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00:00 7h15, la question du jour, avec vous Marguerite Caton, bonjour.
00:03 Bonjour Quentin et bonjour à tous.
00:05 Vous revenez sur la grève des contrôleurs de train du week-end dernier ?
00:08 Non, j'anticipe sur celle des aiguilleurs puisque Sudrail a déposé un préavis pour vendredi et samedi.
00:14 En fait, je m'interroge sur les aménagements possibles du droit de grève,
00:17 un droit fondamental reconnu par la Constitution,
00:20 mais dont le gouvernement a déclaré hier par la voix de sa porte-parole, Marie Lebec,
00:24 qu'il pourrait mériter quelques retouches.
00:26 Précisément, l'idée de sanctuariser certaines périodes, les vacances scolaires ou les Jeux Olympiques par exemple,
00:32 fait son chemin et c'est le sens de deux propositions de loi,
00:35 l'une du groupe centriste au Sénat, l'autre des LR à l'Assemblée.
00:39 Bonjour Emmanuelle Barbara.
00:40 Bonjour.
00:41 Vous êtes avocate en droit du travail, enseignante à l'école de droit de Sciences Po Paris
00:44 et membre du comité directeur de l'Institut Montagne.
00:47 Commençons par régler son compte à une notion apparue récemment dans le débat public,
00:51 le devoir de travailler, invoqué par le Premier ministre Gabriel Attal.
00:56 Est-ce une notion constitutionnelle ?
00:57 Que recouvre-t-elle ?
00:58 Pourrait-elle être opposée au droit de grève ?
01:01 C'est un principe qui figure à notre Constitution, à la linéa 5 pour être précis,
01:07 et qui dit expressément que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi.
01:13 Ce principe qui figure là est en réalité un principe suffisamment flou
01:19 pour que le Conseil constitutionnel refuse de s'y référer lorsqu'il s'agit d'évaluer un certain nombre de lois,
01:25 type le droit au chômage, les lois sur le chômage.
01:28 Il y a un autre point aussi qui montre à quel point c'est un principe relativement mou,
01:32 c'est que jusqu'à nouvel ordre, le droit de démissionner n'a pas été retiré
01:37 aux personnes qui ont le devoir de travailler.
01:39 Donc voilà, c'est une note d'ambiance si je puis dire.
01:42 En tout état de cause, il n'a pas pour objet ni pour effet de s'opposer à l'autre droit
01:46 qui figure deux à la linéa plus loin sur le droit de grève.
01:50 Il faut ensuite préciser que les aménagements possibles du droit de grève
01:53 concernent exclusivement le service public.
01:56 En aucun cas, il n'est envisagé actuellement de toucher à la réglementation de ce droit
02:00 dans les entreprises privées, Emmanuelle Barbara.
02:02 Oui, en effet, le secteur privé, lui, est assujetti à une réglementation allégée
02:08 par rapport au service public.
02:09 Il n'y a pas d'obligation de préavis, pas d'obligation d'appel à la grève
02:13 par un syndicat représentatif ou non.
02:15 Il faut simplement que ce mouvement collectif soit concerté
02:19 et vienne en appui de revendications professionnelles.
02:23 Et si les trois conditions sont remplies, alors grève il y a.
02:26 Quel est le statut de la SNCF en matière de droit de grève ?
02:28 On a l'impression que c'est un service public, pas la géométrie variable,
02:32 qu'on est un client et non un usager quand il s'agit de payer ses billets de train.
02:36 Mais en cas de grève, l'entreprise et le gouvernement
02:38 semblent soudain saisis d'une mission presque de salut public.
02:42 Quel texte s'applique à l'entreprise ?
02:44 Alors précisément, pour les entreprises de transport terrestre de voyageurs,
02:49 public ou privé, dans lequel s'inscrit la SNCF,
02:52 des dispositions précises ont été édictées par une loi du 21 août 2007,
02:58 qui sont inscrites encore aujourd'hui au Code des transports,
03:00 et qui ont pour objet de s'inscrire dans la réglementation du droit de grève
03:04 concernant le secteur public de manière générale, certes,
03:07 mais en l'assortissant de trois éléments spécifiques.
03:11 Le premier qui a pour objet de rendre obligatoire une concertation
03:16 préalable à tout dépôt de préavis de grève,
03:20 et le tout dans un délai encadré avec l'obligation de convenir
03:25 entre les parties de ce qu'est cet accord cadre,
03:28 qui est visé ainsi dans la loi.
03:30 Puis, effectivement, la perspective de déposer un préavis de grève
03:35 classiquement assorti du préavis de cinq jours.
03:39 Donc, mis bout à bout, ce délai de concertation obligatoire
03:42 peut conduire à 13 jours avant que le mouvement ne se déclenche.
03:46 Et puis, autre obligation qui fait son introduction à ce moment-là,
03:50 c'est celle pour les personnels grévistes de se déclarer 48 heures avant,
03:57 de façon confidentielle, etc.,
03:59 mais de se déclarer gréviste ou non grévite.
04:03 Le Conseil constitutionnel, en 2007, par une décision du mois d'août 2007,
04:08 a validé la constitutionnalité de ce dispositif
04:12 en caractérisant le fait, particulièrement,
04:14 c'est cette phase d'aménagement obligatoire préalable et sur les 48 heures,
04:18 que, dans le fond, ce droit en question venait, en quelque sorte,
04:25 être assorti, ne porter pas atteinte au droit de grève,
04:32 puisque ce droit de grève s'organisait et qu'il avait pour effet,
04:37 finalement, de permettre aux personnes, d'une part, aux parties,
04:44 d'essayer d'éviter la grève.
04:46 Donc, ce n'est pas plus mal.
04:48 Et deuxièmement, le cas échéant de donner suffisamment de temps
04:51 pour mettre en œuvre le fameux plan de prévisibilité de transport
04:53 qui fait aussi son introduction dans cette loi,
04:57 qui, pour des perturbations qui ne sont pas liées uniquement à la grève,
05:01 mais le climat ou d'autres catastrophes éventuelles,
05:04 permet à l'organisme de transport de prévoir un plan, peut-être dégradé,
05:09 mais un plan tout de même.
05:10 Et donc, compte tenu de ces deux objectifs,
05:12 le Conseil constitutionnel a validé cet encadrement.
05:15 - Vous nous dites deux choses.
05:16 Vous nous dites d'abord que c'est une loi qui, finalement,
05:17 ne garantit pas vraiment un service minimum,
05:19 mais permet, du fait de différents délais à l'entreprise, de s'adapter.
05:23 Et vous nous dites aussi que le Conseil constitutionnel juge
05:25 que le droit de grève est bien un principe constitutionnel,
05:28 mais que, comme le texte prévoit qu'il s'exerce dans le cadre des lois
05:31 qui le réglementent, le législateur a toute l'attitude, en fait, pour réglementer.
05:36 - Disons que le Conseil constitutionnel, à cette occasion,
05:38 mais bien avant également, à l'occasion de la mise en place
05:41 de dispositifs particuliers, tels le service minimum dans radio, télé, public,
05:47 que certes, c'est un droit qui a valeur constitutionnelle,
05:50 mais qu'il doit être concilié.
05:52 Donc, c'est la conciliation avec l'intérêt général,
05:55 qu'il appartient au législateur d'opérer cette conciliation
05:58 et que, s'agissant des services publics,
06:00 donc il résonne en deux temps, le Conseil constitutionnel,
06:02 s'agissant du service public, cette caractéristique fait que le législateur
06:08 n'est pas, enfin, il n'y a pas d'obstacle au législateur
06:11 de venir réglementer l'ensemble du dispositif pour le concilier,
06:14 notamment avec le principe de continuité de service public
06:18 qui a également une valeur constitutionnelle.
06:22 - Alors, depuis cette loi de 2007, qui faisait la grande fierté de Nicolas Sarkozy,
06:25 il y a quand même eu aussi des parades mises en place par les syndicats,
06:29 des préavis de grève illimités, sans limite temporelle,
06:32 ou des préavis de très longue durée.
06:34 C'est le cas, par exemple, j'ai vu de la CGTR ATP
06:36 qui a déposé un préavis de grève pour la période du 5 février au 9 septembre,
06:40 donc ça va couvrir les Jeux olympiques.
06:42 Ces préavis de grève de très très longue durée,
06:44 ça réduit considérablement la portée de la loi de 2007, quand même.
06:48 - À la vérité, la loi de 2007 n'est pas en cause ici,
06:50 puisque, s'agissant du préavis de grève et des modalités
06:54 applicables au préavis de grève lui-même,
06:56 j'allais dire, une fois accomplis les préconisations prévues par la loi de 2007,
07:00 on rentre dans le droit commun qui est prévu au Code du travail
07:03 pour la réglementation de la grève dans le service public,
07:06 et là, il est précisé que le préavis doit contenir l'heure du début de la grève,
07:11 le champ géographique, et le point de savoir si le préavis est limité ou illimité.
07:17 Donc, le principe de l'illimitation, si je puis dire, de la durée de grève
07:21 est prévu par la loi générale, si je puis dire, qui s'applique au service public.
07:25 - Quelques mots pour terminer, Manuel Barbara, sur les deux propositions de loi
07:27 déposées par les centristes au Sénat et les Républicains à l'Assemblée.
07:30 Avec quelques nuances, il s'agit dans les deux cas de suspendre chaque année
07:34 le droit de grève durant certaines périodes.
07:36 Un droit fondamental qui ne serait pas tant réglementé
07:39 qu'il deviendrait intermittent. Ça vous semble envisageable ?
07:42 - Je ne vais pas faire des pronostics, mais il est vrai que ces lois
07:47 sont inspirées par le droit italien qui dispose dans sa constitution
07:50 le principe du respect du droit de grève,
07:53 qui est un principe également constitutionnel, à l'article 40 de sa constitution,
07:57 et que, en tout cas du côté italien, ils ont réussi à aménager
07:59 ces espèces de périodes blanches de préavis.
08:03 On verra comment le Conseil constitutionnel arrive à concilier
08:05 l'ensemble de tous les droits fondamentaux, car il y en a d'autres.
08:08 - Merci beaucoup Emmanuel Barbara, avocate en droit du travail,
08:11 enseignante à l'École de droit de Sciences Po
08:13 et membre du comité directeur de l'Institut Montaigne. Merci.

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