• il y a 10 mois
Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, alors ministre de la Justice, s’exprimait devant le parlement lors du débat sur la peine de mort. L’avocat, décédé ce vendredi 9 février, avait activement oeuvré à son abolition, finalement adoptée quelques semaines plus tard, le 9 octobre 1981.

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Transcription
00:00 J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée Nationale
00:08 l'abolition de la peine de mort en France.
00:11 Et je dis simplement en rappelant la phrase de Jaurès, puisqu'elle évidence en vous sa parole n'est pas éteinte.
00:23 La peine de mort est contraire à ce que l'humanité depuis 2000 ans a pensé de plus haut et rêvé de plus noble.
00:34 Elle est contraire à la foi, à l'esprit du christianisme et à l'esprit de la révolution.
00:41 Et nous savons bien que certains vous diront qu'en votant l'abolition,
00:48 vous méconnaîtriez la démocratie parce que vous méconnaîtriez l'opinion publique.
00:55 Il n'en est à rien.
00:58 Le pays a élu une majorité de gauche dans le programme de laquelle figurait cette disposition.
01:11 Ce faisant, le pays, en connaissance de cause, savait qu'il approuvait un programme législatif
01:21 dans lequel se trouvait inscrit au premier rang des obligations morales l'abolition de la peine de mort.
01:30 A cet instant, lorsque vous la voterez, c'est ce pacte solennel, celui qui lie l'élu au pays,
01:41 celui qui fait que le premier devoir de l'élu est le respect de l'engagement pris avec ceux qui l'ont choisi.
01:49 C'est cette démarche-là de respect du suffrage universel et de la démocratie qui sera la vôtre.
01:57 Il n'a jamais, jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l'absence de la peine de mort
02:10 dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante.
02:17 Seule pour la peine de mort, on invente l'idée que la peur de la mort retient l'homme dans ses passions extrêmes.
02:25 Ce n'est pas exact. Et puisque vous avez prononcé tout à l'heure le nom de deux condamnés à mort et de deux exécutés,
02:34 je vous dirai pourquoi, est-ce que plus qu'aucun autre, je sais qu'il n'y a pas dans la peine de mort de valeur dissuasive.
02:42 Sachez bien que dans la foule qui a trois criait au passage de Buffet de Bontemps autour du palais de justice
02:51 "A mort Buffet, a mort Bontemps", se trouvait un jeune homme qui s'appelait Patrick Henry.
02:58 Croyez-moi, à ma stupéfaction quand je l'ai appris, j'ai compris ce que ce jour-là pouvait signifier la valeur dissuasive de la peine de mort.
03:13 La mort et la souffrance des victimes, ce terrible malheur. La mort et la souffrance des victimes pour le partisan de la peine de mort
03:26 appellent comme une contrepartie nécessaire, impérative, une autre mort et une autre souffrance.
03:36 À défaut, disait un ministre de la justice récent, l'angoisse et la passion nées dans la société par le crime ne seraient pas apaisées.
03:48 Cela s'appelle, je crois, le sacrifice expiatoire.
03:52 Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction.
03:59 La première est qu'il existe des hommes totalement coupables, c'est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes.
04:11 Et la deuxième, c'est qu'il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité, au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir.
04:25 Eh bien, arrivé à cet âge de ma vie, l'une et l'autre affirmation me paraissent également erronées.
04:36 Aussi terrible, aussi odieux que soient leurs actes, il n'est point d'homme en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement.
04:52 Et quant à la justice, aussi prudente soit-elle, aussi mesurée, embrassée que soient les femmes et les hommes qui jugent,
05:05 rien ne peut changer que cette justice soit humaine et par conséquent faillible.

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