Les grands distributeurs répondent à la crise agricole et à la hausse globale des prix. Lidl affirme déjà privilégier les produits français dans ses magasins.
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00:00 La parole est à la défense, c'est vrai qu'on entend peu les patrons de la grande distribution depuis le début de cette crise agricole.
00:05 Dominique Schelcher est venue dans le face-à-face d'Apolline de Malherbe au début de la semaine.
00:08 Donc on est ravis que vous soyez avec nous ce matin, Michel Biraud, pour répondre à la colère des agriculteurs qui se dirigent contre Lidl,
00:14 notamment ce matin une opération au rousset dans les bouches du Rhône avec des agriculteurs qui s'en sont pris à une de vos plateformes logistiques.
00:21 Il y a deux bonnes raisons de vous entendre ce matin. La rémunération et le juste prix payé aux agriculteurs.
00:28 Est-ce que les agriculteurs ont des bonnes raisons d'être en colère contre Lidl ce matin, Michel Biraud ?
00:34 Alors non, non, non. Juste le blocage de la plateforme de Provence, donc Aix-en-Provence, je le comprends.
00:45 Et depuis le début, je dis que je comprends cette colère et je la trouve parfaitement légitime.
00:49 Alors voilà, il n'y a pas de souci. Je pense que vous parlez de la plateforme de Lidl, il y en a beaucoup d'autres qui sont bloquées de chez mes concurrents,
00:57 dont on ne parle pas. Lidl est très épargnée par le monde agricole. Ça fait dix ans que je suis présent au Salon de l'agriculture en étant la seule enseigne.
01:06 Et si Donnie, pour répondre à la dame que vous avez interrogée tout à l'heure sur cette plateforme qu'elle bloque,
01:11 en disant que Lidl n'a que des produits, des fruits et légumes bio d'étrangers, ce n'est pas vrai.
01:17 On a 20 références aujourd'hui, il y en a 11 qui sont françaises.
01:20 Alors si Donnie a des courgettes françaises dans son jardin, je suis prêt à lui acheter tout de suite.
01:24 Mais on est le 1er février, je n'ai pas des produits français sur 100% de mes références.
01:30 Mais on a déjà planifié les productions avec nos producteurs et on sera le premier distributeur à basculer sur du français dès que c'est possible
01:39 et dès que la production est présente en France, bien évidemment.
01:42 Mais très concrètement, est-ce que vous comprenez Michel Biraud que les agriculteurs soient remontés lorsqu'ils voient, par exemple,
01:47 on l'a évoqué d'ailleurs dans la première édition hier ou avant-hier, ces tomates marocaines qui cassent évidemment les prix des tomates françaises ?
01:57 Bien sûr qu'ils ont raison d'être en colère parce que non seulement il y a cette problématique du prix, il y a aussi la problématique des normes
02:05 parce que les normes phyto ne sont pas les mêmes sur les produits qui viennent de l'étranger que sur les produits qui sont produits en France.
02:14 Mais pourtant vous les vendez !
02:17 Mais je les vends parce que si je ne les vends pas moi, les concurrents vont les vendre et les clients vont se diriger chez mes concurrents.
02:22 Donc on essaye et encore une fois dans le fruits et légumes, chaque fois que c'est possible et sur l'été, pendant la pleine saison des tomates,
02:29 je n'ai pas la tomate marocaine, je fais que de la tomate française. J'ai 100% de pommes françaises tout au long de l'année.
02:35 Donc on joue le jeu au maximum et c'est pour ça qu'on a cette légitimité et cette crédibilité vis-à-vis du monde agricole.
02:41 Par contre, il faut parler de leurs revenus parce que le fond du problème aujourd'hui, c'est la rémunération des coûts de production des éleveurs et des agriculteurs.
02:50 Et il y a des solutions et je ne comprends pas que le gouvernement ne mette pas en place une chose simple que je demande depuis plus de 5 ans
02:57 et sur Egalim 1, on l'avait déjà poussé en amendement, c'est tout simplement la mise en place ou l'obligation dans la loi
03:04 que tous les acteurs rentrent dans une démarche de tripartite, c'est-à-dire un prix minimum garanti pour l'éleveur.
03:10 – Parce qu'en l'occurrence pour l'instant, les agriculteurs n'y sont pas dans cette négociation, c'est bien ça ?
03:15 – Non, jamais un agriculteur n'est dans une négociation. Nous on a 5000 éleveurs qui sont engagés dans un contrat tripartite que j'ai lancé en 2016.
03:24 Ça fait plus de 7 ans. 5000 éleveurs. Là les éleveurs disent pour un litre de lait, il me faut 46 centimes pour vivre.
03:32 Pour un kilo de bœuf, pour un kilo de porc, il nous faut 1,80 €. Et donc on sort l'agriculteur de la discussion,
03:38 je continue les négociations avec les industriels, il n'y a pas de distorsion en concurrence, c'est d'une simplicité enfantine.
03:44 Je ne comprends pas que personne ne veuille mettre ça dans une loi.
03:48 – Mais allez au bout de votre réflexion. Pourquoi personne ne veut que les agriculteurs soient à la table ? Pourquoi ?
03:53 – Mais parce que je pense qu'il y a des lobbyistes très puissants de la part des industriels, qui sont le maillon intermédiaire.
03:59 Et donc forcément, dans une logique de transparence et de tripartite, forcément l'industriel devient quelque part
04:07 le prestataire de service. Par contre, l'agriculteur n'est plus la variable d'ajustement.
04:13 – Michel Desrosiers, les centrales d'achat de Lidl, elles sont où ?
04:16 Est-ce que vous avez des centrales d'achat hors de France ?
04:19 – Non Madame, on a une centrale d'achat internationale parce qu'on est présent dans 33 pays en Europe,
04:24 contrairement à mes concurrents. Donc oui, on a une centrale qui nous achète le shampoing,
04:28 qui nous achète des produits qui sont utilisés, les mêmes produits qui sont utilisés en Europe.
04:32 Mais Lidl France, ma centrale d'achat en France, achète 1,5 milliard de produits français
04:39 que j'exporte dans les 33 pays Lidl à travers l'Europe.
04:42 Donc non, on n'est pas dans une logique de centrale d'achat de négociation de services,
04:45 telle que vous discutez avec mes confrères. C'est pas du tout ça.
04:49 On achète des gros volumes par ma centrale, mais sur des produits qui sont communs
04:54 à tous les trois pays où Lidl est présent.
04:56 – Puisqu'on parle de produits, cette semaine il y a eu une offre chez Lidl sur des kiwis.
05:00 Des kiwis français qui sont vendus 39 centimes pièce.
05:05 À 39 centimes pièce le kiwi, combien perçoit le producteur de kiwis français ?
05:11 – Écoutez, je n'ai pas le prix exact, mais ne vous inquiétez pas,
05:16 le kiwi français, c'est bien que vous le précisez, il n'est pas étranger.
05:21 Le producteur derrière, c'est un partenariat qu'on a depuis de longues années.
05:27 Et ces kiwis français, ils sont rémunérés correctement au producteur derrière.
05:35 Et sur un kiwi, quand on fait une mise en avant à 39 centimes,
05:37 la marge de distributeur, elle est infime.
05:41 – Alors c'est dans ce contexte, et c'est l'autre dossier évidemment
05:44 qui rend votre présence très intéressante ce matin,
05:46 c'est dans ce contexte de juste rémunération,
05:48 donc demandé par les agriculteurs, que les négociations entre la grande distribution
05:52 et les industriels se sont terminées à minuit.
05:55 Comment est-ce que la crise agricole a pesé sur les derniers jours de négociations ?
06:01 – Alors chez nous, très peu, parce que les grandes marques nationales
06:04 qui sont régies par cette loi de modernisation de l'économie
06:08 et qui impose cette négociation normalement au 1er mars,
06:12 qui a été avancée au 31 janvier à la demande de Bruno Le Maire.
06:15 Alors celle du 15 janvier, qui concernait les entreprises
06:18 de moins de 350 millions, pas de discussion,
06:23 on a conclu à -2, -3 % de baisse sur ces produits-là.
06:28 Et sur les multinationales qui se sont terminées hier soir,
06:31 on a conclu plutôt à +2, +5 % de hausse.
06:35 Mais ça concerne 10 % de mes produits.
06:37 Concernant les marques de distributeurs, on est plutôt sur une tendance baissière,
06:41 parce qu'il y a quand même beaucoup de matières premières qui baissent.
06:44 Et là encore, j'ai écrit à Gabriel Attal, pour lui demander de mettre à plat,
06:49 via une mission parlementaire, de réfléchir à mettre à plat
06:54 la loi de modernisation de l'économie, parce qu'elle ne fait plus sens
06:58 dans un contexte de crise comme aujourd'hui.
07:00 Elle date de 2008, et il n'y a pas de transparence dans les discussions.
07:05 - Soyons concrets pour les consommateurs, qu'est-ce qui va augmenter ?
07:08 2, 5 % vous avez évoqué, et est-ce qu'il y a des produits qui vont baisser ?
07:13 - Il y a beaucoup de produits qui vont baisser, l'huile, l'huile de tournesol,
07:17 l'huile de colza, les cafés, les céréales,
07:20 ça c'est plutôt des produits qui vont baisser.
07:23 Après, il y a des produits qui vont, mais encore une fois,
07:26 sur une toute petite part de nos volumes, parce qu'on ne fait que 10 % de marques nationales.
07:31 Je n'en veux pas plus, parce que ce sont des marques qui sont dans l'opacité.
07:34 D'ailleurs, il y en a une, avec qui on va certainement arrêter de travailler,
07:38 parce qu'il n'y a aucun argument, aucune justification,
07:41 pour augmenter les prix à ce niveau-là, ce n'est pas acceptable.
07:44 - Laquelle, Michel Birault ?
07:45 - Mondelèze, pour ne pas le citer.
07:47 - Ça c'est les biscuits, c'est ça, c'est OREO, c'est ça ?
07:50 - C'est ça. Chocolat, biscuits, oui.
07:53 - Michel Birault, je viens de m'entretenir avec Jean-Philippe André de l'AGNA,
07:57 qui est l'association des industries agroalimentaires,
08:01 et il m'a dit que la négociation s'était terminée sur une baisse de -1 à 0 %,
08:08 et vous, vous nous parlez d'une hausse comprise entre 2 et 5 %,
08:11 ça veut dire que finalement, on a une stabilité des prix au niveau de la négociation,
08:16 mais que dans les rayons, pour les consommateurs,
08:18 ça va se traduire par une hausse entre 2 et 5 %,
08:21 une hausse qui finalement ira dans vos poches.
08:24 - Absolument pas. Alors là, je ne peux pas vous laisser dire ça.
08:29 Jean-Philippe André est le représentant de 17 000 entreprises.
08:32 Dans ces 17 000 entreprises, il y a une grande partie qui sont des PME et des ETI,
08:36 et celles-ci nous ont accordé des baisses.
08:39 Et ces baisses-là, je vais les répercuter dans les rayons.
08:42 Et Jean-Philippe André est également le représentant de multinationales,
08:46 comme mon élève, qui eux, viennent avec des hausses totalement injustifiées,
08:50 totalement injustifiées, sans aucun argument, et donc,
08:54 ceux-là, je ne les accepte pas.
08:56 Et beaucoup d'entre elles, effectivement, il y a une hausse entre 2 et 5 %,
08:59 des hausses de coût d'achat, que je vais leur payer,
09:02 et donc, là aussi, ça va certainement se transmettre dans les prix de vente.
09:07 – Je voudrais finir par cette question que je posais d'ailleurs
09:09 au tout début de notre entretien, parce que c'est vrai que nous,
09:11 consommateurs, on veut tous payer moins cher à la caisse.
09:15 Les prix, Michel Biraud, peuvent-ils baisser pour nous, consommateurs,
09:19 tout en garantissant une bonne rémunération des agriculteurs,
09:22 ce que tout le monde défend également ? Est-ce qu'il n'y a pas un paradoxe ?
09:27 – Moi, je suis le premier, et je le dis depuis des années,
09:31 oui, chez Lidl, notre modèle permet d'avoir des prix compétitifs,
09:35 d'avoir le meilleur rapport qualité-prix, sans mettre K.O. le monde agricole.
09:39 Je suis la seule enseigne depuis 10 ans au salon d'agriculture,
09:41 on a plus de 5000 éleveurs en tripartite, je demande, je pousse des amendements,
09:46 je demande à ce que la loi soit modifiée pour rémunérer correctement les producteurs,
09:51 parce qu'on a besoin du monde agricole pour sauver la souveraineté alimentaire française.