Pour 2024, le centenaire Jean Lafaurie a un programme bien rempli. Sept écoles en Seine-et-Marne, 6 dans les Charentes… Jusqu’à son dernier souffle, ce résistant ira voir cette jeunesse qui ne peut s’imaginer ce que fut la barbarie des camps. Lors de sa dernière rencontre à Caen, nous raconte-t-il, l’oeil vif et encore ingambe, « ils étaient près de 2000, 800 dans la salle, les autres connectés ». Ce 2 janvier, quand nous sommes allés le rencontrer pour Le Point, le vent hurlait autour de son pavillon de Nangis, mais Jean Lafaurie n’écoutait que sa flamme testimoniale qui l’incite à « toujours semer une graine »: « Un jour peut-être, quand je ne serai plus là, ces jeunes vivront une scène de violence, de racisme, ils se souviendront de ce que je leur ai raconté ». Il nous a cité une professeure d’histoire qui s’était levée lors d’un congrès pour témoigner que l’envie d’enseigner cette matière, de transmettre à son tour, lui était venue en l’écoutant.
#résistance #shoah #survivant #mémoire #france #génocide
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NewsTranscription
00:00 Il y avait beaucoup de nos copains qui, avant de mourir, nous demandaient ça.
00:05 Il faudra raconter, il faudra dire comment ça se passait dans les camps.
00:08 Moi, ce que je fais, je considère que c'est un devoir,
00:12 que je dois justement aux 400 qu'on a perdus.
00:16 Parce qu'on a quand même perdu 400 hommes entre Dachau et puis les autres camps.
00:26 Pourquoi on fait de la résistance ? Parce qu'on n'est pas d'accord avec le régime de Vichy.
00:31 On n'est pas d'accord non plus d'être occupé par les Allemands.
00:35 Moi, j'ai changé de golfe.
00:36 D'ailleurs, ça a été le premier geste de résistance que j'ai fait,
00:40 parce que l'appel du 18 juin a été lancé par une radio de Londres.
00:47 Il y avait très peu de TSF à l'époque.
00:49 Donc, personne pratiquement l'avait entendu.
00:52 Et à Marseille, ce discours était sorti sur un journal.
00:55 J'ai réuni trois copains et on a, toute la nuit,
00:58 on a recopié ça sur des feuilles de cahier pour les distribuer sous les portes.
01:02 Quelques jours après, on entendait des gens qui parlaient de ce discours,
01:07 alors que personne ne l'avait écouté.
01:10 Donc, ça a été fructueux.
01:11 On était nombreux, 1 200, c'est beaucoup.
01:21 Et on a eu un directeur de centrale exceptionnel
01:27 qui a fermé les yeux sur tout ce que nous faisions.
01:30 On a d'abord transforcé la centrale d'Aïs en université populaire,
01:36 parce qu'on a demandé à continuer à s'éduquer,
01:40 ce qui nous a permis de faire rentrer des livres et du matériel.
01:43 Et puis, comme on avait beaucoup de militaires,
01:46 il s'est formé un état-major.
01:48 Et nous avons formé un bataillon à l'intérieur de la centrale.
01:52 Ça a été une deuxième naissance, parce que, vous savez, à 20 ans,
01:56 je n'avais pas tout à fait 20 ans, on croit qu'on est des hommes,
02:00 on connaît tout.
02:01 Et j'ai aperçu que j'ai beaucoup, beaucoup appris à Aïs.
02:06 On était en train de préparer une deuxième évasion,
02:14 parce que sur le front, les nouvelles étaient meilleures
02:17 et que les Allemands me perdaient partout.
02:19 On disait, on n'aura peut-être plus de chance.
02:21 Et le 30 avril, on voit les Allemands rentrer dans la centrale
02:27 à 5 heures du matin, rentrer dans les vestiaires,
02:30 et un coup de crosse, il faut s'habiller,
02:33 et après s'habiller comme on pouvait,
02:35 avec, s'ils ne nous laissaient pas le temps.
02:38 Après, ils nous ont emmenés dans la cour,
02:40 il fallait rester comme ça jusqu'à 2 heures de l'après-midi,
02:44 garde à vous, c'est-à-dire bien raide,
02:46 à chaque fois qu'il y en avait, on pliait les genoux,
02:49 avec des coups de crosse.
02:50 À 2 heures de l'après-midi, il y a des camions qui sont arrivés
02:54 avec des colis de la Croix-Rouge,
02:55 on nous a donné un petit colis qu'il fallait tenir sur la tête.
02:58 Et puis des camions sont arrivés, des camions militaires,
03:02 où il fallait rentrer, on était les uns sur les autres,
03:05 parce qu'il fallait toujours plus, toujours plus.
03:08 Et puis il y en a 5 qui n'ont pas pu rentrer dans les camions,
03:11 et ils ont couru de la prison jusqu'à la gare de Pennes,
03:15 c'est-à-dire pendant 12 kilomètres.
03:17 Il y en a un qui est tombé, c'était un républicain espagnol.
03:23 Nos camarades ont voulu le reprendre,
03:25 ont foutu leur colis en l'air pour pouvoir lui porter secours.
03:29 Ils l'ont obligé à le lâcher,
03:30 ils l'ont assassiné comme ça d'une balle dans la tête.
03:33 Un deuxième a eu le même réflexe et qui est parti,
03:36 mais les camarades l'ont vu assez tôt,
03:39 ont pu le soutenir et l'ont porté pratiquement jusqu'à la gare de Pennes.
03:43 Et après la gare de Pennes, il y avait le train qui était là,
03:47 avec les wagons à bestiaux.
03:48 À Dachau, tout de suite on a organisé la solidarité.
03:57 Quand on recevait notre ration de pain,
03:59 on en prenait un morceau qu'on mettait pour la solidarité.
04:02 Un morceau c'était pas beaucoup,
04:04 mais quand vous aviez 400 morceaux de pain,
04:07 ça faisait quand même une quantité.
04:09 Et quand un gars avait pas le moral,
04:13 on allait lui dire quelques paroles de réconfort,
04:17 on lui donnait un paquet de pain,
04:18 tout de suite il y avait une petite lumière qui s'allumait dans les yeux
04:21 parce que la faim était toujours là,
04:25 la faim, le manque de sommeil, c'était tout le temps, tout le temps.
04:30 J'avais eu un accident, je m'étais piqué avec une pointe,
04:33 c'était dans un commando de maçons.
04:35 Donc je souffrais tellement parce que ça avait pris tout le bras,
04:38 j'avais la main qui était traversée, j'avais le bras qui était comme ça,
04:42 et je voulais me laisser mourir,
04:43 je me suis dit je m'alimente plus, je veux mourir.
04:45 Et j'avais un camarade de Marseille,
04:49 qui s'appelait Pierre Doise,
04:51 qui a été après député des Bouches du Rhone d'ailleurs.
04:55 Et il me dit, petit Jean,
04:58 Jeannot qui m'appelait,
04:59 "Jeannot, si tu te laisses aller, crois-moi,
05:02 je vais te monter le cul, que ça te fera plus mal que l'autre fera."
05:06 Eh bien ça m'a fait rien.
05:08 Et puis de là c'est reparti,
05:10 ils faisaient pas grand-chose des fois pour remonter le moral.
05:13 On a sauvé beaucoup de personnes parce que
05:16 la mortalité était de 55%
05:20 pour les Français dans les camps,
05:22 et nous on est à 35%.
05:25 Mais le grand nombre de morts,
05:27 ça a été dans des petits commandos où ils étaient complètement isolés,
05:31 ils pouvaient pas organiser quoi que ce soit.
05:33 Les Allemands veillaient à ça,
05:35 ils voulaient pas qu'il y ait une organisation de solidarité.
05:39 Quand je suis rentré,
05:45 je faisais 36 kilos le 30 avril.
05:48 Mais on est rentré que le 18 juin,
05:51 c'est passé deux mois.
05:53 15 jours après, je travaillais moi,
05:54 parce que pas dans ton moyen de vivre.
05:57 J'étais avec ma grand-mère,
06:00 c'était moi qui étais un peu le...
06:04 le support de ma grand-mère.
06:05 J'ai commencé à témoigner quand j'étais à la retraite.
06:13 Avant, on aurait voulu parler dès notre retour,
06:17 mais on ne nous croyait pas.
06:18 Ma mère elle-même ne me croyait pas.
06:20 Elle m'a dit "c'est pas possible",
06:21 parce qu'elle se dit "ça existe pas,
06:22 il n'y a pas que des sauvages en Allemagne,
06:25 il y a des gens comme nous".
06:26 Je suis allé à Paris pour trouver notre association,
06:30 l'Association des Déportés Internés Résistants Patriotes.
06:33 C'est là que je leur ai dit "maintenant je suis disponible
06:37 pour pouvoir faire des témoignages".
06:40 Le premier temps, j'ai eu des cauchemars,
06:42 le premier temps, je me suis dit "je sais pas".
06:45 Parce que ça revenait la nuit assez souvent.
06:49 Et puis après, je crois que c'est la naissance de ma fille,
06:54 mon aîné qui m'a fait sortir de là,
06:59 qui m'a dit que j'avais une autre priorité.
07:02 Et on pense, on est du passeur de mémoire,
07:05 c'est-à-dire qu'on espère que cette mémoire,
07:08 elle sera reportée par ceux qui les écoutent.
07:11 Sous-titrage ST' 501
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