France.
03:45 Les personnes qui sont jugées irresponsables, ça représente à peu près,
03:48 en tout cas pour ce qui est des homicides ou des tentatives d'homicide,
03:50 une cinquantaine de cas par an, je crois.
03:53 Il est normal finalement que l'irresponsabilité pénale,
03:55 ça suscite des débats en France, puisque c'est très difficile pour l'opinion publique,
03:59 mais aussi surtout pour les familles de victimes,
04:00 de considérer que derrière un acte, derrière un crime, il n'y a personne.
04:03 En France, une personne qui est jugée irresponsable,
04:05 son sort ne relève plus de la justice, mais elle relève du pouvoir médical.
04:08 Et ce sont les médecins qui décident.
04:10 Les lits en psychiatrie connaissent vraiment une baisse considérable.
04:15 Les UMD sont encore un petit peu sanctuarisés,
04:17 parce qu'en fait ils bénéficient de moyens privilégiés.
04:20 Du fait que les patients ont un potentiel de crise et de violence beaucoup plus élevé,
04:23 j'ai pu rester presque 2 ans sur plusieurs UMD.
04:25 Il y a beaucoup de patients qui suivent un parcours de soins réussi,
04:28 qui vont en UMD, qui connaissent un épisode violent,
04:31 et qui ensuite réussissent à en sortir.
04:33 Ces patients ne sont pas fixés pour toujours dans la folie.
04:35 Il y a des évolutions d'ailleurs en bien comme en mal.
04:38 *BIP*

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