L'interview d'actualité - Allain Bourgain-Dubourg

  • il y a 7 mois
Ce lundi 12 février, une réunion consultative a été organisée au ministère de l'Agriculture pour présenter les pistes de prévisions du plan pour réduire les pesticides. Allain Bourgain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux, et sept autres ONG environnementales ont décidé de claquer la porte. Allain Bourgain-Dubourg nous explique pourquoi. 

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Transcript
00:00 Bonjour Alain Bougrain-Dubourg, il y a eu une réunion consultative qui était organisée au ministère de l'Agriculture
00:05 pour présenter les pistes de révision du plan pour réduire les pesticides.
00:10 Alors vous et cette ONG environnementale avez décidé de claquer la porte. Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:16 – Il s'est passé d'abord que l'exécutif a décidé de suspendre le plan éco-phyto qui est déjà en retard.
00:25 Alors il faut rappeler ce que c'est que ce plan, c'est l'idée tout simplement de réduire de 50% d'ici 2030 l'usage des pesticides.
00:34 Je rappelle que les pesticides nous empoisonnent, empoisonnent les agriculteurs, empoisonnent les citoyens, empoisonnent la nature.
00:42 Et on est déjà en retard et donc par conséquent on a souhaité, face à la demande du ministère de l'Agriculture,
00:52 de trouver de nouveaux indicateurs, je ne voudrais pas être technique mais…
00:56 – Voilà, très simplement pour que les téléspectateurs comprennent.
00:59 – Alors un indicateur c'est une façon de mesurer si oui ou non on est en train de réduire l'usage des pesticides.
01:06 On avait un indicateur qui existe depuis 2009, qui est reconnu au plan européen
01:12 et on veut nous donner un nouvel indicateur.
01:15 – Qui pour vous ne serait pas assez performant, c'est ça ?
01:19 – Non, qui n'est pas d'abord qui va être refusé par la Commission européenne et qui n'est pas performant.
01:24 L'indicateur que nous avions indique 3% de plus de l'usage des pesticides alors qu'on doit les réduire.
01:31 – Et pourtant…
01:32 – Et l'autre indicateur nous dit -30% d'usage des pesticides, voilà.
01:38 Mais plus largement, on constate que, et je voudrais souligner qu'il y a une petite musique qui nous laisse entendre
01:45 que les écolos seraient contre les agriculteurs et les agriculteurs contre les écolos.
01:51 – On a l'impression qu'on oppose un peu l'écologie et les agriculteurs.
01:53 – Eh bien c'est faux, une association comme la nôtre, la LPO, a des programmes de conservation avec les agriculteurs,
02:00 des terres et des ailes qui visent à introduire la biodiversité dans les exploitations sans baisser la production.
02:08 Évidemment, nous travaillons de concert avec les agriculteurs.
02:11 – Donc vous, vous avez un dialogue avec les agriculteurs ?
02:13 – Mais bien sûr, alors ce n'est pas toujours facile avec la FNSEA, mais globalement, c'est notre objectif.
02:22 Simplement, dans cette affaire dramatique qu'a connue l'agriculture,
02:28 eh bien on a le sentiment que c'est vraiment la question environnementale qui sert d'otage à la réponse…
02:34 – C'est quand même quelque chose que les agriculteurs ont demandé,
02:36 certains se disent pris à la gorge, ils disent qu'ils n'en peuvent plus.
02:39 – Attendez, arrêtez de détruire des haies, 24 000 km de haies détruites chaque année.
02:47 Les haies sont des lieux qui retiennent l'eau, l'érosion,
02:50 sont des lieux qui accueillent les animaux prédateurs, des ravageurs des cultures, et bien d'autres choses encore.
02:58 Quand on voit par ailleurs qu'on ne veut plus de lanceurs d'alerte,
03:02 c'est qui les lanceurs d'alerte ?
03:04 Ce sont les scientifiques, tout simplement.
03:06 – Mais sont beaux aussi les OMG, c'est ça ?
03:08 – Mais bien sûr, alors nous on souhaite maintenir évidemment ces actions,
03:12 et on se rend compte globalement que l'environnement sert encore une fois d'otage à la question agricole.
03:19 – Mais vous l'entendez quand même, cette colère des agriculteurs,
03:21 parce qu'ils ont quand même demandé cette suspension.
03:24 – Mais la colère n'est pas environnementale, la colère c'est les revenus des plus pauvres.
03:30 – Mais il parle aussi de l'usage des pesticides.
03:32 – Mais bien sûr, mais l'usage des pesticides…
03:34 – Ça n'a pas été inventé par le gouvernement, c'est une demande.
03:36 – Mais tout le monde demande…
03:38 – Pour qu'on rende parti des agriculteurs.
03:40 – À ce qu'on en finisse avec ces pesticides, mais je vais vous donner un exemple.
03:43 Les agriculteurs ont montré du doigt par exemple l'Office français de la biodiversité,
03:49 en disant que c'était sans arrêt, ils l'avaient, les gardes de la police de la nature sur le dos.
03:56 Vous savez combien il y a de gardes de la police de la nature ?
03:59 Il y en a 3 000 en France.
04:01 Vous savez combien il y a d'exploitation agricole ?
04:04 Il y en a 400 000, ça veut dire en clair qu'une exploitation est contrôlée une fois par siècle.
04:10 Alors il faut arrêter de… voilà, de baratiner, de laisser croire.
04:16 – Alors concrètement, quelles alternatives existent ?
04:18 Qu'est-ce que vous dites ce matin aux agriculteurs par rapport aux pesticides ?
04:21 – Qu'il faut continuer à travailler ensemble.
04:23 – Mais qu'est-ce qui existe comme alternative ?
04:24 – Non mais attendez, on fait de la production, peut-être il faut produire moins ?
04:28 – Vous pensez que le modèle de production n'est plus adapté à l'époque ?
04:31 – Mais qu'est-ce que vous attendez ? Qu'on soit empoisonné, que tout soit pourri,
04:36 la terre le soit également pour se dire "bah tiens on va arrêter, peut-être faut-il moins produire".
04:41 Que fait l'agriculture bio qui n'est pas soutenue comme elle devait l'être ?
04:46 L'engagement du Grenelle de l'environnement,
04:48 où je rappelle qu'il y a eu deux lois votées à l'écrasante majorité.
04:52 On ne tient pas les engagements.
04:55 Alors évidemment on se retrouve le dos au mur aujourd'hui.
04:58 – Et qu'est-ce que vous pensez du discours et des demandes de la FNSE ?
05:01 Est-ce qu'il n'y a pas un double discours finalement de leur part ?
05:04 – Bah moi je trouve qu'ils poussent le bouchon un peu…
05:06 – Parce qu'ils vont être reçus aujourd'hui à Matignon et demain à l'Élysée.
05:08 – Oui je suis au courant, je suis au courant.
05:10 Bon et on va être reçus, j'ai eu Matignon hier soir,
05:14 alors peut-être que nos effets portent, on sera reçus le 4 mars à Matignon.
05:19 – 4 mars à Matignon.
05:20 – Oui, mais voyez-vous, quand je vois qu'on doit régler un problème aussi lourd,
05:25 aussi grave, juste avant le salon de l'agriculture, c'est-à-dire dans 10 jours,
05:30 de qui se moque-t-on ? Quel genre de politique menons ?
05:33 Prenons du recul, essayons de nous écouter.
05:37 Tiens les abeilles, je serai cet après-midi à l'Assemblée nationale
05:42 avec les apiculteurs, là aussi c'est un effondrement.
05:45 – Est-ce que vous avez l'impression de ne pas être entendu
05:48 par rapport aux agriculteurs qui sont reçus, consultés, etc. ?
05:53 Ou votre parole est devenue inaudible complètement ?
05:55 – On a un ministre qui ne démérite pas, Christophe Béchu,
05:58 mais effectivement on est relégué, quand je dis "on", c'est la France, c'est la société,
06:05 c'est ça dont je parle.
06:06 – Et il reste un espoir aujourd'hui selon vous ?
06:08 – Les associations de protection de la nature, on s'en fout,
06:10 c'est l'intérêt des Français qui prédomine.
06:12 – Est-ce qu'il y a encore un espoir selon vous aujourd'hui ?
06:14 – Mais bien sûr, il y a toujours de l'espoir, bien sûr.
06:17 – Qu'est-ce que vous allez demander au gouvernement ?
06:19 – Eh bien qu'on revisite, qu'on écoute la raison, à savoir qu'on met tout en œuvre
06:27 pour réduire l'usage des pesticides, qu'on accompagne les paysans les plus pauvres
06:33 et c'est tout à fait légitime, ils sont dans une situation dramatique.
06:37 Vous savez qu'il y a deux cultures en France, deux agricultures plus exactement.
06:42 Il y a les plus pauvres qui ont eu raison de sortir dans la rue ou dans les champs
06:46 et puis il y a des grands céréaliers qui ne font pas peine, pardonnez-moi.
06:51 – Merci, on vous a entendu.
06:52 Merci Alain Bougrain-Dubourg d'avoir été avec nous ce matin.
06:55 Je vous rappelle que vous êtes président de la Ligue de protection des oiseaux.
06:58 Bonne journée.

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