• il y a 4 jours
Aurélien Berthomieu est arbitre de touche au plus haut-niveau du football européen. Celui qui est licencié à l'Asfac, le club de foot de Frontignan, se confie à "ici Hérault" sur son parcours, sa préparation, et sa gestion de la pression.

Catégorie

🗞
News
Transcription
00:00On essaie à 95% tous les matchs, que ce soit en Ligue 1 ou en Ligue des Champions ou en Europe,
00:06on les prépare de la même façon.
00:08On visionne les équipes, on s'intéresse aux équipes, aux joueurs, au système de jeu,
00:13pour ne pas arriver dans l'inconnu.
00:16Pour un arbitre assistant, il faut qu'on s'intéresse à ce que les deux équipes,
00:21comment elles jouent en défense, comment elles jouent en attaque,
00:24sur quel focus on va se baser, c'est-à-dire est-ce qu'on se base que sur le numéro 9,
00:28est-ce qu'on se base sur les ailiers pour juger le hors-jeu.
00:31Voilà, donc tous les matchs sont préparés à 90% de la même façon.
00:37En Ligue 1, depuis quelques années, on connaît toutes les équipes.
00:41Plus ou moins, on sait comment les équipes jouent,
00:43on sait comment les joueurs travaillent, les systèmes de jeu un petit peu.
00:48Donc je regarde les deux équipes sur le match passé,
00:51pour voir si ça n'a pas trop bougé, pas trop changé.
00:53Mais par contre, en Ligue des Champions, on ne connaît pas les équipes.
00:56Donc c'est un travail un peu plus approfondi où on travaille sur deux ou trois matchs
01:01pour vraiment s'imprégner de la culture de jeu des deux équipes.
01:05Et on regarde un petit peu tout ce qui est corner, coup franc, comment elles sont jouées.
01:09Donc il y a beaucoup de spécificités, surtout sur des grandes équipes.
01:14Donc c'est pour ça qu'on travaille un petit peu plus.
01:16Je vous le disais, 90-95%, mais dans la Ligue des Champions,
01:20on essaie de regarder un petit peu plus précisément.
01:23On n'a pas l'habitude de les faire tous les week-ends
01:25et on n'échange pas avec les collègues arbitres aussi,
01:28de savoir comment faire pour trouver la bonne solution à chaque fois.
01:31On parle souvent de match à pression pour les coachs, pour les joueurs, etc.
01:34Mais quand on est arbitre, j'imagine qu'on sait,
01:38dernière journée de Ligue 1 ou finale de coupe, etc.,
01:41que l'enjeu et chaque décision qui va être prise,
01:44elle est démultipliée dans ses conséquences.
01:46Il y a aussi de la pression pour vous.
01:48Il y a toujours une pression sur un match, n'importe quel match qu'il soit.
01:53Après, je ne veux pas le nier,
01:55une finale de Ligue des Champions, on se travaillera différemment.
01:59Il n'y aura pas la même importance médiatique
02:02qu'un match lambda de Ligue 1 ou autre.
02:07Donc c'est pour ça.
02:08On essaie d'évacuer cette pression,
02:10mais travailler la pression ne nous arrangera jamais.
02:14Et d'être le plus juste techniquement sur tous les matchs
02:18pour pouvoir avoir la confiance des joueurs
02:22et avancer comme ça lors du match.
02:24Justement, on a parlé de la préparation spécifique des matchs,
02:27regarder les équipes, etc.
02:29Mais la préparation plus globale,
02:31j'allais dire l'entraînement du quotidien pour un arbitre pro,
02:34c'est quoi ? C'est physique, c'est technique, c'est mental ?
02:36Il y a un peu de tout ça ?
02:37Il y a un peu de tout, tout à fait.
02:38Physiquement, on est rassemblés une petite semaine par mois à Clairefontaine.
02:45On affine techniquement et physiquement une préparation,
02:51mais entre deux et trois semaines à la maison.
02:54Et lors de ces semaines où on n'est pas en déplacement,
02:59on est obligé de travailler physiquement.
03:02Pour ma part, c'est environ quatre entraînements par semaine sur du footing.
03:07Donc soit du sprint, soit un peu de foncier, un peu de déplacement.
03:12En tant qu'arbitre assistant, on a un déplacement qui est assez particulier
03:15sur des pas chassés, sur des démarrages, sur des sprints.
03:18Bien sûr, c'est travailler minimum deux ou trois fois par semaine.
03:22Puis après, on a des sorties, on va dire plaisir aussi,
03:26où c'est qu'on allonge un petit peu sur des footings,
03:30on essaye de varier les entraînements.
03:33Donc ça, c'est le parti athlétique.
03:35La partie technique, j'en ai parlé tout à l'heure,
03:36c'était plus sur la préparation d'avant-match des équipes pour les systèmes de jeu.
03:43Et puis après, mentalement, chacun le fait à sa façon.
03:47Mais chacun rentre dans sa bulle et rentre dans son match tout au long de la semaine
03:53ou des fois juste une heure ou deux heures avant le match.
03:56C'est assez spécifique.
03:58Et par contre, on débriefe avec nos managers tous nos matchs pour s'améliorer.
04:04À J-2 du match, on débriefe, on analyse, on regarde ce qu'on a fait,
04:09ce qu'on peut faire de mieux.
04:11Et après, on se projette sur le prochain match à chaque fois.
04:14Il y a quelque chose qui m'intrigue beaucoup en tant que spectateur,
04:17comment on fait pour voir les hors-jeu à vitesse réelle ?
04:19Moi, je me dis, vous avez deux yeux qui regardent deux trucs différents,
04:22à la fois le ballon, la ligne, comment vous faites ?
04:24On va dire que c'est une habitude, c'est un travail, c'est une habitude.
04:27On est vraiment basé sur l'alignement de l'avant-dernier défenseur,
04:32parce que pour nous, le dernier défenseur est le gardien de but.
04:35Pour ma part, dans ma tête, à chaque fois, c'est hors-jeu par hors-jeu, hors-jeu par hors-jeu.
04:40C'est-à-dire que je me base sur la ligne de défense.
04:42Si je vois l'attaquant dépasser devant, je me dis hors-jeu.
04:45Et on a un peu cette faculté à regarder de travers, en regardant où est le ballon.
04:50Et malgré, des fois, l'ambiance, malgré un peu la pression,
04:55malgré les cris des spectateurs et autres, on entend quand même le départ du ballon.
04:59Après, il y a des hors-jeu qui sont très, très difficiles à juger.
05:02Souvent, quand l'attaquant est très, très proche de nous,
05:05on sait qu'on n'a pas ce recul et d'avoir un angle de vue assez large, on va dire.
05:11Donc voilà, quand on a l'attaquant et le défenseur qui sont très, très proches,
05:16c'est les hors-jeu les plus difficiles.
05:19Plus ils sont loin et plus on a une vision du jeu de l'attaquant, du défenseur et du passeur
05:26dans son champ de vision, on va dire.
05:28Donc, c'est un peu plus facile à juger.
05:31Comment vous vivez un match ?
05:32Est-ce que ça passe vite ? Est-ce que ça peut être long ?
05:35On est attentif tout le temps ?
05:36J'imagine qu'on est tout le temps aussi en train de communiquer entre les arbitres,
05:39dans les oreillettes, on se parle, comment ça se passe ?
05:41On communique très souvent durant le match.
05:45Après, on a cette capacité aussi, des fois, à se taire pour laisser la concentration
05:51parce que l'arbitre central prend, on va dire, entre 100 et 150 décisions
05:56de siffler ou de ne pas siffler, d'analyser une situation par match.
06:00Donc, il faut qu'il soit hyper concentré.
06:03Nous, quand on se rapproche, pour les deux assistants,
06:06quand on se rapproche des zones de vérité, des zones de réparation,
06:09c'est qu'il y a un alignement.
06:10Il faut qu'on reste hyper concentré, que personne ne parle dans les oreillettes.
06:15Donc, dans cette partie, les matchs sont tous différents.
06:21Il y a des matchs où on arrive à la 43e minute, parce que le 4e arbitre,
06:25il reste une ou deux minutes de temps additionnel et on n'a pas vu le temps passer.
06:29Malheureusement, des fois, en fonction du jeu, en fonction de certaines typologies d'équipes,
06:37on regarde le chrono cinq ou six fois dans la mi-temps.
06:40Tout dépend des matchs, tout dépend des équipes, tout dépend de la volonté des joueurs,
06:45de l'état d'esprit des joueurs.
06:47On est souvent soumis à eux et on dit, si eux veulent jouer et qu'ils décident de vouloir accélérer,
06:57c'est vrai que des fois, je regarde le chronomètre deux ou trois fois dans le match
07:01et on est déjà à la mi-temps ou on est déjà à la fin du match.
07:03Et après, je ne vous cache pas aussi que des fois, au vu des conditions climatiques,
07:09des fois, on le regarde un peu plus souvent.
07:11Si on est une équipe qui n'attaque pas trop et qu'il fait très froid, qu'il y a beaucoup de vent,
07:15on regarde le chrono un peu plus souvent, mais on essaie de rester focus.
07:21Même s'il n'y a pas d'attaque de mon côté,
07:24on a une vision triangulaire entre les deux assistants et l'arbitre central,
07:28où c'est qu'on peut voir dans le dos de l'arbitre ou autre.
07:32Donc, on est obligé de rester focus à chaque fois.
07:34Donc, c'est vrai qu'on a 90, 95, même presque des fois 100 minutes
07:39où c'est qu'on essaie de rester le maximum concentré sur le match.
07:42Justement, vous parliez de trio, puisqu'en fait, le trio ne bouge jamais.
07:47C'est-à-dire que vous, vous êtes avec Benoît Bastien, arbitre central,
07:50et votre collègue Hicham Zakrani, qui est de l'autre côté, sur l'autre touche.
07:55Quel lien on a dans un trio comme ça, quand c'est toujours le même ?
07:58C'est une petite équipe, finalement ?
08:00C'est notre équipe, tout à fait.
08:01C'est notre équipe.
08:02On travaille comme ça depuis quatre ans maintenant.
08:06On sait quand quelqu'un a besoin de se concentrer,
08:09on sait quand on a besoin de rajouter une petite touche sur un mot, sur une situation.
08:14Donc, c'est beaucoup de process qu'on travaille comme ça en équipe
08:19et ça permet de fluidifier nos conversations,
08:23avoir immédiatement peut-être la bonne solution sur un avertissement,
08:27sur une exclusion, sur une faute.
08:29Et puis, il y a des semaines où je passe plus de temps avec eux qu'avec ma famille.
08:33Donc, au bout d'un moment, c'est des collègues de travail,
08:36mais aussi des très bons copains.
08:38Qu'est-ce qui vous a amené à l'arbitrage ?
08:39C'est quoi vos débuts ?
08:41Vous, le Frontinianais, mais qu'est-ce qui vous a amené sur cette voie-là ?
08:44Je jouais au foot avec des collègues.
08:46Et puis, un jour, un voisin me dit « je vais me lancer dans l'arbitrage ».
08:50Et je me dis « pourquoi pas ? ».
08:52C'était un « pourquoi pas ? » d'un voisin qui me dit « je me lance dans l'arbitrage, pourquoi pas ? ».
08:57Donc, pour passer les cours théoriques au district à Montpellier,
09:02on faisait les allers-retours, soit un week-end avec mon père,
09:06un week-end avec son père, parce qu'on était encore mineurs.
09:09Et puis, de fil en aiguille, ça m'a plu.
09:13Je trouvais ça assez sympa de voir d'autres footballs.
09:16J'ai eu la chance de progresser assez vite,
09:20de passer du district à la Ligue,
09:23et de la Ligue à être un candidat à la Jeune Fédération.
09:26Pour arbitrer des équipes de réserve de quilles professionnelles.
09:31Et je trouvais ça très très plaisant.
09:33J'ai alterné les deux au début, football et arbitrage.
09:37J'ai vite compris que l'arbitrage était un peu plus qu'une passion.
09:42Ça me procurait du plaisir tous les week-ends.
09:45Donc, j'ai arrêté progressivement le football pour me consacrer à l'arbitrage.
09:49Puis après, quand on commence à cet âge-là, on se dit « c'est un petit plus le week-end ».
09:54Et on aura notre travail toute la semaine.
09:57Mais voilà, j'ai eu la chance de progresser jusqu'en national.
10:01Et puis après, quand on est en national, on se dit « pourquoi pas, pourquoi pas, je suis arrivé en Ligue 2 ».
10:06Et pareil, pourquoi pas, pourquoi pas.
10:08Et donc, je suis arrivé en Ligue 1 et à partir de ce moment-là,
10:11j'ai préféré arrêter mon travail pour me consacrer à l'arbitrage
10:16et prendre du plaisir tous les week-ends sur les terrains de Ligue 1.
10:18Ce serait quoi votre message aux jeunes arbitres aujourd'hui
10:22qui peuvent parfois hésiter à se lancer dans certaines régions ?
10:26On a carrément une crise de vocation, on n'a plus assez d'arbitres.
10:28Ça serait quoi votre message, vous qui arbitrez en Ligue 1,
10:31mais qui avez évidemment fait tout le parcours ?
10:32N'écoutez pas les collègues, écoutez-vous à vous et lancez-vous.
10:39C'est des phrases souvent en bateau, mais on va dire que c'est une école de la vie.
10:43Mais c'est du plaisir, tout simplement, de se faire plaisir tous les week-ends
10:49en arbitrant différents matchs.
10:51De temps en temps, il y a un petit peu, il faut en parler aussi,
10:54il y a le côté un petit peu financier pour certains qui ne peuvent pas être négligeables
11:00parce que ça permet d'aider un petit peu pour la famille,
11:04pour mettre de l'essence à la voiture et autres.
11:06Donc ça permet tout ça, on reste toujours en haut du football.
11:10Et donc c'est ce côté-là où il faut s'écouter et passer la porte du district
11:17pour apprendre quelques règles de football
11:19et voir qu'être au milieu du jeu, c'est aussi un autre sport
11:24tout en favorisant le football sur les districts de la Ligue.

Recommandations