"Il existe un Twitter parallèle dédié presque exclusivement à la pornographie explicite et librement accessible aux mineurs" (CSA)
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00:00 Vous avez donc mené une étude de grande ampleur sur les contenus pornographiques sur X, le réseau social Twitter,
00:05 et vous avez fait des constats qui sont assez inquiétants.
00:07 Oui, tout à fait. Ce qu'on a pu remarquer, effectivement, à base de ces quatre mois de monitoring,
00:12 c'est qu'il existe véritablement une sorte de Twitter ou de X parallèle,
00:16 dédié quasi exclusivement à la diffusion en libre accès, donc en particulier pour les mineurs,
00:21 de contenus pornographiques tout à fait explicites.
00:24 Est-ce que c'est une évolution qui est récente ?
00:26 Alors c'est surtout quelque chose dont on se rend davantage compte aujourd'hui.
00:28 Pendant très longtemps, ce phénomène d'un X pornographique ou d'un Twitter pornographique
00:33 est largement passé sous la détection, en tout cas sous les radars.
00:36 Le CSA s'en est rendu compte, mais il n'y a pas que le CSA.
00:39 L'Australie a par exemple récemment condamné Twitter à de lourdes amendes pour manque de modération,
00:44 et l'Indonésie, il y a quelques mois, en juillet dernier, a interdit le service de son territoire,
00:48 puisqu'il a considéré la plateforme comme étant une plateforme pornographique.
00:53 Ces comptes, la grande majorité sont basés à l'étranger, mais certains aussi en Belgique francophone ?
00:57 Alors pour l'immense majorité des cas, c'est impossible de dire où ils sont basés,
00:59 puisque effectivement l'usager ne se localise pas de lui-même
01:03 pour bien entendu échapper aux règles de la modération et de la régulation.
01:06 Un tout petit nombre a été localisé en Belgique francophone,
01:09 encore faut-il pour le CSA que nous puissions les caractériser comme des services de médias audiovisuels.
01:14 Et c'est là toute la difficulté pour nous d'agir directement.
01:16 Notre capacité d'action n'est pas nulle, elle est existante, mais elle reste tout de même relativement limitée.
01:21 Le CSA peut alerter ses collègues modérateurs, ses collègues régulateurs,
01:26 ou la plateforme où le site est basé concrètement.
01:29 Par exemple pour le site pornographique comme Pornhub, ça va être la République tchèque,
01:31 en l'espèce plutôt Chypre, mais pour d'autres, Xhamster, etc.,
01:34 ça va être essentiellement la République tchèque ou Chypre.
01:36 Pour une plateforme plutôt comme X, ça va être notre collègue irlandais,
01:39 la commission des médias, qui va être directement compétente.
01:41 Donc nous on peut la saisir.
01:42 La deuxième voie qui est possible pour le CSA,
01:45 c'est de saisir dans le cadre du très fameux DSA qui est en application depuis août dernier
01:50 pour les très grandes plateformes, et qui va être en application pour l'ensemble des plateformes à partir de mi-février.
01:55 Nous pouvons saisir directement la commission européenne via notre digital service coordinateur,
02:00 qui va être nommé très bientôt dans le courant du mois de février en Belgique.
02:03 Votre étude a montré que ce n'était pas si difficile que ça d'identifier ces comptes,
02:06 et donc qu'il y a vraiment des manquements au niveau de la plateforme elle-même.
02:10 Oui, clairement, la plateforme se cache, X, en l'espèce, derrière le fait qu'il est un site de micro-blogging.
02:14 Un service de micro-blogging n'est pas du tout une plateforme dédiée au partage de vidéos.
02:18 Or, nous l'avons démontré très facilement,
02:20 il existe des centaines, vers des millions et des milliards de contenus pornographiques
02:23 qui sont librement diffusés sur cette plateforme.
02:25 Et donc, clairement, un manque de volonté de la plateforme qui a déjà été souligné,
02:28 on le disait tout à l'heure, par nos collègues australiens.
02:30 C'est tout le nœud du problème, quelque part.
02:33 C'est à partir de quel moment les amendes sont suffisantes.
02:35 Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'avec l'entrée en vigueur du DSA,
02:38 les amendes pourront vraiment s'élever, être beaucoup plus importantes,
02:41 jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial des plateformes.
02:44 Donc, on verra, on ne peut pas insulter l'avenir,
02:46 mais en tout cas, on a quand même maintenant, dorénavant, un appareil répressif
02:49 qui est beaucoup plus développé, en tout cas, beaucoup plus contraignant.
02:52 - Est-ce que c'est une tendance qui est très spécifique à Twitter,
02:54 ou est-ce que c'est quelque chose qui peut s'observer sur d'autres réseaux sociaux également ?
02:58 - Alors, ce qui est spécifique à Twitter, c'est cette démodération, en tout cas,
03:01 qu'on a vu mettre en place depuis un peu plus d'un an,
03:03 depuis qu'Elon Musk est arrivé à la tête de la plateforme.
03:06 Mais si on parle de la question pornographique en tout particulier,
03:09 il est bien évident que Meta ou YouTube ont fait des efforts
03:12 beaucoup, beaucoup plus conséquents pour faire une sorte de filtre à l'entrée.
03:15 Les solutions techniques existent, elles sont efficaces.
03:19 Il n'y a quasiment pas ou plus de porno du tout sur YouTube aujourd'hui.
03:22 Et on voit bien que sur X, les choix stratégiques, les choix commerciaux,
03:26 les choix, en tout cas, de l'entreprise ont été différents.
03:28 Ce que peuvent faire les parents, déjà, c'est eux-mêmes utiliser les solutions techniques qui existent.
03:32 Il existe des applications pour contrôler ce que font leurs enfants sur les smartphones.
03:35 Il existe des garde-fous, notamment pour pouvoir empêcher les enfants d'accéder à certains services,
03:40 de pouvoir suivre ce qu'ils font, de pouvoir les autoriser à accéder à telle ou telle heure de la journée,
03:45 à tel ou tel moment, etc.
03:46 Donc il existe un tas de solutions techniques qui sont possibles et existantes aujourd'hui.
03:50 Mais surtout, il ne faut pas oublier que les régulateurs aussi font leur travail,
03:53 que les plateformes aussi sont plus ou moins conscientes de leurs obligations
03:56 et qu'il existe un tas de solutions.
03:58 Il n'y a pas de solution miracle, mais il existe un ensemble de choses
04:00 que l'on peut mettre en place collectivement pour lutter contre ce phénomène absolument délétère.