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00:00 Et depuis ce matin, journée spéciale mobilisation des agriculteurs dans le département de Leraux.
00:06 Nous sommes en direct du domaine Claudel à Cournonterral.
00:09 On suit évidemment à côté de ça le cortège qui se dirige vers Saint-Jean-de-Vedas pour 9h.
00:14 Anne Pinx-Andussel, notre prochaine invitée.
00:17 Et j'allais dire maraîcher mais non, éleveur au vin et vigneron si je ne m'abuse.
00:21 - Exactement, et c'est un voisin qui est venu nous voir de Cournonterral aussi.
00:25 Bonjour Paul Réder. - Bonjour.
00:26 - Vous êtes donc vous, effectivement, vigneron, éleveur au vin sur votre domaine qui est juste à côté d'ici.
00:33 Vous connaissez bien le secteur.
00:35 Vous nous avez dit "j'aurai sûrement pas le temps d'aller manifester".
00:38 Vous la soutenez quand même cette mobilisation aujourd'hui ?
00:40 - Bien sûr qu'on la soutient.
00:42 Je pense que tous les syndicats ont rejoint ce mouvement.
00:47 - Vous êtes vous un ancien élu de la Confédération Paysanne ?
00:50 - Je suis ancien élu de la Confédération Paysanne.
00:55 Tous les syndicats ont rejoint le mouvement.
00:57 Le malaise est palpable dans le milieu agricole.
01:02 - Comment se traduit ce malaise d'après vous ?
01:05 - Comment se traduit le malaise ?
01:06 Par du mécontentement, de l'incompréhension.
01:10 La question agricole est une question complexe.
01:13 Je pense qu'il va falloir plus d'une journée pour que le public s'en saisisse.
01:20 On est à la fois soumis aux aléas climatiques, aux marchés mondiaux.
01:26 On est en France, donc on a un souci de qualité, de rôle social et environnemental à respecter.
01:34 - Vous êtes un des rares à nous dire ce matin "au niveau financier, je m'en sors sur mon exploitation".
01:40 Mais c'est notamment parce que vous avez mis des choses en place ?
01:43 - Je m'en sors parce que je n'ai pas l'ambition de finir milliardaire.
01:48 Je sais que c'est un métier dur.
01:51 J'ai 10 ans avant la retraite.
01:54 Maintenant, je consolide mon exploitation pour qu'elle soit transmissible.
01:57 Pour qu'elle fasse envie à un jeune et qu'il puisse venir me remplacer dans de bonnes conditions.
02:03 - Qu'est-ce que vous avez mis en place pour ça ?
02:05 Qu'est-ce qui peut donner envie sur une exploitation ?
02:07 Qu'est-ce qu'il faut pour qu'un jeune ait envie de la reprendre aujourd'hui ?
02:10 - Une exploitation, pour moi, en ce qui me concerne, c'est d'abord le milieu naturel.
02:15 J'ai un élevage de moutons qui pâture uniquement des parcours naturels, en plus des quelques hectares de vignes que j'ai.
02:23 C'est une exploitation qui est en agriculture biologique, qui est diversifiée entre la vigne et l'élevage.
02:31 C'est un lieu de vie exceptionnel.
02:36 C'est tout ce qui fait mon bonheur et qui me permet de résister, de continuer et de voir l'avenir avec optimisme.
02:42 - Ça veut dire qu'il faut faire de l'agriculture autrement aujourd'hui pour s'en sortir, pour essayer de voir l'avenir un petit peu plus en rose,
02:50 autrement que ce qu'on a fait ces dernières années ?
02:53 - Autrement, ce sera par la force des choses.
02:56 Vu le changement climatique qui nous attend, il va falloir s'adapter.
03:00 Et ça, les politiques ne pourront pas l'inverser, on le comprend.
03:05 Il va falloir s'adapter au changement climatique.
03:09 Et donc effectivement, l'agriculture française va être bouleversée par ce changement-là.
03:15 Au-delà de cette contrainte-là, il en existe d'autres.
03:19 L'autre contrainte majeure, c'est les marchés internationaux,
03:24 qui mettent une pression énorme sur les prix de vente des agriculteurs.
03:31 - Et comment on s'en sort de ça ? C'est quoi la solution ?
03:33 - La solution, ce serait déjà réduire l'étendue des accords internationaux,
03:40 arrêter d'en signer, à tout va, arrêter de mettre nos produits sur les marchés mondiaux,
03:45 où ils se retrouvent en concurrence avec des produits d'autres agricultures.
03:51 - Et pourtant, il y a beaucoup d'agriculteurs français qui vendent à l'export, justement,
03:54 une grande partie de leur production.
03:56 - Oui, alors il y aura toujours de l'export de produits agricoles,
03:59 parce que la demande est mondiale.
04:03 Je vois mal priver de vin un français qui vit aux Etats-Unis.
04:07 Mais il y aura toujours de l'export, il y aura toujours de l'échange.
04:12 Mais il ne faut pas que ce soit des échanges, disons, qui soient prédateurs,
04:21 qui jouent sur des fluctuations de marché, finalement, pour appauvrir les agriculteurs.
04:26 - Et les agriculteurs français en particulier.
04:28 - Vous, vous êtes viticulteur, vous êtes en bio.
04:31 C'est justement une des revendications de la FNSEA de dire la viticulture et le bio,
04:36 c'est ce qui va le plus mal aujourd'hui.
04:38 Il faut absolument que le gouvernement aide ses filières.
04:40 Vous en pensez quoi, vous ?
04:42 - Alors la viticulture, oui, la viticulture, je pense qu'au-delà d'aide,
04:48 elle a besoin d'une restructuration, en fait.
04:50 Parce que voilà, le marché change, le climat change.
04:53 - De quelle manière ? Il faut faire quoi pour restructurer la filière ?
04:56 - Il faudrait accompagner l'arrachage des surfaces qui produisent des vins
05:04 qui n'ont pas d'acquéreur, voilà, pour soulager les marchés.
05:08 Voilà, c'est une mesure.
05:11 Après, le bio, en fait, c'est quand même un mode de production
05:17 qui bénéficie à tous les citoyens, de par le respect de l'environnement,
05:22 de par la non-pollution de l'eau, de par la non-pollution de l'atmosphère, etc.
05:28 Et donc, il faudrait qu'il soit mieux valorisé.
05:31 - Ils ne sont pas assez soutenus aujourd'hui, les agriculteurs bio, dont vous faites partie ?
05:34 - Alors, les agriculteurs bio sont soutenus, pas assez, à mon avis, effectivement.
05:40 Voilà, on a quand même, suite à l'inflation,
05:45 on a quand même eu des répercussions sur le marché du bio
05:48 qui sont assez dramatiques pour les filières bio.
05:51 - Ça veut dire qu'il y a moins de consommation de produits bio, c'est ça ?
05:54 - Il y a moins de consommation de produits bio.
05:56 Voilà, c'est quand même... Le produit bio a cette image d'un produit plus cher,
06:01 mais si on gratte... - Mais c'est qu'une image,
06:02 est-ce que c'est pas plus cher, le bio, justement ?
06:04 - Alors, ça dépend où on l'achète.
06:07 Moi, je vous invite à aller sur les marchés de plein air de Gignac ou de Lodève,
06:10 et vous verrez que les produits bio, les fruits et légumes bio,
06:14 sont moins chers que dans les grandes surfaces attenantes.
06:16 Donc, il faut... Voilà, c'est une autre manière de consommer, aussi, qu'il faut développer.
06:21 - Comment on fait pour rémunérer, aujourd'hui, les agriculteurs au prix juste ?
06:26 C'est la question qu'on a posée, nous, sur l'appli, sur les réseaux sociaux.
06:30 Qui doit agir aujourd'hui ?
06:31 Est-ce que c'est le gouvernement en mettant de l'argent sur la table ?
06:33 Est-ce que c'est les intermédiaires, la grande distribution, en rognant sur leurs marges ?
06:37 Ou est-ce que c'est le consommateur qui, comme vous venez de le dire,
06:39 doit aussi apprendre à consommer autrement ?
06:42 Pour vous, qui doit agir en priorité face à ce malaise dont vous nous parliez au début de votre intervention ?
06:47 - L'idéal, ce serait que tout le monde agisse de concert !
06:50 - Je m'en doutais ! Je m'en doutais les trois !
06:52 - Qui, d'après vous, a le plus de pouvoir pour faire bouger les choses ?
06:55 - Qui a le plus de pouvoir ? C'est évidemment le gouvernement !
06:59 Et les manifestations, elles sont là pour faire appel au gouvernement, en fait.
07:03 Je pense que la plupart de nos concitoyens vont subir, en fait, les manifestations.
07:10 Voilà, on comprend bien que c'est une contrainte pour eux.
07:13 Bon, c'est placé le vendredi, donc ça permet d'alléger un peu l'impact.
07:20 Mais on comprend bien que les concitoyens sont derrière nous,
07:23 parce qu'ils ont envie de continuer à consommer des produits locaux et de qualité.
07:27 - L'opinion publique est derrière vous. On entendait sur le cortège tout à l'heure notamment
07:31 que les syndicats essayent de cadrer un petit peu tout ça,
07:36 pour qu'il n'y ait pas de pneus brûlés, que ce soit plutôt des matières végétales.
07:40 Sous-entendu, on fait attention à l'environnement, on fait attention à ce qu'on fait.
07:44 Il y a des appels quand même à bloquer Paris,
07:47 il y a des appels à ce que le mouvement aille plus loin.
07:50 Quelle est votre position ? Est-ce que ça doit se durcir ?
07:52 Est-ce qu'on attend de voir ce que va dire le gouvernement dans la journée,
07:55 puisque Gabriel Attal doit faire des annonces ?
07:57 Est-ce qu'on fait un coup comme ça et on arrête à la fin de la semaine ?
08:00 C'est quoi votre position ?
08:02 - Déjà, on est content que le droit à manifester soit respecté.
08:05 C'est important de le dire.
08:07 Et pour un membre de la Confédération Paysanne, c'est encore plus important.
08:11 Ensuite, effectivement, la manifestation, ça établit un rapport de force.
08:18 C'est un rapport de force entre les forces manifestantes et le gouvernement.
08:21 Après, les stratégies ne m'appartiennent pas.
08:25 Ce n'est pas moi qui les ai décidées.
08:27 Je ne peux pas vous en dire plus sur le devenir de la manifestation,
08:32 mais c'est évident que le gouvernement a une grande responsabilité.
08:35 - Le gouvernement, qui doit donc faire des annonces aujourd'hui,
08:38 suite aux revendications qui ont été publiées hier,
08:41 et par la FNSEA, et par les jeunes agriculteurs, et par la Confédération Paysanne.
08:45 Vous, s'il y a une mesure que le gouvernement doit annoncer en priorité,
08:50 qui pourrait vous redonner espoir, qui pourrait vous dire
08:53 "Bon, c'est bon, on n'a plus besoin de manifester,
08:55 parce qu'au moins, on imagine bien que tous les problèmes
08:57 ne vont pas être réglés en deux minutes et en une soirée",
08:59 ce serait laquelle ? Quelle mesure il faut absolument que le gouvernement prenne aujourd'hui ?
09:03 - S'engager sur des prix planchers, sur toutes les productions agricoles françaises.
09:11 - Ce qui veut dire qu'on ne descend pas en dessous d'un prix minimum
09:15 pour le lait, pour la viande ?
09:18 - Voilà, et surtout pas en dessous du prix de revient, salaire compris.
09:22 - Mais ça, qui doit s'engager en face ? La grande distribution, les intermédiaires ?
09:27 - La grande distribution, oui, évidemment, il y a une concertation à faire.
09:34 C'est un travail qui a été engagé depuis longtemps.
09:37 - Avec des lois égalimes, notamment depuis 2018.
09:40 - Voilà, mais on s'aperçoit qu'en fait, il y a la manifestation, et finalement...
09:48 - Il y a eu des mesures, en fait, il y a eu des lois,
09:52 on parle des trois lois égalimes depuis 2018.
09:54 - Voilà, mais on est toujours là pour manifester, parce que...
09:56 - Donc ça ne change rien, finalement, même quand on prend des...
09:58 - Voilà, ça ne change rien.
09:59 - Et donc les choses vont changer quand même ?
10:01 - On espère, on manifeste pour ça.
10:03 - Merci beaucoup, Paul Raeder, d'avoir été avec nous en tant que voisin ce matin,
10:09 puisque vous êtes éleveur au vin et vigneron vous à Courne, Ontario.
10:13 Merci beaucoup. - Merci à vous.