Anne Fulda reçoit Viktor Lazlo pour son livre «Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, Victor Laszlo.
00:03 Certains vous connaissent comme chanteuse,
00:05 certains comme comédienne, d'autres comme romancière.
00:08 Nous vous recevons parce que vous venez de publier
00:10 un nouveau livre qui s'appelle "Ce qui est pour toi,
00:13 la rivière ne l'emporte pas",
00:14 un livre qui est paru chez Robert Laffont,
00:17 un roman qui compte l'émancipation
00:18 d'une jeune esclave noire
00:20 dont on fait la connaissance en Martinique,
00:24 une jeune fille au destin extraordinaire
00:27 que l'on retrouve à Paris, dans le Paris de la Révolution.
00:30 Alors, l'idée de ce livre est née lorsque vous avez,
00:35 en regardant, en découvrant,
00:36 lorsque vous avez découvert un dessin de 1794
00:39 du peintre Nicolas Manchot. C'est bien ça ?
00:41 - Absolument. - Rappelez-nous de ce dessin.
00:44 - Ce dessin représente la vérité,
00:46 mais pas dans le bon ordre.
00:48 C'était le jour de l'annonce
00:50 de la première abolition de l'esclavage, en 1794,
00:53 février 1794.
00:55 Danton est sur l'estrade,
00:57 la foule est réunie en bas de l'estrade
01:00 et une femme tombe dans les pommes.
01:02 Et c'était de bon temps, à l'époque,
01:04 de témoigner de son émotion,
01:06 c'était un sens civique.
01:07 Donc, on l'a fait monter sur la scène
01:10 et on l'a assise là, à côté de Danton.
01:12 Elle a un peu avachi, elle a l'air assez âgée.
01:15 Et ce personnage m'a fascinée.
01:17 C'est une femme qui existe,
01:19 mais on connaît très peu de son histoire.
01:21 Donc, j'en ai inventé une autre. Voilà, j'en ai fait Olvidia.
01:24 Alors, Olvidia, c'est l'héroïne de votre livre
01:27 qu'on découvre en Martinique, en 1752,
01:30 au domaine des Bois-Tranchées.
01:32 C'est une petite fille qui est enfant d'esclave,
01:35 qui n'est pas tout à fait comme les autres.
01:37 Dites-nous pourquoi.
01:38 On dit qu'elle a la peau sauvée.
01:41 Parce qu'elle est un peu plus claire que ses congénères.
01:44 Elle a une bouche un peu plus rouge.
01:47 Elle est un peu différente, sa mère ne l'aime pas.
01:50 Pour moi, c'est un personnage
01:52 qui, en grandissant, devient...
01:55 se retrouve à l'intersection des...
01:57 des tares qu'on pouvait...
02:01 qu'on pouvait supporter à cette époque-là.
02:04 Elle est noire, elle est esclave et elle est femme.
02:06 Et dans l'époque de la...
02:09 Dans cette période de la plantation,
02:11 dans le règne de la plantation, dans la Caraïbe,
02:14 les femmes n'avaient aucun pouvoir, les esclaves encore moins.
02:18 Et forcément, ils étaient noirs.
02:20 C'est une féministe intersectionnelle.
02:22 Oui.
02:23 - À la fin. - Oui.
02:24 - Qui s'ignore. - Elle s'appelle Olvidia.
02:27 Le nom lui-même est tout un symbole,
02:29 puisque ça vient d'oublier en espagnol.
02:33 Son enfance et son adolescence dans cette grande maison...
02:38 Elle pense à un moment qu'elle va être sauvée,
02:40 mais c'est quand même un cauchemar,
02:42 puisque sa maîtresse est...
02:44 est, en fait, parfois très charmante
02:48 et parfois absolument odieuse.
02:50 Et surtout, il y a le maître qui abuse d'elle.
02:54 - C'était assez courant. - Ce qui est très courant.
02:57 - Sur la plantation, les maîtres se servaient
03:00 dans leur cheptel, dans leur propriété d'esclave.
03:03 Donc ça n'est rien d'exceptionnel.
03:05 - Sauf que le maître n'est pas n'importe qui.
03:07 - On ne va pas dire qui il est,
03:09 mais oui, c'est une jeune femme
03:12 qui va se heurter,
03:15 qui va rencontrer des monstres tout au long de sa vie,
03:18 qui va se heurter de caribe en sylla,
03:21 avec une préscience, quand même, depuis le début,
03:24 une préscience qui est celle de la liberté,
03:27 la libération de son peuple.
03:29 Et elle finira par comprendre
03:31 que la libération de l'homme et de la femme,
03:35 en général,
03:37 correspondra à la libération des esclaves.
03:39 Donc c'est une jeune fille qui a cette espèce de savoir en elle
03:44 qui lui vient d'on ne sait où.
03:46 - Alors, par la magie de l'histoire et du destin,
03:50 elle se retrouve... Elle quitte sa Martinique natale
03:53 pour se retrouver en Europe.
03:54 Elle suit sa maîtresse qui veut rejoindre l'Autriche.
03:57 Et elle se retrouve en France et à Paris,
03:59 dans le Paris post-révolutionnaire.
04:02 - Très révolutionnaire. - Enfin, très révolutionnaire.
04:04 Et bon, elle se retrouve quand même
04:07 au carrefour d'événements
04:09 qui vont vraiment bouleverser non seulement la face de la France,
04:12 mais du monde, en fait. - Oui.
04:14 - Qui la structure, qui la font évoluer,
04:17 mais qui feront également évoluer Mme de Lalin, sa maîtresse.
04:21 Puisque, en fait, ces deux femmes
04:23 sont adossées à une histoire qui les dépasse
04:26 et qui va les construire, les reconstruire au fil du temps.
04:29 Ca permettra aussi à Olvidia
04:32 de se désolidariser
04:35 de cette...
04:38 Cette naissance, quelque part.
04:40 Et...
04:42 Et elle va se retrouver aux prises
04:45 avec tout ce qui est en train de naître
04:47 pendant ces 40...
04:49 Ces 30 années qui vont précéder l'abolition,
04:54 la première abolition de l'esclavage,
04:56 et qui vont renforcer en elle le sentiment qu'elle doit vivre.
05:01 Elle doit vivre, parce que ce qu'elle attend arrive.
05:03 - En tout cas, je vous conseille de lire.
05:05 Alors, on croise au détour des pages
05:08 Olympe de Gouges qui apparaît.
05:11 En tout cas, je vous conseille de lire
05:13 "Ce qui est pour toi, la rivière ne l'emporte pas",
05:15 qui donne en créole...
05:17 -"Ca qui poue, la rivière pas cachailler".
05:19 -Voilà. Et c'est un livre qui est paru chez Robert Laffont.
05:21 Merci beaucoup, Victor Laszlo. -Merci, Anne Vilda.
05:24 ...
05:28 [SILENCE]