• il y a 10 mois
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François Arnoux, céréalier à Longèves en Vendée, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur les annonces faites par le gouvernement pour soutenir les agriculteurs et notamment celle des prix planchers.
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Transcription
00:00 - Il est 7h11 sur Europe 1, Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin le céréalier François Arnoux.
00:05 - Ah bah oui, lui il habite en Vendée, d'habitude il est à Longève en Vendée, là il est à Paris à l'occasion du salon de l'agriculture.
00:11 Bonjour François Arnoux ! - Bonjour Dimitri !
00:13 - Bienvenue sur Europe 1, alors vous, votre métier c'est entre autres le blé, les céréales, vous faites quoi exactement comme céréales ?
00:20 - Alors je fais du blé tendre pour faire du pain, je fais du blé dur pour faire des pâtes et puis du tournesol, du colzade pour l'huile.
00:25 Je fais aussi des lentilles, du pois chiche, de la luzerne, on a beaucoup de cultures pour faire justement des rotations dans nos champs.
00:30 - Oui, vous faites des semences aussi hein ? - Oui, je fais exactement du maïs semence, du tournesol semence,
00:35 donc c'est des semences qui seront semées par les agriculteurs l'année d'après.
00:41 - Et qu'on exporte aussi ça dans le monde entier, c'est l'une des forces de l'agriculture française.
00:45 - Alors tout à fait, c'est une filière d'excellence, tout simplement.
00:48 - Alors je le disais, vous êtes sur le salon de l'agriculture cette semaine François Arnoux,
00:52 le premier ministre Gabriel Attal est en train d'arriver sur place, il va prendre son petit déjeuner, il va visiter les stands.
00:57 On a entendu à l'instant dans le journal de Christophe Lamer il y a quelques minutes que certains de vos collègues lui promettaient un accueil froid pour les uns, musclé pour les autres.
01:06 Vous l'auriez face à vous, François Arnoux, le premier ministre, vous lui diriez quoi ?
01:10 - Écoutez, j'espère que je vais pouvoir lui parler d'ailleurs dans la journée.
01:13 Je lui dirais qu'il a fait des annonces qui nous portent quand même beaucoup d'espoir,
01:18 parce qu'on a l'impression quand même d'être entendu sur pas mal de sujets.
01:21 Sauf que maintenant on attend les actes concrètement,
01:25 et on pensait samedi que le président allait venir avec une valise pleine d'annonces en disant "voilà ça va".
01:32 - J'ai l'impression que vous allez me dire "une valise pleine de billets" là, mais c'est un peu ça quand même.
01:36 - Oui évidemment, mais dans la suite logique de ce que le premier ministre avait annoncé,
01:41 il dit "bon voilà, il y a des choses concrètes qui vont être faites", et en fait il a un peu tout cassé en fait.
01:46 - C'est-à-dire ? Attendez, il fait deux annonces quand même importantes.
01:49 Il annonce "ces comités de suivi, ce recensement des agriculteurs en situation de trésorerie critique".
01:56 On va en parler dans un instant. Et puis il y a cette histoire de prix plancher, cette annonce, ça n'est pas rien.
02:02 Racontez-nous un peu votre exploitation.
02:03 Alors on l'a dit, vous c'est la céréale, on dit que les céréaliers François Arnoux,
02:07 c'est un peu les CSP+ de l'agriculture, ceux qui gagnent le mieux leur vie concrètement.
02:11 Je vais pas vous demander votre fiche de paie, mais est-ce que c'est vrai ?
02:14 Est-ce que dans votre situation ça se vérifie ça ?
02:17 - Alors effectivement il y a des années où quand on arrive à faire du volume et que les prix sont hauts, ça va.
02:23 Sauf que les prix hauts, c'est pas tous les ans et loin s'en faut.
02:27 - On en est où là en ce moment ?
02:28 - Alors justement en ce moment c'est très très dur, parce qu'en fait on a des coûts de production,
02:32 je vais parler un petit peu chiffre, donc on a des coûts de production qui sont de l'ordre de 250 euros la tonne,
02:37 parce qu'en fait on a pris de plein fouet l'achat notamment des engrelles liées à l'énergie qui avait flambé,
02:42 c'était x3, x4.
02:44 - Ça n'est pas retombé ces prix-là ?
02:45 - Alors c'est retombé, sauf que quand on a produit pour 2023, c'était x3, x4.
02:51 Et ce que je vous parle, c'est on a donc notre récolte 2023 à vendre, d'accord ?
02:56 - Qui a été produite avec des coûts de production très élevés.
02:58 - Exactement.
02:59 - Et ça se vend combien aujourd'hui ?
03:00 - Et donc ça se vend aujourd'hui 160 euros la tonne.
03:02 Hier ça vendait 160 euros la tonne, donc concrètement ça me coûte 250 euros à produire,
03:07 je le vends aujourd'hui, je le vends 160.
03:10 - Vous gardez 90 euros par tonne ?
03:11 - Par tonne.
03:12 - Et vous produisez combien de tonnes ?
03:13 - Je suis en zone intermédiaire, je suis à peu près en moyenne à 7 tonnes par hectare,
03:18 j'ai 50 hectares.
03:19 - 5 fois 7, 35 ?
03:20 - Voilà, donc je perds 30-35 000 euros sur mes 50 hectares de blé.
03:24 Et je n'ai pas que cette culture, sur les autres cultures c'est pareil.
03:27 Le tournesol c'est pareil, le tournesol a été divisé par deux.
03:29 Le colza c'est la même chose, et on a des coûts de production qui sont tout aussi élevés.
03:33 On peut faire le calcul sur toutes les cultures, c'est la même chose.
03:35 - Donc là 2024, à la vente de la production de l'année dernière,
03:38 vous allez perdre énormément d'argent François Arnoux si j'ai bien compris ?
03:41 - Non pas fort, ça va rester compliqué, sauf que comme vous dites, les intrants ont baissé.
03:47 Donc ça veut dire quand même que pour la récolte 2024, les engrais...
03:49 - Vous allez vous refaire l'année prochaine d'une certaine manière.
03:51 - Voilà, sauf qu'on a malheureusement une pluviométrie, une climatologie qui est très compliquée,
03:56 donc on est parti pour avoir des rendements, c'est toujours rendement fois prix.
03:59 Donc on a des rendements qui sont probablement déjà impactés,
04:03 et sur des prix qui sont de toute façon tirés vers la baisse, notamment par l'ouverture à l'Ukraine,
04:07 et puis la Russie qui en fait se sert de du blé comme arme économique.
04:13 En fait c'est une espèce de...
04:14 - Donc si je résume, vous avez une carte de la géopolitique mondiale et une calculette en permanence dans la tête François Arnoux,
04:20 c'est ça être agriculteur au-delà du métier de la terre.
04:22 - Exactement, et c'est surtout quand est-ce qu'on appuie sur le bouton pour vendre,
04:25 parce qu'après on va me dire "mais pourquoi t'as pas vendu quand c'était cher, à plus de 250€ ?"
04:30 Oui, effectivement, pourquoi on n'a pas vendu ?
04:32 Sauf qu'on nous disait, et on avait une analyse complètement différente, c'était structurelle.
04:35 Avec ce qui se passe en Ukraine, ça va durer.
04:37 - Bon alors là, imaginons, on crée les fameux prix planchers,
04:40 et on va vous dire "bah écoutez, le prix plancher cette année pour le blé, ça va être 300€ la tonne".
04:45 C'est une super nouvelle pour vous ? Vous allez gagner de l'argent ?
04:48 - Oui, sauf que ça ne sera pas possible de mettre 300€ la tonne, parce qu'en fait...
04:51 Pourquoi 300 ? Ça sera plutôt un prix qui sera tiré vers le bas.
04:55 Évidemment un prix plancher, par définition, ça ne peut pas être un prix haut.
04:58 Et puis alors ce qui...
05:00 C'est une annonce qui nous a tous surpris, parce qu'il y a un mois,
05:02 le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, disait "surtout pas de prix plancher, parce que ça sera inapplicable".
05:06 - Oui mais le patron de Lidl, par exemple, Michel Biraud,
05:09 qu'on ne peut pas accuser d'être un horrible communiste,
05:12 lui, il propose des prix planchers aux agriculteurs avec lesquels il travaille,
05:17 à l'échelle du groupe Lidl.
05:19 Donc évidemment, on peut dire que c'est un peu de la microéconomie, mais enfin tout de même,
05:22 c'est un entrepreneur, un chef d'entreprise, qui est là pour gagner de l'argent,
05:27 et il arrive à faire fonctionner une agriculture avec un système de prix plancher. Donc ça peut fonctionner, non ?
05:31 - Ça peut fonctionner, comme vous l'avez dit, sur une microéconomie.
05:35 Donc sur une petite filière, peut-être avec un partenaire,
05:38 mais de là à le développer sur l'ensemble de la distribution, et sur toutes les filières,
05:43 franchement, on ne voit pas comment c'est applicable.
05:44 Alors le président dit "on va décliner ça filière par filière",
05:47 mais on n'est pas tout seul dans l'Europe.
05:50 - Alors justement, expliquez-moi, parce que l'idée de ces prix planchers,
05:54 c'est aussi que ce soit fondé à partir d'indicateurs des coûts de production.
05:58 On va demander à chaque filière, le bovin, vous par exemple, le blé,
06:02 de dire "voilà combien ça coûte de produire du blé quand on est en France".
06:05 Ces indicateurs, normalement, ils sont prévus dans la loi EGalim de 2021,
06:10 ils n'existent toujours pas. Comment ça se fait ?
06:12 - Parce que c'est très compliqué à appliquer, et puis c'est surtout que ce n'est pas appliqué.
06:16 Il faut suivre la loi, et il y a une inertie invraisemblable.
06:22 Donc on se dit "tiens, encore une nouvelle usine à gaz, je dirais, pour ces indicateurs".
06:28 Sur le papier, c'est bon. Je dirais que c'est une fausse bonne idée.
06:30 Sur le papier, effectivement, ça séduit.
06:32 Sauf que l'application, elle est complètement compliquée.
06:34 - Et il y a le risque que les prix planchers soient des prix plafonds ?
06:37 - Exactement. Et puis alors après, les coûts de production ne sont pas les mêmes
06:41 d'une région à l'autre sur le territoire français.
06:43 - Vous êtes plus cher, vous parlez de la Beauce,
06:47 qui est le grand producteur céréal ou de blé en France,
06:49 vous êtes plus cher ou moins cher que vous dans votre région, Vendée ?
06:52 - A proportion, je suis plus cher, parce que j'ai moins de rendement.
06:55 Donc je suis plus cher. Donc je ne vois pas comment c'est applicable.
06:59 C'est ça, aujourd'hui, notre réaction par rapport à cette annonce,
07:01 qui sort un peu du chapeau, en disant "mais comment on va l'appliquer ?"
07:03 Alors après, on n'est pas fermé aux annonces.
07:05 - Bien sûr. C'est très bien, vous nous expliquez de l'agriculture,
07:08 la très concrète, ça aide, je pense, les auditeurs d'Europe 1 à comprendre les problèmes.
07:13 Je voudrais qu'on parle brièvement aussi de cette autre annonce,
07:15 ce plan de trésorerie d'urgence annoncé par le président de la République,
07:19 avec un grand recensement région par région,
07:22 pour savoir qui sont les agriculteurs qui, aujourd'hui, sont financièrement désespérés.
07:26 Bon, vous nous avez dit que c'est compliqué pour vous,
07:28 vous n'avez pas l'air totalement désespéré, François Arnoux.
07:31 Il y en a autour de votre exploitation, des agriculteurs qui sont vraiment en grande difficulté ?
07:36 - Oui, j'en connais qui sont en très grande difficulté,
07:38 donc ce plan de trésorerie est plus qu'indispensable,
07:41 et il est urgent de le mettre en place.
07:42 - On fait quoi derrière ? Parce que c'est bien de savoir qui souffre,
07:46 mais comment va-t-on l'aider ?
07:47 - Je pense qu'il y a quand même des indicateurs, pour le coup,
07:50 en termes de pertes, qui sont quand même faciles à identifier.
07:55 - Oui, mais qui va payer ? On voit bien que la tendance, c'est l'argent public,
07:58 le revenu est en train de se fermer.
08:00 - Tout à fait, et quand on voit Bruno Le Maire hier qui annonce "j'ai plus d'argent",
08:03 on ne voit pas trop, et puis c'est des pansements.
08:06 Alors, je veux dire, c'est évident qu'il faut le faire,
08:08 parce qu'il y a un problème de trésorerie, donc il ne faut pas fermer la boutique.
08:12 Mais il y a des risques majeurs.
08:13 Le Sud, par exemple, c'est très compliqué,
08:15 ils font des rendements plus faibles,
08:17 et ils ont des coûts de production très élevés.
08:18 Du foncier qui est très cher.
08:20 Je ne sais pas comment ça peut marcher d'ailleurs.
08:21 - Vous craignez qu'on ferme les exploitations,
08:23 que des agriculteurs rendent le tablier, tout simplement ?
08:26 - Ah bien bien sûr, c'est ce qu'on appelle des liquidations judiciaires,
08:29 de toute façon, parce que c'est comme ça que ça marche.
08:31 - Donc on a sauvé des tas d'entreprises il y a 2-3 ans,
08:34 avec le Covid, quitte à faire des entreprises zombies, comme on disait,
08:38 vous craignez qu'il y ait une espèce de grand plan social agricole
08:40 qui soit en préparation, enfin qui soit en marche,
08:43 tout simplement du fait des difficultés actuelles ?
08:44 - Oui, c'est le risque.
08:45 C'est pour ça qu'il faut avoir des mesures de fonds,
08:48 parce qu'en fait on parle beaucoup de ça,
08:49 mais il faut revenir à notre problème
08:52 qu'on évoque depuis 4 mois dans les campagnes,
08:55 et là on n'en parle plus beaucoup,
08:56 parce qu'on parle de Macron au salon, on parle du prix plancher,
09:01 mais pendant ce temps il y a quand même des problèmes de fonds qui persistent,
09:04 et là on les oublie en ce moment.
09:05 Donc j'attends qu'Attal revienne,
09:07 reprenne de la sérénité dans ce qui était annoncé,
09:09 et qu'on travaille sur le fonds,
09:11 parce que les avances de trésorerie ou les aides de trésorerie,
09:14 c'est vraiment pour faire du pansement,
09:16 et ce n'est pas pour corriger de façon structurelle nos problèmes.
09:19 - Il est au salon de l'agriculture le Premier ministre,
09:22 vous allez peut-être le croiser François Arnoux,
09:24 merci d'être venu au micro d'Europe 1.
09:25 Je rappelle que vous êtes céréaliculteur à Longève, en Vendée.
09:29 On salue les auditeurs vendéens d'Europe 1.
09:31 - C'est moi qui vous remercie pour votre invitation.

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