Les principaux syndicats enseignants appellent à la grève et à manifester ce jeudi 1er février. Les professeurs s'opposent à la mise en place de groupes de niveaux et réclament la démission de la ministre de l'Éducation nationale, explique Charlotte Laizet secrétaire départementale du SNES 33.
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00:00 Nouveau mouvement de grève des enseignants aujourd'hui en Gironde comme partout en France.
00:04 Les syndicats prévoient 40% de grévistes pour la journée.
00:07 La secrétaire départementale du SNES dans le département est notre invitée pour en parler.
00:11 Bonjour Charlotte Lesay.
00:13 Bonjour.
00:13 Alors une de vos revendications premières c'est la mise en place des groupes de niveau à la rentrée prochaine. Pourquoi ?
00:19 Oui alors nos revendications effectivement elles sont diverses.
00:22 Il y a la revendication concernant les salaires qui n'est pas nouvelle pour une vraie revalorisation salariale.
00:29 Et puis effectivement comme vous dites aujourd'hui le monde enseignant est vent debout contre cette réforme annoncée par Gabriel Attal.
00:38 Celle du choc des savoirs. Alors effectivement le mot choc implique de la violence.
00:44 Et pour nous cette réforme est très violente et à l'égard des élèves et à l'égard des personnels.
00:49 Parce que ces groupes de niveau ça va se mettre en place comment en fait ?
00:52 Alors déjà il y a deux choses qui sont importantes à préciser.
00:55 La première c'est qu'elle pour l'instant il n'y a pas de cadre réglementaire.
00:58 C'est à dire que dans les établissements on nous demande de réfléchir à la mise en place de ces groupes sans texte officiel, sans cadre réglementaire.
01:05 Ce qui pose problème. Même le syndicat majoritaire des chefs d'établissement l'a souligné.
01:10 Et la deuxième chose c'est que tout ça se fait à moyens constants.
01:14 C'est à dire que la mise en place de ces groupes de niveau implique davantage d'enseignants.
01:19 Puisqu'il faut créer plus de groupes que de classes.
01:21 Or il n'y a pas de moyens qui ont été dégagés pour créer ces postes.
01:26 Donc on se retrouve dans une situation où les établissements doivent bricoler pour mettre en place ces groupes de moyens.
01:33 Notamment en supprimant d'autres dispositifs comme les demi-groupes en langue, les demi-groupes en science, les demi-groupes de maths ou de français qui existent déjà en quatrième et en troisième.
01:44 Donc ça c'est sur la forme. Et sur le fond ensuite, idéologiquement on est vraiment très très opposé à ce tri des élèves en fait.
01:55 Ce tri dès la sixième.
01:56 - Mais justement on a Daniel d'Arcachon qui nous appelle pour réagir justement à ces groupes de niveau. Bonjour Daniel !
02:03 - Oui bonjour. Donc voilà, moi si vous voulez j'étais secrétaire à l'université de Lettres.
02:10 Et si vous voulez les étudiants lorsqu'ils arrivent, c'est les bons.
02:17 Quand il y a une classe comme ça, homogène, où il y a les moins bons, les moyens et les bons, les très bons et les bons sont tirés par les moins bons.
02:26 Ça veut dire qu'ils arrivent à l'université avec un niveau qui n'est pas le leur. Ils sont pénalisés.
02:32 Parce que vous pensez, les gens vont dire "oui mais mettez les mauvais, mettez les mauvais".
02:36 Mais les bons eux, ils sont vraiment très pénalisés.
02:40 Et après on a des étudiants qui n'ont pas le niveau, qui râment, où en ce moment on a une chute de très bons étudiants.
02:49 - Alors Daniel, pour bien comprendre ce que vous dites ce matin sur France Bleu Gironde,
02:54 c'est qu'en fait les bons élèves sont pénalisés quand il y a des mauvais élèves en classe, c'est ça ?
02:58 - Si on les laisse ensemble, oui. Parce que le professeur, qu'est-ce qu'il va faire ?
03:04 - Et vous pensez pas qu'ils peuvent être justement tirés vers le haut par les bons ?
03:08 - Ah non, non, non. Non. Parce que moi, écoutez, j'étais quand même là-dedans.
03:14 Si vous voulez, le professeur, qu'est-ce qu'il va faire ? Moi j'étais comme secrétaire, j'ai vu tout ça.
03:19 Le professeur, qu'est-ce qu'il va faire ? Il va faire un cours pour les mauvais et les moyens.
03:25 Donc les bons n'ont pas leur niveau.
03:30 - Alors Charlotte Lézé, on l'entend, les avis sont très différents sur ces groupes de niveau.
03:38 Pour vous, à l'inverse, ça va mettre en place des ghettos ?
03:41 - Oui, tout à fait. Alors déjà, il faut souligner que tous les élèves de 6ème de France, l'année prochaine, perdent une heure dans leur emploi du temps.
03:48 L'année dernière, l'heure de technologie avait été supprimée et remplacée par une heure de soutien ou d'approfondissement français-maths.
03:55 Ça passe à la trappe. Donc une heure de moins alors que l'éducation est censée être la priorité nationale, ça nous pose question.
04:01 Ensuite, effectivement, nous ce qu'on veut c'est la possibilité de faire des groupes à effectifs réduits, parce que c'est ça qui pose problème.
04:09 C'est des classes à 30, des classes surchargées. Donc oui, on est pour la possibilité de faire des groupes réduits, mais des groupes hétérogènes.
04:16 Et c'est ça qui fait progresser les élèves et tous les élèves.
04:18 Moi, je suis enseignante, dans un établissement prioritaire, les bons élèves ne pâtissent absolument pas des difficultés des autres élèves.
04:27 Au contraire, les élèves en difficulté sont tirés vers le haut. C'est comme dans une équipe de sport.
04:32 Quand vous avez un joueur moyen ou un mauvais joueur et que l'équipe est bonne, évidemment qu'il est tiré vers le haut.
04:37 Donc non, les bons ne pâtissent pas. C'est le discours que veut nous faire croire Gabriel Attal quand il dit que ça permettrait aux bons élèves de s'élever.
04:46 Pas du tout. C'est la mixité, c'est la coopération, c'est l'hétérogénéité qui fait la force et qui permet l'émulation et qui permet à tous et à toutes de progresser.
04:56 Puisqu'on est là pour faire progresser tous les élèves, quel que soit leur milieu social, évidemment.
05:01 Une de vos craintes aussi, c'est que ce sont des jeunes élèves qui arrivent en sixième qui sont un petit peu perdus déjà et qui vont l'être peut-être encore plus.
05:09 Bien sûr, des élèves de 12 ans vont arriver au collège et il n'y aura plus le groupe classe qui permet d'avoir des repères pour des élèves de sixième
05:17 qui, au bout de trois mois, ne savent toujours pas dans quelle salle aller. Et donc, ils vont se retrouver assignés à un groupe.
05:23 Le groupe des forts, le groupe des faibles, etc. Ça va aussi encourager la stigmatisation entre les élèves.
05:28 Et puis, pour les collègues, par exemple, qui ont l'habitude de mener des projets au long cours, ils ne pourront plus mener ces projets puisque les élèves sont censés pouvoir changer de groupe régulièrement.
05:39 Là encore, ça révèle une méconnaissance de l'institution très profonde. Ça veut dire que régulièrement, on devrait changer les élèves de groupe,
05:48 donc faire plus d'évaluations, donc plus de pression sur les élèves. Est-ce que je vais monter ? Est-ce que je vais descendre ? On n'est pas dans un championnat de France.
05:55 - Sur France Bleu, j'ai eu en notre amitié ce matin la secrétaire départementale du SNES 33, Charlotte Lézet, pour parler de ce mouvement de grève des enseignants aujourd'hui.
06:04 - Vous dites que les revendications sont vastes. Il y a aussi la démission de votre ministre Amélie Oudéa Castera que vous demandez. La confiance est rompue aujourd'hui ?
06:13 - Oui, évidemment. Déjà le fait de ne pas avoir attribué à un ministère en plein exercice sur la question de l'éducation nationale, ça pose question.
06:22 Encore une fois, on a bien compris que tout était priorité, l'agriculture, l'éducation, les violences sexuelles et sexistes, mais on regrette déjà ce fait-là.
06:32 Et puis effectivement, les premières prises de parole de la ministre ont été vraiment scandaleuses et très mal perçues.
06:39 Et ces paroles ont exacerbé la colère qui était déjà présente avant. On va dire qu'elle a servi de catalyseur à la colère des enseignants et des autres personnels de l'éducation nationale.
06:49 - Avec ce volet sur le fait de retirer ses enfants, ça c'est quelque chose qui ne passe pas pour vous, retirer ses enfants du public pour les mettre dans le privé ?
06:58 - Oui, c'est surtout de dire que la responsabilité en incombe au service public d'éducation nationale.
07:04 C'est extrêmement problématique pour une ministre, dès ses premières prises de parole, de critiquer le système d'éducation nationale alors qu'elle devrait être à son service et en respecter les personnels.
07:19 - Et tout ce qui est volet salarial aussi fait partie des revendications, des revalorisations ?
07:24 - Bien sûr. Depuis 20 ans, le pouvoir d'achat des enseignants a baissé d'environ 20%.
07:30 Alors il y a eu quelques miettes qui nous ont été attribuées. On a parlé de revalorisation mais au final 5% seulement d'augmentation des salaires en moyenne, ce qui est très en dessous de l'inflation.
07:42 Donc aujourd'hui, il y a un sentiment de déclassement qui est très fort dans le milieu enseignant.
07:46 Et puis, je parle aussi rapidement des autres personnels comme les AESH qui ont des salaires à 900 euros, les accompagnantes d'élèves en situation de handicap.
07:54 900 euros de salaire, on est en dessous du seuil de pauvreté, donc c'est très problématique également.
08:00 - Et on est en ligne ce matin avec Laetitia qui voulait également réagir.
08:08 - Laetitia qui a essayé de nous passer un petit coup de fil. Je ne sais pas si on va pouvoir la voir en direct ce matin.
08:11 Elle voulait réagir justement à ses propos ce matin sur France Bleu Gironde.
08:15 Laetitia qui nous appelle ce matin justement pour réagir à ce mouvement de grève.
08:20 On vous le rappelle qu'il y a eu aujourd'hui de la part des enseignants. Laetitia, bonjour.
08:24 - Bonjour. - Qu'est-ce que vous vouliez dire justement à propos de ce mouvement de grève de la part des enseignants aujourd'hui ?
08:29 - Moi, je pensais aux élèves qui étaient les plus faibles ou les plus forts.
08:37 On est dans une France, il faut arrêter de se voiler la face.
08:41 Ça m'agace et je pense que je ne suis pas la seule dans cette pensée-là de dire
08:49 qu'il y aura toujours des forts, il y aura toujours des faibles et je pense qu'il faut s'adapter aujourd'hui.
08:55 On est une France divisée. Alors je ne dis pas qu'il y a des intelligents et des cons.
09:00 Je dis simplement qu'il y a des enfants qui ont un niveau, il faut s'adapter à eux.
09:06 Et d'autres, il y a des plus forts, comme ça a toujours été, et il faut s'adapter aussi à eux.
09:11 On ne peut pas faire un mélange d'enfants avec des niveaux différents.
09:17 Parce que ce que disait précédemment votre invitée, votre auditrice, qui disait que les plus forts étaient tirés vers le bas.
09:34 Et c'est vrai, parce que des enfants intelligents sont en demande.
09:40 Et quand le professeur des écoles doit s'adapter à des niveaux différents,
09:45 c'est très compliqué de devoir suivre un programme avec des enfants qui ne suivent pas.
09:52 Alors au jour d'aujourd'hui, il faut s'adapter.
09:56 Donc vous trouvez que c'est une bonne idée finalement ces histoires de groupes, de niveaux ?
10:01 Je trouve que c'est une très bonne idée de faire des groupes de niveau,
10:06 et au contraire, les enfants qui ont des efforts à faire, s'adapter à eux,
10:12 leur mettre un programme qui pourra justement les inciter à mieux travailler.
10:19 Selon vous c'est une bonne idée ?
10:21 Et bien rendre les plus faibles encore plus faibles.
10:24 Laissons-les dévaloriser.
10:26 Merci pour votre réaction ce matin en direction France Bleu Gironde. Merci beaucoup Laetitia.
10:30 Et on vous voit vous agacer à entendre cette auditrice. Pourquoi ?
10:36 Alors déjà le programme sera le même.
10:38 Le programme ne sera absolument pas adapté pour les élèves en difficulté.
10:41 Ils auront le même programme à suivre, avec le même volume horaire que les bons élèves,
10:46 pour arriver au final à passer le même brevet.
10:49 Donc en fait chacun va être dans son couloir de course.
10:52 Ceux qui courent très vite arriveront très vite,
10:55 et les autres derrière devront franchir la même ligne d'arrivée,
10:59 avec plus de difficultés et sans aide supplémentaire.
11:03 Non, moi je suis désolée, on s'adapte.
11:06 Évidemment qu'on s'adapte à l'hétérogénéité des classes,
11:08 et évidemment que c'est plus facile de s'adapter quand on a 20 élèves plutôt que quand on en a 30.
11:12 Et la mission de l'école c'est de favoriser le vivre ensemble.
11:16 Et dans la société, c'est ce qu'on souhaite en fait, on veut que les élèves vivent ensemble.
11:21 Et ça se passe plutôt bien, les élèves ont besoin de cette mixité.
11:25 Quand on parle à nos élèves et qu'on leur parle de la mise en place des groupes de niveau,
11:29 ils ne comprennent pas, ils trouvent ça très choquant.
11:31 Et même les bons élèves, on a demandé à nos élèves latinistes hier ce qu'ils pensaient de ça,
11:35 ils disent "mais nous madame, on aime bien aller donner un coup de main aux autres quand ils sont en difficulté".
11:40 Et ils n'ont pas du tout le sentiment d'être tirés vers le bas.
11:43 Je trouve très triste cette vision, qui est celle aussi je pense du gouvernement,
11:48 de dire que les élèves en difficulté tirent vers le bas.
11:50 C'est à nous de les tirer vers le haut et de nous donner les moyens de les tirer vers le bas.