• il y a 10 mois
Annaïg Lefeuvre, responsable du Cercil à Orléans.

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00:00 Il est 8h moins 10, nous accueillons maintenant notre invité pour les témoins de l'actu Juliette.
00:07 Le Cercil, le musée mémorial des enfants du Veldiv à Orléans accueille à partir de ce soir
00:12 des collégiens, lycéens et enseignants pour un séminaire franco-allemand autour de la mémoire de la Shoah.
00:18 Oui, ils sont une cinquantaine d'élèves du centre Val-de-Loire et d'Allemagne pour préparer cette cérémonie
00:22 samedi, cérémonie de commémoration de la libération du camp d'Auschwitz.
00:25 Pour en parler avec nous ce matin, Anaïck Lefeuvre, bonjour.
00:28 Bonjour.
00:29 Vous êtes responsable du Cercil. Anaïck Lefeuvre, avant de parler des difficultés que vous rencontrez
00:33 parfois de plus en plus pour parler de la Shoah avec les jeunes, parlez-nous de cette cérémonie du 27 janvier.
00:38 Qu'est-ce qui va se passer concrètement ?
00:39 Alors d'abord, cette cérémonie a lieu samedi dans la cour du Cercil à midi et elle est ouverte à tous.
00:46 Vous pourrez voir une cinquantaine d'élèves, donc effectivement ceux qui sont issus de ce groupe
00:52 Mémoire croisée franco-allemand, également des ambassadeurs de la mémoire.
00:56 Donc peut-être que je dirais un mot de la manière dont sont impliqués des jeunes dans ces cérémonies.
01:03 Mais cette journée est importante, tous les ans commémorée.
01:08 Vous savez que depuis 2002, le Conseil de l'Europe a instauré cette journée de mémoire dédiée aux victimes de la Shoah
01:17 à l'initiative des ministres de l'éducation, membres du Conseil de l'Europe.
01:22 Alors qu'est-ce qui va se passer samedi ?
01:23 Alors ce qui va se passer samedi, d'abord il y a des choses que je ne sais pas sur ce qui va se passer samedi.
01:29 Pourquoi ? Parce que c'est aussi la place aux jeunes qui vont prendre la parole.
01:34 Et ils arrivent ce soir, là je pense qu'ils sont en train de monter dans un car,
01:39 qu'ils vont arriver pour certains ce soir à Orléans, que tout débute demain matin.
01:44 Et qu'au fond, le fait d'être ensemble, de réfléchir ensemble, de travailler ensemble,
01:51 de préparer cette cérémonie ensemble, il y a des choses que ni les enseignants, ni moi au CERCIL, je peux tout à fait prévoir.
02:00 Mais vous comprenez que l'intention, parce que dans cette idée de prévention des crimes contre l'humanité,
02:07 c'est aussi mettre cette mémoire face à eux, qu'ils en soient acteurs, qu'ils prennent part à ces cérémonies.
02:17 Alors ce sont surtout des jeunes, entre 14 et 18 ans, qui seront présents.
02:22 Comment parler du génocide juif, quand l'ère du témoin touche à sa fin, les derniers témoins de la Shoah sont en train de disparaître,
02:29 et pourtant ils ont un rôle essentiel dans la transmission, depuis les années 80,
02:32 ces survivants vont dans les écoles pour raconter ce qu'ils ont vécu.
02:36 Alors comment on aborde cette question maintenant ?
02:38 Effectivement, les témoins sont de moins en moins nombreux.
02:41 Il y a d'ailleurs un texte très fort que Simone Veil a prononcé en 2010 à Auschwitz,
02:48 qui précisément s'introduit comme ça, en disant "les rescapés ne sont plus qu'une poignée".
02:53 Et elle s'adresse aussi aux jeunes en disant "il vous appartiendra de rappeler ou non notre souvenir,
03:01 de rappeler les noms des disparus, de porter notre parole, et il vous appartient de faire quelque chose de cette vigilance".
03:10 Donc cette adresse existe depuis longtemps, les rescapés eux-mêmes ont conscience que leurs témoignages sont là
03:21 pour être entendus, pour que cette parole soit transmise.
03:25 Donc dans ce séminaire, je dirais que chacun joue son rôle, l'enseignant, le musée, pour transmettre,
03:35 pour enseigner cette histoire, et puis il se passe quelque chose avec ces élèves qui, en dehors d'un groupe classe,
03:42 se socialisent aussi un petit peu autrement, déplacent leur regard.
03:47 Vous parliez des difficultés tout à l'heure.
03:51 Il est vrai que quand on propose comme ça des moments de rencontre, en dehors de l'établissement scolaire,
03:58 sur un temps long, sur un temps collectif, on échappe un peu à cette pensée mécanique,
04:05 à cette pensée réflexe parfois un peu trop facile qui va vers une défiance de l'histoire.
04:12 Venez participer à cet échange, rejoignez-nous 0238 53 25 25 à votre avis.
04:17 Comment parler aux enfants de la Shoah et garder la mémoire de ce qu'ont fait les nazis pendant la seconde guerre mondiale ?
04:23 On vous attend avec notre invité ce matin sur France Bleu.
04:26 Marie Glefeuve, parlez-nous de ces difficultés que vous rencontrez.
04:29 Vous nous parliez de défiance avec les jeunes, c'est un phénomène qui est assez nouveau.
04:33 Oui, c'est vrai que quand je dis défiance, vous savez que la suspicion et le doute, ce n'est pas tout à fait pareil.
04:41 Que les élèves se posent des questions, c'est absolument normal, parce qu'on est là justement pour contribuer à leur esprit critique.
04:48 Dans cette défiance, il peut y avoir une sorte d'hostilité a priori.
04:53 Il y a plusieurs façons, il peut y avoir une pédagogie qui vise davantage à démontrer, à convaincre, point par point,
05:02 à démêler le fond du mur avec des photos, des lettres, des preuves, avec des photos.
05:06 L'une des forces, l'un des atouts au Cercile, c'est que c'est aussi un lieu d'archives.
05:12 Et qu'au fond, présenter des archives, des documents qui ont 80 ans,
05:18 qui sont des traces, qui sont des preuves, qui sont des documents fragiles, ça crée un rapport sensible.
05:25 Ça crée aussi un rapport inédit pour l'élève qui là, ne peut pas se contenter d'une parole à la volée,
05:36 d'une sorte de prête à penser, parce que parfois, les réseaux sociaux incitent à ça.
05:41 Parce qu'il faut dire aussi à leur décharge qu'ils croulent sous énormément d'informations.
05:48 Et qu'au fond, il faut se poser la question, comment on écrit l'histoire ?
05:53 À partir de quoi ? Avoir des archives, c'est avoir des sources.
05:57 Et il faut pouvoir les lire, les interpréter, les regarder, les analyser.
06:03 Et là, ça déplace, je pense, le regard et la pensée.
06:06 - Et ça, c'est un phénomène assez nouveau ? Est-ce qu'il y a 10 ans, c'était pareil ?
06:11 Les élèves, les jeunes, avaient besoin de ces "preuves" pour croire ?
06:14 - Ça se formulait peut-être pas tout à fait de la même façon.
06:17 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, même de façon plus explicite, il peut y avoir cette question,
06:22 comment on sait que c'est vrai ?
06:25 - Ça doit vous surprendre que des élèves vous posent la question ?
06:28 - Il faut l'entendre, ça peut être un point de départ.
06:33 Il faut effectivement, quand on sent que c'est une hostilité,
06:38 et quand on sent aussi que ça conduit à une indifférence,
06:41 parce que finalement, tout se vaut, c'est là-dessus.
06:45 C'est là où il faut être vigilant.
06:48 Et là, je crois que précisément, bien sûr, les témoignages,
06:52 mais également les archives, le fait d'être face à un objet,
06:59 d'être face à quelque chose qu'on ne connaît pas.
07:02 Et puis, ce temps d'il y a 80 ans est un peu abstrait parfois.
07:06 Donc, il faut trouver des moyens de mettre en contact des jeunes avec cette histoire.
07:11 - Abstrait, et à la fois, ça crée un ancrage chronologique de se dire que finalement,
07:15 en fait, là je vois, il y a encore des survivants, donc c'était pas si loin que ça, finalement.
07:19 Est-ce que les jeunes peuvent se dire ça aussi, quand ils voient ces témoins ?
07:24 - C'est effectivement loin et pas si loin.
07:27 C'est de plus en plus difficile, vous vous en doutez.
07:31 L'an prochain, d'ailleurs, la cérémonie, on sera 80 ans après la découverte du camp d'Auschwitz
07:38 par les troupes soviétiques.
07:40 C'est vraiment le lieu emblématique de la mise en œuvre du génocide.
07:45 Je dirais aussi qu'il y a les lieux.
07:47 Aller sur les lieux de mémoire.
07:49 C'est notamment ce groupe franco-allemand.
07:53 Il y a de la mobilité.
07:55 Des élèves français vont en Allemagne découvrir des lieux de mémoire en Sachsenalte.
08:00 Et les lieux de mémoire, c'est aussi interroger ce qu'il reste.
08:05 Il y a du vide dans cette histoire de la Shoah, qui est aussi une histoire d'anéantissement.
08:10 Il faut souvent essayer de comprendre par le vide.
08:13 - Et vous en parlez ce samedi 27 janvier.
08:17 Merci beaucoup à Naïg Lefebvre.
08:18 Vous êtes responsable du Cersei, le musée mémorial des enfants du Veldiv.
08:21 Merci beaucoup.

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