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À quatre mois des élections européennes, Ici l'Europe, vous propose une série de dix grands débats consacrés aux enjeux de ce scrutin dans les différents Etats-membres. Le deuxième numéro de cette série est consacré aux pays du Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Année de Production : 2023

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Transcription
00:00 France 24 et RFI présentent
00:03 (Générique)
00:24 Bonjour à tous, merci de nous rejoindre pour "Ici l'Europe" sur France 24 et Radio France Internationale.
00:29 Alors nous sommes en pleine grogne agricole à travers toute l'Europe.
00:33 La transition écologique sera véritablement au cœur du débat des prochaines élections européennes, on le pressent.
00:41 Et nous avons le plaisir d'être à la résidence de l'ambassade d'Espagne,
00:47 très belle résidence entourée des tapisseries inspirées des tableaux de Goya.
00:53 Et nous avons rejoint ici une vice-première ministre espagnole du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, Teresa Arribeira.
01:01 Bonjour.
01:02 Bonjour.
01:03 Vous êtes en charge de la transition écologique et du défi démographique.
01:08 On le rappelait, des milliers d'agriculteurs ont manifesté à travers l'Europe,
01:13 en Espagne plus spécifiquement, ils parlaient de la question des prix bas
01:18 qu'ils perçoivent comme inspirés par l'Union européenne ou imposés par l'UE.
01:23 Ça n'a vraiment rien à voir dans les prix bas qui en sont responsables.
01:26 Ça c'est une discussion très importante.
01:29 Comment on accompagne les agriculteurs, les élévateurs pour avoir un mode de vie suffisamment bien rémunéré ?
01:38 Et c'est au cœur des politiques européennes qu'on essaie d'accompagner l'agriculture en Europe.
01:43 Alors c'est un peu contradictoire.
01:45 En même temps, on voit comment il y a des problèmes autour des pactes vertes qui parfois ne sont pas très bien compris.
01:54 Les agriculteurs, l'agriculture sont très menacées par le changement climatique, la CCRS, l'érosion du sol.
02:01 C'est quelque chose qui est connecté avec des problèmes environnementaux.
02:05 Par contre, ce qui nous a manqué, et on doit faire un effort beaucoup plus grand,
02:10 c'est d'accompagner les secteurs pour faciliter un mise au jour qui préserve leur capacité à gagner leur vie
02:19 d'une manière digne et simple, et pas seulement avec des régulations, mais avec des politiques spécifiques,
02:28 avec un dialogue beaucoup plus fluide, avec la possibilité de garantir l'accès à l'eau
02:35 ou la capacité de compter sur des systèmes de protection vers les risques climatiques ou commerciaux qui survivent tous les jours.
02:47 À la différence de certains pays, comme la France par exemple, la Belgique, on a entendu parler de pause environnementale.
02:55 Est-ce que c'est ce que vous préconisez de faire une pause sur la régulation justement ?
03:00 Non, je ne crois pas que ce soit une bonne idée.
03:03 Je pense que, comme Angèle le disait, l'érosion du sol ou la relation avec l'eau, avec un scénario climatique différent,
03:12 ce sont des questions qui doivent être prises en considération quand on dit ça.
03:17 Je pense par contre qu'il y a un sentiment d'oubli et un sentiment de difficulté auquel il faut faire attention.
03:27 Alors c'est probablement des questions de politique, des conversations, d'engagement, de simplification des permis qu'il demande.
03:38 Vis-à-vis des agriculteurs et des éleveurs, vous dites donc.
03:41 Le pacte vert de l'Union européenne s'est décliné une série de législations environnementales qui ne sont d'ailleurs pas entrées en vigueur pour la plupart.
03:51 Il est vivement critiqué en Espagne par le parti d'extrême droite Vox, qui l'accuse de vouloir détruire l'agriculture ibérique.
04:00 Comment vous compterez ce discours et comment vous compterez aussi la montée de ce parti ?
04:05 Je crois qu'il y a un sentiment d'irritation très fort.
04:09 Il y a trop de choses qui arrivent dans une période très intense, très courte, et des problèmes qui n'ont pas de solution facile.
04:20 Et c'est sur ces modes d'irritation que l'extrême droite peut jouer de manière pas loyale.
04:26 On ne va pas résoudre l'éveillissement des agriculteurs en disant que c'est un problème européen ou c'est un problème du pacte vert.
04:33 Par contre, ne pas faire attention aux demandes et aux sentiments qu'ils montrent serait une erreur.
04:40 Je crois qu'il faut approfondir sur un dialogue qui nous permet d'identifier quels sont les problèmes et quelles sont les solutions.
04:47 Les politiques autour de la surveillance des prix, capacité d'assurer un avenir pour les jeunes qui veulent rester dans le domaine agricole,
04:58 sont beaucoup plus efficaces que de dire qu'on n'aime pas les éléments des politiques vertes qui viennent de l'Europe.
05:07 En Catalogne, donc en Espagne, dans votre pays, le réservoir de sceaux est le deuxième en termes de capacité.
05:15 Et ces réserves sont à 5%, à tel point qu'un village enfoui a réapparu.
05:21 C'est assez spectaculaire.
05:23 Le 1er février dernier, le gouvernement catalan a déclaré l'état d'urgence sécheresse.
05:29 Des restrictions de consommation d'eau sont imposées aux 6 millions d'habitants, aux entreprises, aux agriculteurs.
05:34 Est-ce que ça s'est bien accepté ?
05:36 C'est important d'identifier comment on peut ajouter plus d'eau.
05:40 Alors c'est clair, d'abord il faut être honnête et nous dire que les changements climatiques
05:47 veulent dire que la disponibilité d'eau change, qu'il peut y avoir beaucoup d'eau dans ces inondations,
05:54 ou il peut y avoir des sécheresses terribles.
05:58 Alors comment on peut assurer, comment on peut compter sur une garantie hydrique, la sécurité hydrique
06:04 pour les zones métropolitaines, les zones urbaines, mais aussi pour les activités économiques qui ont besoin d'eau.
06:14 Et ça veut dire qu'on doit anticiper, développer des plans d'anticipation, d'adaptation à ces situations climatiques différentes.
06:22 Mais en plus, il faut compter sur des mesures d'urgence.
06:25 Quel est le plan B en cas O ?
06:28 C'est ça qu'on est en train de discuter pour aider le gouvernement catalan, la région catalane,
06:34 et la région andalouse pour identifier les mesures pour assurer l'eau pour les villes.
06:42 Le problème, c'est que ça serait beaucoup plus difficile d'assurer l'eau pour d'autres activités économiques
06:50 si jamais la sécheresse continue.
06:53 Vous avez parlé de l'Andalousie, Madame la Ministre, alors que de nombreuses stations de ski européennes
07:00 amorcent leur transformation pour des loisirs estivaux.
07:04 L'Andalousie fait figure d'exception face à l'absence de chute de neige.
07:09 La station la plus au sud d'Europe compte 70 canons à neige,
07:14 alors que cette région connaît la pire sécheresse de son histoire.
07:19 Est-ce qu'il faut commencer à interdire le ski dans certaines conditions pas très écologiques ?
07:26 Je pense qu'on est conscient que ça change.
07:29 Ça change et il y a un impact énorme sur les activités qu'on peut développer
07:34 ou les activités qu'on peut soutenir ou qu'on peut raisonnablement accepter
07:40 comme des activités qui ont besoin de nouveaux investissements.
07:45 Sierra Nevada est le coin de l'Espagne avec les sept heures les plus importantes de la péninsule ibérique.
07:53 Alors pour l'instant, il y a eu encore des jours de neige qui ont permis chaque année
08:00 d'avoir de moins en moins de jours pour aller faire du ski, mais encore quelques jours.
08:06 Est-ce que ça va durer très longtemps ? Probablement pas.
08:09 Est-ce que ça vaut la peine d'investir encore plus ? Probablement pas.
08:13 Mais je pense que la transformation, la transition vers des activités nouvelles,
08:20 il faut la faire avec une compréhension et une participation sociale.
08:25 Pas une interdiction, mais par contre, mon pari ne serait pas d'investir plus,
08:31 même s'il y a des gouvernements locaux et régionals qui demandent d'investir plus.
08:36 Je ne crois pas qu'il soit une bonne idée.
08:38 Vous êtes la ministre espagnole en charge de la transition écologique.
08:41 On se rend compte que finalement, face à la grogne agricole, et même avant,
08:45 l'un des textes par exemple qui prévoyait une baisse de 50% de l'usage des pesticides d'ici 2030
08:51 a été jugé trop contraignant par la droite et les agriculteurs
08:54 et rejeté, enterré par la Commission européenne.
08:58 Ça c'est un des textes finalement que vous allez regretter du pacte vert ?
09:02 Je crois qu'il faut faire très attention à oublier le pacte vert, tout au contraire.
09:07 Je pense que l'histoire de comment on se relationne avec la chimie et les pesticides
09:13 et tout ça a des effets sur la santé qui sont importants.
09:17 La santé des personnes, mais aussi la santé du sol.
09:20 Alors peut-être qu'il faut voir bien comment on met la régulation en place
09:26 avec des calendriers différents.
09:28 Il faut voir bien comment on peut, comme je disais tout à l'heure,
09:33 aligner des systèmes agricoles vers quelque chose qui soit gérable
09:37 par les protagonistes, par les acteurs principaux comme sont les agriculteurs.
09:42 Mais je pense que l'indication, la compréhension, l'engagement
09:46 avec une transformation de notre modèle économique vers quelque chose qui fait sens
09:51 d'un point de vue écologique est très important.
09:54 Autrement, on dépendra beaucoup plus d'ailleurs,
09:59 on dépendra beaucoup plus des activités qui ne soient pas liées à l'agriculture.
10:05 Et ça, ce n'est pas bon non plus.
10:07 En matière d'énergie, de crise de l'énergie, vous bénéficiez de la fameuse exception ibérique.
10:14 L'Espagne et le Portugal, selon Bruxelles, ont des bouquets énergétiques
10:18 composés d'énergies renouvelables essentiellement, c'est bien, bien sûr,
10:22 qui comptent très peu d'interconnexions avec le reste du marché européen
10:26 et donc vous pouvez plafonner vos prix.
10:28 Est-ce que d'abord, ça change votre vie ?
10:31 C'est vrai que le Portugal et l'Espagne ont un pourcentage d'énergie renouvelable
10:38 dans le système électrique très haut.
10:40 Et l'année dernière, c'était plus de 50% de l'électricité produite
10:45 venait des énergies renouvelables en Espagne.
10:48 Et ça sera de plus en plus une réalité.
10:51 Et en même temps, on a des difficultés pour garder la connexion avec le reste de l'Europe.
10:56 L'interconnexion à travers la France est encore très faible.
11:00 Alors même si les coûts de création de production d'électricité autour étaient beaucoup plus bas,
11:06 on devait payer au prix du gaz.
11:09 Alors on a mis en place cette exception,
11:14 et ça nous a permis de garder un prix qui reflétait beaucoup plus
11:18 les coûts réels de production de l'électricité
11:21 et pas les bénéfices extraordinaires des compagnies électriques dues au prix des gaz.
11:27 Oui, d'ailleurs la France et l'Italie vous envient ce système,
11:30 voudraient l'appliquer, mais eux, ils n'ont pas le droit
11:32 parce qu'ils sont reliés justement au reste de l'Europe.
11:35 Alors parlons un petit peu de ces élections de juin,
11:39 parce qu'on voit bien qu'elles se profilent et que la bataille est un peu engagée
11:42 sur tous les grands dossiers.
11:45 Si on regarde les tout derniers sondages,
11:47 c'est le Parti Populaire Européen à droite qui va conserver
11:51 normalement l'ensemble de ses 180 sièges,
11:53 et vous, socialiste, sociodémocrate, au Parlement Européen,
11:58 c'est votre parti frère bien sûr, 140 élus.
12:02 Et puis l'extrême droite qui gagnerait 20-30 sièges
12:05 en fonction des deux groupes conservateurs et réformistes,
12:09 et Identité et Démocratie.
12:11 Ça vous dit quoi finalement de cette fin d'année 2024,
12:15 si vraiment ce scénario a lieu ?
12:18 Je pense qu'on doit revenir à pourquoi on avait besoin de l'Europe.
12:22 On avait besoin de l'Europe parce qu'on voulait un projet en commun
12:25 qui pouvait nous garantir des propositions de bien-être
12:30 pour toutes les élus européennes.
12:32 Je pense que c'est un projet largement réussi.
12:35 Pas parce que tout est fait, mais on a vécu,
12:38 on est en train de vivre des décades les plus exceptionnels,
12:42 les plus positifs pour l'Europe depuis des centaines d'années.
12:46 Et il n'y a pas aucun défi qu'on peut résoudre en soi-même.
12:50 On a besoin d'être ensemble.
12:52 Et c'est ça qui est un peu inquiétant,
12:55 les messages qui viennent de l'extrême droite,
12:58 qui revient sur toutes les choses qui ne sont pas encore résolues,
13:02 comme des arguments pour défaire l'Europe,
13:05 ou défaire les politiques qui nous ont menées
13:08 dans une situation beaucoup plus positive pour tous.
13:11 Et je pense qu'il faut tout au contraire défendre
13:16 que seulement avec des politiques en commun,
13:18 on pourrait faire face à ces défis,
13:21 les défis de l'énergie, la capacité d'innovation de nos industries,
13:25 la capacité de faire face aux défis avec un Trump
13:29 qui merge encore aux États-Unis,
13:31 ou un D.Poutine qui met de la pression chez nos voisins à l'Est.
13:36 Je crois qu'il faut identifier quels sont les problèmes
13:41 et quelles sont les solutions.
13:43 Mais oui, c'est assez inquiétant de voir comment les enquêtes nous montrent
13:46 qu'il y a un virage vers l'extrême droite,
13:49 un virage vers des discours beaucoup plus agressifs,
13:51 beaucoup plus destructifs, que constructifs.
13:55 Alors madame la vice-première ministre espagnole,
13:58 ce gouvernement Sánchez, il a été mis sur les rails aussi,
14:02 grâce au soutien, chèrement payé, d'un certain nombre d'indépendantistes catalans,
14:09 dont ceux évidemment de Carles Puigdemont,
14:12 et à une fameuse loi d'amnistie qui a été beaucoup, beaucoup discutée,
14:17 texte controversé, garantissant l'amnistie de centaines d'indépendantistes catalans,
14:23 et qui finalement n'est pas passée au Parlement.
14:25 C'était un coup dur finalement, assez inattendu,
14:29 puisque ce sont ces fameux indépendantistes catalans qui l'ont bloqué.
14:32 Qu'est-ce qui se passe en Espagne exactement, et en Catalogne en particulier ?
14:36 J'étais à Paris à l'époque où il y a eu le référendum,
14:40 où il y avait les gens dans les rues à Barcelone,
14:43 une violence pas du tout habituelle chez nous.
14:48 Et…
14:50 2017.
14:51 2017, c'était terrible, très traumatique,
14:54 et on avait le sentiment d'irritation généralisée.
14:59 Il n'y avait aucune chose qui marchait.
15:02 Et aujourd'hui la situation a changé complètement.
15:06 Mais à l'époque, dans la participation de ce référendum,
15:09 il y a eu des directeurs et des directrices de l'école primaire,
15:13 il y a eu des gens dans les rues qui ont facilité la participation dans ce référendum,
15:19 qui était illégal parce qu'il n'était pas convoqué
15:24 et de manière conforme avec la Constitution.
15:29 Alors ce qu'on a essayé de faire, c'est d'avoir un texte qui pourrait nous permettre
15:34 de proposer un point final et de recommencer une vie quotidienne,
15:40 une solution, une proposition de coexistence en commun.
15:44 Et ça n'a pas marché parce que les catalans indépendantistes eux-mêmes,
15:47 finalement, en voulaient toujours plus, c'est ça ?
15:50 Non, pas exactement, parce qu'il y a eu une grande majorité de catalans,
15:54 y compris des catalans indépendantistes, qui soutenaient le texte.
15:58 Il y a eu un petit groupe qui n'a pas soutenu le texte
16:02 parce qu'il y a eu les droites et l'extrême droite qui voulaient encore plus.
16:06 Maintenant, on va voir, et le texte est revenu vers la section constitutionnelle
16:13 et justice, pour voir si le pays est encore fonctionné, il y aura encore un vote.
16:19 Moi je pense que c'était un horaire majuscule, bien sûr,
16:22 mais la condition du gouvernement était très claire.
16:25 C'était une proposition pour la coexistence des espagnols et des catalans
16:30 dans le cadre de la Constitution et des lois européennes.
16:34 Alors on ne peut pas aller au-delà de ça.
16:37 Merci Madame la Ministre, merci Thérésa Ribéra de cet entretien.
16:41 Merci à vous de nous avoir suivis, vous restez en notre compagnie.
16:44 À suivre tout de suite le Benelux, en fait un trio de trois pays fondateurs,
16:50 parfois frugaux, ou qui s'adonnent à l'optimisation fiscale.
16:54 Pas très solidaires tout ça, on en débat tout de suite au Parlement européen
16:58 avec des eurodéputés issus de ce fameux Benelux.
17:02 A tout de suite.
17:03 [Musique]
17:08 Merci de nous rejoindre à Bruxelles au Parlement européen
17:11 pour un débat spécial à quatre mois des élections européennes.
17:15 Un débat consacré à une région fondatrice de l'Union européenne,
17:18 le Benelux, composé de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg.
17:23 Au sein du Benelux, les Pays-Bas font partie des pays dits frugaux
17:26 qui prônent la rigueur financière et se satisfont des nouvelles règles
17:29 budgétaires européennes plus dures.
17:31 Les pays du Benelux sont également soupçonnés d'offrir une fiscalité avantageuse
17:35 aux multinationales et aux milliardaires.
17:37 Alors manque-t-il de solidarité envers les autres pays de l'UE ?
17:41 Alors aujourd'hui pour en parler, trois eurodéputés autour de nous du Benelux.
17:45 Justement, Sophie Netteveld, bonjour.
17:47 Vous êtes eurodéputée du groupe Renew au centre de l'hémicycle au Parlement européen.
17:53 Mais vous allez vous représenter aux élections européennes en Belgique.
17:57 Rappelons quelques quand même données sur votre pays d'origine, les Pays-Bas.
18:01 Ce pays compte 17,9 millions d'habitants avec un revenu médian par habitant
18:07 de 2 500 euros par mois sur le plan politique.
18:11 On est en plein gouvernement d'intérim.
18:13 Les libéraux et les chrétiens démocrates forment toujours une coalition
18:15 alors que l'extrême droite de Geert Wilders, vainqueur des dernières élections législatives,
18:20 ne parvient pas à former un gouvernement.
18:22 Et puis au Parlement européen, vous en verrez 31 eurodéputés néerlandais en juin prochain.
18:27 Pour représenter la Belgique, nous accueillons Philippe Lambertz.
18:30 Bonjour.
18:31 Vous êtes coprésident du groupe Levert ici au Parlement européen.
18:34 Vous êtes membre du parti écologiste en Belgique.
18:36 Votre pays a pour capitale Bruxelles qui est aussi la capitale européenne.
18:41 Et en ce moment, la Belgique détient même la présidence tournante de l'Union européenne
18:45 pour ce premier semestre.
18:47 Alors la Belgique en chiffre, c'est 11,7 millions d'habitants.
18:51 Le revenu médian par habitant est de 2 300 euros par mois.
18:54 Sur le plan politique, le libéral Alexandre Decroix dirige une coalition
18:58 alliant libéraux, socialistes, écologistes et chrétiens démocrates.
19:02 Et puis au terme des élections européennes en juin prochain,
19:04 la Belgique enverra 22 députés au Parlement européen.
19:08 Alors et pour représenter le Luxembourg, Isabelle Wiesler-Limat.
19:11 Bonjour.
19:12 Vous êtes eurodéputée, membre du groupe du Parti populaire européen
19:16 à la droite de l'hémicycle donc, et du Parti chrétien social au Luxembourg,
19:20 également aux affaires dans votre pays.
19:23 Alors à peine 660 000 habitants dans le Grand-Duché,
19:27 le Luxembourg est surtout le pays le plus riche d'Europe
19:31 avec un revenu médian par habitant tout de même de 3 800 euros par mois.
19:36 Les chrétiens démocrates et les libéraux ont formé un gouvernement
19:39 à l'automne dernier et le Luxembourg va élire 6 eurodéputés dans cet hémicycle.
19:43 Les Pays-Bas, pour commencer par eux, font partie de ces pays dits frugaux
19:48 qui sont contributeurs nets à l'Union européenne à hauteur de 17 milliards d'euros,
19:52 adeptes de l'austérité budgétaire.
19:55 La question de la solidarité avec les autres pays,
19:58 finalement, est-ce qu'elle agite le débat public chez vous ?
20:02 La question de la solidarité, non.
20:04 Mais je voudrais quand même faire une petite mais significative correction.
20:09 On ne représente pas nos pays, on est élus dans un pays,
20:13 mais pour un parti politique.
20:15 Pour répondre sur le fond, non, on a quand même une tradition de,
20:21 nous on ne dit pas d'austérité, mais de prudence.
20:24 Et je crois qu'en principe, ce n'est pas mauvais,
20:27 parce que laisser un charge très importante de dette aux générations futures,
20:34 ce n'est pas très solidaire.
20:36 Mais il faut aussi regarder à quoi et comment on dépense les fonds publics.
20:45 Je crois que ça, c'est une question plus importante
20:48 que de combien on va économiser ou dépenser.
20:54 Isabelle Wiesler-Lima, le Luxembourg, peut-être contrairement aux Pays-Bas,
20:58 demande souvent des rallonges budgétaires pour l'Union européenne.
21:02 Est-ce que ça veut dire que les Luxembourgeois sont prêts
21:05 à dépenser plus pour le projet européen ?
21:08 Le projet européen est vu comme un projet très important au Luxembourg.
21:12 D'ailleurs, pour nous, les ressources propres de l'Union européenne
21:16 sont un thème qui est vraiment très important.
21:19 Nous voudrions que l'Union européenne ait plus de ressources propres.
21:23 D'ailleurs, alors que le Luxembourg est souvent critiqué
21:26 pour sa politique financière, et je ne sais d'ailleurs pas pourquoi,
21:30 parce qu'on est extrêmement transparent,
21:32 nous ne sommes pas du tout contre une taxe sur les transactions financières.
21:37 Ce sont plutôt d'autres pays qui sont contre cela.
21:40 Non, je crois que le Luxembourg considère vraiment l'Union européenne
21:44 comme quelque chose d'extrêmement important,
21:47 qui fait partie de notre identité.
21:49 Et donc, on est souvent pour tout ce qui crée une Europe plus forte et plus unie.
21:57 La Belgique, dans sa contribution nette à l'Union européenne,
22:01 dépense 6 milliards de plus d'euros qu'elle n'en reçoit.
22:04 Dans ce contexte, est-ce qu'il y a finalement de la pédagogie
22:07 à faire auprès de vos concitoyens, surtout préélectorale,
22:11 sur ce que l'Union européenne leur apporte vraiment,
22:13 ou est-ce qu'ils sont satisfaits de cette contribution nette ?
22:16 Il faudrait leur demander, mais il y a une sorte de consensus
22:19 un peu atavique de la Belgique en faveur de la construction européenne,
22:23 donc ce n'est pas vraiment un truc qui est mis en cause.
22:26 Par contre, ce qui est sûr, c'est que le poids politique de la Belgique
22:30 au sein de l'Union européenne est allé s'amenuisant au fil des années,
22:34 notamment à cause des réformes de l'Etat successives
22:39 qui ont été faites dans ce pays,
22:41 et qui font que la plupart des sujets de compétence européenne
22:44 sont des sujets en Belgique de compétence partagée
22:46 entre l'Etat fédéral et les régions,
22:48 et la règle, c'est que quand il n'y a pas unanimité
22:51 entre les différentes composantes de l'Etat belge,
22:54 la Belgique s'abstient, et donc la Belgique de plus en plus
22:57 est muette au niveau européen, par choix politique, fondamentalement.
23:02 Et donc tout cela contribue à une sorte de négligence de la Belgique
23:09 à l'égard de l'Union européenne,
23:11 dans la plupart des partis belges d'ailleurs,
23:13 et c'est quelque chose que je partage beaucoup
23:15 avec mes amis eurodéputés belges,
23:17 quand on évoque l'Europe, en fait, ça n'intéresse personne.
23:20 Et donc vous avez une forme de provincialisme,
23:22 alors que la principale capitale européenne est en Belgique,
23:25 une forme de provincialisme belgo-belge,
23:28 voire sous-régionaliste, à l'intérieur de la classe politique belge,
23:31 ce qui n'est pas très jouissant.
23:32 -Alors, dans le débat budgétaire européen,
23:34 les acteurs européens se sont mis d'accord
23:36 sur de nouvelles règles plus dures pour les 27,
23:38 les pays qui ne respecteront pas la règle du déficit à 3%
23:42 et de la dette à 60% de la richesse nationale,
23:45 se verront fixer des objectifs chiffrés
23:48 de désendettement à respecter chaque année.
23:51 Sophie Innoetvelt, est-ce que ces nouvelles règles budgétaires européennes,
23:55 c'est une victoire pour les Pays-Bas,
23:57 qui font partie des pays dits frugaux au niveau financier ?
24:00 -Vous me regardez toujours comme moi, je suis responsable,
24:04 ce n'est pas le cas, mais je crois que les règles...
24:06 -Comment c'est perçu aux Pays-Bas, ces nouvelles règles budgétaires ?
24:09 -C'est un peu le contraire, je crois,
24:10 il y a un peu plus de flexibilité dans le temps,
24:13 non pas dans les critères,
24:15 mais on donne un peu plus de temps aux pays.
24:19 -Vous les voyez comme plus souples, ces nouvelles règles ?
24:22 -Je crois que la rigidité est surtout dans...
24:29 Comment dire ?
24:30 On voit ça surtout aux Pays-Bas
24:32 de façon strictement mathématique.
24:36 Quand on se souvient de la Grèce, par exemple, il y a 15 ans,
24:40 on a imposé un régime pour réduire les dettes et les déficits,
24:45 ce qui n'est pas mal, ce qui n'est pas mauvais,
24:48 mais le problème, c'est que parfois, on doit faire des investissements,
24:53 maintenant pour la transition écologique, par exemple,
24:56 mais investissement, ça veut dire qu'il y a des retours dans le futur.
25:00 En même temps, moi, je suis pas contraire
25:03 à ce qu'on regarde les dépenses actuelles
25:06 pour voir s'il y a moyen d'économiser quelque part.
25:11 Je crois que nous, on va être d'accord sur le fait, par exemple,
25:15 qu'en Belgique, ils ont supprimé des milliers
25:19 des arrêts de bus, donc transports en commun,
25:22 et en même temps, il y a des subventions énormes
25:26 pour les voitures d'entreprise et pour l'achat d'une voiture électrique
25:34 pour les gens qui ont déjà...
25:37 -Vous allez peut-être pas être d'accord avec Philippe Lambert
25:41 sur ce nouveau pacte de stabilité.
25:44 Vous avez qualifié ces nouvelles règles
25:47 de "triple suicide économique, environnemental et politique".
25:51 A quelques mois des Européennes, le message de se serrer la ceinture
25:55 et revenir dans les clous du pacte de stabilité,
25:58 c'est peut-être pas très vendeur.
26:00 -L'adoption de ces nouvelles règles budgétaires
26:03 est probablement la plus grande bourde politique
26:06 que l'Union européenne ait pu faire ces derniers temps.
26:09 On est en train de se couper les bras et les jambes
26:12 au moment où on doit surinvestir
26:14 pour rattraper un déficit d'investissement
26:17 pendant des décennies et pour préparer l'avenir
26:20 sur le plan climatique, sur le plan de la défense,
26:23 sur le plan du vieillissement de la population.
26:26 On a des investissements à faire.
26:28 Alors que la capacité d'investissement existe
26:31 en euro privé et public, nous décidons d'adopter
26:34 une forme de camisole de force juridique
26:37 qui n'a aucune raison d'être économique.
26:40 Les critères de 3,60 % que vous avez cités
26:43 n'ont aucune base scientifique.
26:45 La science économique est absente de ces débats.
26:48 -Isabelle Wiesler-Lima,
26:50 est-ce que les règles budgétaires européennes
26:53 vont freiner les investissements européens ?
26:56 -Il y a 2 choses.
26:58 Il y a le fait qu'il faut avoir une rigueur dans tout budget,
27:02 que ce soit le nôtre, le personnel,
27:05 celui de notre pays ou de l'Union européenne.
27:08 Cette rigueur doit exister
27:10 pour qu'on puisse faire les investissements nécessaires.
27:14 Mais il faut voir ce qu'on fait avec l'argent.
27:17 On a évoqué la Grèce et le Portugal,
27:20 l'austérité qui avait été imposée à ces pays.
27:23 On a vu que c'était contre-productif.
27:26 Il faut savoir quand on prend des décisions,
27:29 comment on va les appliquer,
27:31 quelles vont être les conséquences,
27:34 et savoir réagir aux conséquences qu'elles amènent.
27:37 Mais je crois que monsieur Lambert a évoqué
27:40 tous les points importants dans les investissements
27:43 qu'on doit faire.
27:45 -Je voudrais seulement dire que quand on a fait cet emprunt
27:49 qui nous a permis de "next generation EU",
27:52 c'était très clair dans quoi les investissements devaient être faits.
27:56 Ce budget-là est encore en grande partie
27:59 à disposition des différents pays.
28:02 Il est là.
28:04 Si je dis qu'il faut que ce budget-là soit utilisé avec rigueur,
28:08 je crois que c'est plus que logique.
28:11 C'est l'avenir de nos générations futures.
28:15 -Parlons du point un peu faible de ces pays,
28:18 fiscalité et évasion fiscale.
28:20 C'est un sujet dont on parle dans vos 3 pays.
28:23 En Belgique, le géant laitier Lactalis
28:26 est accusé par la justice française de faire de l'évasion fiscale
28:30 en transférant tous ses bénéfices.
28:32 L'Europe est toujours bloquée
28:34 sur la question de l'harmonisation entre les 27.
28:37 Qui aura le courage de soulever ce problème
28:40 dans la campagne des européennes ?
28:42 -La question fiscale n'a jamais été un tabou pour nous.
28:45 Nous la souleverons depuis des décennies.
28:47 J'ai été 3 fois candidat aux élections européennes.
28:50 Pendant ces 3 campagnes, j'ai amené le sujet de la fiscalité
28:53 à l'avant-plan.
28:54 Les 3 pays du Benelux sont des pays
28:56 qui font des cadeaux fiscaux aux multinationales
28:59 qui sont totalement injustifiés.
29:01 De la sorte, ils volent des recettes fiscales
29:04 à d'autres Etats membres.
29:06 -Mme Vizelarlima est en train de réagir.
29:09 -Si je peux terminer mon argument,
29:11 c'est un fait.
29:12 Quand vous localisez les profits des entreprises
29:15 aux endroits où ils ne sont pas faits,
29:18 mais comptablement vous les déplacez,
29:20 vous privez les Etats de recettes fiscales.
29:23 Le paradoxe, c'est que la Belgique
29:25 est à la fois un enfer fiscal pour ceux qui vivent
29:28 des revenus du travail et un paradis fiscal
29:30 pour ceux qui vivent des revenus du capital.
29:32 On devrait inverser la chose.
29:34 Il y a un nombre croissant d'économistes,
29:36 y compris de droite, qui disent
29:38 qu'il va falloir taxer le capital
29:40 parce que ce n'est pas possible de financer
29:42 les investissements que nous devons faire
29:44 sans que les épaules les plus larges contribuent.
29:47 C'est un sujet majeur de la campagne.
29:49 -Sophie Hennetvel, vous êtes d'accord
29:51 qu'il faut mettre fin à ces cadeaux fiscaux
29:53 au sein du Benelux ?
29:54 -Oui, je crois que c'est évident.
29:56 On peut avoir un régime fiscal intéressant,
29:59 mais ce qui se passe maintenant,
30:01 c'est que les grandes entreprises internationales
30:05 paient très peu de taxes, presque rien,
30:08 tandis que les petits gens qui bossent,
30:11 qui ont peut-être des jobs,
30:13 ils paient 40-50 %.
30:18 -Vous disiez non, non, non.
30:20 Je vous ai vu nier de la tête.
30:22 La Commission européenne a poursuivi
30:24 des multinationales comme Amazon ou le français Engie
30:27 pour des avantages fiscaux qu'elle perçoit au Luxembourg.
30:30 Elle n'a pas gagné la Cour de justice,
30:32 mais elle a donné raison au système fiscal luxembourgeois.
30:35 Le Luxembourg se dit très europhile,
30:37 vous l'avez démontré,
30:38 mais favoriser l'optimisation fiscale
30:40 aux dépens de ses voisins, c'est solidaire ?
30:43 -Non, c'est pas...
30:44 Moi, j'avais refusé le terme d'opacité
30:48 du système financier luxembourgeois,
30:51 parce que c'est pas du tout le cas.
30:53 En fait, le Luxembourg a fait des efforts énormes
30:57 en transparence.
30:58 Je dirais vraiment qu'il est le bon élève
31:01 de l'Union européenne.
31:02 Il est celui à presque toujours être le premier
31:06 à transposer toutes les directives.
31:08 Il travaille de manière extrêmement active
31:11 et proactive au niveau mondial, au niveau de l'OCDE.
31:15 Et on a vraiment une attitude au Luxembourg.
31:19 Il y a aussi cet échange automatique des données.
31:21 On a beaucoup parlé des rulings.
31:23 Ils sont communiqués aux pays d'où viennent les entreprises.
31:28 Donc, on a fait un travail énorme au niveau du Luxembourg.
31:33 Et non seulement au niveau du Luxembourg,
31:35 mais le Luxembourg joue un rôle vraiment important
31:38 au niveau des négociations de l'OCDE au niveau mondial
31:41 pour qu'il y ait le plus de transparence possible.
31:44 -Philippe Lambert, quand on entend Isabel Wiesler-Lima,
31:47 on peut se dire qu'on va aller progressivement
31:49 vers une harmonisation fiscale européenne ?
31:51 -On en est loin, mais il faudrait.
31:53 Et à la fois, Isabel Wiesler-Lima l'a mentionné,
31:56 il faut des ressources propres, ce qui veut dire en français
31:59 qu'il faut que le budget européen soit financé par des impôts européens,
32:02 ce qui résoudrait déjà une partie de l'équation.
32:05 Et puis, il faut sortir d'un régime de concurrence fiscale débridée
32:09 entre les Etats membres.
32:11 Et là, en effet, la transparence peut aider.
32:13 Et c'est vrai que sur les rescrits fiscaux,
32:15 c'est-à-dire les arrangements entre amis
32:17 faits entre les Etats et les grandes entreprises,
32:19 ce que la Belgique pratique aussi,
32:21 il y a un peu plus de transparence aujourd'hui.
32:23 Mais en contre, surtout ces véhicules d'opacité financière
32:26 que sont les fondations, les trusts, les sociétés écrans,
32:29 on avait fait des progrès, on a connu des reculs
32:32 en termes de transparence,
32:34 au nom de la protection de la vie privée,
32:36 si vous voyez ce que je veux dire.
32:38 Autrement dit, il faudrait quand même pas que les milliardaires
32:41 doivent révéler comment ils éluent de l'impôt.
32:43 Et là, franchement, je suis désolé,
32:45 mais c'est une question de solidarité nationale et européenne
32:48 que chacun paie selon ses capacités.
32:50 Et clairement, ceux qui devraient être les gros contribuables
32:53 sont ceux qui contribuent le moins.
32:55 -Sophie Nudewelt, juste un dernier mot, peut-être.
32:58 Les partis fédéralistes, centristes et verts,
33:00 sont favorables à l'harmonisation fiscale
33:02 et à la fin du droit de veto sur les questions fiscales,
33:05 mais ils sont en chute dans les sondages.
33:07 Votre discours sur plus d'Europe, ça ne porte pas, finalement ?
33:11 -Non, mais je ne suis pas d'accord du tout.
33:13 Je crois que tout le monde, surtout les jeunes,
33:16 sont convaincus de l'importance du projet européen.
33:19 Et la majorité des partis,
33:21 s'ils sont de gauche ou de droite ou centristes,
33:24 sont toujours fortement pro-européens.
33:27 -Merci beaucoup. Merci à tous les trois
33:29 d'avoir participé à ce débat spécial consacré au pays du Benelux.
33:32 -Merci à vous de nous avoir suivis.
33:34 Restez en notre compagnie. L'actualité continue.
33:37 ...

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