100% Sénat diffuse et décrypte les moments forts de l'examen des textes dans l'Hémicycle, ainsi que des auditions d'experts et de personnalités politiques entendues par les commissions du Sénat.
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00:00 (Générique)
00:09 -Bonjour à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition
00:12 "100 % Sénat" pour suivre aujourd'hui
00:14 une audition de la Commission de la Culture et de l'Éducation.
00:17 Les sénateurs recevaient cette semaine Alain Lamassoure.
00:20 Il est ancien ministre, ancien député européen
00:24 et il est actuellement président du comité de direction
00:26 de l'Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe.
00:30 L'occasion d'évoquer le niveau des élèves français.
00:33 D'après une étude OpinionWeb pour la tribune Dimanche
00:36 et publiée le mois dernier,
00:37 près de la moitié des 16-24 ans
00:40 ignoreraient la date de la Révolution française.
00:42 Seuls 40 % d'entre eux pourraient dater
00:45 la date de la chute du mur de Berlin en 1989
00:48 et 18 % assurent ne jamais avoir entendu parler de la Shoah.
00:53 Alors, qu'en pense Alain Lamassoure,
00:55 directeur de la commission ?
00:57 -J'ai arrêté toute activité politique
00:59 depuis que je ne me suis plus représenté
01:02 au Parlement européen, il y a maintenant 5 ans,
01:05 mais j'ai voulu continuer à essayer d'être utile
01:08 à la cause de l'Europe, à la cause de la paix,
01:11 naturellement, au rayonnement de notre pays.
01:14 Et j'ai été amené à m'intéresser à l'enseignement de l'histoire
01:19 à la suite d'une série d'incidents,
01:22 en quelque sorte, ou d'événements qui m'ont beaucoup marqué,
01:26 et j'en citerai un seul.
01:28 Ca remonte à la fin des années 90,
01:32 Hongrie, qui n'était plus communiste,
01:35 qui était candidate à entrer dans l'Union européenne,
01:38 dirigée à l'époque par un gouvernement socialiste,
01:41 et où j'étais allé inaugurer des classes européennes,
01:46 c'est-à-dire financées par l'Union européenne,
01:50 en vue de diversifier le contenu
01:53 et les méthodes de l'enseignement, là-bas.
01:57 Et donc, je visite un lycée pendant les cours,
02:01 on pousse la porte d'une salle de classe,
02:04 c'était une classe de seconde, un cours d'histoire,
02:08 et on me montre le manuel.
02:12 Alors, évidemment, je ne connais pas le Hongrois,
02:15 par contre, je connais ma géographie politique,
02:18 et qu'elle n'est pas ma surprise de voir
02:20 que sur la page de garde du manuel,
02:22 il y a la carte de la Hongrie,
02:25 non pas la carte de la Hongrie d'aujourd'hui,
02:28 la carte de la Hongrie du système D-HAC de 1867,
02:33 c'est-à-dire du temps de ce que nous appelions
02:35 l'Empire austro-hongrois.
02:37 A l'époque, le territoire du royaume de Hongrie
02:40 était trois fois plus grand que celui de la Hongrie actuelle,
02:44 et il comprenait notamment toute la Croatie,
02:48 la province serbe de Vojvodina,
02:52 le Banat de Timisoara, Temesvar
02:55 et la Transylvanie, qui sont roumaines,
02:58 pratiquement toute la moitié sud de la Slovaquie,
03:04 et même une petite partie de l'Ukraine,
03:07 qu'on appelle la Ruthénie subcarpathique.
03:09 Et donc, ça m'a fait un choc,
03:12 parce que c'est exactement comme si, sur la page de garde
03:16 des manuels d'histoire en France,
03:19 on projetait la carte
03:22 de la grande nation napoléonienne de 1811,
03:26 qui comptait 130 départements,
03:29 et qui allait depuis le nord,
03:31 Hambourg, chef-lieu des Bouches de l'Elbe,
03:35 jusqu'au sud, Rome,
03:38 chef-lieu des Bouches du Tibre,
03:40 et au milieu, les départements de Genève et de Bâle en Suisse.
03:45 Evidemment, ça ne serait pas très bien ressenti
03:48 par les voisins de notre pays.
03:51 Et donc, à partir de là,
03:52 je me suis intéressé à l'enseignement d'histoire à l'école,
03:56 et je me suis demandé si,
03:59 au moins dans certains pays, pas dans le nôtre,
04:01 où le problème est différent, me semble-t-il,
04:06 l'émergence, que l'on constate, hélas,
04:10 presque partout, de partis qualifiés de populistes,
04:15 xénophobes et de plus en plus nationalistes,
04:19 n'avait pas, parmi d'autres causes,
04:22 la mauvaise qualité de l'enseignement de l'histoire à l'école.
04:25 Et donc, à partir de là, j'ai voulu y travailler.
04:29 L'Union européenne n'est pas compétente
04:34 sur l'éducation.
04:36 Son programme phare Erasmus vise à faciliter les déplacements
04:42 des étudiants, des élèves et des enseignants,
04:45 mais il n'y a aucune compétence de l'Union
04:47 sur le contenu et les méthodes d'enseignement.
04:50 Par contre, le Conseil de l'Europe,
04:52 qui est une institution plus ancienne,
04:55 qui est une institution très différente,
04:57 qui n'a pas le pouvoir de légiférer, de réglementer,
04:59 mais le pouvoir de faire des recommandations,
05:01 notamment pour transmettre, diffuser et transmettre
05:05 les valeurs communes européennes,
05:10 a, elle, compétence.
05:12 Et donc, j'ai convaincu le gouvernement
05:16 et le président de la République de proposer la création,
05:21 auprès du Conseil de l'Europe, d'un observatoire
05:24 de l'enseignement de l'histoire à l'école,
05:27 au niveau d'enseignement primaire et enseignement secondaire.
05:32 Idéalement, dans tous les pays membres du Conseil de l'Europe,
05:35 donc c'est la Grande Europe, c'est 48 pays,
05:38 et en tout cas, au moins, dans ceux des pays
05:40 qui ont accepté de jouer le jeu.
05:42 Un observatoire, proposition modeste,
05:48 il s'agit d'observer.
05:50 Proposition modeste qui est la seule susceptible
05:53 d'être acceptée par les Etats, y compris le nôtre,
05:58 vous l'évoquez dans votre propos introductif,
06:01 M. le Président.
06:06 Mais l'idée que nous avions en tête,
06:11 c'est qu'à partir de la collecte des informations
06:17 permettant de faire la description
06:19 de ce qu'est l'enseignement de l'histoire
06:22 dans les écoles d'un maximum de pays européens,
06:25 on pourrait faire des comparaisons,
06:27 et à partir de là, là où on constate
06:30 que les méthodes et les résultats,
06:34 le contenu de l'enseignement ne sont pas conformes
06:37 aux recommandations adoptées à l'unanimité
06:39 par le Conseil de l'Europe
06:40 ou par d'autres institutions internationales
06:42 comme l'UNESCO ou l'OCDE,
06:44 faire en sorte qu'il y ait une pression de la base,
06:48 une pression des premiers intéressés,
06:50 les enseignants, les étudiants,
06:52 les associations de professeurs ou d'élèves,
06:56 et bien entendu, les parlementaires,
07:00 les médias, etc., pour améliorer la situation
07:04 là où elle doit l'être.
07:06 Donc le pari, c'est que si la situation
07:10 n'est pas satisfaisante aujourd'hui,
07:11 c'est parce que tout le monde le pressent,
07:14 mais tout le monde l'ignore, en réalité,
07:16 et donc si on met au jour
07:18 un certain nombre de faits incontestables,
07:21 à ce moment-là, cela facilitera le débat
07:24 et permettra d'améliorer les choses.
07:27 Donc nous avons créé un petit organe
07:30 auprès du Conseil de l'Europe,
07:32 adossé au Conseil de l'Europe,
07:35 mais politiquement indépendant,
07:39 c'est très important,
07:40 donc juridiquement indépendant
07:43 et financièrement indépendant.
07:45 Les activités de l'Observatoire
07:47 ne sont pas financées par le Conseil de l'Europe,
07:49 mais par des contributions des Etats
07:51 qui ont accepté de jouer le jeu,
07:54 c'est-à-dire d'en faire partie.
07:56 Et donc de mettre à la disposition de l'Observatoire
07:59 toutes les informations permettant de décrire
08:00 leur système d'enseignement.
08:02 Nous avons réussi à obtenir l'unanimité des 48 pays
08:08 sur le principe de la construction de cet Observatoire
08:11 et sur ses statuts.
08:13 A l'issue d'une négociation que nous avons menée,
08:16 c'était en 2020,
08:17 entièrement sur Zoom, avec 48 pays,
08:20 ce qui n'était pas évident,
08:22 mais malheureusement, la pandémie,
08:25 qui a ruiné les finances publiques dans tous nos pays
08:27 et qui a conduit à faire des économies
08:29 ou à refuser des dépenses nouvelles,
08:30 a fait que nous nous sommes retrouvés
08:32 avec seulement 17 pays,
08:35 alors que nous espérions au départ,
08:38 avec le ministre de l'Education nationale
08:40 qui a mené cette négociation pour la France,
08:44 qui était Jean-Michel Blanquer,
08:45 en avoir, disons, deux douzaines.
08:49 Je reviendrai s'il y a des questions
08:51 sur la composition de l'Observatoire
08:55 et sur les états morts.
08:56 Mais enfin, à 17 pays, ça permet quand même
08:59 d'avoir un échantillon assez intéressant.
09:01 Et nous avons veillé à mettre en place
09:05 un conseil scientifique.
09:06 Alors, il y a, comme dans toute organisation de ce genre,
09:08 un conseil politique
09:10 où chaque gouvernement, pays membre,
09:13 nomme un représentant.
09:14 J'ai été nommé représentant par la France
09:17 et à partir de là, comme j'étais à l'origine du projet
09:19 que j'avais mené de négociation,
09:21 élu président du comité directeur politique.
09:24 Et le comité directeur politique a choisi
09:27 un conseil scientifique.
09:29 Et je suis heureux que nous ayons, à l'unanimité,
09:34 choisi des personnalités exclusivement
09:38 sur leurs références professionnelles,
09:42 puisque sur les 11 membres du conseil scientifique,
09:45 il y en a même trois qui sont originaires
09:47 et qui travaillent dans des pays
09:49 qui ne sont pas des pays membres de l'Observatoire.
09:51 Nous avons même une Australienne.
09:54 Et nous avons travaillé...
09:57 Alors, sous...
09:59 C'est le conseil scientifique qui a travaillé
10:03 avec la méthode suivante,
10:06 en envoyant des questionnaires détaillés
10:08 aux administrations d'éducation des États membres,
10:12 permettant d'avoir une photographie
10:14 d'un système d'enseignement,
10:15 depuis qui c'est qui est en charge
10:18 de définir les programmes,
10:19 quel est évidemment le contenu des programmes,
10:21 comment sont choisis et formés les professeurs,
10:25 quel est le statut des manuels,
10:27 est-ce qu'il y a liberté de manuel, liberté de choix,
10:30 quelle est la marge de manoeuvre des enseignants,
10:33 y a-t-il des problèmes
10:35 que les enseignants rencontrent en salle de classe ?
10:38 Alors là, nous avons envoyé un second questionnaire
10:40 directement aux enseignants.
10:42 Et nous avons eu plusieurs dizaines de milliers de réponses,
10:47 donc statistiquement, ces réponses ont une valeur scientifique,
10:50 et nous avons ensuite collecté,
10:53 quand je dis "nous", c'est le conseil scientifique,
10:55 c'est pas le comité politique que je préside,
10:57 j'ai beaucoup veillé, nous avons veillé
11:00 à la neutralité politique parfaite de l'exercice
11:03 et à sa qualité scientifique,
11:05 et sous l'autorité du conseil scientifique,
11:09 la synthèse a été faite
11:13 sur la base des réponses de ces questionnaires.
11:17 Nous avons publié notre premier rapport
11:19 sur la situation dans les 17 pays.
11:21 Parallèlement, nous nous sommes intéressés aussi,
11:25 mais là, nous n'avons pas publié,
11:26 mais je vais pouvoir en faire état devant vous,
11:28 à ce qui se passe dans les pays qui ne sont pas membres.
11:31 Nous avons beaucoup d'informations,
11:34 parce que rien n'est confidentiel
11:39 sur le contenu des programmes
11:42 qu'on peut lire au journal officiel
11:45 et sur le statut des manuels.
11:47 Les manuels, on peut les procurer en librairie.
11:49 Il y a des organismes,
11:51 comme l'Institut Georg Eckert
11:54 à Brunswick, en Allemagne, en Basse-Saxe,
11:58 qui collationnent depuis la dernière guerre
12:04 tous les manuels de tous les pays européens
12:06 et sur Internet, tous les programmes.
12:09 Donc, on peut savoir aussi,
12:12 y compris avec les archives du Conseil de l'Europe,
12:14 ce qui se passe dans les autres pays.
12:18 Et donc, je vais évoquer devant vous
12:20 les principaux enseignements de notre rapport,
12:22 mais aussi au-delà, si vous le permettez,
12:24 M. le Président,
12:25 la manière dont nous pouvons percevoir aujourd'hui
12:30 la situation sur l'ensemble du continent européen.
12:32 Nous avons eu d'abord des...
12:36 Nous avons retiré de cela un certain nombre d'enseignements
12:41 qui peuvent être intéressants du point de vue technique
12:44 pour les ministères d'Education,
12:45 sur les méthodes pédagogiques
12:47 et notamment sur l'existence de...
12:50 de problèmes communs, en fait,
12:55 qui ne sont pas réglés
12:56 et qui handicapent l'enseignement de l'histoire.
12:59 C'est notamment le problème de la formation initiale des professeurs
13:03 sur l'usage des nouvelles technologies,
13:07 qui sont de moins en moins nouvelles, d'ailleurs,
13:08 de l'information, qui se renouvellent sans arrêt maintenant
13:11 avec notamment l'intelligence artificielle,
13:13 et là, c'est un problème énorme,
13:16 parce que sur l'enseignement de l'histoire,
13:19 comme dans toutes les autres disciplines,
13:21 l'irruption d'Internet, de Wikipédia, etc.,
13:26 constitue une véritable révolution
13:27 à laquelle les professeurs ne sont pas bien préparés.
13:32 Même chose pour la formation continue des professeurs,
13:37 parce qu'un autre élément très intéressant de l'histoire,
13:41 c'est les progrès de l'histoire scientifique.
13:43 Avec l'ouverture des archives,
13:45 notamment des archives des guerres mondiales,
13:49 avec aussi la multiplication des universités
13:52 et des travaux universitaires.
13:54 Autre point commun extrêmement intéressant,
13:58 la difficulté qu'on rencontre dans presque tous les pays
14:04 pour évoquer certains sujets devant certains publics.
14:08 Alors, évidemment, nous, en France,
14:10 nous avons tout de suite à l'esprit
14:12 la tragédie de Samuel Paty,
14:15 celle qui est plus récente d'un professeur de littérature,
14:18 et nous savons et nous avons documenté
14:24 les difficultés qu'on rencontre vis-à-vis de certains publics,
14:27 notamment des enfants d'origine ou de confession musulmane.
14:33 Mais ça n'est pas spécifique à la France,
14:36 ça n'est pas spécifique au public musulman.
14:40 Et on a rencontré le cas d'un pays d'Europe de l'Ouest
14:45 où on ne peut pas enseigner la Shoah
14:50 devant des classes de petits chrétiens
14:54 parce qu'il y a des réactions violentes,
14:58 soit pour nier la Shoah, soit pour s'en réjouir.
15:02 Dans d'autres pays, notamment des pays d'Europe,
15:09 d'Europe centrale-orientale,
15:10 c'est un problème que la France ne connaît pas,
15:14 ou dit ne pas connaître,
15:16 l'histoire des minorités, des communautés minoritaires,
15:21 non religieuses, mais ethniques.
15:24 Enfin, elles sont parfois religieuses, comme en Bosnie,
15:28 mais régionales, etc.
15:30 Donc c'est un point qui est important à savoir.
15:32 Dernier problème commun,
15:34 et là, c'est pour moi un grand sujet de surprise,
15:37 c'est que dans tous nos pays,
15:39 on déplore la mauvaise qualité de l'enseignement de l'histoire.
15:43 Il y a des réformes tous les ans ou tous les deux ans.
15:46 Dans aucun de nos pays,
15:48 on ne mesure le niveau des connaissances historiques
15:51 à la fin de l'enseignement secondaire.
15:53 Alors certes, l'histoire est une matière du baccalauréat,
15:58 mais on ne publie pas,
16:00 on ne collationne pas, on ne tire pas d'enseignement
16:04 du résultat des notes en histoire au niveau du baccalauréat.
16:08 Pour ça, je dirais, ce sont des...
16:11 des enseignements un peu plus techniques que politiques,
16:19 mais au-delà de tout ça, il y a un enseignement politique,
16:25 l'Assemblée parlementaire éminente,
16:27 c'est ça qui nous intéresse le plus,
16:29 qui est les difficultés communes...
16:34 ou spécifiques à certains pays.
16:37 La 1re difficulté qui nous est commune,
16:40 et je vais peut-être vous surprendre,
16:42 c'est que nous vivons dans un âge qu'en Europe,
16:46 notamment parmi les pays membres de l'Union européenne,
16:49 nous vivons à juste titre comme l'âge de la paix.
16:54 Or, l'histoire en tant que discipline
16:57 a enseigné à l'école,
17:00 est née partout,
17:01 au 19e siècle,
17:03 en même temps que les nations,
17:07 et toutes nos nations, sans exception,
17:10 sont nées dans la guerre, par la guerre et pour la guerre.
17:14 Et quand elles se sont transformées en Etats
17:17 ou que l'aspiration pour devenir des Etats
17:19 a commencé à se manifester fortement,
17:21 on a enseigné l'histoire aux enfants,
17:24 qui était une histoire nationaliste.
17:26 Michelet relue aujourd'hui la prose,
17:29 du point de vue de la littérature, c'est magnifique,
17:32 sur le contenu, ça fait sourire.
17:34 Et un Allemand, un Allemagne,
17:37 Ranke, son homologue, écrivait les choses identiques,
17:40 mais c'est la même chose dans tous nos pays.
17:43 Donc enseigner l'histoire, c'était facile,
17:45 il y avait nous et eux.
17:47 Eux, c'était les autres, donc les ennemis,
17:50 et on enseignait à nos garçons,
17:53 accessoirement aux filles,
17:56 les exploits héroïques de leurs ancêtres,
18:00 de manière à ce qu'ils soient prêts, eux aussi,
18:03 à aller mourir le moment venu pour la patrie.
18:06 Et ça, ça a été jusqu'en 1939,
18:09 dans tous nos pays.
18:11 Aujourd'hui, nous concevons les choses
18:15 de manière assez différente.
18:17 En Europe, notamment en Europe de l'Ouest,
18:20 notamment au sein de l'Union européenne.
18:24 C'est-à-dire qu'il n'y a plus nous et eux.
18:26 Il y a nous, nous et nous.
18:28 Il y a nous,
18:30 fiers d'être citoyens français,
18:35 qui avons besoin et qui aspirons à connaître
18:39 le passé de notre pays.
18:41 C'est notre identité.
18:43 Il y a nous, Européens,
18:45 qui appartenons à une civilisation commune,
18:48 dont nous avons besoin de connaître
18:50 les formidables réalisations dans le passé,
18:53 les pages très sombres aussi.
18:56 Je ne citerai que la colonisation
18:58 et, naturellement, les deux guerres mondiales et l'Holocauste,
19:01 dont nous, Européens, sommes les premiers responsables
19:03 et les premières victimes.
19:05 Et dont les valeurs
19:08 que nous pensions être de valeur universelle
19:12 sont maintenant contestées
19:13 par une partie du reste du monde
19:16 et les armes à la main par la Russie
19:19 de Vladimir Poutine.
19:21 Et puis nous,
19:23 ce que Villon appelait les frères humains,
19:26 c'est-à-dire tous les 8 milliards d'humains,
19:31 qui sont désormais connectés par Internet les uns avec les autres,
19:34 qui sont soumis au même danger planétaire d'origine humaine,
19:38 que ce soit le réchauffement climatique
19:40 ou le risque d'apocalypse nucléaire,
19:43 et qui aspirons, évidemment,
19:45 à faire bénéficier
19:49 le monde entier des acquis,
19:52 de la partie positive des acquis de l'expérience européenne.
19:55 Donc, enseigner l'histoire avec le "nous, nous, nous",
19:59 sachant que le reste du monde n'a pas la paix en tête,
20:04 mais considère que la guerre peut être la continuation de la politique
20:07 par d'autres moyens, selon la fameuse formule de Clausewitz,
20:11 c'est évidemment beaucoup plus difficile.
20:13 Et concilier la fierté nationale et l'identité nationale
20:17 avec la tolérance de ce qui se passe dans les pays voisins,
20:22 la compréhension que les pays voisins
20:24 ont beaucoup de points en commun avec nous,
20:27 mais ont aussi des différences,
20:29 et que l'interprétation même de certains droits fondamentaux
20:31 n'est pas la même dans tous les pays, même de l'Union européenne,
20:36 c'est quelque chose qui est assez difficile à admettre
20:39 et, en plus forte raison, assez difficile à enseigner.
20:44 Et je dirais que face à cette difficulté,
20:47 il y a deux tentations qu'il faut éviter.
20:50 Alors là, je vais permettre la coquetterie
20:56 de citations littéraires.
20:59 La tentation,
21:01 George Orwell, l'auteur de "1984",
21:05 avec cette formule cynique,
21:09 "Qui maîtrise le présent maîtrise le passé,
21:14 "et qui maîtrise le passé maîtrise l'avenir."
21:17 Et donc, les dictateurs ont tout à fait compris
21:21 que leur pouvoir repose d'abord sur la réinvention du passé.
21:27 Et là, nous avons malheureusement
21:31 des pays qui succombent à cette tentation,
21:38 c'est-à-dire présenter le passé sous un éclairage
21:40 qui est favorable à leur pouvoir actuel.
21:44 Et nous avons, sur l'ensemble du continent européen,
21:47 des pays qui tendent à succomber à cette présentation
21:50 que je qualifierais diplomatiquement
21:53 de "chauviniste de l'histoire".
21:56 Chauvinisme pouvant aller jusqu'au nationalisme.
22:01 Avec ceci s'observant,
22:08 pas simplement dans la partie centrale
22:12 et orientale du continent européen,
22:13 mais parfois dans certaines régions d'Europe de l'Ouest.
22:19 Je pense à des pays qui ont décentralisé
22:23 la compétence en matière d'éducation
22:25 auprès de régions,
22:27 et dont les régions sont contrôlées politiquement,
22:30 dans des conditions démocratiques,
22:31 par des partis nationalistes régionaux.
22:33 C'est le cas en Espagne,
22:36 nous connaissons ça avec Max Brisson,
22:38 en Catalogne et au Pays basque.
22:40 C'est le cas en Belgique, avec la Flandre.
22:44 La première ligne du programme d'histoire de Flandre,
22:50 c'est "En Flandre, nous enseignons une histoire nationaliste".
22:53 Il y a le mot en flamand, je ne sais pas comment ça se traduit.
22:58 C'est le cas en Irlande.
23:01 Le Scottish National Party n'existait quasiment pas.
23:08 C'était une curiosité il y a 20 ans.
23:11 20 ans après la mise en place de la dévolution
23:14 qui fait qu'en Écosse,
23:17 le programme d'enseignement est décidé à Edinburgh,
23:20 tout d'un coup, on voit ce parti devenir le parti dominant en Écosse.
23:25 Et puis, il y a l'autre tentation.
23:30 Il y a l'autre tentation,
23:32 et là, je citerai Paul Valéry,
23:34 cette phrase assez curieuse et assez terrible,
23:37 "L'histoire est le poison le plus puissant
23:42 "inventé par le cerveau de l'esprit humain."
23:46 Et donc, selon cette crainte, en quelque sorte,
23:54 certains pays
23:56 allant tirer la conclusion que le passé, il valait mieux ne pas en parler.
24:03 Parce que c'était trop abominable.
24:06 Qu'en outre, les Européens avaient une responsabilité toute particulière,
24:12 pour ne pas dire unique.
24:14 Là, on tombe dans l'idéologie woke,
24:17 dans tous les malheurs de l'humanité.
24:19 Et que donc, il vaut mieux ne pas enseigner le passé
24:23 pour ne pas faire peser sur les frêles épaules de nos enfants
24:26 toutes les calamités de l'humanité, surtout en Europe.
24:29 Et donc, on n'enseigne pas.
24:32 On n'enseigne pas l'histoire
24:34 au sens d'une chronologie,
24:36 au sens d'une série d'événements qui ont des causes,
24:41 qui se manifestent d'une manière particulièrement frappante
24:46 lorsqu'il y a des guerres, des crises, des révolutions,
24:49 et qui ont des conséquences.
24:53 Or, évidemment, si on n'enseigne pas l'histoire,
24:58 l'histoire du XXe siècle,
25:00 l'histoire des traités de paix d'après la Première Guerre mondiale
25:04 et l'histoire de la conclusion de la guerre froide,
25:09 comment nos enfants peuvent-ils comprendre
25:15 ce qui se passe aujourd'hui entre la Russie et l'Ukraine,
25:17 ou ce qui se passe aujourd'hui, que vous allez commémorer tout à l'heure,
25:20 hélas, monsieur...
25:22 Enfin, tant mieux pour la commémoration,
25:25 mais hélas, évidemment, pour la tragédie,
25:27 entre Israël et la Palestine,
25:30 ou les Palestiniens.
25:34 Donc, ça, voilà, si vous voulez,
25:38 la difficulté commune.
25:41 Combiner enseignement national,
25:45 l'identité nationale et la volonté de paix,
25:48 de tolérance, d'ouverture au reste du monde.
25:52 Et puis, alors, il y a des difficultés particulières à certains pays.
25:56 Et notamment, il faut comprendre
25:59 que nous, vieilles démocraties solidement racinées,
26:04 nous ne sommes pas dans la même situation que d'autres pays
26:09 qui sont des démocraties plus récentes,
26:13 moins solides, parfois plus fragiles,
26:16 et de vieilles nations dont les Etats sont jeunes,
26:20 et dont la démocratie est encore plus jeune,
26:22 c'est-à-dire après la fin de la guerre froide,
26:25 et pas toujours complètement stabilisée.
26:28 Pour citer quelques cas, la Pologne.
26:31 Comment voulez-vous éviter que l'histoire de la Pologne,
26:35 vue de Pologne, soit une martyrologie ?
26:38 À partir du moment où ce mal repayé a été,
26:41 au XVIIIe siècle, découpé en trois,
26:44 à trois reprises par les empires voisins.
26:47 Au XIXe siècle,
26:51 soumis à la dictature russe,
26:55 et en partie pour la Galicie,
26:58 au pouvoir autoritaire,
27:00 qui était moins pénible à subir,
27:04 donc de l'Autriche-Hongrie.
27:07 Et surtout, évidemment,
27:09 qui a été, au XXe siècle,
27:12 le champ de bataille des deux monstres, Hitler et Staline.
27:16 J'ai eu un jour un échange avec le remarquable Bronislav Geremek,
27:24 héros de Solidarność, qui était franco-polonais,
27:28 qui enseignait à la Sorbonne, grand historien,
27:30 sur l'histoire de la Pologne.
27:33 Il me disait, "Alain, tu es bien gentil,
27:36 "mais quelle légitimité as-tu pour parler de la Pologne ?"
27:40 Nos deux pays ont commencé la dernière guerre le 1er septembre 1939.
27:45 Ils l'ont fini le même jour, le 8 mai 1945.
27:48 Entre les deux, 6 millions de morts en Pologne.
27:51 6 millions de morts. 600 000 Français.
27:54 Nous étions alliés.
27:56 6 millions de morts. 3 millions de juifs, 3 millions de non-juifs.
28:00 Bon.
28:03 Alors, ça ne légitime pas les dirigeants polonais
28:06 pour raconter ce qu'ils veulent sur l'histoire de la Pologne,
28:09 mais ça nous oblige à comprendre quand même,
28:11 quand nous parlons à des Polonais, que...
28:13 Autre exemple, la Slovaquie.
28:17 Chaque pays a besoin d'enseigner son passé,
28:21 et aussi d'en être fier, quelque part.
28:24 Même si, bien sûr, il y a des pages sombres dans notre passé.
28:29 La Slovaquie est née pour la première fois
28:32 lorsque la Tchécoslovaquie s'est cassée en deux,
28:36 à l'initiative de M. Tizot, qui était un prélat,
28:42 mais qui s'est voulu le fureur slovac.
28:47 Et qui, pendant la guerre, ensuite,
28:49 s'est lancé dans une compétition avec Hitler
28:52 pour savoir quel est celui qui ferait disparaître
28:56 la plus grande proportion des juifs de son territoire.
28:59 Bon.
29:00 Sachant qu'après, il y a eu, à la fin de la guerre,
29:04 une tentative de révolte
29:07 contre le régime de M. Tizot, qui a échoué.
29:11 Et qu'en fait, les nazis ne sont partis...
29:14 L'occupation nazie n'a été remplacée que par l'occupation communiste.
29:18 Et que le divorce de la partie tchèque
29:21 et de la partie slovaque de la Tchécoslovaquie
29:24 n'a pas été décidé par le peuple,
29:25 mais par les deux premiers ministres de l'époque
29:28 qui se sont entendus.
29:30 C'est évidemment extraordinairement difficile.
29:35 Un dernier exemple, la Macédoine.
29:38 La Macédoine du Nord.
29:40 Quand ce pays est devenu indépendant en 1991,
29:43 tous ses voisins l'ont contesté.
29:48 Ses voisins serbes contestaient son existence.
29:50 Ses voisins albanais contestaient sa consistance,
29:55 sa composition.
29:57 Ses voisins grecs contestaient son nom.
29:59 Problème qu'ils ont réglé depuis.
30:01 Et ses voisins bulgares contestaient et contestent toujours
30:05 l'existence même de sa langue.
30:08 En considérant qu'il n'y a pas de langue macédonienne,
30:10 il n'y a qu'une langue bulgare circulée, il n'y a rien à voir.
30:15 Et donc j'en arrivais...
30:16 C'est comme ça que quand on additionne
30:19 les problèmes communs à tous nos pays
30:21 et que l'on comprend que certains pays ont des difficultés
30:28 plus que d'autres et ont besoin de temps,
30:33 on a un panorama qui n'est pas particulièrement brillant.
30:36 Je termine par les deux pires exemples.
30:39 Je termine, je suis quelqu'un de tempérament
30:43 et naturellement optimiste, mais je termine sur une note
30:46 très noire, plus sur Pierre Soulages
30:48 que sur le bleu de Yves Klein.
30:51 Mais dans les échanges, j'aurai l'occasion
30:56 de remonter le moral si cela était nécessaire.
30:59 Mais au Sénat, on sait faire la part des choses.
31:04 L'horreur absolue.
31:05 Deux exemples.
31:07 La Bosnie, aujourd'hui.
31:10 Quand il y a eu la guerre civile de Bosnie,
31:12 vous vous en souvenez, on a été obligés
31:14 de faire appel aux Américains
31:17 pour mettre fin aux exactions des Serbes.
31:22 Et l'Union européenne est intervenue à pris coup
31:24 pour reconstruire tout ce qui avait été détruit,
31:26 notamment les bâtiments publics,
31:27 notamment les bâtiments scolaires.
31:29 Et nous avons mis comme condition élémentaire
31:33 au financement de cette reconstruction
31:35 que désormais, les enfants des trois communautés
31:39 qui s'étaient fait la guerre,
31:40 qui étaient d'ailleurs des communautés religieuses,
31:42 ce ne sont pas des communautés ethniques différentes.
31:43 Ethniquement, c'est les mêmes populations.
31:46 Mais pour des raisons historiques,
31:48 des religions différentes.
31:49 Les enfants des trois communautés
31:52 seraient scolarisés dans les mêmes locaux.
31:56 Et donc, si vous allez aujourd'hui à Sarajevo,
31:58 à Bagnaluka, vous vérifierez qu'en effet,
32:02 tous les enfants sont dans les mêmes locaux.
32:03 Sauf que, au rez-de-chaussée,
32:06 vous avez par exemple les petits musulmans,
32:08 au premier étage, les petits orthodoxes,
32:10 au deuxième étage, les petits catholiques.
32:12 Et que chacun arrive à l'école avec dans son cartable
32:16 un manuel d'histoire dans lequel on lui apprend
32:18 que ses parents auraient été tués
32:20 par les parents du dessus ou par les parents du dessous.
32:26 Et l'autre exemple,
32:28 qui va peut-être surprendre davantage
32:29 et scandaliser encore plus,
32:31 c'est l'Irlande du Nord.
32:34 Autant en Irlande du Sud,
32:35 l'enseignement de l'histoire est remarquable,
32:37 il est complètement apaisé,
32:39 autant en Irlande du Nord.
32:42 Vous allez à Belfast ou à Londonderry,
32:46 vous constaterez que non seulement
32:48 il y a encore plus de murs et de fils de fer barbelés
32:51 qu'avant l'accord qui avait mis fin à cette guerre civile
32:55 qu'ils appelaient les troubles du Good Friday,
32:59 du vendredi saint 98.
33:03 Mais les petits catholiques vont toujours aux écoles catholiques,
33:07 les petits protestants vont toujours à l'école protestante
33:10 et ils apprennent que leurs parents ont été tués
33:12 par les parents de l'école voisine.
33:15 Ce qui veut dire qu'il y a en Europe
33:17 des pays ou des régions,
33:18 aujourd'hui, en 2024,
33:21 où l'enseignement de l'histoire
33:24 sert à entretenir à feu doux
33:27 les haines nationales
33:29 qui ne demanderont le moment venu,
33:32 c'est la crainte, qu'à repartir à feu vif.
33:36 C'est le rôle que jouait l'enseignement de l'histoire,
33:38 même chez nous, en 1939.
33:41 Et donc, alors que nous avons réalisé,
33:44 en Europe de l'Ouest,
33:46 au sein de l'Union européenne,
33:47 et en partie, en grande partie, à mon sens,
33:50 grâce à la construction européenne,
33:52 cette paix miraculeuse entre nos pays,
33:56 cette réconciliation entre nos peuples,
33:59 si, et c'est ce que j'évoquais,
34:01 ce que vous évoquiez dans votre introduction,
34:04 M. le Président,
34:06 si nous n'y prenons pas garde,
34:07 nous risquons de voir nous succéder
34:11 une génération faite de nationalistes,
34:14 d'amnésiques, et d'ailleurs, au passage,
34:16 d'ignorants complets
34:18 de ce qu'a été la construction européenne.
34:20 Je vous remercie.
34:22 Effectivement, plusieurs sénateurs,
34:26 et vous-mêmes, ont relevé cette différence,
34:28 ce gouffre qui existe
34:32 entre les travaux universitaires
34:35 et ce qui se passe à l'école.
34:37 Et une des choses qui m'a énormément surpris,
34:39 lorsque j'ai commencé à réfléchir aux problèmes,
34:41 j'ai rencontré
34:43 un assez grand nombre de grands noms
34:49 parmi les historiens français, les chercheurs,
34:51 ceux qui publient,
34:53 ceux qui sont connus internationalement,
34:56 et quand je leur ai présenté
34:58 les premières conclusions,
35:01 préconclusions de nos travaux,
35:02 ils étaient totalement hurris,
35:04 parce que je me suis rendu compte
35:05 que même les meilleurs spécialistes français
35:08 de pays, d'autres pays européens,
35:10 qui connaissent à fond l'histoire
35:13 des autres pays européens,
35:14 qui sont en contact permanent avec leurs homologues
35:17 du monde entier, notamment des pays qu'ils étudient,
35:20 ne s'intéressent absolument pas
35:22 à ce qui se passe dans les salles de classe de ces pays.
35:24 Et donc, quand je montre le panorama global
35:28 en disant, vous savez,
35:30 on est entre le nationalisme et l'amnésie,
35:33 affolement.
35:34 Alors, il y a un autre phénomène,
35:39 mais là, sur cet autre phénomène,
35:40 je vais donner une interprétation tout à fait personnelle
35:43 qui n'est pas du tout celle d'un historien.
35:45 Moi, je suis un... Enfin, vous savez, un politique.
35:48 J'ai besoin de l'histoire pour faire de la politique,
35:52 dans le bon sens du terme,
35:54 c'est-à-dire pour conforter la réconciliation
35:56 entre nos peuples.
35:58 Pour le reste, donc, la préoccupation,
36:00 au fond, derrière l'Observatoire,
36:02 c'est la qualité de l'enseignement,
36:04 de la pédagogie, etc.
36:06 Mais c'est aussi s'assurer
36:08 que, conformément aux recommandations adoptées,
36:11 qui sont remarquablement rédigées
36:13 par le Conseil de l'Europe,
36:14 parfois, d'ailleurs, par l'Union européenne,
36:17 par l'UNESCO, etc.,
36:19 l'histoire est enseignée à partir de faits prouvés,
36:24 documentés, vérifiés.
36:27 Deuxièmement,
36:28 c'est que l'histoire est enseignée
36:33 dans une perspective de la multiperspectivité,
36:35 c'est-à-dire en écoutant le récit de l'autre
36:38 et avec la volonté de réconcilier les autres.
36:41 Enfin, de réconcilier les uns et les autres.
36:44 Et, puisque c'est une compétence nationale,
36:49 et ça le restera pendant longtemps,
36:52 s'assurer que ces récits nationaux différents
36:57 laissent émerger une...
37:03 Alors, quel est le bon mot ?
37:04 Une civilisation, une culture,
37:06 une communauté d'esprit européenne.
37:10 C'est ça qu'est la préoccupation.
37:16 Or, au niveau universitaire,
37:18 au moins dans le cas de la France,
37:20 l'impression que j'ai comme consommateur d'histoire,
37:24 pas comme historien,
37:26 c'est qu'en fait, il y a deux écoles
37:29 qui rivalisent, et rivalisent en qualité,
37:32 ce qui est excellent,
37:33 mais qui, du coup, appauvrissent les autres approches.
37:37 Il y a, je simplifie abominablement,
37:40 les historiens vont me taper dessus,
37:42 il y a l'école mondialiste,
37:47 Boucheron, donc, histoire mondiale de la France.
37:53 Et puis, il y a l'histoire Pierre Norin,
37:56 nationalocentrée,
37:58 alors absolument pas nationaliste,
38:00 on ne peut pas accuser Pierre Norin d'être nationaliste,
38:03 mais qui pousse à s'intéresser
38:05 à ce que sont les origines historiques, culturelles
38:09 de la nation française, de la République française,
38:12 de l'Etat français,
38:14 les monuments, les grands ouvrages,
38:17 les traités de paix, etc.,
38:18 y compris la régionalisation.
38:21 Et entre les deux, il n'y a pas l'Europe.
38:23 -Très bien.
38:25 Et alors, j'invite Max
38:27 à faire comme moi,
38:29 alors évidemment, il faut attendre...
38:32 Tous les mois de décembre, quand je fais le Père Noël,
38:35 je vais à la plus grande librairie de chez nous,
38:38 qui est la FNAP.
38:39 Et j'aime...
38:41 Mais vous pouvez le faire pas loin d'ici,
38:44 à la librairie des sciences politiques, rue Saint-Guillaume.
38:47 J'ai fait le même exercice
38:48 devant le directeur de Sciences Po, il y a un ou deux mois.
38:52 Je lui ai dit "Venez, vous ne croyez pas, venez.
38:55 "Regardez ce qu'il y a en vitrine.
38:57 "Pas un titre sur l'histoire de l'Europe.
39:01 "Pas un titre sur la construction européenne."
39:04 Dans les... À la FNAP de Bayonne,
39:06 tous les ans en décembre,
39:08 rayon histoire,
39:10 je compte le nombre de livres sur les principaux sujets.
39:14 Chaque année, il y a un sujet à la mode.
39:17 Alors, ça a été...
39:20 Quand il y a eu le centenaire de...
39:22 Enfin, l'anniversaire de la paix en Algérie,
39:26 ça a été, évidemment, l'année dernière,
39:29 l'histoire de l'Algérie, l'histoire de la colonisation,
39:32 une dizaine de titres.
39:33 L'année d'avant, c'était le centenaire
39:35 ou le bicentenaire de la mort de Napoléon, 2021.
39:38 Donc...
39:39 Une douzaine de titres de Napoléon.
39:43 Tous les ans, tous les ans,
39:45 plus de 50 titres, nouveaux,
39:49 sur la Deuxième Guerre mondiale.
39:51 50 titres sur la Deuxième Guerre mondiale,
39:55 80 ans après.
39:57 Et là-dedans, plus de la moitié des titres sur la Shoah.
40:03 80 ans après.
40:06 Bon, tant mieux.
40:08 Sur l'Union européenne, rien.
40:11 Biographie d'un grand Européen, rien.
40:13 Zéro, pas un seul titre.
40:17 Pourquoi pas de titre ? Ca n'intéresse pas les éditeurs.
40:20 Et il n'y a pas de travaux de recherche là-dessus.
40:23 Je reviens sur Sciences Po Paris,
40:25 qui est un des grands centres d'enseignement
40:28 de l'histoire contemporaine.
40:30 Ce n'est que cette année
40:32 que l'histoire de la construction européenne
40:35 redevient une matière obligatoire à Sciences Po.
40:38 Ce qu'elle était quand j'ai fait Sciences Po, ça remonte à quelque temps.
40:41 Et donc, il n'y a pas d'intérêt, aujourd'hui,
40:45 de la recherche en France.
40:48 Et là, c'est la même chose ailleurs,
40:50 sur l'histoire de l'Europe et de la construction européenne.
40:54 Je donne un seul exemple,
40:56 en faisant écho à ce que disait tout à l'heure M. Zulias.
41:02 Le grand historien américain Timothy Snyder,
41:05 qui vient de faire paraître, la version française de son dernier ouvrage,
41:09 "La route de l'esclavage" vient de paraître. C'est un régal.
41:12 Et en même temps, quelque chose d'inquiétant.
41:15 Timothy Snyder remarque que les Européens,
41:19 s'enfermant dans des histoires vues d'un point de vue national,
41:24 ne prennent pas conscience du fait qu'il y a eu des phénomènes européens
41:29 avant même la construction européenne.
41:31 Et que, par exemple, les révolutions de 1848,
41:34 c'est la première manifestation d'une opinion publique européenne
41:37 et d'une aspiration européenne à la liberté, à l'égalité,
41:41 et aussi, d'ailleurs, à la constitution de nations.
41:45 Mais quand on regarde Emmanuel Le Chacalon de nos pays,
41:47 la France ne parle que de la révolution de 1848,
41:51 et les autres pays font rigoureusement de même.
41:56 Chose plus surprenante, en tout cas qui, moi, m'a surpris.
42:01 Timothy Snyder, encore une fois, historien américain,
42:07 considéré comme un des meilleurs aujourd'hui,
42:11 dit que les Européens ne sont pas conscients du fait
42:13 que le plus ancien des peuples européens
42:17 qui survient encore aujourd'hui,
42:18 alors, ce n'est pas les Gaulois, effectivement, qui ont disparu,
42:24 c'est le peuple juif.
42:25 Le peuple européen le plus ancien, qui est toujours là,
42:30 malgré les efforts d'Hitler et d'autres,
42:34 c'est le peuple juif.
42:36 Et comme il n'y a pas d'histoire de l'Europe,
42:38 on n'enseigne pas l'histoire du peuple juif.
42:40 Voilà.
42:41 Donc, il y a ce problème que l'on rencontre partout,
42:46 de la manière de faire prendre en compte
42:50 par l'enseignement secondaire et primaire.
42:55 Et je suis complètement d'accord avec ce qui a été dit
42:59 sur l'importance de l'école primaire
43:05 pour l'enseignement de l'histoire.
43:06 En fait, c'est en CM2,
43:10 c'est en CM2 qu'il faut apprendre les bases de l'histoire
43:15 et les personnes et les personnalités.
43:19 Parce que ça, on s'en souvient sentimentalement toute sa vie.
43:22 Le reste, on l'apprend intellectuellement.
43:25 Mais, alors là, on tombe autant de pays, autant de situations.
43:29 Il y a des pays dans lesquels, notamment l'Allemagne
43:34 et je ne sais pas pourquoi l'Estonie,
43:36 où on n'apprend pas l'histoire en primaire.
43:40 Ça ne commence qu'en seconde.
43:43 Et il y a au moins un pays
43:49 où on n'apprend l'histoire qu'en primaire.
43:52 Ce qui n'est pas idéal non plus, qui est l'Irlande du Sud.
43:56 Pour des raisons liées à l'histoire de la négligence d'Irlande,
43:58 je n'ai pas le temps d'élaborer là-dessus.
44:01 Mais, voilà. Donc, ça, il y a nettement la nécessité
44:08 de mieux veiller à ce qu'il y ait une courroie de transmission
44:12 entre les apports de la recherche,
44:14 et y compris, ça peut paraître paradoxal aux non-initiés,
44:18 sur les temps les plus anciens,
44:21 il y a des progrès réguliers
44:28 qui ne sont pas pris en compte par l'enseignement.
44:35 Alors, comment s'assurer
44:39 que cette dimension plurinationale,
44:43 notamment européenne, soit mieux prise en compte ?
44:47 J'ai longtemps cru qu'une bonne approche serait
44:50 de mettre des Européens de tous les pays autour de la table
44:53 pour qu'ils se mettent d'accord sur un récit commun.
44:57 J'avais même constitué un groupe,
44:58 quand j'étais ministre des Affaires européennes,
45:01 un groupe d'étudiants, d'universitaires,
45:03 prestigieux, de tous les pays de l'époque,
45:05 pour essayer de faire un texte commun.
45:07 Je me suis rendu compte que c'est une erreur absolue.
45:11 Parce que si on élabore une histoire de l'Europe
45:15 par un comité d'historiens,
45:17 mis à part les auteurs de cette histoire,
45:20 tout le monde se raconte.
45:22 Les autres historiens seront furieux, bien entendu,
45:25 et puis, les opinions publiques.
45:28 Ça, ça va être, ah ben oui, l'histoire sainte de l'Europe,
45:31 saint Jean Monnet ou saint Robert Schuman,
45:33 qui d'ailleurs va peut-être finir par être béatifié.
45:36 Mais non, c'est pas ça du tout.
45:40 Ce qu'il faut...
45:41 Et alors, là, on tombe sur le problème
45:43 relevé par plusieurs d'entre vous,
45:44 le fait que les programmes d'histoire
45:46 sont déjà surchargés,
45:48 s'il faut élargir l'histoire des pays voisins.
45:52 Là, la recommandation que je fais...
45:55 Alors, il y a eu l'approche, ça a été cité par l'un de vous,
45:58 du manuel franco-allemand.
46:01 Le manuel franco-allemand, qui est une histoire commune,
46:05 histoire contemporaine des deux derniers siècles,
46:07 19e, 20e,
46:09 avec un texte identique, des illustrations identiques,
46:13 des commentaires identiques à la langue prête,
46:15 c'est-à-dire c'est traduit rigoureusement de la même manière.
46:18 C'est très intéressant, sauf que, un,
46:22 ça a été un très petit succès de librairie.
46:26 Pourquoi ?
46:28 Parce que les professeurs sont libres de choisir leur manuel.
46:32 Et les professeurs ne l'ont pas choisi.
46:34 Sauf dans les écoles, les lycées qui délivrent la Bibac,
46:40 à la fois l'Abitur et le baccalauréat français,
46:42 qui sont des écoles bilingues, ou dans les écoles européennes.
46:45 Et puis, deuxième raison,
46:47 ce manuel, il n'a jamais été mis à jour.
46:50 Or, en Allemagne,
46:53 l'éducation, le contenu des programmes,
46:55 le statut des manuels, etc.,
46:57 sont de compétence des régions, des lenders.
47:00 La fédération, le Bund, a l'interdiction,
47:04 il y a le mot "verboten" dans la constitution allemande,
47:08 dans la Grundgesetz, de s'occuper d'éducation.
47:11 Et, bon, alors, en France, les ministres de l'Éducation
47:14 ont tendance à changer assez fréquemment.
47:19 Et ils changent les programmes.
47:22 Et donc, et puis les lenders,
47:24 les programmes ne sont pas les mêmes que les lenders.
47:26 Donc, du coup, ce manuel a été peu choisi,
47:31 mais le simple fait qu'il ait existé
47:35 et que quelques-uns des meilleurs enseignants français et allemands
47:38 pendant deux ans se soient mis en sorte
47:42 pour se mettre d'accord sur la manière de raconter le passé,
47:44 c'est un formidable exemple de réconciliation des mémoires.
47:49 Max évoquait à juste titre
47:51 la différence entre l'histoire et la mémoire,
47:55 qui est un point fondamental.
47:57 Et donc, plutôt que d'essayer d'avoir une histoire commune
48:02 à tous les pays européens ou à un certain nombre de pays,
48:05 ma recommandation, c'est, à travers la multiperspectivité,
48:10 le croisement des regards, prendre quelques exemples.
48:14 Par exemple, le 11 novembre 1918,
48:20 comment cela a-t-il été vécu en France
48:24 et dans les principaux pays concernés ?
48:27 Je prends cet exemple parce que c'est, ça m'a surpris,
48:31 le sujet qui a été le plus difficile à traiter
48:34 pour les auteurs du manuel franco-allemand.
48:38 C'est très curieux. Pourquoi ?
48:40 Parce qu'en France, on en garde souvenir de la victoire,
48:43 mine de rien, la dernière victoire de l'armée française.
48:47 Victoire acquise à un prix humain considérable,
48:52 mais enfin, grande victoire.
48:54 En Allemagne, au contraire,
48:56 c'est le souvenir de ce qu'ils ont appelé
48:58 le coup de poignant dans le dos.
49:00 En Allemagne est née à ce moment-là la légende
49:03 selon laquelle c'est le pouvoir politique
49:05 qui était en déliquescence à Berlin,
49:08 qui avait supplié les alliés de l'armistice,
49:12 alors que l'armée allemande avait quand même encore
49:16 un million de soldats sur le sol français
49:18 et qu'il n'y avait pas encore une seule paire de bottes françaises.
49:22 Côté allemand, il voit dans le 11 novembre,
49:25 et sa mauvaise interprétation,
49:27 le début d'un processus abominable
49:29 qui a conduit après la République de Weimar à Hitler.
49:34 Alors, plutôt que d'essayer de se mettre d'accord
49:40 sur un récit commun,
49:42 il faut écouter le récit de l'autre.
49:44 En France, voilà comment ça a été vécu.
49:46 En Allemagne, voilà les conséquences.
49:48 Et en Pologne,
49:50 la Pologne, dans un premier temps, avait fait du 11 novembre
49:53 la fête nationale,
49:55 parce que c'est à ce moment-là que la Pologne a reconquis
49:59 son indépendance qu'elle avait perdue depuis plus d'un siècle.
50:03 Engrie, ça a débouché sur la catastrophe du traité de Trianon,
50:08 perte de 2/3 du territoire et de 2/3 de la population.
50:12 Donc c'est un jour de deuil.
50:14 Par contre, en Roumanie, pour la raison inverse,
50:18 c'est aussi une fête nationale.
50:20 Et en Espagne, ils l'enseignent pas,
50:23 car l'Espagne n'a pas participé à la Première Guerre mondiale.
50:27 Donc il faut comprendre ça et croiser les regards.
50:32 Alors, Mme Olivier...
50:34 ...suggère qu'on doit, à l'école,
50:41 apprendre aux enfants à lire les réseaux sociaux
50:44 et à faire la part des choses.
50:47 -C'est très intéressant,
50:49 parce que c'est l'approche allemande de l'enseignement d'histoire.
50:53 Et la différence d'origine, depuis, ça s'est beaucoup rapproché,
50:59 entre l'approche française et l'allemande, est la suivante.
51:03 En France, on enseignait l'histoire pour enseigner des connaissances.
51:07 Voilà ce qui s'est passé dans le passé.
51:09 Autant que possible, chronologiquement.
51:12 Là-dessus, il y a eu des hauts et des bas.
51:14 En Allemagne, on enseignait l'histoire
51:17 pour enseigner des compétences.
51:20 Parce que comme l'Allemagne, après 1945,
51:24 l'Allemagne de l'Ouest, avait honte de son passé,
51:27 de son passé du 19e, aussi du passé du 20e,
51:31 mais aussi du 19e, parce que, bon, c'est quand même
51:34 un passé très nationaliste, et quand on remonte
51:36 à la Prusse de Frédéric II, c'était pas idéal non plus.
51:40 Donc, ils ont voulu former des citoyens
51:42 qui soient capables de résister à la propagande officielle.
51:45 Et donc, ils apprennent un peu la formation des historiens.
51:49 Ils forment des petits historiens.
51:51 Vérifier l'origine des sources, les croiser, les compléter,
51:55 interpréter les documents, voilà.
51:59 Et donc, c'est ça qu'il faut faire.
52:01 Ce qu'il faut maintenant, idéalement,
52:03 c'est l'appliquer à ces sources d'information
52:06 extraordinairement nombreuses et trop souvent empoisonnées,
52:09 que sont les réseaux sociaux,
52:12 le conseil que je donne.
52:15 Le nombre des membres,
52:17 donc, jusqu'à présent, a été limité à 17.
52:21 Alors, nous avons été victimes, au départ,
52:24 pour en avoir davantage de la pandémie,
52:26 des conséquences de la pandémie,
52:28 et puis s'est produit aussi un problème,
52:30 c'était, nous étions en 2019-2020,
52:34 donc avant la guerre de 2022,
52:37 mais après 2014,
52:39 l'annexion de la Crimée par la Russie.
52:42 Et donc, il s'est produit un phénomène assez curieux,
52:44 très intéressant, c'est que la présence de la Russie,
52:48 qui a voulu être parmi les pays fondateurs,
52:51 et naturellement, qu'on n'a pas exclus, a priori,
52:54 alors, on les a exclus depuis 2022,
52:58 a dissuadé les pays voisins de la Russie
53:00 de joindre l'observatoire,
53:02 parce qu'ils se sont dit, s'il y a les Russes,
53:04 c'est biaisé d'emblée.
53:05 Par contre, la présence de la Turquie,
53:08 qui a voulu faire partie des pays fondateurs,
53:10 a encouragé les pays voisins à faire partie de l'observatoire.
53:13 Et ça, c'est très intéressant, et ça rend optimiste pour l'avenir,
53:18 parce que,
53:20 sont venus me voir l'un après l'autre,
53:22 et sans s'être concertés,
53:24 le représentant de la Turquie,
53:27 puis le représentant de l'Arménie,
53:29 et quand ceci se produisait,
53:31 c'était dans une des périodes chaudes
53:33 entre l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, et l'Arménie,
53:38 en me disant, bon,
53:40 comme il faudra quand même un jour qu'on réconcilie nos mémoires,
53:45 si on veut aboutir à des relations diplomatiques normales
53:47 entre nos pays,
53:49 ça serait pas mal qu'on travaille ensemble.
53:53 Et ça, c'est tout à fait intéressant.
53:54 Depuis la guerre d'Ukraine,
53:59 évidemment, le sentiment vis-à-vis de la Russie a complètement changé.
54:02 Donc, du coup, l'Ukraine est devenue membre de l'Union européenne,
54:06 de l'Union européenne, de l'observatoire.
54:08 La Moldavie a fait le premier pas avec le studio d'observateurs.
54:12 Je vais m'y rendre prochainement
54:14 pour enteriner l'entrée de la Moldavie,
54:16 et je vais me rendre en Pologne,
54:20 maintenant que le changement de gouvernement en Pologne
54:22 va rendre les contacts plus faciles.
54:26 Et donc, j'ai bon espoir que nous allons pouvoir
54:30 compléter notre échantillon.
54:32 En Allemagne, nous nous heurtons à un problème depuis l'origine
54:38 que je n'ai pas pu surmonter,
54:42 qui est la compétence des lenders,
54:45 mais avec aussi l'obligation d'avoir l'accord de Berlin
54:48 parce que les lenders sont entièrement compétents
54:50 sur le contenu des programmes,
54:52 mais ils n'ont pas le droit de signer des accords internationaux.
54:55 Mon petit organe, c'est quand même un organe international.
54:58 Et donc, l'adhésion sera juridiquement un traité
55:03 qui ne pourrait être signé qu'à Berlin.
55:05 Donc, il faut qu'ils se mettent d'accord.
55:06 Alors, quand je rencontre les lenders,
55:10 ils me disent, si ça ne tenait qu'à nous, oui,
55:12 mais c'est Berlin qui ne peut pas.
55:14 Et quand je rencontre Berlin, ils me font la réponse contraire.
55:17 Bon, ce que je souhaite,
55:18 c'est qu'à l'occasion d'un sommet franco-allemand,
55:23 on en parle au plus haut niveau,
55:24 parce que depuis la guerre d'Ukraine
55:26 et les motifs qui en ont été donnés,
55:28 comme cela a été rappelé par le président Poutine,
55:32 enfin, le fait...
55:34 Evidemment, c'est une action à long terme,
55:37 mais enfin, le fait de mettre en place un système
55:40 qui consolidera la reconciliation entre nos peuples
55:42 plutôt que d'encourager des pays à faire comme la Russie
55:45 et à raconter n'importe quoi sur le passé,
55:46 ça devient d'une importance considérable,
55:50 même pour nos dirigeants, même dans les pays
55:52 où le contenu des programmes est décidé
55:55 au niveau régional.
55:57 Voilà. Alors...
56:03 Alors, la question posée par M. Chantrel
56:06 sur la...
56:08 la labellisation des manuels.
56:13 Alors, sur le statut des manuels, il y a tous les systèmes.
56:16 Donc, en France et dans très peu de pays,
56:19 il y a liberté totale.
56:21 N'importe qui d'entre nous peut écrire un manuel
56:23 s'il trouve un éditeur,
56:24 et n'importe quel professeur peut le choisir.
56:27 A l'autre bout, il y a des pays
56:28 avec un seul manuel obligatoire par niveau de classe.
56:32 Y compris des pays qui sont des démocraties,
56:36 qui marchent pas mal, mais où...
56:37 Bon, je vous laisse juger.
56:41 Et puis, il y a toutes les gammes intermédiaires.
56:44 La solution la plus fréquemment retenue,
56:46 c'est la labellisation,
56:49 simplement, alors c'est le cas en Allemagne,
56:52 simplement pour s'assurer que le manuel traite bien
56:56 le programme du cours de l'année.
56:58 C'est tout. Sans entrer sur la manière dont il le traite.
57:02 Ca ne pose aucun problème dans ces pays.
57:04 Personne ne l'a jamais contesté.
57:06 Donc, je prends pas parti sur...
57:12 des projets éventuels.
57:14 Simplement, je constate que sans labellisation,
57:17 ça marche très bien en France.
57:19 Et là, c'est l'ancien homme politique qui parle.
57:22 Changer un truc qui marche,
57:24 on a déjà suffisamment de mal à changer ce qui marche pas.
57:27 Enfin, voilà.
57:29 Bon.
57:31 Alors, je voudrais peut-être achever...
57:39 Attendez, j'ai pas tout traité, je m'en excuse.
57:43 Mais si vous avez d'autres questions,
57:44 je pourrais répondre par écrit.
57:46 Mais je voudrais achever par des...
57:48 En revenant, d'ailleurs, à des propositions
57:50 assez d'entre vous.
57:53 Sur des recommandations,
57:55 qu'à titre personnel,
57:57 je pense qu'il serait utile de faire
57:59 au niveau de l'Union européenne,
58:00 pour les membres de l'Union européenne.
58:03 Conseil de l'Europe, bon.
58:05 Mais les membres de l'Union européenne.
58:08 D'abord, je pense...
58:10 Alors, oui, je pense à l'Union européenne,
58:12 d'autant qu'en ce moment même,
58:14 votre homologue, avec qui vous devez être en contact,
58:17 du Parlement européen, travaille sur le sujet.
58:21 Avec l'idée de faire des recommandations.
58:23 Et donc, ils m'ont auditionné,
58:25 j'ai donné un certain nombre de suggestions.
58:29 Moi, je trouve que ça serait bien
58:30 si tous les pays de l'Union européenne
58:31 s'engageaient à enseigner l'histoire.
58:34 Or, certains d'entre eux ne l'enseignent plus.
58:37 Et l'histoire, ça veut dire chronologique.
58:39 C'est pas simplement un flash sur un événement,
58:44 ou sur une réforme, ou sur une révolution,
58:45 à un moment donné.
58:47 Comprendre l'enchaînement des événements.
58:51 - Voilà pour cette audition d'Alain Lamasour,
58:53 le président de l'Observatoire
58:55 de l'enseignement de l'histoire en Europe.
58:57 N'hésitez pas à lire les décryptages,
58:59 à voir les replays sur notre plateforme,
59:01 c'est publicsena.fr.
59:03 Très belle suite des programmes sur Public Sénat.
59:06 (Générique)
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