• il y a 11 mois

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Transcription
00:00 *Générique*
00:05 Marguerite Caton, je vous salue !
00:08 Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:10 Et ce matin, vous revenez sur les manifestations des agriculteurs.
00:14 Oui, j'aimerais qu'on élucide le fameux pacte vert européen qui cristallise la colère des agriculteurs
00:19 et dont le contenu apparaît carrément explosif au vu des manifestations en France,
00:24 mais aussi en Allemagne, en Pologne, en Roumanie.
00:26 Pour rappel, en quelques mots, le pacte vert c'est la grande stratégie d'union pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
00:33 Elle se déploie dans tous les secteurs, l'industrie, les transports, l'énergie et bien sûr l'agriculture
00:38 qui bénéficie même d'une feuille de route particulière, farm to fork, de la ferme à la fourchette assortie d'un plan pour la biodiversité.
00:46 Pierre-Marie Aubert, vous allez nous expliquer tout ce qui est prévu dans ce plan.
00:50 Vous qui êtes ingénieur agronome et directeur du programme agriculture de Lidry,
00:54 l'Institut du développement durable et des relations internationales. Bonjour.
00:58 Bonjour.
00:58 Merci d'être là. Évoquons d'abord le cadrage général.
01:02 À quoi doit ressembler l'agriculture en 2050 dans l'esprit de la Commission européenne ?
01:07 L'esprit de la Commission, il est reflété dans le texte que vous avez mentionné de la fourche à la fourchette.
01:13 Et il est assez cohérent avec les travaux qui s'intéressent à qu'est-ce que c'est qu'un système alimentaire qui est dans les limites planétaires
01:21 et nous pointe vers trois directions pour aller vite.
01:26 Pour un système alimentaire qui soit dans les limites planétaires, il faut diminuer le recours aux intrants de synthèse.
01:33 Il faut réduire les pertes et gaspillages et il faut réduire la quantité des produits animaux qu'on met dans l'assiette.
01:39 Ça, c'est les trois piliers sur lesquels il y a vraiment un consensus dans la littérature scientifique.
01:43 Et la Commission, s'il n'est pas trompé, c'est l'esprit qu'elle a insufflé dans la stratégie farm to fork.
01:49 Et ça, ça doit permettre de baisser les émissions, mais surtout d'adapter le système alimentaire et de maintenir, voire restaurer,
01:57 ses capacités productives par rapport au choc qui arrive et évidemment d'assurer une alimentation saine et durable à l'ensemble des Européens.
02:05 Donc voici pour la fin les objectifs, venons-en aux moyens que contient concrètement le plan de la ferme à la fourchette.
02:11 Donc on a parlé de l'esprit, maintenant regardons un peu, si j'ose dire, la lettre.
02:15 La stratégie farm to fork est assortie d'un plan d'action qui contenait en 2020 27 projets de nouveaux textes ou bien de révision de textes existants
02:25 qui étaient censés donner corps à l'esprit insufflé par le texte de la stratégie.
02:31 Alors ces 27 textes ?
02:32 Donc dans ces 27 textes, il y avait des choses aussi diverses et variées qu'une révision sur les indicateurs de durabilité sur les fermes,
02:38 une révision des statistiques sur l'usage des pesticides,
02:41 la mise en place d'un cadre législatif sur les systèmes alimentaires durables qui était de loin la partie la plus novatrice,
02:48 une révision de la directive sur l'usage durable des pesticides et j'en passe.
02:52 Aujourd'hui, le plan d'action donnait une feuille de route échelonnée entre 2020 et 2023 pour ces 27 textes ou révision.
03:02 - Donc on peut en faire le bilan aujourd'hui ?
03:04 - Voilà, et si on fait le bilan aujourd'hui, qu'est-ce qu'on voit ?
03:05 On voit que 8 communications ont été effectivement publiées.
03:09 Donc il faut bien voir que la diversité des textes qui étaient proposés,
03:12 il y avait des choses qui étaient de l'ordre des communications,
03:14 c'est-à-dire la commission s'exprime vis-à-vis des co-législateurs, le Parlement et le Conseil,
03:19 pour dire "voilà une orientation générale que je voudrais prendre".
03:22 Il y avait des projets de directive ou des projets de réglementation.
03:25 Et la nature de ces textes est bien très différente.
03:27 Une communication, ça n'engage entre guillemets à rien, ça donne une direction.
03:31 Donc 8 communications, chouette,
03:33 une modification de règlement pour permettre l'usage des préparations naturelles peu préoccupantes
03:40 et des produits de biocontrôle en matière phytosanitaire,
03:44 donc pour autoriser des choses,
03:46 en gros pour pouvoir utiliser dans la lutte contre les ravageurs sur les champs,
03:54 des substances non chimiquement directement actives et qui vont jouer sur des propriétés biologiques.
03:59 Donc plutôt autoriser qu'interdire.
04:01 Et tout le reste, soit il y a eu une proposition de la commission,
04:07 et c'est avec les autres co-législateurs, le Parlement et le Conseil,
04:10 parfois a été carrément rejeté,
04:12 c'est le cas de la proposition de révision de la directive sur l'usage durable des pesticides.
04:17 - C'était en novembre, rejetée par le Parlement.
04:19 - Et puis il y a 12 autres textes qui sont purement et simplement, on ne sait pas où ils sont.
04:23 Ils sont avec la commission, mais ils ne sont pas dans le plan de travail 2024.
04:26 Et avec les élections de mai, à priori,
04:30 il y a de fortes chances qu'une partie non négligeable de ces textes,
04:33 voire leur totalité, soit abandonnée.
04:34 Et en l'occurrence, deux d'entre eux, le cadre législatif,
04:37 le projet de cadre législatif sur le système alimentaire durable,
04:40 qui devait donner un cap et un cadre,
04:42 et le paquet dit "Bien-être animal".
04:45 - Il y a quand même peut-être un mot à dire sur la directive IED,
04:48 celle qui concerne les émissions industrielles.
04:50 Ça, ça s'applique aux éleveurs, non ?
04:52 - Alors la directive IED, effectivement, elle ne fait pas partie de la FarmShore en tant que telle.
04:56 Elle était dans un autre paquet du Green Deal.
04:59 Et effectivement, elle prévoyait initialement deux choses.
05:03 D'une part, de réduire...
05:05 Donc, pardon, cette directive-là, qu'est-ce qu'elle cherche à faire ?
05:07 Elle cherche à réduire les polluants atmosphériques issus des installations industrielles.
05:12 Les élevages de grande taille, historiquement,
05:13 étaient considérés comme des installations dites "industrielles",
05:16 et donc étaient soumis à cette directive,
05:19 avec des seuils différents pour les porcins et les volailles.
05:21 40 000 pour les volailles, 20 000 pour... 2 000 mères pour les porcins.
05:24 Et l'idée, c'était de faire deux choses.
05:26 D'abaisser les seuils pour les porcins et les volailles.
05:29 Donc, c'est-à-dire de considérer un élevage de porcins avec...
05:34 Je ne sais plus exactement, mais plutôt moins de 2 000 truies,
05:36 et les élevages de volailles avec moins de 40 000 places,
05:39 déjà comme des installations industrielles,
05:40 et d'inclure les bovins.
05:43 In fine, l'accord qui a été trouvé en novembre dernier,
05:48 c'est finalement d'exclure les bovins.
05:50 Et la négociation sur les seuils, sur la volaille et les porcins, est toujours en cours.
05:55 Mais a priori, il n'y aura pas une coupe aussi drastique que ce qui était envisagé.
06:00 - Donc, on comprend qu'il y a soit de la communication dans le pacte vert,
06:03 soit des textes qui ont été abandonnés.
06:04 Alors, une question s'impose.
06:06 Pierre-Marie Aubert, pourquoi les agriculteurs hurlent-ils aujourd'hui contre une coquille vide ?
06:10 Pourquoi des manifestations maintenant, alors que la bataille est terminée ?
06:13 Elle a eu lieu en novembre.
06:15 - Alors, je pense que sur ce pacte vert, il ne faut pas se tromper.
06:19 L'esprit qui a été insufflé par la Commission,
06:22 avant même de parler de la lettre, a été excessivement combattu,
06:26 incompris, rejeté par le monde agricole.
06:31 Il a été combattu parce qu'il reflétait, selon beaucoup d'entre eux,
06:36 un projet de décroissance inacceptable de la production agricole.
06:41 Et qu'à ce titre-là, il est invraisemblable que le monde agricole puisse le soutenir.
06:47 Et il me semble que derrière ça,
06:49 quel que soit ce qui s'est passé réellement en termes de textes législatifs,
06:53 ça suffit à mobiliser les gens contre ce projet, cette direction de transformation.
07:02 Et qu'aujourd'hui, tout ce qui est vu comme arrivant de Bruxelles,
07:06 comme une nouvelle contrainte, on l'associe au pacte vert en disant
07:10 "ce truc-là, c'était tellement déconnant,
07:11 que s'il y a un truc déconnant qui m'arrive, c'est forcément de la faute de ce machin-là".
07:15 - Oui, donc on comprend qu'en fait, cet esprit de la Commission que vous nous aviez dit au début,
07:18 diminuer les intrants et réduire les produits animaux dans l'assiette,
07:21 donc végétaliser l'alimentation, mais donc possiblement réduire les cheptels,
07:25 pour les agriculteurs, c'est en fait synonyme de moins de productivité,
07:28 moins de compétitivité, donc moins de revenus.
07:31 C'est vraiment impossible d'admettre.
07:33 Merci beaucoup, Pierre-Mario Baer.
07:34 Je rappelle que vous êtes ingénieur agronome et directeur du programme agriculture de LIDRI,
07:38 l'Institut du développement durable et des relations internationales.
07:41 Merci.

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