• il y a 10 mois
Lors de son troisième accouchement, Lucie (@babyatoutprix) a subi une expression abdominale qui a failli lui coûter la vie. Une pratique dénoncée par la Haute autorité de Santé et interdite depuis 2007. Lucie revient sur ce moment douloureux et ses répercussions, afin de dénoncer cette violence obstétricale.
Transcription
00:00 J'ai senti une douleur vraiment très violente.
00:02 J'ai dit à mon mari que ça n'allait vraiment pas,
00:05 que je savais que j'étais en train de mourir.
00:06 Il a paniqué à ce moment-là.
00:08 Je m'appelle Lucie, je suis maman de trois enfants
00:13 et je vais vous raconter mon histoire.
00:14 Le 5 octobre 2020, alors que je suis en train de terminer
00:18 ma troisième grossesse,
00:20 je sens que c'est le bon jour que je vais accoucher.
00:22 Je prends mon temps, j'ai l'habitude,
00:24 j'ai déjà eu deux petits loulous.
00:25 On rentre à la maison, on couche nos enfants, tout ça,
00:27 et on repart avec mon amoureux à la maternité.
00:30 On est bien accueillis, on est bien encadrés,
00:33 tout se passe bien, jusqu'au moment où on m'appuie
00:36 sur le ventre lors d'une poussée, sur le haut du ventre,
00:38 ce qui s'appelle une expression abdominale.
00:40 C'est un geste qui est interdit depuis 2007 en France,
00:44 qui consiste à accélérer la sortie du bébé
00:47 grâce à la pression sur le ventre.
00:49 Je savais que c'était interdit, puisque j'en ai subi une
00:52 sur ma première grossesse, sur mon premier accouchement,
00:54 qui m'avait plutôt interpellée et choquée visuellement.
00:58 De le savoir, je pensais que ça me protégeait,
01:00 mais finalement pas assez.
01:01 J'ai senti une énorme douleur sur le haut de mon ventre.
01:03 Ça m'a vraiment coupé le souffle,
01:05 et j'ai vu de suite deux mains enfoncées dans mon ventre.
01:08 J'ai demandé à ce qu'on enlève les mains de mon ventre,
01:10 chose qui n'a pas été faite, donc j'ai poussé moi-même
01:12 ces mains de mon ventre, qui étaient complètement enfoncées
01:15 comme un coussin.
01:16 Et quand les mains ont quitté mon ventre,
01:18 malheureusement, j'ai senti une douleur vraiment très violente,
01:21 et j'ai tout de suite compris qu'il y avait quelque chose
01:23 qui n'allait pas. Donc j'ai essayé de le verbaliser,
01:25 j'ai essayé d'expliquer que ça n'allait pas.
01:27 Je commençais à moins entendre, moins voir.
01:28 J'avais de fortes douleurs aux bras gauches,
01:30 au niveau de la mâchoire.
01:31 Je n'arrivais plus à respirer, je n'arrivais plus à pousser.
01:34 Sur le coup, l'équipe médicale, ce que je peux entendre,
01:37 ont cru que c'était juste la fatigue de l'accouchement,
01:40 et ont essayé de me motiver à continuer à pousser.
01:42 J'ai dit à mon mari que ça n'allait vraiment pas,
01:44 que je savais que j'étais en train de mourir.
01:46 Il a paniqué à ce moment-là.
01:47 Il a pris parole aussi, et intervenu.
01:49 Ça a un peu accéléré les choses.
01:51 Suite à tout cet affolement,
01:53 ils ont réussi à sortir Noé, mon fils,
01:56 qui était inerte à ce moment-là,
01:57 qui était complètement inconscient.
01:59 Moi, j'avais vraiment conscience
02:00 que j'étais en train de perdre connaissance,
02:01 que j'étais vraiment en train de partir.
02:02 J'ai essayé de lutter le plus longtemps possible
02:04 parce que j'avais envie de le voir se réanimer.
02:06 Malheureusement, je suis partie avant.
02:08 Mais mon mari m'a dit qu'il s'est réanimé assez rapidement
02:11 après ma perte de connaissance.
02:13 Ils lui ont coupé le cordon et il s'est réveillé.
02:15 Que je n'étais pas dans une salle adéquate,
02:17 que je n'étais pas transportable,
02:18 que je perdais énormément de sang.
02:19 Ils n'arrivaient pas, malheureusement,
02:21 à trouver d'où venait l'hémorragie.
02:22 Ils ont cru tout d'abord à une hémorragie de la délivrance.
02:25 Donc, ils ont ouvert toute la partie basse de mon ventre.
02:27 Ne trouvant pas l'hémorragie d'où provenait le sang,
02:30 ils ont appelé une équipe de chirurgiens viscérales
02:32 qui est venue en renfort,
02:34 qui a fini d'ouvrir mon ventre jusqu'en haut.
02:36 Et ils ont fini par trouver qu'effectivement,
02:38 l'artère de ma rate,
02:40 donc l'artère splénique, avait été arrachée.
02:42 Et aussi une veine principale
02:44 qui avait été aussi un peu détachée.
02:46 J'ai été plongée dans un coma
02:49 qui devait durer quelques semaines.
02:51 Malheureusement, je me suis réveillée trois fois
02:53 dès les premiers jours.
02:54 Je pense qu'inconsciemment, j'avais besoin de savoir
02:56 si mon enfant allait bien.
02:57 Je ne sais pas, ça c'est moi qui le dis,
02:58 mais je pense que ça a dû jouer.
03:00 Étant quelqu'un qui n'a pas une forte corpulence,
03:02 je crois qu'ils n'ont pas pu surmédicamenter
03:04 au-delà de ce qu'ils faisaient déjà.
03:06 Donc, ils ont pris la décision de me laisser me réveiller.
03:08 Ils ont demandé à mon mari de venir à l'hôpital
03:10 puisque du coup, je n'étais plus dans le même hôpital que mon bébé.
03:12 Je me suis réveillée,
03:13 je n'avais vraiment pas l'impression d'avoir été dans le coma.
03:15 La première chose que j'ai demandé,
03:16 c'est si mon bébé était vivant.
03:18 Donc, on m'a tout de suite dit qu'il était en bonne santé,
03:20 qu'il était resté dans l'hôpital précédent.
03:22 Donc là, je comprends que je ne suis plus dans le même hôpital.
03:24 On me demande si j'ai mal sur une échelle de 0 à 10.
03:27 Je n'arrivais pas à te reparler,
03:28 donc j'ai mis ma main sur mon ventre
03:29 pour montrer que j'avais mal au ventre.
03:31 Et c'est là que j'apprends que j'ai été opérée
03:32 parce que l'infirmière me dit
03:33 "Ah oui, mais ça c'est la laparotomie,
03:35 donc c'est le nom de l'opération qui consiste à ouvrir le ventre."
03:38 Et du coup, là, je me suis dit
03:39 "Ah, effectivement, j'ai dû louper quelques petites étapes de l'accouchement."
03:42 Ça a été quand même assez physique.
03:44 En plus, j'étais branchée au niveau du cou.
03:46 J'avais des perfusions, des tuyaux de partout.
03:49 J'avais des drains.
03:50 J'avais encore ma péridurale dans le dos
03:52 parce que j'avais des plaquettes tellement basses.
03:54 Ils ne pouvaient rien retirer en termes d'aiguilles de mon corps.
03:57 Le moindre petit truc pouvait me créer des hémorragies.
03:59 C'était assez intense comme réveil.
04:01 Je fais pas mal d'arrêts respiratoires à cause de la morphine aussi.
04:03 Et j'ai fait une sorte de réaction un peu allergique
04:06 aux perfusions et aux médicaments qu'on m'a transfusés
04:09 puisque j'avais la peau de mon corps entière qui me démangeait.
04:12 C'était assez intense.
04:13 Mon état de santé m'a beaucoup moins préoccupée que mon entourage, par exemple.
04:16 Moi, j'avais juste envie que ce soit derrière moi.
04:18 J'avais hâte de ça.
04:19 En fait, j'avais envie d'aller voir mon bébé.
04:20 Alors aujourd'hui, Noé va très bien.
04:22 Il a 3 ans.
04:23 Franchement, il n'a pas eu de séquelles du tout.
04:26 En tout cas, je n'ai pas l'impression qu'il ait eu un traumatisme, qu'il s'en souvienne.
04:29 C'est vraiment un petit garçon plein de vie, avec son petit caractère,
04:33 qui s'amuse toute la journée avec ses frères et soeurs.
04:35 C'est impressionnant ce qui m'est arrivé,
04:36 mais il y a beaucoup plus impressionnant et beaucoup plus dramatique.
04:39 Et même celles qui n'ont pas de séquelles physiques,
04:42 je sais que ça peut être vraiment choquant psychologiquement.
04:45 Certaines ont pu faire des dépressions ou des chocs post-traumatiques
04:48 juste parce que le geste visuellement est vraiment choquant et inquiétant.
04:51 De le savoir, ça ne nous protège pas, en fait.
04:53 Il faut vraiment le verbaliser, le noter dans les projets de naissance.
04:56 Même si vous le savez, verbalisez-le, écrivez-le et protégez-vous.
04:59 !

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