• il y a 9 mois
Marie Portolano reçoit ce matin Erik Orsenna et Julien Denormandie. L'écrivain et l'ancien ministre chargé du Logement publient le livre Nourrir sans dévaster. Le livre traite de leur passion commune : l'agriculture. 

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Transcription
00:00 C'est une belle présentation, non ?
00:02 C'est très sympa, comme d'habitude, je suis été le matin.
00:05 Bonjour à tous les deux.
00:06 Chechoué nous a invité ce matin puisque vous publiez ce livre
00:08 "Nourrir sans dévaster" chez Flammarion.
00:10 Il sort aujourd'hui.
00:11 Alors, ça traite de votre passion commune qui est l'agriculture.
00:14 C'est un livre qui a été écrit à quatre mains.
00:16 On va se plonger évidemment dans le propos très intéressant de ce livre.
00:19 Qui a proposé à l'autre ?
00:21 Ensemble.
00:22 Oui, je crois que c'était nous.
00:23 Vous avez eu l'idée tous les deux ?
00:24 Oui, oui, c'est l'amitié à un moment donné.
00:26 On se dit tiens, pourquoi ?
00:27 Parce qu'il est ingénieur agronome, moi je suis prof d'économie des matières premières.
00:32 Il a été ministre, on ne m'a proposé que le ministère de la culture.
00:36 Donc je suis jaloux de ce mec.
00:38 Et vous, vous êtes jaloux d'Éric Orsen ?
00:40 Non, et moi j'avais dit à Éric…
00:41 Quand on compare les physiques, évidemment, il n'a pas à être jaloux.
00:44 J'avais dit à Éric, ce serait formidable qu'on puisse mettre des mots sur cet amour en commun.
00:49 Mais en bon ingénieur que je suis, écrire un livre me paraissait complètement impossible.
00:53 Et Éric m'a dit, puisque c'est impossible, faisons-le et faisons-le ensemble.
00:57 Vous avez été complémentaire.
00:58 Ça sort donc en pleine crise agricole.
01:00 Éric Orsen, je vous ai entendu dire que ce livre est bien meilleur
01:03 que le plan du gouvernement pour lutter contre la crise.
01:06 Est-ce que vous l'avez envoyé au chef de l'État ?
01:08 Écoutez, il l'a reçu parce qu'il est très bien informé, grâce à M. Darmanin.
01:13 Est-ce que vous l'aviez vu venir, cette crise agricole ?
01:16 Écoutez, on sentait qu'il y avait une tension depuis toujours.
01:19 Autrement, on n'aurait pas fait ce livre.
01:21 On sentait que ces gens à qui nous devons l'essentiel,
01:24 c'est-à-dire notre nourriture, sont maltraités.
01:27 Donc on sentait ça depuis toujours.
01:30 Parce que moi, j'accompagne ce monde agricole depuis toujours.
01:36 Quel est votre regard aujourd'hui sur ce qui se passe ?
01:38 Est-ce que vous soutenez le mouvement de cette crise agricole ?
01:41 Il y a plusieurs anecdotes dans le livre,
01:43 notamment un chapitre que nous avons écrit l'été dernier,
01:46 qui s'appelle, dont le titre est "On marche sur la tête".
01:50 Il s'avère que ça a été le mot d'ordre repris par le monde agricole
01:54 de manière complètement distincte,
01:56 puisque le livre n'était absolument pas publié à l'époque.
01:58 Donc, par cette anecdote, ça montre à quel point on comprend,
02:01 on soutient ce ressentiment du monde agricole.
02:06 On explique également ce livre qui est vraiment un voyage,
02:09 qui part des plaines du Cantal en passant en Neu-Éloire,
02:12 en allant en Vendée, mais aussi à l'étranger, en Ukraine, en Égypte, au Brésil.
02:17 Il est rempli de dialogues, de moments de vie,
02:20 notamment ces agriculteurs qu'on rencontre en Neu-Éloire,
02:23 et qui nous disent, vous savez, moi, il y a 10 ou 15 ans,
02:26 quand j'étais avec mon tracteur sur la route,
02:28 les personnes levaient la main pour me saluer et me remercier.
02:32 Désormais, quand je suis sur la route avec mon tracteur,
02:34 on me klaxonne pour me mettre sur le bas-côté.
02:36 Et je crois que par cette anecdote, ça veut dire beaucoup aussi
02:38 du ressenti du monde agricole.
02:40 Ce chapitre, donc "On marche sur la tête",
02:42 on voit qu'il y a quand même une différence.
02:44 Il y a deux mondes aujourd'hui, quand on voit les bénéfices de total,
02:48 en 2023, 21,4 milliards, et cette crise du monde agricole,
02:51 des gens qui nous nourrissent, qui ont du mal à se nourrir.
02:54 C'est extraordinaire de voir notre relation avec l'essentiel.
02:57 On l'a bien vu, il se trouve qu'à l'Académie française,
02:59 je suis investisseur de pasteur, je suis ambassadeur de pasteur.
03:01 On voit qu'il a fallu une pandémie pour qu'on voit que le soin était l'essentiel.
03:07 Eh bien, le soin, c'est aussi la nourriture.
03:10 Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es.
03:12 Et on a oublié, et à chaque fois qu'on doit arbitrer,
03:14 on doit arbitrer contre les agriculteurs.
03:16 Toujours moins cher, toujours moins cher, toujours moins cher.
03:19 Donc ça, ce n'est pas possible.
03:20 – Vous avez été consulté sur la crise, sur ce qui se passe en ce moment.
03:22 Il paraît que Gabriel Attal vous a passé un coup de fil.
03:25 – Disons que moi, j'ai cette chance d'avoir, je crois,
03:27 la confiance des acteurs politiques et des acteurs du monde agricole.
03:31 Donc, quand je pouvais aider, parce que j'avais cette confiance des deux côtés,
03:36 je le faisais avec plaisir.
03:38 Mais vous savez, pendant cette crise,
03:40 beaucoup d'agriculteurs ont dit "on ne joue pas à armes égales".
03:44 Et je crois que c'est très vrai.
03:45 Et ce livre, "Le Monde", par ses voyages notamment à l'étranger,
03:48 nous sommes allés en Ukraine.
03:50 En Ukraine, on était chez cette exploitante qui s'appelle Larissa,
03:54 qui est à la tête d'une exploitation de 20 000 hectares.
03:57 Je dis bien 20 000 hectares.
03:59 Nous sommes avec Eric, des amoureux des haies,
04:01 qu'on essaye de mettre de plus en plus dans nos champs.
04:05 Larissa nous expliquait "mais oui, moi aussi j'ai des haies".
04:07 On lui disait "mais où est-ce qu'elles sont ?"
04:10 "Bah, elles sont juste là-bas".
04:11 Et le champ était tellement vaste que nous ne les voyions pas.
04:14 Et je crois que c'est important, parce que ce livre,
04:17 c'est aussi un éclairage sur la réalité des choses,
04:19 sur la complexité, comment on peut mieux appréhender
04:22 les enjeux auxquels font face le monde agricole et ses acteurs,
04:27 pour mieux les accompagner.
04:29 Alors, la question centrale de votre livre,
04:31 c'est comment nourrir toujours plus d'humains sans dévaster la planète.
04:35 Concrètement, quand on parcourt votre livre,
04:37 on comprend que c'est possible.
04:38 En fait, c'est un livre plutôt optimiste.
04:40 Très optimiste.
04:41 Si vous voulez, d'abord, on essaye, par ce voyage,
04:46 de tracer le chemin de la réconciliation.
04:48 Oui, c'est ça.
04:49 C'est ça, la réconciliation.
04:51 C'est quand même inouï qu'on voyait la France,
04:53 qui a sans doute les terroirs les plus riches,
04:55 les plus divers du monde entier,
04:58 importe la moitié de ses fruits et légumes.
05:01 Mais là aussi, on marche sur la tête.
05:03 Donc, il faut réconcilier avec nos possibilités.
05:05 Quand on entend le mot « produire », « productiviste »,
05:09 comme si c'était une injure.
05:10 Mais si on ne produit pas, qui on va nourrir ?
05:13 Est-ce qu'on va nourrir les Français ?
05:15 Est-ce qu'on va nourrir aussi le reste du monde ?
05:17 Et on donne vraiment des pistes de solutions
05:19 qui, pour certaines, ne sont pas nouvelles,
05:21 mais qu'on essaye de mettre pour lutter contre tout simplisme
05:24 qu'on voit souvent dans les débats,
05:26 et appréhender cette complexité.
05:28 L'une des pistes de production,
05:29 c'est vraiment cette approche par le sol.
05:31 Vous savez, le sol, c'est ce qu'on a de plus fabuleux,
05:33 probablement, assurément, en agronomie.
05:36 Et on fait ce voyage au pays du sol
05:39 pour comprendre ces agricultures,
05:41 comme celle de conservation du sol,
05:43 le rôle des bactéries, le rôle des racines,
05:45 comprendre qu'on a créé des sociétés où il était.
05:49 C'est un exemple parmi tant d'autres.
05:51 Souvenez-vous, avant qu'on ait nos téléphones portables,
05:54 on avait tous les cartes bleues et jaunes.
05:56 Vous savez, la carte bleue pour aller faire les balades,
05:58 et la carte jaune que vous aviez dans la boîte à gants de vos voitures.
06:00 Sur ces cartes, vous avez les maisons en noir,
06:03 les fleuves en bleu, les forêts en vert,
06:05 et le sol en blanc, comme si le sol c'était vide.
06:08 Or, le sol, c'est ce qui nous permet peu de produire.
06:11 - Mais comment aujourd'hui, on peut manger ce qu'on produit, nous ?
06:15 Parce qu'il y a quand même énormément d'importations.
06:17 D'ailleurs, comment...
06:18 - Parce que c'est le diktat du toujours moins cher.
06:22 Toujours moins cher.
06:23 Toujours moins cher et toujours moindre revenu pour les agriculteurs.
06:26 - Donc, il faudrait concrètement qu'on puisse accepter de payer plus
06:28 pour se nourrir mieux ?
06:29 - En tout cas, il faut sortir d'une folie qui a, y compris,
06:32 été une erreur politique fut un temps, qui était de dire
06:35 le pouvoir d'achat des Français va être financé
06:37 par le portefeuille des agriculteurs.
06:40 Ça, c'est folie, mais vraiment folie.
06:41 Après, il faut mettre sous pression l'ensemble des acteurs
06:44 de la chaîne alimentaire, au premier rang desquels
06:46 la grande distribution.
06:48 Mais surtout, il faut, et c'est ce qu'on appelle,
06:50 et on termine ce livre par un dialogue fabuleux
06:52 avec Edgar Morin, un grand avocat de la complexité des choses,
06:56 et on appelle à ce pacte de réconciliation.
06:58 En disant, reconnaissons la valeur à cette alimentation,
07:01 à ces agriculteurs, comprenons les difficultés,
07:04 voyons et luttons contre les inégalités,
07:08 notamment vis-à-vis des matières importées.
07:11 Voilà, c'est tout ce chemin qu'on essaie de décrire.
07:13 - Et vive la science, vive la science, encore et toujours,
07:15 vive la science, parce qu'il y a plein de solutions
07:17 qui viennent de la nature elle-même.
07:19 - Et ce livre apporte des solutions.
07:21 Merci de ce qui était passionnant de vous entendre.
07:23 - Oui, c'est bon, oui.
07:24 - Le livre est un voyage, c'est vous qui le dites.
07:26 - Oui, et bon appétit.
07:28 - Et bon appétit.
07:29 Nourrir sans dévaster, de Éric Orsena et Julien Denormandie.
07:32 Merci d'être venu nous parler.
07:33 - Merci à vous.
07:34 - Merci à vous.

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